La belle releva la tête, se remettant difficilement sur ses jambes en s’éloignant des toilettes. La matinée avait beau être bien entamée, les nausées matinales semblaient persister. Un fardeau pour Roos qui commençait à regretter son choix. Pourquoi avoir gardé ce foutu bébé ? La part d’égoïsme de la jeune femme commençait à reprendre le dessus, se maudissant d’avoir pris une telle décision. Pourtant, c’était cette même part de d’égoïsme qui l’avait poussé à garder l’enfant. En sept semaines, elle y avait longuement pensé, elle avait retourné le problème dans les sens : chaque fois, sa raison lui dictait d’avorter. Après tout, elle n’avait que vingt-deux ans, n‘avait sans relation sérieuse et sa vie était loin d’être stable, même débarrassée de sa malédiction. Pourtant, elle trop têtue, elle n’en avait eu que faire de sa raison ; une décision impulsive poussée par ce désir soudain de tenir l’enfant dans ses bras. La rousse n’avait jamais été du genre à s’extasier devant le premier bébé venu ; pourtant l’idée d’avoir le sien, l’idée de ne plus être seule. Elle voulait quelque chose de plus à sa vie, et cette grossesse était arrivée au bon moment. Une décision purement égoïste, décidément. Mais c’était une part d’elle à laquelle Roos avait rarement laissé paraitre. Pour elle la décision était prise ; pourtant, il restait une part du problème à qu’elle devait confronter. Le père de l’enfant, Alvin. Deux semaine qu’elle avait appris l’existence de l’enfant, et elle n’avait pas encore trouvé le courage de lui annoncer. Elle aimait ce sentiment, ce secret qu’elle était la seule à connaitre. Pour le moment, c’était son secret, son bébé. Mais elle ne pouvait pas lui cacher l’existence de l’enfant pour toujours. Même son égoïsme rencontrait des limites. Elle se rinça la bouche et releva son regard vers le miroir qui lui faisait face. Sa main vint instinctivement se déposer su son ventre encore plat. Plus pour longtemps.

La jeune Bristow s’habilla chaudement ; elle avait beau supporter le temps hivernal de Radcliff, à mille lieu de l’hiver Canadien, elle devait maintenant prendre soin de quelqu’un d’autre. Manteau sur le dos, écharpe autour du cou et bonnet solidement planté sur sa tête, la belle quitta son petit appartement, la boule au ventre. Deux semaines qu’elle cherchait la bonne manière de l’annoncer à Alvin, deux semaine que les mots s’arrangeaient encore et encore dans sa tête pour former la phrase correcte. Impossible. Elle avait finalement décidé de lui donner rendez-vous, et d’improviser une fois sur place. Une erreur surement. Mais maintenant que le rendez-vous était fixé, il n’y avait plus moyen de reculer. Roos arriva à la fête foraine quelques minutes de marche plus tard, sur le petit parking reconvertit, éclairé de milliers de petites lumières colorées. Une sourire timide s’étira sur ses traits. Elle avait toujours aimé les fête foraine, et l’ambiance chaleureuse qu’elles dégageaient. Enfant, c’est elle qui emmenait de force le reste de la famille lorsque l’un d’entre elles s’installer dans leur quartier. Emplie d’une nostalgie enfantine, la belle laissa son esprit vagabonder lorsque la voix d’Alvin la rappelle à l’ordre. Il la salua, et un sourire  tendu éclaira maladroitement ses traits fatigués pour toute réponse. « Comment ça va ? » La belle plongea son regard dans celui du jeune Townshend ; les mots étaient bloqués dans sa gorge. Elle voulait répondre, pourtant, l’envie de lui annoncer la nouvelle semblait éclipser n’importe qu’elle autre réponse. Roos se retînt. Elle ne pouvait simplement pas lui dire comme cela. « Ca … Ca va. » finit-elle finalement par lancer après plusieurs secondes de silence. « Et toi, ça se passe bien depuis la dernière fois ? » Un sourire gêné vint s’installer sur ses traits. Elle était perdue, ne sachant pas comment réagir. Plus elle attendait, plus l’envie de lui balancer la nouvelle au visage était forte. Le jeune homme lui proposa une bière, et la belle dû retenir un rire nerveux. « Ca va aller, merci. » souffla-t-elle nerveusement. « Je n’aime pas vraiment la bière. » Ce qui n’était pas vraiment un mensonge ; la belle n’avait jamais vraiment aimé le goût de l’alcool, seulement la sensation qu’il provoquait. Et si ça n’avait pas été dangereux pour le bébé, elle aurait vivement accepté de quoi lui donner le courage d’annoncer la nouvelle. « On va faire un tour ? » finit-elle par proposer. Avec un peu de chance, l’ambiance festive de la foire lui permettra de se détendre un peu, et de trouver le bon moyen de lui annoncer.

