Emmitouflé dans sa veste en cuir, son beanie enfoncé sur sa tête pour cacher ses oreilles et une grande écharpe noire autour du coup, Seth avançait dans les rues de Radcliff, frottant ses mains pour avoir moins froid. Il était pourtant chaudement vêtu mais, frileux comme il l’était, ces températures proches du zéro ne lui allaient pas vraiment. Il n’avait qu’une hâte, que l’été et la chaleur reviennent, qu’il puisse retrouver ses débardeurs et ses vêtements de saison pour mieux profiter du beau temps. C’était son côté lézard des îles : il aurait pu passer des heures juste à prendre le soleil pour le simple plaisir d’avoir chaud. S’il y avait une chose qu’il regrettait de sa Nouvelle Calédonie natale, c’était bien les plages et les lagons toujours tièdes. Peut-être qu’il y retournerait un jour, en vacances. Et peut-être même qu’il pousserait le vice à aller dire bonjour à ses parents – s’ils étaient toujours en vie. Il n’avait plus de nouvelles d’eux depuis son enlèvement par les hommes de Griske, et il n’avait pas pensé à en prendre une fois sa liberté fraîchement retrouvée. Il avait eu d’autres choses en tête, et le temps passant, il en était presque venu à oublier qu’il avait eu une famille il fut un temps. Ceci dit, il n’avait pas vraiment eu l’impression que ses géniteurs avaient fait énormément d’efforts pour le retrouver ; peut-être qu’il se trompait, mais au final, le résultat lui était bien égal. Il avait une autre famille dont il devait s’occuper, celle qui lui permettait de travailler en paix et celle qui contenait ses amis les plus proches, les personnes qu’il appréciait suffisamment pour leur faire confiance et qui se comptaient sur les doigts d’une main.
C’était d’ailleurs l’un d’entre eux qu’il allait voir aujourd’hui. Depuis la quarantaine imposée par Thaddeus, il savait que Bob s’était retrouvé piégé à l’intérieur, loin de sa maison tranquille dans la forêt. Il savait aussi qu’avec son physique bien particulier, les chasseurs de la ville devaient l’avoir repéré en un rien de temps, et avec les patrouilles, il avait dû rester terré dans l’appartement que le trafiquant avait réussi à lui dégoter le temps que les choses se tassent. Il l’avait aussi aidé à aller récupérer son chat – c’est fou le nombre de personnes qu’il connaissait qui possédaient un chat. Il n’avait rien contre les animaux, bien au contraire, mais il aurait été bien incapable de s’en occuper correctement.
L’homme de sable se dirigea vers le complexe immobilier où résidait temporairement l’homme-grenouille. Il sentait peser dans la poche intérieure de son blouson la petite boîte remplie d’une vingtaine de gélules UP. Il préférait prévenir que guérir, et puisqu’il n’était pas sûr que le trappeur ait entendu parler de ce petit remède fort pratique, il allait prendre les devants et lui en apporter avant qu’un hunter trop zélé ne tire une seringue de NH25 dans ses jolies fesses. Fesses qu’il s’était surpris à regarder une paire de fois. Seth commençait à se rendre compte que le mutant lui plaisait, physiquement et mentalement aussi. Autant les coups d’un soir et les liaisons un peu plus régulières qu’il pouvait avoir lui apportaient surtout quelque chose de charnel, avec Bob, il avait l’impression d’être plus détendu, un peu plus naturel qu’en temps normal. Un peu comme la relation qu’il pouvait avoir avec Pietra, sauf que monsieur Baxter était plus vieux, moins cynique et beaucoup, beaucoup plus soupe au lait que la jeune femme. Et il aurait bien aimé voir si ce lien avec le trappeur pouvait passer à autre chose – s’il aimait les hommes, chose dont Seth n’était pas encore tout à fait sûr, mais il comptait bien faire des tests pour vérifier son hypothèse.

L’ascenseur arriva à l’étage qui l’intéressait et la porte s’ouvrit en grinçant un peu. Le lieu ne respirait pas le luxe, mais il n’était pas non plus miteux au point de tomber en morceaux. C’était le mieux qu’il avait pu faire avec les revenus que possédait Bob. Et puis, il n’était pas sûr qu’une chambre luxueuse dans une résidence hyper sécurisée soit tout à fait à son goût.
Se retrouvant devant la porte de l’appartement, il frappa à la porte et s’adossa contre le mur, glissant les mains dans les poches de son pantalon. Il attendit une poignée de seconde avant de finalement entendre du bruit à l’intérieur, ainsi que des pas se rapprochant de lui. Il y eut le bruit de quelque chose qu’on déverrouille, et finalement le visage de Bob apparut dans l’encadrement de la porte entrouverte. Seth sourit.

- Hello ! Deux semaines sans nouvelles, j’commençais à croire que t’avais été enlevé par les aliens.

