Un jour, on avait voulu m'expliquer le concept de karma. Autant dire que j'avais ris au nez du gugus qui m'avait sortit cette connerie ! A l'époque, je ne croyais pas du tout en l'existence d'une force mystique qui régirait les bons et les mauvais moments de notre vie. Mais depuis que je vivais à Radcliffe... Comment dire... Je commençais à me dire que finalement, le karma existait bel et bien et qu'il m'en voulait à mort ! J'avais du être une sacrée grognasse dans une autre vie pour mériter ça ! Ou bien une formidable surprise m'attendais à l'arrivée, genre jackpot dans un casino... Mais pour l'heure, je commençais à être blasée par la malchance qui me poursuivait et s'acharnait à me démolir au sens propre du terme !

Ce qui m'était arrivé ? Oh rien d'extraordinaire ! D'après la montre tâchée de sang que je portais au poignet, cela faisait un peu plus de deux jours que je servais de punching-ball à un hunter siphonné du carafon. Pourtant je n'avais rien demandé à personne ! Je rentrais tranquillement chez moi après quelques courses quand un inconnu avait surgit de nulle part, m’assommant méchamment et après... Trou noir. Le scénario habituel d'un film d'horreur... Généralement, je m'énervais devant ma télé après la gourdasse qui s'était faite assommer, lui disant qu'elle était trop bête et aveugle pour survivre... Bah... Ouais, mais pour le coup c'était moi qui me retrouvais dans cette situation. Pour la deuxième fois en l'espace de deux mois ! Ca commençais gentiment à me courir sur le haricot, cette histoire.

Pour l'heure, j'ignorais totalement où j'étais. J'avais été réveillée lorsque l'autre cinglé m'avait jeté un seau d'eau à la figure, incapable de me lever de ma chaise à cause des liens autour de mes poignets, et avec un abominable mal de crâne. Le type m'avait posé un tas de questions sur moi et les autres mutants que je connaissais... J'avais pensé à Roy, à Pietra... A Seth, surtout ! Et bizarrement j'avais préféré prendre les coups plutôt que de parler. Qu'il aille crever s'il espérait que je les vende ! J'avais au début joué la carte de la nana fraîchement arrivée qui ne connaît pas un mot d'anglais, bénissant ma double nationalité pour ça... Sauf que le bougre s'était suffisamment renseigné sur moi pour savoir que je racontais des conneries.

Nos échanges s'étaient alors résumés à « Donne-moi les noms de tes petits copains les monstres ! » « Vas chier, crevure ! » Et encore, c'était la version soft... A chaque fois que je répondais autre chose que ce qu'il voulait entendre, il me frappait. Je n'aurais su dire ce qui me faisait le plus mal maintenant, entre mon épaule déboîtée et mon visage tuméfié. L'enfoiré... Je n'allais pas pouvoir jouer de violon pendant des semaines ! Mais s'il croyait me faire peur et m'inciter à me faire vacciner après ça, il se fourrait le doigt dans l'oeil jusqu'au coude ! Je tentais tout ce que je pouvais pour lutter, usant de mon pouvoir pour le blesser, mais le petit malin était bien protégé... Pour que les ondes de ma voix atteignent sa peau, il fallait traverser sa tenue renforcée, et au bout de plusieurs heures à lui hurler dessus, j'avais fini par abandonner. J'étais trop épuisée pour continuer, et lui tenait encore debout malgré ses blessures. Autant dire que je n'en menais pas large...

A présent, la tête tournée vers le plafond, un bâillon entre les dents et le corps tremblant de douleur et couvert de sang, j'attendais. Quoi ? Aucune idée. Que quelqu'un vienne me secourir ? Que l'autre se lasse ? Je n'y croyais qu'à moitié, ça faisait deux jours que j'étais là.

Et j'avais pensé trop vite ! Alors que mon abruti de kidnappeur avait mis les voiles le temps d'aller se chercher de quoi manger entre deux séances d'interrogatoire, je vis la porte s'ouvrir. Pensant qu'il était revenu plus tôt que prévu, je remuais légèrement sur ma chaise en cherchant à me libérer de mon bâillon pour lui dire vulgairement ce que je pensais de sa mère... Et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant une parfaite inconnue ! Amie ? Ennemie ? Ce qu'elle me dit me rassura immédiatement, et je sentais enfin la chance me sourire ! Hallelujah ! Je suis sauvée ! Je tentais de la remercier, mes paroles étouffée par le bâillon.