Dans la rue, des sourires éclairaient les visages fatigués par le climat de la ville. Un peu de légèreté, ça ne ferait de mal à personne. Les gens se pressaient vers la fête foraine par petits groupes, emmitouflés dans leurs chauds habits d’hiver. Des traits tirés cédaient sous l’excitation de la fête ; on devait surement se dire que pour une fois, la guerre qui faisait rage en ville allait s’arrêter, le temps d’une journée. Qu’on allait mettre de côtés ses différents et profiter des joies et des manèges pour se changer les idées. La dernière fois que Roos avait pensé cela, elle s’était retrouvée coincée sous un bloc de béton ; l’attelle toujours autour de son poignet était là pour lui rappeler. Elle avait peur qu’une nouvelle catastrophe s’abatte sur la fête, comme lors de la fête des fondateurs ; certains de ses clients lui avaient d’ailleurs avoué ne pas vouloir se risquer à venir. Mais elle n’avait pas prévu de rester longtemps, juste le temps de trouver Alvin, et peut-être Viktor. Elle n’avait pas la tête à faire la fête de toute manière, trop de choses la préoccupaient pour qu’elle s’abandonne aux joies de la fête foraine. Inconsciemment, elle passa une main sur son ventre. Cela l’apaisa, comme si l’idée de bientôt accueillir cet enfant suffisait à atténuer tous ses problèmes, comme s’il avait le pouvoir de mettre ses soucis en perspective. Cet enfant, c’était un nouveau départ pour elle, et elle avait l’impression de tout pouvoir laisser derrière elle. Enfin pas tout. Car il resterait toujours Alvin. Elle pressa le pas, soucieuse d’arriver en retard. Lui le serait surement, mais elle, elle voulait être là avant. Elle voulait avoir le temps de réfléchir à ce qu’elle allait dire, à comment elle allait l’annoncer. La brune avait essayé à plusieurs reprises, sans trouver les mots justes ; elle doutait d’ailleurs de pouvoir les trouver un jour.