En vérité, il avait surtout craint de le voir apparaître dans la rubrique nécrologique du journal local, ou ajouté au tableau de chasse d’un hunter quelconque. Bien heureusement, les choses n’étaient pas aussi noires, et c’était plutôt une bonne nouvelle. Et il avait besoin de bonnes nouvelles en ce moment.

- Tu me laisses entrer ou faut que je rentre par la fenêtre encore une fois ?

Il lui adressa un sourire de chat bien content de son coup, qui signifiait aussi clairement qu’il était tout à fait capable de se taper tout l’escalier de secours pour rentrer en crochetant une fenêtre s’il le fallait.

Seth aurait dû se douter que quelque chose n’allait pas. Il aurait dû se douter que s’il ne voyait que la moitié du visage de Bob dans l’encadrement de la porte, ce n’était pas pour rien. Mais il n’avait pas vraiment eu le temps de réfléchir à ça durant le bref moment où il le vit apparaître. Il était juste content de le voir là, chez lui et vivant, plutôt que mort dans une fosse commune pour mutants. C’était la bonne nouvelle de la journée, ne pas avoir perdu un autre ami. Aussi l’avait-il salué avec l’un de ses sourires habituels et l’une de ces phrases au ton léger qu’il aimait servir aux autres. Le mutant à moitié grenouille finit par s’écarter pour le laisser passer. Le trafiquant s’engouffra dans l’appartement et le laissa fermer derrière lui. Alors seulement il remarqua l’énorme hématome autour de son œil gauche. Il plissa immédiatement les siens, son sourire disparu aussi vite qu’il était arrivé. Dans quoi s’était encore fourré le trappeur pour en sortir blessé comme ça ? Qui lui avait donné ce coup, et surtout, est-ce que quelqu’un l’avait suivi jusqu’à chez lui ? Si oui, alors il allait falloir le changer de cachette rapidement, avant qu’une bande de hunters assoiffés de sang ne débarque chez lui pour faire une descente de lit de sa peau marbrée de bleu.

-Hey...

L’air presque penaud de Bob lui fit se poser d’autant plus de questions. Il le regarda aller se poser près de la fenêtre devant laquelle était tendue un rideau blanc suffisamment opaque pour qu’on ne le voit pas derrière, mais suffisamment fin pour laisser entrer la lumière dans la pièce.

-Pas la peine. Pour la fenêtre.

Le Calédonien haussa un sourcil. Il avait déjà vu le trappeur de mauvaise humeur, et là, il n’était pas de mauvaise humeur : il avait l’air mentalement épuisé. En soupirant, il s’approcha de lui et le détailla, observant les couleurs du coquard noircissant son œil.

- Il s’est passé quoi ? Comment tu t’es fait ça ?

Il espérait vraiment qu’il n’avait pas provoqué la bagarre qui lui avait valu cette marque. Ceci dit, il était au courant du karma de chat noir du grand brun, et il le savait aussi suffisamment intelligent pour avoir tout fait pour rester loin des ennuis. Il devait probablement s’agir d’un accident, ou d’une bagarre dans laquelle il avait été pris contre son gré. Il se passa la main dans les cheveux.

- Y a personne qui a vu tes yeux ?

C’était une question dont la réponse était importante. Si c’était non, alors Bob était probablement hors de danger et toujours sous le radar des tueurs de mutants. Si oui, alors il faudrait trouver tous les témoins et les faire taire, soit d’une grosse liasse de billets, soit d’une balle dans la tête. Seth n’aimait pas tuer comme ça, mais à période désespérée, mesures désespérées. Les possesseurs du gène X ne pouvaient pas se permettre d’être subtils ou de laisser une place au hasard. Ils risquaient trop leur vie pour ça.
Un miaulement vindicatif vint tirer Seth de ses pensées. Baissant les yeux, il aperçut le chat du trappeur à ses pieds et s’accroupit pour le grattouiller.

- Yo, Hamilton, tu devais pas surveiller ton maître, toi ?

Il sourit et laissa l’animal se rouler sur le dos, ronronnant et demandant plus de câlins encore. Le tatoué ne savait pas bien s’il était aussi sympathique avec lui parce qu’il l’aimait bien ou parce qu’il sentait l’odeur du chat de Pietra sur ses vêtements. En tout cas, il en profitait.

- T’as tout ce qu’il faut pour lui au fait ? J’ai un pote véto, si t’as besoin de truc, j’irai les chercher chez lui. Et j’te ramènerai un truc pour ton coquard.

-Nan, personne. J'avais mes lunettes...

