What do you make me do...

Malachi avait l’impression que cette soirée ne finirait jamais. Après avoir passé presque une heure dans le froid à attendre Jarod, il avait enfin pu passer les portes de la boite de strip tease pour rejoindre son ami. Il ne lui fallut pas plus de quelques minutes à l’intérieur pour déjà regretter le froid de la rue : La chaleur était étouffante à l’intérieur, et la sensation d’enfermement était alourdie par les nuages de fumée que crachaient les installations proches de la piste de danse. La playlist du Dj oscillait entre musiques lascives et beats de techno, alors que des individus fort peu vêtus zigzaguaient entre les canapés et les tables ou s’agglutinaient des groupes d’hommes, souvent d’âge mûr, leurs yeux rougis rivés sur une nymphette à peine majeure qui ondulait autour d’une barre de pole dance en dégrafant langoureusement son soutien gorge. Les auras de ses mâles en mal de sensations fortes étaient sans équivoque : du rouge, du rouge de partout, sanguin, palpitant. L’excitation était à son comble chez ses types qui avaient l’âge d’être les pères de cette pauvre gosse. Malachi se retint de doucher les ardeurs de cette bande de satires, mais malheureusement, il n’en avait pas le temps. Et surtout, s’occuper d’autant de personnes en un laps de temps si court risquait de le rendre trop … visible aux yeux des clients du coin. Déjà qu’il n’avait pas vraiment la tête d’un habitué des lieux …


Il longea les murs humides pour se diriger vers l’arrière boutique, avec un pas décidé tout à fait calculé : s’il avait l’air d’errer, n’importe quel membre du personnel le ramènerait gentiment vers la salle principale, songeant qu’il était trop ivre pour trouver le chemin tout seul. S’il avait l’air de savoir ce qu’il faisait, personne n’oserait lui barrer le chemin. Alors le voilà à avancer, la tête droite, le torse bombé, se concentrant à ne pas s’écarter pour laisser passer qui que ce soit, forçant le passage comme jamais il n’aurait songé une seule seconde à le faire en temps normal. A croire qu’il commençait à rentrer dans la peau du personnage… ou pas, à la vue du rouge vif de ses joues et de ses oreilles quand une nouvelle danseuse lui passa devant dans le couloir exigu, son corps huilé effleurant celui du timide motiopathe. Il remercia tous les dieux du ciel qu’il fasse si sombre, alors qu’il trouvait enfin le chemin du vestiaire. Il entra dans la pièce à peine plus éclairée sans toquer, comme la personne qui savait ce qu’elle faisait qu’il n’était pas. La pièce n’était pas grande, avec juste quelques casiers, des bancs et une coiffeuse recouverte de maquillage étalé sur la table dans un semblant de rangement. Malachi sortit les mains de ses poches, dézipant sa veste en cuir pour la poser simplement sur ses épaules, épongeant la sueur sur son front en balayant l’ensemble du regard : il avait l’impression d’être dans un autre monde, un univers auquel il n’appartenait absolument pas. Il s’assit sur un des banc branlant, l’air alerte, priant pour que la prochaine personne qui passe la porte soit bien Jarod, et non pas un autre curieux à qui il devrait inventer un nouveau mensonge pour justifier sa présence ici …