Seulement, je me réjouissais un peu vite... Alors que la rouquine qui était venue me sauver détachais mes liens, mon assaillant s'était glissé silencieusement derrière elle, un couteau de chasse à la main. Je tentais alors de l'avertir, et ce n'est qu'une fois le bâillon retiré que je hurlais :

"Attention ! Derrière vous !"

Je l'attrapais avec mon bras valide, et l'entraînais avec moi au sol pour esquiver le coup de poignard mortel. En chutant, je me réceptionnais sur mon épaule blessée et hurlais de douleur. La vache ! Ca fait un mal de chien, cette connerie ! Je me traînais comme je pouvais vers la sortie, incapable de me battre moi-même.

"Faites gaffe ! Il est armé !" Je hurlais à la demoiselle qui m'avait secouru.

Puis je me glissais jusqu'à elle et profitais de quelques secondes de répit pour lui glisser :

"Le flanc droit... Il est blessé..."

C'était bien la seule chose que j'avais réussi à faire en deux jours à m'acharner sur cet abruti... A présent, je ressentais une telle haine envers tous les hunters de cette ville que j'avais envie de tous les entasser sur la place publique pour faire un immense feu de joie avec...

Quand la rouquine un brin plus débrouillarde que moi – ce qui n'était finalement pas difficile à faire étant donné mon état de mollusque – me demanda si j'étais en état de courir, une partie de mon esprit m'incitait plutôt à rire en lui disant que non, j'étais à peine capable de mettre un pied devant l'autre. Une autre partie m'invitait à fuir en vitesse sans demander mon reste. La combinaison des deux donna un résultat un peu étrange, à base de grimace et d'acquiescement pas très convaincu. Si j'avais le choix ? Pas vraiment.

Le hunter commençait déjà à se relever, et il fallait se dépêcher. Aussi, j'oubliais un moment que mon épaule me faisait atrocement souffrir et que mon corps réagissait en conséquence, avec des jambes en coton et le teint pas frais, et je suivis la demoiselle. A son sujet, j'étais étonnée et franchement soulagée de voir qu'il s'agissait d'une mutante. Ces derniers temps, je devenais parano et franchement méfiante vis à vis des humains ordinaires ou pire, des hunters. Seuls les mutants trouvaient grâce à mes yeux, et celle-là était non seulement venu m'aider, mais en plus elle avait un don très chouette ! Pas si éloigné du mien que ça, en plus ! Deux manipulatrices d'onde, il ne manquait plus que Pietra et ses étranges capacités vocales, et nous aurions pu former un trio de choc au sens propre du terme !

La rouquine m'aida à sortir, et une fois dehors nous nous mîmes à courir aussi vite que possible pour nous mettre à l'abri. L'avantage de l'adrénaline, c'est que je ne sentais plus autant la douleur qu'auparavant. Quand elle serait retombée, en revanche... Je risquais de beugler comme un veau et d'insulter la famille de l'autre tanche de hunter sur 15 générations. Ouais je suis comme ça, moi. Entière et très vulgaire. Tandis que je reprenais mon souffle, la demoiselle me demanda si je me sentais d'attaque pour courir. Là ? Dans l'immédiat ? Bah disons que c'est pas franchement l'éclate et que je bénissais ma dizaine d'années de sport en tous genres, sans quoi je serais déjà morte d'une crise cardiaque depuis dix minutes. J'acquiesçais alors en esquissant un sourire à mon tour.

"Si je retrouve ce con, je lui ferai faire des gammes, c'est efficace comme torture... Et je suis plutôt contente d'avoir un agent qui se fait du trop de soucis !"

A vrai dire, j'envisageais même de lui payer un verre, le repas, et de lui vouer un culte jusqu'à la fin de mes jours... Là c'était clair : Plus jamais je ne me plaindrai de son attitude de papa poule ! Avant de repartir, je me tournais vers ma sauveuse mutante.

"Dites... Je peux vous demander votre nom ? Je sais bien que ce n'est pas vraiment le moment, mais disons que ça serait quand même plus pratique..."

Ne serait-ce que pour se retrouver si l'une de nous se perdait. Je me voyais mal l'appeler la mutante ou la rouquine ! J'aurais eu l'impression de m'appeler moi-même, c'est ridicule !
Reprenant alors mon courage et mon souffle par la même occasion, je me remis à courir derrière elle. Il faisait encore nuit, nous étions en pleine forêt, et on y voyait pas à 3 mètres... Je manquais de me casser la figure tous les trois pas sur des racines, il fallait se baisser pour éviter les branches... Un vrai parcours du combattant ! Les cinq premières minutes furent presque tranquille, le hunter était loin de nous et nous pouvions courir sans trop risquer de le croiser. Mais j'espérais que la demoiselle savait où elle allait, car dans mon cas j'ignorais totalement où nous étions.