Seth se détendit en entendant cette simple phrase et hocha la tête. La différence du mutant était physiquement visible – pas besoin de dépistage pour savoir qu’il n’était pas un humain pur souche. Les chasseurs ne pouvaient pas vraiment hésiter en tombant face à face avec cet homme aux yeux rouges et aux marbrures bleues qui marquaient tout son corps. Et si lesdites marbrures pouvaient passer pour des tatouages un peu étranges, ses pupilles allongées et ses iris aux teintes sanglantes ne trompaient personne. Alors, s’il avait réussi à les cacher et à se tirer de cette bagarre avant que qui que ce soit ne le remarque, alors il était hors de danger. Il doutait que le poivrot qui l’avait frappé arrive à le reconnaître s’il le croisait dans la rue, pas plus que d’éventuels témoins si Bob s’était promené en capuche. Le trafiquant le savait méfiant de base, mais avec le contexte actuel en ville, il pensait pouvoir affirmer sans se tromper qu’il était encore plus sur ses gardes. Il l’avait vu débarquer plus d’une fois dans son appartement, regardant par-dessus son épaule comme si quelqu’un le suivait. Mais à chaque fois, il était venu seul. A moins qu’un mutant invisible ne se soit décidé à lui faire une blague de mauvais goût, il savait qu’il arriverait toujours à se débrouiller pour venir seul. Ce coquard, c’était la faute à pas de chance, et il espérait que la chance tournerait bientôt. Depuis qu’il le connaissait, il avait rarement vu le trappeur avoir un karma favorable ; il était même pratiquement sûr de l’avoir plus souvent vu dans des situations de crise que durant des accalmies. Certes, Radcliff n’était pas vraiment un lieu de villégiature conseillé pour les possesseurs de gène X, mais enchaîner les galères à ce point, ça tenait de l’art. Peut-être que d’ici quelques temps, la roue tournerait enfin pour lui.

- Tant mieux. Ca fait un mec de moins à aller buter.

Il sourit un peu et s’occupa ensuite du chat venu miauler à ses pieds. A force de côtoyer des animaux, il commençait à en vouloir un pour lui. Entre la ménagerie de Moira, le petit siamois de Pietra et Hamilton qui se roulait allégrement devant lui en ronronnant, la tentation devenait grande. Il opterait probablement pour un chat lui aussi ; certes, un chien aurait des avantages assez sympathiques, et pour le côté peluche, ç’aurait été bien plus pratique, mais un chat était suffisamment indépendant pour ne pas souffrir de ses absences à répétition. Il se pencherait sur la question plus tard.
Il se redressa en demandant à Bob s’il avait besoin de quoi que ce soit pour la bestiole qui s’éloigna pour aller grignoter ses croquettes.

- Ouais, il a c'qui faut et c'qu'il a pas il le trouve dehors, il peut sortir sans s'faire emmerder, lui au moins.

Le Calédonien hocha la tête et s’approcha du comptoir. Il attrape l’une des deux bouteilles de bière et s’assit, regardant faire Bob dans sa cuisine. Il le détailla longuement, remarquant quelques changements dans sa carrure. Il réalisa qu’il était plus large d’épaules, que sa chemise était un peu plus ajustée à son corps et que ses bras étaient plus forts que la dernière fois qu’il avait vraiment pris la peine de le regarder. Un léger sourire satisfait se peignit sur ses lèvres. Il avait déjà eu l’occasion de le voir presque nu lors de la fête des fondateurs, et il avait apprécié ce qu’il avait vu. Il aurait été curieux de voir à quoi il ressemblait maintenant sans vêtements.

- Ouais, tant mieux pour lui c’la dit, répondit-il un peu distraitement.

Il releva les yeux au moment où Bob commença à se retourner, son traditionnel sourire accroché aux lèvres. Il l’observa porter la main à son œil tuméfié.

- Pas la peine, ça partira tout seul. C'est que dalle, j'en ai vu de pire.

Seth haussa les épaules. Il se doutait que le mutant avait vécu pire qu’un simple œil au beurre noir, mais ça l’embêtait assez de le voir dans cet état. D’autant qu’on repérait plus facilement un type dont le visage était à moitié coloré en violet et en vert que quelqu’un qui n’avait pas de blessure particulière.

- J’m’en doute, mais c’est con de rester avec ça si y a moyen que ça parte plus vite.

Il but une gorgée de sa bière puis se releva, se débarrassant de sa veste et de son écharpe ainsi que son bonnet, posant le tout sur le dossier d’une chaise. Maintenant qu’il s’était réchauffé, il pouvait enlever les couches superflues et se retrouver plus à l’aise dans son t-shirt. Il comptait bien profiter de la chaleur de la pièce avant de repartir dehors dans le froid. Décidément, il n’aimait pas l’hiver.
Fouillant dans la poche de sa veste, il en sortit la boîte de pilules UP et retourna s’asseoir devant le comptoir.

- Au fait, j’te ramène un truc.