Arrivée finalement au lieu de rendez-vous, l’angoisse s’insinua petit à petit dans son corps chétif. Dans peu de temps, Alvin allait arriver, et il lui faudrait trouver le bon moment pour lui annoncer. Il allait falloir que les mots se décident à sortir de sa bouche. Dans l’ordre, de préférence. Plus les secondes filaient, plus la tâche semblait insurmontable. Seule l’ambiance festive de la fête arrivait à apaiser ses nerfs à vifs, alors elle décida de se plonger dans les souvenirs pour oublier ce qui devait se passer. Puis il arriva. Avec son sourire charmeur, il lui proposa une bière. Elle refusa, s’expliquant peut-être trop. Allait-il deviner ? Cela serait tellement plus simple comme ça. Mais sans succès, l’homme souligna seulement la bizarrerie de la chose. Si elle n’avait pas été si stressée, Roos aurait surement pris la mouche ; elle n’avait jamais compris l’obsession qu’avaient les homme avec la bière. Elle lui proposa de faire un tour, cela réussirait peut-être à l’apaiser un peu. Alvin accepta, et ils pénétrèrent ensemble dans la petite fête foraine. « Ils font vraiment cette fête tous les ans ? » Roos acquiesça, peut-être un peu trop vivement. Le stress la rongeait, les mots voulaient sortir à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche. Elle voulu entamer une réponse, lui dire que oui, que chaque année c’était une réussite, que c’était la troisième fois qu’elle y venait. Elle voulait vraiment trouver me moment opportun, trouver une approche appropriée pour ne pas effrayer son sauveur. Elle aurait voulu faire les choses bien, mais peu de choses dans sa vie se déroulaient comme elle le souhaitait. Sa respiration se stoppa, et elle arrêta d’avancer ; elle fixait le jeune homme d’un regard apeuré et empli d’angoisse. Elle devait surement avoir l’air d’une folle, avec ce regard ; mais le stress qu’elle avait accumulé pendant cette semaine allait de lui exploser au visage. « Je suis enceinte Alvin. » lança-t-elle brutalement, d’une traite, pour toute réponse à son innocente question. Sans lui laisser le temps de rien dire, elle continua. « De toi. » jugea-t-elle bon de préciser. « Et je veux le garder. » finit-elle, reprenant enfin une respiration. Roos était figée, attendant, anxieuse, une réaction de la part du père de l’enfant.

Autour d’elle, les gens s’attroupaient à l’entrée de la fête, s’enfonçant à travers les attractions pour une parenthèse plus légère. Roos y aurait d’ailleurs volontiers pris part, elle aurait voulu revenir en enfance et se perdre dans le labyrinthe, pêcher les canards et rentrer avec un poisson rouge. Elle aurait voulu s’abandonner, et retrouver la quiétude de ses jeunes années. Avant que son pouvoir ne gâche tout, avant que sa vie ne lui file entre les doigts. Elle voulait redevenir la gamine plein de vie, celle qui avait encore de l’espoir ; mais elle ne savait pas comment faire. La seule chose que la brune était en mesure de faire, c’était prendre un nouveau départ et tâcher de laisser derrière elle ces années de malheur. L’enfant qu’elle portait, c’était le meilleur moyen de faire cela : elle devrait avancer, pas pour elle, mais pour lui. Pour être sur qu’il n’ait pas à endurer ce qu’elle avait dû vivre. Depuis qu’elle avait découvert sa grossesse, elle avait enfin retrouvé de l’espoir. Et aujourd’hui, c’était ce qui la faisait avancer. Que Alvin accepte ou non sa décision, elle n’en changerait pas. Car c’était bien la seule chose qui la poussait à se lever chaque matin. Une lueur dans son quotidien si sombre.