Soudain, une détonation retentit dans la forêt, une vive lumière me fit plisser les yeux, et une balle fusa non loin de nous. Elle alla se ficher dans un arbre, donc le tronc éclata sous l'impact. Ok. Fusil de chasse. Il y a va pas avec le dos de la cuillère, le mec.

"Va falloir... Trouver un autre chemin ! Il est par là !" Dis-je en haletant.

Je ne sais pas où nous allions, mais nous nous rapprochions de plus en plus du hunter, et une deuxième balle partit dans notre direction. Cette fois-ci, pas d'arbre en miettes, mais je n'avais pas spécialement envie de savoir où elle avait atterrit. Dans le noir, je repérais un petit renfoncement rocheux tapissé de feuilles mortes, et attirait la rouquine de ce côté-là. Je chuchotais alors, en essayant de faire le moins de mouvements possibles.

"Il se rapproche de nous, autant nous faire oublier quelques minutes avant de repartir ! Sauf si connaissez un autre chemin ? C'est une vraie purée de pois dehors..."

Anika... Ok c'est noté. J'avais son nom, il ne nous restait plus qu'à courir... Et je n'étais pas en état, c'était un vrai calvaire ! J'avais l'impression que mes jambes étaient terriblement lourdes, à cause de la fatigue – puisque l'autre cinglé m'avait empêché de dormir – mais aussi à cause de mes blessures. Adrénaline mon amie, je t'aime bien ! Je sentais le sol défiler sous mes pas, manquais de trébucher un bon paquet de fois, et esquivait par miracle les branches basses. Pourtant, j'avais la peur au ventre de me faire cueillir mais ce grand malade de hunter. J'étais à ce point peu discrète, pour que les hunters m'en veuillent ?

Alors que les coups de feu retentissaient autour de nous, j'attirais Anika vers un refuge de fortune pour nous y abriter. Au moins, nous serions tranquille quelques minutes, le temps de reprendre notre souffle et de réfléchir à une solution... Ou du moins d'élaborer un plan qui tienne à peu près la route. C'est quand Anika me parla de mutation que je réalisais que nous avions là de quoi faire diversion !

"Je manipule les ondes sonores... Je peux blesser quelqu'un ou faire exploser des objets en parlant, mais l'autre idiot est si bien protégé que je n'ai réussi qu'à mettre en pièces son gilet pare balle... "

En réalité j'avais aussi essayer de l'amadouer en usant de mon don de manière inverse : Autant je pouvait vriller les tympans de quelqu'un, autant je pouvais aussi apaiser quelqu'un avec seulement quelques mots... Seulement le bougre était non seulement hermétique à cela, mais il avait en plus opté pour des boules quies au bout de quelques heures...

"Mais j'ai peut-être une idée... Je pourrais utiliser mon don pour projeter ma voix un peu plus loin, pour lui faire croire que nous sommes plus loin... Et avec vos ondes de choc, vous arriveriez à faire bouger les arbres et les feuilles, pour imiter notre mouvement ? Juste le temps de l'éloigner assez pour que nous puissions nous éloigner en vitesse..."

C'était sommaire, comme plan, mais ça pouvait marcher... Si en plus Anika ignorait où nous étions... Il nous faudrait du temps pour retourner vers la ville, et je ne risquais d'être en mesure de l'aider pour ça.

"Bon... Bouchez-vous les oreilles, ce n'est jamais très agréable à entendre..."

Je me concentrais alors sur un gros chêne, dont je distinguais les contours grâce à la lueur de la lune. Il était à une vingtaine de mètres de nous, nous laissant ainsi à l'abri. Puis je me mis à faire mine d'appeler Anika, lui donnant de fausses indications quant au chemin à prendre. Déformée, ma voix ressemblait à un sifflement mais qui, en allant se répercuter sur l'écorce des arbres, devenait de plus en plus claire et limpide. Je répétais ensuite l'opération dans la direction opposée, pour brouiller un peu plus les pistes. Si au passage j'avais pu rendre l'autre cinglé à moitié sourd, j'en étais ravie ! Puis, je me tournais vers Anika.

"A vous de jouer, maintenant !"

Je m'approchais alors de la sortie de notre cachette, prête à reprendre notre course effrénée vers la liberté. Ok, c'était un peu grandiloquent, vu sous cet angle, mais on en était pas si loin !