Il posa la boîte devant lui et l’ouvrit, révélant une vingtaine de gélules soigneusement alignées les unes à côté des autres. L’avantage de les distribuer pour Sheldon Smith, c’était qu’il avait le droit de se servir dans les cargaisons qu’il recevait pour en prendre ou en distribuer aux mutants qu’il connaissait. Il n’avait pas encore testé le médicament lui-même, mais s’il le fallait, il savait où s’en procurer.

- C’est des gélules anti NH24 et NH25. Si jamais tu dois absolument sortir à un moment, t’en prends une cinq jours avant de partir, parce que ça s’active pas avant. Même si tu te prends un vaccin dans le cul, ça te fera rien. Par contre, les effets durent dix jours. Après, faudra reprendre une pilule.

Il resta silencieux un moment avant d’ajouter :

- Y a des effets secondaires par contre. Bon, c’est rien d’aussi violent que les vaccins, hein. Y a des risques de migraine et de perte d’équilibre, mais rien d’excessif. Y a un autre truc aussi, mais ça touche pas tout le monde : visiblement, y a des gens qui commencent à devenir accro. C’est pas aussi brutal qu’une drogue dure, mais y a un effet de manque apparemment. Encore une fois, ça touche pas tout le monde, donc à toi de voir.

Il lui avait donné toutes les informations dont il avait besoin. A lui de décider maintenant s’il voulait prendre ces pilules ou si le NH25 lui semblait moins dangereux qu’une possible addiction à l’UP. Seth, lui, avait fait son choix : il n’en prendrait pas, ou alors seulement s’il devait se lancer dans une mission où le risque de vaccination était déraisonnablement élevé. En espérant que ce cas de figure n’arrive jamais, ou alors pas avant que les gélules aient été retravaillées pour supprimer tous les petits problèmes qui les accompagnaient.
Il but une nouvelle gorgée de bière et changea radicalement de sujet.

- Dis voir, t’as fait du sport ? Non parce que j’ai quitté un grand type un peu sec pour retrouver un beau mutant musclé. Ca te va plutôt pas mal.

Il sourit à nouveau, de son sourire de chat, mais il était tout à fait sincère dans ses déclarations.

Seth regarda Bob refermer la boîte de gélules et la pousser vers lui. Ce n’était pas vraiment un choc de le voir les refuser, mais il était assez surpris de la radicalité de sa décision. En y repensant, il l’avait vu hésitant un moment, jusqu’à ce qu’il parle du possible risque d’addiction. A partir de ce moment-là, la décision de l’homme grenouille avait été prise. Du moins, c’était ce qu’il pensait. Il n’avait rien pour confirmer ou infirmer cette hypothèse, mais il irait sans aucun doute faire quelques recherches. Après tout, l’homme devant lui ne sortait pas de nulle part. Il trouverait forcément quelque chose à son sujet. Ou alors, il pourrait le laisser lui raconter son histoire un jour – étrangement, plus le temps passait, plus Seth répugnait à violer ainsi les secrets du mutant. D’ordinaire, il ne se serait pas gêné, mais là … c’était différent. Il ne savait pas encore pourquoi, mais il savait que ça l’était.

- Garde-les, ça m'intéresse pas.

Il haussa les épaules et glissa la boîte d’UP sur un coin du comptoir.

- Comme tu l’sens. J’te les laisse si jamais tu veux les filer à quelqu’un d’autre.

Il doutait que ces pilules trouvent preneur, mais si quelqu’un pouvait en profiter, alors tant mieux. Lui était là pour aider à leur distribution, rien de plus. Et s’il envoyait régulièrement certains de ses hommes pour des livraisons discrètes et clandestines, il laissait ceux et celles recevant le médicament en faire ce qu’ils en voulaient. Qu’ils le consomment ou le donnent à quelqu’un d’autre, ce n’était pas ses affaires. Il avait donné les gélules à Bob : qu’il les prenne, les jette ou les offre à un autre mutant ne dépendait que de lui et ça n’aurait aucun impact sur la vie du trafiquant. Le sujet fut donc rapidement clos, et Seth s’intéressa bien vite à autre chose – à savoir le trappeur debout dans sa cuisine en train de faire sa vaisselle. Plus le temps passait, plus il prenait plaisir à le détailler. Surtout maintenant qu’il avait gagné en musculature, la vue n’en était que plus appréciable. Il ne manqua pas de lui en faire la remarque, et l’expression gênée qu’il vit sur son visage lorsqu’il se retourna lui plut beaucoup.

- Rien d'autre à foutre ici...

Le Calédonien sourit et hocha la tête, le sentant soudainement mal à l’aise et plus tendu qu’un instant auparavant. Il savait très bien qu’il n’avait pas l’habitude qu’on lui fasse des compliments, mais en être stressé à ce point, c’était plutôt étrange. Il allait pouvoir vérifier une petite chose qu’il se demandait au sujet de Bob depuis quelques temps. Buvant une nouvelle gorgée de sa bière, il posa la bouteille sur le comptoir et se leva à son tour, se tenant un peu derrière le mutant. Il regarda sortir le chat par la fenêtre voilée. Hamilton disparut rapidement, allant profiter de l’air frais et de l’extérieur. L’avantage du quartier, c’était que son calme relatif le mettait à l’abri d’un éventuel chauffard qui aurait pu le renverser.
Revenant à la conversation qui l’intéressait, il haussa les épaules.