La jeune Bristow entendait la voix de son sauveur s’élever dans l’air gelé, mais les mots ne faisaient pas de sens dans son esprit chaotique. Elle n’arrivait plus à penser clairement, elle ne savait plus quoi dire. Tout ce qu’elle voulait dire, c’était la vérité. Tout ce qu’elle voulait, c’était lui annoncer la nouvelle. La belle avait toujours détester tourner autour du pot, ayant trop peu de patiente pour ce genre de chose. Elle voulait bien faire les choses, lui annoncer en douceur qu’il puisse se préparer au choc. Connaissant Alvin, elle savait qu’elle aurait besoin de tact pour annoncer une telle chose ; et pourtant. Pourtant les mots sortirent tout seuls, sans même lui laisser l’occasion de faire quelque chose. Son cerveau en avait décidé autrement, décidant de ne pas coopérer avec la bonne volonté de l’ancienne mutante. Dans un souffle, elle sortit ce qu’elle avait sur le coeur. Ses mains tremblait, son coeur tapait si fort contre sa poitrine qu’elle avait l’impression qu’il allait s’échapper. Son souffle court attendait avec appréhension la réponse du jeune Townshend. Pour toute réponse, la bouteille de bière qu’il tenait à la main explosa sous les yeux ronds de Roos. La belle fit un pas en arrière, portant ses deux mains sur sa bouche pour retenir le cri resté bloqué dans sa gorge. Elle pouvait apercevoir le sang couler le long de sa main, pourtant Alvin ne réagissait pas. Dans un état second, l’homme souffla longuement. « Alvin ? » lâcha la belle en s’approchant de son interlocuteur, soucieuse de son état. Il allait surement avec besoin de soins pour sa main. « Enc … » souffla-t-il, gardant le reste du mot pour lui même. « J’ai rarement demandé ça à une fille, d’habitude, elles le font sans que je demande. J’ai vraiment besoin que tu me colles une grosse claque en plein visage. » Roos se redressa, plantant son regard interrogatif sur le visage d’Alvin. Il avait l’air sérieux. Pour une fois. Ce n’était pas faute de vouloir le frapper ; bon nombre de  fois, elle avait dû se retenir de ne pas lui envoyer une bonne claque. Il y avait quelque chose chez lui, qui la rendait violente. Une sorte d’arrogance qu’elle aimait autant qu’elle détestait. Pourtant, elle essayait d’avoir une conversation sérieuse. « Alvin, je peux pas simplement de frapper comme ça, je peux pa-» Elle n’attendit même pas de finir son excuse peu convaincante ; sa main vola toute seule sur son visage. Ses doigts gelés vinrent s’écraser sur sa joue, qui rougit automatiquement à cause de froid, laissant la trace de ses doigts ancrée sur sa peau. « Je suis désolée, c’était trop tentant finalement. » Un mince sourire enfantin s’étira sur ses traits amusés, trop heureuse d’avoir finalement cédée. Elle toussota, puis reprit son sérieux.

Roos n’avait jamais été une grande diplomate. Elle savait jouer avec les mots, conséquence de longues heures de lecture intensives ; mais seulement à l’écris. Elle n’avait jamais été la fille la plus éloquente du monde, elle s’emmêlait toujours les pinceaux. Avec le feu de la action, les mots se mélangeaient, impossible de trouver un ordre dans tout ce chaos. Peut-être qu’elle aurait dû lui écrire une lettre. Un peu trop dix-neuvième siècle à son goût, un sms aurait surement pu faire l’affaire. Mais ce n’était pas le genre de chose qu’on annonçait par message. Il avait fallu qu’elle le lui dise en face, aussi maladroit que cela avait été. Roos n’aimait définitivement pas ça, les mots, en voyant dans quel état elle avait plongé le jeune homme. Tant pis. Au moins c’était fait. Elle avait l’impression d’être plus légère, d’avoir enlevé ce qu’elle avait sur le coeur. Certes, Alvin semblait sous le choc, mais au moins c’était fait. Quelle était l’autre alternative ? Elle n’aurait pas pu garder cet enfant secret toute sa vie. Alvin avait le droit de savoir, le droit de vouloir prendre part à la vie de sa progéniture. En avait-il envie, au moins ? La belle n’en savait rien. Elle ne savait pas grand chose du jeune Townshend, il parlait beaucoup mais rarement pour dire quelque chose. Roos ne savait rien de sa vie, ils n’avaient pas passé tant de temps ensemble après tout. L’histoire d’une soirée ou deux. Mais elle en savait assez pour deviner qu’il n’était pas le type habituel du père de famille.