Je ne pensais pas que notre cher ami le hunter tomberait dans le panneau si facilement... Et pourtant si. Soit nous étions très douées, Anika et moi, soit il était complètement idiot. Ou encore un mélange des deux, allez savoir... Toujours est-il que ma voix et les ondes de choc d'Anika l'attirèrent à l'opposé de là où nous étions, nous offrant enfin une ouverture pour reprendre notre course. Sérieux... Je peux pas rester ici et attendre gentiment les secours et accessoirement que le soleil se lève ? Je sentais le peu de force qui me restait me quitter peu à peu, comme si j'étais au bord de l'épuisement et prête à piquer un petit somme. Mon épaule me faisait horriblement mal, le crâne n'en parlons pas, et j'avais autant envie de me retrouver à l'hôpital que de me jeter dans un lac gelé en plein hiver. Après tout, c'était la deuxième fois en l'espace d'un mois que je me faisais enlever par un chasseur... Je devais avoir la tête de l'emploi, allez savoir... Sauf que la dernière fois, les deux gugus étaient morts, ne laissant aucun témoin sur place. Celui-ci, il était bien vivant et décidé à nous faire la peau. Et quand bien même nous aurions réussi à nous enfuir, j'étais fichée. Les prochaines semaines allaient être longues, je le sentais...

Mais pour l'heure, il fallait plutôt penser à notre survie. Je courrais derrière Anika, les dents serrées pour ne pas cracher le chapelet de juron qui me démangeait la langue, tant j'avais mal et envie de faire la peau de l'enfoiré qui nous suivait. Cette fois c'était clair : Ces gens-là voulaient notre mort ? Très bien ! Je me sentais moi aussi prête à commettre un meurtre, maintenant !
J'ignorais combien de temps nous avions couru, mais bientôt nous pouvions apercevoir la route bordant la forêt. J'avais les poumons en feu, mais j'étais heureuse de voir un peu de vie et de lumière. Il n'y avait certes pas grand monde à cette heure-ci, mais quelques voitures circulaient encore.

"C'est plus sûr, oui... Vous êtes garée par ici ? On a couru un peu à l'aveuglette, je serais incapable de dire d'où nous venons, là..."

Et merde... Elle n'avait plus de batterie... Je comptais pourtant sur ça pour nous trouver des renforts, étant donné que nous étions un peu paumées et poursuivies...

"Fais chier... L'autre cinglé a réduit le mien en miettes l'autre jour pour être sûr que personne n'essayerait de me joindre... Je crois bien qu'il est seul dans le coin à avoir un téléphone opérationnel... Je pense que je dois pouvoir tenir encore un peu..."

En réalité j'étais à bout de force, et je sentais mes genoux trembler sous mon poids. Quoi que non... C'était tout mon corps qui tremblait, de froid, de fatigue et de douleur. Depuis quand je n'avais pas mangé et dormis ? Au moins deux jours, ça expliquait bien des choses... A l'hôpital ils avaient vraiment finir par se poser des questions en me voyant... Finalement, je suivis Anika tandis qu'elle se dirigeait vers sa voiture, du moins je l'espérais. Minute... Elle savait vraiment où nous allions ? Et puis qui me disait qu'en réalité ça n'était pas une super copine du hunter qui jouait la comédie pour m'amener à parler ? Ok ok je deviens parano... Mais la question valait la peine d'être posée...

"Dites... Vous savez vraiment où est votre voiture, par rapport à ici ? Parce qu'on a l'air bien paumées, quand même... Il ne va pas avoir de mal à nous retrouver, là..."

Subtilité : Ok. Efficacité... Un peu moins. Mais pouvais-je vraiment lui faire confiance ? D'ailleurs pouvais-je seulement faire confiance à qui que ce soit ici ? Cette ville était peuplée de cinglés, je ne m'étais jamais sentie aussi peu en sécurité qu'ici...

Nous avancions alors prudemment, troquant la course pour une marche plus raisonnable, et je pensais peu à peu à reprendre mes esprits, me disant que j'avais été idiote de penser qu'Anika, qui était venue jusqu'ici pour me sauver, pouvait en réalité vouloir ma peau. Mais ça, c'était sans compter la ténacité du malade qui nous poursuivait. Alors que nous avancions, une forme sombre se dessina face à nous. Il était à vingt mètres de là, arme en main, prêt à nous transformer en passoire. Et ça ça sentait le poney. Vraiment. Parce que je n'étais absolument plus en étant de courir ou de me battre de quelque manière que ce soit. Nous étions sûrement proches de la voiture d'Anika, mais encore plus de ce chasseur un brin tenace. Ok Moira réfléchis... Une diversion, n'importe laquelle... La seule chose que je trouvais à faire, c'était me figer, comme un gibier qui se sent traqué. Je tirais alors Anika par la manche pour l'attirer vers la route, parce que c'était encore notre meilleure option...