- Bah, je peux te trouver des trucs si t’as envie : une télé, une radio, un ordi, des bouquins – t’as qu’à demander, j’te ramènerai ça.

Ce n’était certainement pas une télévision ou un ordinateur en moins qui allaient mettre à mal ses affaires. Et puisque visiblement Bob était suffisamment dans ses bonnes grâces pour qu’il ne lui fasse plus payer ce genre de services, ça ne coûterait rien au trappeur. Et puisqu’il fallait bien l’occuper durant tout le temps que durerait cette satanée quarantaine, autant lui donner les moyens de le faire ; Seth se doutait qu’il aurait nettement préféré retourner dans sa forêt et retrouver sa maison dans les bois, mais malheureusement, pour le moment, ce n’était pas encore possible. Avec un peu de chance, ça le serait bientôt, mais pour l’instant, il était hors de question qu’il sorte en dehors de Radcliff. Il y avait trop de rondes de chasseurs, trop de suspicion dans tous les coins pour qu’il continue à vivre comme avant sans éveiller des soupçons qui l’auraient irrémédiablement mis en danger. S’il fallait lui faire oublier cette réalité, le trafiquant s’en chargerait bien volontiers.

- Mais si tu préfères faire de la muscu, c’est bien aussi, hein. Ca serait dommage qu’une émission à la con te fasse perdre tes muscles neufs.

Et en parlant de muscles, ce furent ceux de ses fesses qui attirèrent son regard. Fesses sur lesquels il glissa rapidement une main avant de retourner vers le comptoir, l’air de rien. Il ne l’avait pas fessé, il n’avait pas tapoté, il avait juste posé sa main deux petites secondes avant de la retirer. Il se doutait que la réaction de Bob, bonne ou mauvaise, serait excessive quoi qu’il en soit. Tout en se préparant à la tempête, il ne pouvait s’empêcher d’attendre avec impatience de voir s’il allait pouvoir découvrir quelque chose de nouveau au sujet de l’homme grenouille qui l’intéressait tant.

Seth n’eut pas le temps de s’asseoir qu’il vit arriver un Bob fou de rage. La réaction n’était pas forcément celle à laquelle il s’était attendu, mais au moins il réagissait – très mal, certes, mais il réagissait. Cela dit, s’il avait réfléchit un peu plus longtemps, il se serait rendu compte que pour un premier contact un tant soit peu amical, une main aux fesses n’était peut-être pas la meilleure des options. Il aurait pu lui tapoter l’épaule, lui glisser une main dans le dos, bref, quelque chose de plus subtil. Mais la subtilité n’était pas son fort, et c’était bien pour cette raison qu’il se retrouvait régulièrement dans des situations délicates. Il n’était pas bête, juste un peu trop brute parfois.
Un poing féroce vint cogner sa mâchoire avant qu’il n’ait eu le temps de lever les bras pour bloquer le coup. Une douleur fulgurante irradia dans tout son visage. A quelques centimètres près, il perdait une dent ou deux. Heureusement pour lui, il n’aurait probablement droit qu’à un hématome qui disparaîtrait vite.

- Tu t'prends pour qui, connard !

Le trafiquant remarqua le rouge qui avait coloré les joues de l’homme grenouille, et il s’apprêta à faire une remarque à ce sujet lorsque son cœur rata un battement. Une nausée violente le saisit et il se mit à frissonner. Ses yeux s’ouvrirent sous la surprise, et sous la réalisation soudaine que Bob l’avait touché à mains nues. Il avait été directement en contact avec sa peau, et le poison qui la couvrait attaquait maintenant tout son organisme. En quelques secondes, il ne se sentait pas bien du tout. Il aurait bien voulu le dire, mais le mutant face à lui ne comprit pas tout de suite que l’expression médusée qu’il voyait était liée au mal qui le rongeait à toute vitesse. Il se retrouva poussé brutalement.

- Quoi ! Tu t'attendais à pouvoir faire n'importe quoi ? Hein ?