La brune s’inquiétait ; planté là, la main en sang, Alvin semblait lutter face à la nouvelle. Sur son visage, aucune expression, il semblait déconnecté de la réalité. Roos préféra garder le silence, le laissant simplement digérer cette annonce. Les secondes défilaient, quand finalement lui demanda de le gifler en plein visage. Roos ne tâcha même pas se mentir, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Mais à ce moment, cela ne semblait pas être la bonne solution. Il était déjà en état de choc, la main ouverte par la bouteille qu’il avait explosé ; il n’avait pas besoin de cela. Mais malgré toutes ces bonnes intentions, la main de Roos lui échappa et fini en plein sur la joue d’Alvin. Il l’avait demandé après tout, elle n’avait pas à s’excuser. Amusée par la situation, elle retrouva bien vite son sérieux quand le jeune homme laissa échapper une plainte. Peut-être avait-elle tapé un peu trop fort. Avec sa carrure frêle, on sous-estimait souvent sa force. Ou plutôt, elle ne frappait pas fort mais savait comment frapper pour faire mal. C’était déjà pas mal selon elle. « Bien, merci, au moins, je sais que je suis bien réveillé et que tout ça c’est réel. » souffla-t-il la joue rougie par la claque. Un mince sourire s’étira sur les lèvres de Roos. « Si tu avais peur de rêver, j’aurais pu me contenter de te pincer, tu sais. » Elle voulait en rire, mais elle était bien trop stressée par la situation. La belle baissa les yeux, contemplant la pointe de ses chaussures. Alvin répéta voix haute ce qu’elle venait de lui annoncer, comme pour se rendre compte de la réalité. Ca lui avait fait un choc à elle aussi, quand elle avait prononcé ces mots pour la première fois. Elle ne releva pas le regard, alors qu’Alvin lui demanda si elle était sure qu’il était de lui. Pour toute réponse, elle acquiesça doucement. A cette époque, elle venait d’être vaccinée. C’était tout nouveau pour elle, cette liberté fraichement retrouver. Elle avait eu d’autres aventures, avec des femmes surtout. A ce moment, il n’y avait eu qu’Alvin. Elle aurait aimé lui laisser le bénéfice du doute, mais il ne pouvait pas en être autrement. « Je te demande pas d’être la pour le gosse, t’inquiète pas. Tu peux, si t’en as envie, mais je veux pas t’imposer ça. » Elle releva les yeux. Soudainement, elle avait retrouvé tout son sérieux. « Je voulais seulement que tu le saches. »

Avec Alvin, ça avait été tellement rapide. Roos n’avait jamais été ce genre de fille, de celles qui s’amusaient et qui profitaient de leurs jeunesse. Pas qu’elle n’avait pas envie, au contraire. Elle les enviait silencieusement, s’imaginant mille et une aventures avec les jeunes femme et les garçons qu’elle rencontrait ; car derrière tout ce pessimisme, la brune était une grande romantique. La belle tombait amoureuse toute les cinq minutes, se laissant envouter par le charme de son voisin de bus, ou de sa collègue de bureau. La beauté, elle l’appréciait d’une manière poétique, comme dans tous ces livres qu’elle lisait. Elle aurait voulu se permettre de se laisser aller dans les bras de n’importe qui ; mais son pouvoir lui en avait toujours empêché. A quoi bon profiter des plaisirs de la chairs si c’était pour profiter des visions morbides qui lui feraient perdre toute envie. Elle se contentait de se languir, de loin. Il y avait eu Louie, bien sur, mais lui c’était différent. C’était l’amour de sa vie, cet amour déchu, lointain. Amants maudits, fin poétique, essayait-elle de se convaincre. Ca avait été la seule exception, le seul pour lequel elle avait eu réellement envie de faire un exception. Pour elle, le vaccin avait été un grand soulagement, lui permettant enfin de prendre goût à ces plaisirs autrefois interdits. Elle s’en était donné à coeur joie ; avec son joli minois, ce n’était pas le choix qui manquait. Et parmi tant d’autre, il y avait eu Alvin. Avec sa gueule d’ange, et son côté sauveur ; ça avait jouer pour beaucoup, surement. Mais Roos, elle avait pas l’habitude de ces choses là. Elle s’était faite avoir. Et aujourd’hui, elle se retrouvait les pieds gonflé et des nausées quotidienne. La belle aurait presque regretté, si la promesse de cet enfant ne lui donnait pas tant d’espoir.