"C'est celle-là, votre voiture ?" Chuchotais-je en désignant le seul véhicule garé à des kilomètres à la ronde.

Elle en était presque sûre ? Ah ! La bonne blague... C'était du sûr, du certain, du cent pour cent méga convaincu qui arrache sa maman, que je voulais ! Parce que là, je commençais à méchamment flipper à l'idée de me faire descendre comme un lapin pendant une partie de chasse, et j'avais l'impression que plus j'avançais, plus mon bras menaçait de tomber. Et comme s'il m'avait entendu penser, l'autre cinglé était là, face à nous... Il ne semblait pas nous avoir vues mais d'un autre côté, à moins d'être un elfe ou un chat et d'être par conséquent nyctalope, il ne risquait pas de distinguer grand chose.

Finalement, c'était bien la voiture d'Anika que nous apercevions, et je me retenais de lâcher une exclamation réjouie, histoire de ne pas attirer le chasseur avec un « Hallelujah ! » un peu trop sonore. Je prévoyais de hurler mon soulagement une fois en sécurité et au chaud... C'est que le froid hivernal commençait à bien m'engourdir ! Je grimaçais cependant en imaginant le flic qui allait me suivre partout pour me protéger. Un gorille qui me colle aux basques, non merci... Limite qu'il passe dans le quartier voir si tout va bien pendant une ronde, passe encore... Mais avoir un type qui me prépare mes pancakes et vérifie dans tous les coins s'il n'y a pas un piège ? Non merci.

"Et étrangement, je vous avoue que s'il refuse de coopérer et fini avec une balle dans le carafon, j'irai pas le pleurer. J'ai retenu la leçon, la prochaine fois j'avertirai tous mes voisins en allant faire des courses... C'est une ville de dingues, ici !"

Je soupire, morose et bougonne. Fatiguée et blessée comme je l'étais, je n'étais pas spécialement encline à sauter de joie. Encore moins maintenant que j'avais la certitude de devoir retourner à l'hôpital. Ils allaient finir par me mettre sur la liste des casse cou, et de toute manière je n'avais pas du tout envie d'y aller... J'avais été traumatisée par les hôpitaux quand j'étais gamine, et je ne supportais pas la vue d'une aiguille... Imaginez un peu mon enthousiasme ! C'était la teuf dans ma tête ! J'espérais aussi qu'Anika avait raison et que je serais tranquille pendant un moment... Deux fois que je me faisais attaquer en l'espace d'un mois... J'avais à peine eu le temps de rejoindre Uprising en espérant non seulement apprendre à me battre mais aussi participer à la riposte contre les hunters, que je me faisais à nouveau enlever et fracasser. C'était quoi, le délire ? J'avais la tête de l'emploi, c'est ça ?

Je posais ma tête sur la vitre de la voiture, soupirant et fermant les yeux pour calmer un tant soit peu les battements anarchiques de mon cœur et ce mal de crâne qui me pulsait aux tempes. Je tremblais de partout, comme la dernière fois, j'avais mal et je me sentais à la fois comme dans du coton... Le corps humain avait quelque chose de magique, quand même ! Plus vous êtes mal en point, plus il vous fait planer ! Si ça pouvait m'éviter d'être tétanisée par la douleur, d'un autre côté...
Et alors que j'étais presque contente d'arriver à l'hôpital... Qui nous y attendait ? Je vous le donne en mille, le chasseur ! Le bougre nous avait devancé, et ça ne présageait rien de bon pour la suite. Le temps que nous sortions de la voiture pour rejoindre l'entrée des urgences, il avait le temps de nous tuer ou de nous vacciner dix fois.

Heureusement pour nous, Anika réagit suffisamment rapidement pour éviter que le chasseur ne nous voit. Elle braqua, fit demi-tour et nous filions à nouveau dans les rues de Radcliff. Quand la flic me confia qu'elle avait de quoi soigner et... Recoudre les plaies, je déglutissais et me contentais d'acquiescer sagement sans rien répondre. Arriverait un moment où il faudrait bien que je lui dise que je risquais de connement tomber dans les pommes en voyant une aiguille...

THE END !