Ce déséquilibre brutal finit de précipiter sa chute. Il se cogna contre le comptoir en tombant, rouvrant une fois encore la grande plaie barrant son crâne. Décidément, ces derniers temps, toutes ses vieilles blessures se rouvraient. Il n’était pas capable de s’attarder sur ces détails cependant ; il était trop occupé à cracher une espèce de mousse épaisse et essayer de respirer. Tentatives qui ne portaient pas vraiment leurs fruits jusque là. Il avait de plus en plus de mal à faire entrer l’air dans ses poumons et il avait l’impression que des flots de lave se déversaient dans ses veines. Il frissonnait comme s’il était nu dans la neige et commençait à avoir du mal à voir nettement. En réalité, il se rendit compte que sa vue se dégradait rapidement. Il luttait de toutes ses forces contre les effets du poison, mais il savait parfaitement que dans un futur très proche, il allait perdre cette bataille.
Il ne sut pas vraiment combien de temps il resta là, étalé sur le sol, parcouru de spasmes dans sa bave et son sang, mais il sentit vaguement une pression au niveau de son bras. Durant quelques longues secondes, rien ne se produisit. Et puis, doucement, Seth sentit la douleur commencer à refluer. Il recommença à respirer normalement et ses frissons se calmèrent enfin ; il avait toujours chaud, mais cet effet-là ne tarderait pas non plus à disparaître. Il lui fallut bien deux bonnes minutes avant de reprendre ses esprits, redevenant conscient de ce qui l’entourait.

- S'teuplait, meurs pas ...

Il se rendit compte que Bob était assis à côté de lui. Jetant un coup d’œil dans sa direction, il remarqua que ses mains étaient désormais gantées. Une bonne chose si jamais il lui prenait l’envie de le frapper à nouveau. Cela dit, d’après ce qu’il venait d’entendre, ce n’était pas forcément son intention. Le Calédonien ouvrit la bouche et répondit d’une voix rauque :

- C’est … c’est pas au programme.

Posant les mains sur le sol, il se redressa difficilement, tremblant lorsqu’il força sur ses muscles douloureux. Il le savait, il avait eu de la chance. Il avait été empoisonné deux fois, et l’antidote avait marché ces deux fois-là. Il n’avait aucune envie de réitérer l’expérience pour un troisième round.
Maintenant assis sur le sol, une fine couche de sueur le recouvrant, il planta son regard encore fiévreux dans celui de Bob.

- … Je comprends mieux pourquoi tu veux pas les pilules.

Il regarda l’aiguille plantée dans son bras et la retira avant d’enlever le garrot. Il massa l’endroit où la seringue l’avait piquée, plus pour se focaliser sur une petite douleur que sur celle qui s’était presque totalement estompée. Il resta silencieux quelques secondes jusqu’à ce qu’un frisson le saisisse. Il réalisa soudainement qu’il était torse-nu, tous muscles et cicatrices visibles. Il porta la main à sa tête en sentant quelque chose couler sur son oreille et la ramena poisseuse de sang. Il soupira un peu et sourit légèrement.

- J’crois que j’ai tâché ton parquet.

Il regarda Bob une nouvelle fois. Il avait l’air tout sauf à l’aise. L’homme de sable pencha un peu la tête sur le côté.

- Hey, fais pas cette tête. J’l’ai pas volé ce coup, c’est pas ta faute si t’avais oublié tes gants.

Pour lui prouver qu’il ne lui en voulait vraiment pas, il posa la main sur son épaule, bien à l’abri sur la couche de tissu qui la recouvrait. Il n’y avait aucun sous-entendu dans ce geste-là ; il était juste amical et, il l’espérait, un peu rassurant.

- C'est que dalle. T'as failli crever ...

Seth haussa les épaules. Ce n’était pas la première fois qu’il frôlait la mort, et ça ne serait certainement pas la dernière. La vie qu’il menait était tout sauf calme et paisible, et ce n’était pas pour autant qu’il comptait tout arrêter pour s’exiler dans un coin où il ne risquerait plus rien. Le temps qu’il avait sur terre était compté comme celui de chaque être vivant, et il comptait bien profiter du sien – de toute façon, l’issue était la même pour tous. Alors il s’occuperait de ses affaires et aurait les fréquentations de son choix, aussi dangereuses fussent-elles, et si, malgré ses efforts, il devait y rester, alors tant pis. Il mourrait plus tôt qu’un autre, tout simplement.
Mais aujourd’hui, il n’était pas mort. Bob était intervenu suffisamment rapidement pour que les effets de son poison ne soient pas irréversibles. Ils avaient été douloureux, certes, mais l’antidote avait agi vite, le laissant simplement un peu groggy – quoique cet état était peut-être dû au coup qu’il avait pris sur la tête en tombant. Au final, plus de peur que de mal, et il n’en voulait pas le moins du monde à l’homme grenouille qui lui, en revanche, avait l’air de se détester profondément pour ce qu’il venait de se passer. Le trafiquant le rassura comme il put, lui affirmant qu’il n’avait pas fait exprès de l’empoisonner, accompagnant ses paroles d’une main amicale posée sur son épaule. Il soutint le regard du mutant lorsqu’il se planta dans le sien.

- Bien sûr que si.