La main encore engourdie par le choc, Roos fixait toujours le père de l’enfant d’un regard désabusé. Il lui assura que c’était la meilleure solution ; tant mieux si ça avait pu l’aider, c’était à barrer sur sa liste des choses à faire. Depuis le temps que ça la démangeais, dommage que ça avait dû se passer dans de telles conditions. La belle retrouva pourtant bien vite son sérieux. L’occasion de bien faire les choses étaient passée, maintenant elle pouvait simplement se contenter d’être franche. Et c’est en toute honnêteté qu’elle lui annonça qu’elle n’attendait rien de lui. Qu’il ne se sente obligé de rien, Roos ne voulait pas le faire culpabiliser. C’était sa décision, une décision égoïste certes mais après tout c’était elle qui portait l’enfant. C’était à elle que revenait la décision finale. Le ventre noué, elle attendait nerveusement la décision de Townshend qui soupira finalement. La belle ne savait pas elle-même ce qui était le mieux pour l’enfant  : ne pas avoir de père, ou en avoir un qui ne savait pas jouer son rôle. C’était à Alvin de décider ce que lui préférait : se sentait-il près à endosser une tâche aussi lourde ?  « Je sais pas quoi te dire Roos. » souffla-t-il sans grande surprise. Une décision de ce genre, il fallait prendre le temps d’y penser. Le jeune homme continua de parler quand Roos se rendit enfin à l’évidence : elle n’avait aucune idée de ce à quoi ressemblait la vie d’Alvin. Pendant leurs quelques rencontres, ils n’avaient pas pris beaucoup de temps pour parler aussi elle ne savait pas grand chose de lui : son métier, sa famille, son passé ? Il aurait pu être mutant, ou hunter, ou criminel ; la belle n’avait aucune idée. Une pensée qui l’effraya quelques peu alors qu’elle imaginait laisser leur enfant à un tueur en série ou à un mutant incapable de contrôler son pouvoir. Pourtant, elle se laissa attendrir alors qu’il lui avoua ne pas avoir grandit avec son père. Peut-être qu’il ne voudrait pas laisser un autre gamin endurer ce qu’il a vécu ? Le jeune homme avait l’air aussi perdu quelle. Autour d’eux, la vie continuait, les gens déambulaient dans les allés chargées de la fête ; mais eux, restaient là, au dessus de la bouteille brisée, comme si le monde s’était arrêté. Silence pesant. La belle ne savait pas quoi dire, aussi perdue que lui. « Prend le temps d’y réfléchir calmement. Je ne veux pas de réponse tout de suite, ne t’inquiète pas. Tu as même neuf mois pour te décider - enfin, peut-être un peu moins. » souffla-t-elle finalement, un mince sourire sur son visage angélique, vaine tentative pour le rassurer.  « Mais si tu veux être la pour lui, je t’en empêcherais pas, au contraire. Ce serait mieux pour lui de connaitre ses deux parents.  » Sans s’en rendre compte, elle déposa une main sur son ventre encore plat alors qu’elle le mentionnait.  « Enfin, je ne veux pas t’influencer. Il faut que ce soit ta décision. Ce que tu penses être mieux pour le bébé. » Elle sourit, large mimique sincère. Car après tout, tout ce qui importait maintenant, c’était ce bébé.

Roos ne pouvait qu’imaginer la surprise que devait ressentir Alvin à ce moment. Bien sur, elle était passée par là elle aussi. Le test de grossesse positif entre les mains, le regard vide, la réalisation soudaine. Mais pour elle, ça avait été différent ; elle l’avait ressentit, elle en avait douté. Elle s’y était préparée mentalement alors qu’elle s’en est allée chercher le test à la pharmacie. Ca ne lui était pas tombé dessus comme ça, en pleine figure, au milieu d’une fête foraine bondée. Peut-être aurait-elle dû le prévenir autrement ? Par message, ou par téléphone. Non, ça aurait pu être pire, elle aurait pu le surprendre sur la route ou ailleurs. Et vu l’état de sa bouteille de bière, il avait mieux fallut qu’elle soit là pour atténuer les dégâts. Peut-être aurait-elle pu le faire avec plus de tact, peut-être aurait-elle pu amorcer une telle chose avec plus de délicatesse. Mais c’était trop tard maintenant. Dans tous les cas, Alvin aurait finalement réalisé et aurait paniqué de la même manière. Au final, il n’y avait pas réellement de bon ou de mauvais moyen d’annoncer une telle chose. Mais maintenant que c’était chose faite, Roos sentait un poids énorme se dégager de sa poitrine, pouvant à nouveau respirer après plusieurs jours d’asphyxie. La belle n’en avait encore parlé à personne, ne sachant même pas ce qu’elle voulait faire à ce sujet. Le garder ? Penser à l’adoption ? Avorter ? Trop d’option pour la belle, qui, plus les jours passaient, s’attachaient de plus en plus à l’idée d’un enfant. Peut-être aurait-elle dû en parler autour d’elle, demander des avis. Après tout, elle n’avait que vingt-deux ans et avoir un enfant à cette âge -dans ce monde chaotique- c’était de la folie. Pourtant, elle s’était laissée séduite par l’idée d’apporter quelque chose de nouveau dans ce monde, quelque chose d’innocent. Un brin d’espoir dans cette vie qui avait perdu toute saveur. Egoïstement, elle avait pris sa décision. Bornée comme elle était, on pourrait essayer de la dissuader ça ne changerait rien. Elle voulait cet enfant, elle voulait retrouver espoir. Et si Alvin voulait prendre part à cette nouvelle page de sa vie, elle en serait ravie. La belle se doutait bien qu’à son âge, élever seule ce bébé sera quasiment impossible ; mais avec l’aide de son père, d’Anika et peut-être d’Alvin, ne serait-ce que de temps en temps, tout semblait possible. Un future prometteur auquel elle s’abandonnerait avec joie.

Mais le jeune homme avait besoin de réfléchir ; la belle comprenait. Il était dur de prendre une telle décision sur un coup de tête. Elle préférait même qu’il y réfléchisse sérieusement, ne voulant pas le voir disparaitre au bout de quelques mois - ou pire, de quelques années. Si il voulait être présent pour son enfant, il ne devrait pas se défiler. « Merci. Je vais y réfléchir posément. Là j’ai vraiment besoin d’assimiler la chose, parce que j’avais clairement jamais pensé à ce genre de chose. » Un sourire timide éclaira le visage inquiet de la brune. « Je comprend, c’est normal après tout. » Alvin lui parla de son enfance, et de l’absence de ses parents ; le coeur de Roos se serra à l’idée d’imaginer le jeune homme, enfant, complètement perdu. Elle espérait en savoir plus sur lui, si il en venait à s’investir dans la vie de son fils. Elle ne voulait pas que son père soit un total étranger. « Ce serait mieux pour lui, si il nous avait tous les deux. Au moins que tu passes le voir de temps en temps, ça serait déjà génial. Que son père ne soit pas un total étranger. » souffla-t-elle, pensive, se projetant dans cinq ou six ans. Le jeune homme décida de rentrer, préférant y réfléchir calmement. « Rentre, pense-y calmement. Et tiens-moi au courant, d’accord ? » Il y avait quelque chose de calme chez la brune, de confiant. Un air presque maternel, comme si dans sa tête, elle savait déjà ce qu’elle devait faire. Alvin se préoccupa alors de son sort. La belle ne savait s’il demandait si elle allait aller de manière générale, ou juste maintenant. Dans le doute, elle choisit la seconde option ; elle n’était pas sure de la première. Roos acquiesça doucement. « Je dois retrouver des amis, faire le tour de la fête. Ca va aller. » Elle s’approcha du jeune homme, l’enlaçant rapidement avant de se reculer. « Tiens moi au courant, d’accord ? Appelle-moi quand tu auras pris une décision, ou si tu veux en discuter.» Elle sourit une dernière fois, avant de tourner le dos, s’enfonçant dans la foule sans un regard en arrière. La balle était dans le camp d’Alvin maintenant, elle ne pouvait qu’attendre sa décision.