L’homme de sable haussa un sourcil et s’apprêta à lui répondre lorsqu’il se releva et l’aida à se mettre debout. En temps normal, il se serait débrouillé pour rester sur ses pieds tout seul, mais là, ses jambes tremblaient encore un peu. Et puis, cette proximité n’était pas vraiment désagréable. Il se laissa guider jusqu’au lit du maître des lieux et s’y assit, attendant patiemment qu’il revienne. Pendant ce temps, il détailla rapidement la chambre dans laquelle il se trouvait. C’était un endroit spartiate, avec le strict nécessaire et rien de plus. Seth aurait volontiers ramené des décorations et d’autres choses pour améliorer l’ameublement, mais il n’était pas certain que Bob accepte ou aime ce qu’il pourrait lui trouver. Mais il trouvait dommage de vivre dans un endroit aussi austère tant que le blocus sur la ville ne serait pas levé. Autant se sentir à l’aise dans son chez-soi, même s’il doutait que le mutant se sente à l’aise ailleurs que dans sa cabane dans les bois ; et encore, il n’était même pas sûr que là-bas, il trouve réellement la paix à laquelle il aspirait.
Le trappeur revint enfin, et le Calédonien se laissa faire pendant qu’il soignait sa plaie. Il resta stoïque tout du long, étonné de la délicatesse avec laquelle sa blessure était traitée. Il ne grimaça légèrement qu’une fois, lorsqu’elle fut désinfectée. Un discret sourire vint étirer ses lèvres.

- Plutôt pas mal, pour un infirmier improvisé.

Il porta la main au pansement sur sa tête dès qu’il fut posé. Heureusement qu’il était frileux et ne sortait pas en hiver sans son bonnet : le tout serait bien caché au chaud le temps qu’il rentre chez lui.

- C'était con... De t'frapper.... Cette fois.

Seth haussa les épaules.

- C’est le principe de « à question con, réponse con ». C’était débile de te mettre une main aux fesses, c’était débile mais logique de me mettre un pain, et hey, j’suis pas mort, alors y a vraiment rien de grave.

Il avait du mal à comprendre pourquoi Bob se haïssait à ce point pour ce qui venait de se passer. Certes, s’il avait été à sa place, il s’en serait voulu aussi d’avoir blessé quelqu’un de proche, mais une fois rassuré de l’état de la personne, les choses auraient commencé à se calmer. Il avait l’impression que le grand brun aux yeux rouges se fustigeait non seulement pour ce coup de poing et cet empoisonnement mais aussi pour autre chose, et il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Et il comptait bien trouver quoi.
Se levant du lit, il repassa dans la pièce principale de l’appartement. Il remarqua les produits d’entretien dans les mains du mutant.

- Tu d'vrais rentrer chez toi. J'ai besoin de rien.

Un silence, et puis :

- Putain...

Seth hausa un sourcil et secoua la tête. Il se dirigea vers les affaires qu’il avait laissées sur la table et souleva sa veste pour attraper ses gants. Ils étaient en cuir, et suffisamment fins pour qu’il puisse bouger ses doigts correctement – on ne tirait pas sur une gâchette avec les phalanges engoncées sous une tonne de tissu superflu. La matière lui réchauffait suffisamment les mains sans pour autant l’entraver, et c’était tant mieux.
Une fois ses gants enfilés, il s’approcha de Bob et lui prit l’une des bouteilles de détergent.

- J’ai rien de spécialement intéressant à faire chez moi, alors j’pense que je vais rester ici encore un moment.

Il posa deux doigts sur le front du mutant et le poussa gentiment.

- Et arrête de t’en vouloir comme ça. T’as pas fait exprès d’oublier tes gants, t’as pas fait exprès de secréter du poison, alors c’était pas grave. Les accidents, ça arrive.

Il lui sourit, ne sachant pas quoi faire pour lui faire comprendre qu’il ne lui en voulait vraiment pas et qu’il fallait qu’il arrête de s’en vouloir aussi. Ca ne changerait rien à ce qu’il s’était passé, alors autant passer à autre chose plutôt que de s’enfoncer dans ce genre de pensées pleines de remords, de dégoût de soi et d’autres choses tout aussi joyeuses.
S’agenouillant près de la tâche de sang, il commença à répandre le produit sur la petite flaque rouge.

- Et si t’as une deuxième brosse pour frotter, je dis pas non, j’ai pas trop envie de gratter avec les ongles.

Seth attrapa la brosse que Bob lui tendit et commença à frotter. Il remonta son t-shirt sur son nez à défaut d’avoir quelque chose pour le protéger correctement, mais ça suffirait largement à bloquer la plus grosse partie des émanations des produits d’entretien. Il se mit à la tâche sans rechigner, le sang partant assez rapidement puisqu’il était encore tout frais. Il faudrait juste éviter de faire un test au luminol pendant quelques années ou tant que le parquet n’aurait pas été changé, mais à ce moment-là, il serait déjà loin et Bob aussi. En parlant de lui, il l’avait rarement connu si bavard et tactile. D’ordinaire, il fallait lutter pour lui arracher un mot ; aujourd’hui, il avait eu droit à des phrases composées d’un sujet, d’un verbe et de plusieurs compléments, et de quelques gestes dans sa direction – même si le plus notable avait été le coup de poing qui avait failli le mettre à terre pour de bon. C’était déjà un peu mieux que ce qu’il avait l’habitude d’entendre ou de voir, quoique depuis quelques semaines, il avait l’impression que l’homme-grenouille se détendait un peu plus en sa présence. Ce qui n’était franchement pas pour lui déplaire.
Il était toujours en train de récurer le sol en silence lorsque le mutant repris la parole.

- J'soignais les … Petites amies de mon frangin. C'était pas un tendre, surtout quand il était déchiré. Généralement, il s'barrait et j'm'occupais de soigner c'que j'pouvais. Fallait bien que quelqu'un les aide un peu, ces pauv' nanas...

Seth redressa légèrement la tête pour le regarder. Le trappeur était beaucoup plus humain – sans mauvais jeu de mots – qu’il en donnait l’impression. Il était taciturne, silencieux, bourru, certes, mais il faisait surtout ça pour ne pas blesser les autres. Autres qu’il venait volontiers aider quand il le fallait, chose que beaucoup d’autres gens n’auraient pas fait. Il se demandait combien de risques il avait pris dans sa vie pour prêter main forte à autrui. Il se demandait combien de blessures il avait désinfecté, combien de plaies il avait recousues, combien d’épaules il avait remis en place. Il était plus gentil et généreux qu’il ne le croirait jamais, et il faudrait énormément de travail pour lui prouver le contraire ne serait-ce qu’en partie. Seth se surpris à penser que ce travail, il était prêt à le faire de bon cœur.

- C'était pas qu'un connard... Mon frangin... Mais ça l'était la plupart du temps...Beaucoup d'gens le connaissaient pas assez pour passer au-dessus...

Le trafiquant haussa les épaules et remis son t-shirt en place avant de se remettre à frotter.

- J’pense que tu dis ça aussi parce que c’était ton frère, parce que t’es assez lucide sur ce qu’il faisait. Après, j’le connaissais pas, donc je peux pas dire. Mais peut-être que t’as raison.

Il trempa la brosse dans le seau d’eau salie à côté d’eux, la nettoya rapidement et recommença à frotter. Lui aussi avait eu un frère aîné – et une petite sœur qu’il n’avait connu que cinq ans. Il n’avait aucune idée de ce qu’il devenait. La dernière fois qu’il l’avait vu, il essayait de jouer les caïds dans leur petit coin de Nouvelle Calédonie sans réussir à être crédible une seule seconde. Cela dit, il ne l’avait jamais vu lever la main sur l’une de ses copines. Peut-être avait-il essayé, peut-être y avait-il pensé, mais jamais personne ne s’était plaint de la violence de son frère. Celui de Bob avait l’air beaucoup moins gentillet. Du peu qu’il savait de l’histoire du trappeur, il n’avait pas spécialement eu une vie facile. Sans doute que son charmant frangin l’avait entraîné dans une série de choses tout sauf sympathiques, mais qu’il était resté un bon cadet malgré tout.

- En tout cas, il avait de la chance d’avoir un frangin comme toi.

Il essuya ce qu’il venait de nettoyer, le sol propre comme s’il était neuf, puis remit sa brosse dans le seau, avec celle de Bob. Il se releva et essuya ses mains gantées sur l’un des torchons ramenés par le mutant avant de passer près de lui et de lui ébouriffer gentiment les cheveux maintenant qu’il ne risquait plus d’entrer en contact avec sa peau. Il alla s’occuper de vider le seau et de ranger ce qu’il avait utilisé pour laver par terre. Il cherchait encore un moyen de détendre la conversation. Il sentait que l’homme-grenouille s’en voudrait encore longtemps d’avoir failli le tuer sans le vouloir, et il n’avait pas envie de ça. Il allait essayer quelque chose, et si ça ne marchait pas, tant pis, il trouverait autre chose.
Il lava ses gants à l’eau chaude et au savon et les essuya à une serviette propre avant de les remettre et de retourner dans le salon.

- Hey, t’as mangé ce midi ? Parce que pas moi, et il est 16h30 et j’ai faim, là. J’te propose de commander une pizza ou de t’aider à faire la bouffe et on se fait ça avec des bières.

C’était une invitation toute bête, et il n’avait rien trouvé de mieux pour le moment, aussi espérait-il que Bob accepte. Sinon, il meublerait jusqu’à avoir une idée de génie. Faire la conversation presque tout seul ne le dérangeait pas. Il laisserait Bob parler lorsqu’il en aurait envie, sans le forcer, lui offrant le choix d’entamer un véritable dialogue ou de le refuser net.