C'était le jour J. Le grand jour. L'heure de l'entraînement. De la torture, selon le point de vue. Du défouloir. Un baiser sur la tempe pour dire au revoir à Sigrid une fois Maiken rentrée à son domicile, quelques mots échangés, et la blondinette s'était éclipsée, allant d'un bon pas vers son lieu de rendez vous. Aucun détour par le motel, aucune envie d'y croiser Solal pour ensuite devoir lui expliquer où elle se rendait. Elle ne voulait pas qu'il désapprouve. Ou qu'il se sente exclus, en tant qu'humain, de ses préoccupations de plus-si-humaine que ça. Ouais, ça la travaillait, Zelda. Un milliard d'interrogations qu'elle se posait chaque jour, parfois à voix haute qui plus est, à marmonner toute seule dans la rue en débattant avec elle-même. C'était d'ailleurs en pleine auto-conversation que la jeune femme avait été interrompue, ses pas l'ayant conduite plus rapidement que prévu aux abords de la zone industrielle de Radcliff. Bien entendu, la mutante n'avait pas pris la peine de changer de vêtements pour enfiler une tenue plus adéquate à ce genre de rendez vous. C'était ainsi vêtue d'une de ses inénarrables robes à fleur surmontée d'un manteau pour affronter les températures hivernales que la belle s'était engagée sur la voie des retrouvailles avec son coach personnel. Si l'on pouvait ainsi qualifier le télépathe. C'est qu'il n'y allait pas avec le dos de la cuillère, ce fameux Mikael, et qu'il gueulait, et fort.  Le genre de comportement que Zelda n'avait pas été habituée à recevoir, certainement pas les foudres d'un pratiquement inconnu, d'ailleurs. Elle n'avait pas souvenir d'avoir un jour été la cible de telles remontrances, ni même que l'on ait simplement haussé le ton sur elle. Pourtant, malgré ce fort caractère qu'elle devrait endurer au cours de ces heures de travail acharné - et qui à lui seul aurait pu suffisamment secouer ses émotions pour ramener dans son esprit bridé la notion de peur, voire de danger - la blonde s'y rendait, avec joie. Parce qu'elle avait beau être sensible, Zelda, elle demeurait tenace. Et puis, elle ne pouvait pas croire que Mikael était si méchant.

Après avoir manqué de se faire bouffer les doigts en tentant de caresser un berger allemand qui traînait à l'entrée de la zone, la belle tourna un instant devant les grilles en se hissant de temps à autre sur la pointe des pieds pour tenter de distinguer une quelconque silhouette entre les bâtiments. Jusqu'à ce que l'un des nombreux chiens errants présents aux alentours ne se décide à s'avancer vers elle. Le sourire de l'amnésique disparut rapidement de son visage à mesure que les aboiements gagnaient en véhémence. « Ouste. Laisse moi tranquille. » De peur de se voir à nouveau attaquée en se montrant trop affectueuse, ses réticences à l'égard du canidé ne faisaient qu'accentuer l'agitation de l'animal, qui mêlait  désormais aux aboiements quelques grognements impatients.  Son comportement était étrange. Presque anormal. Pour elle qui avait côtoyé divers animaux depuis sa plus tendre enfance, l'attitude de celui-ci la laissait perplexe. Comme s'il tentait de lui adresser un message. Message que visiblement, la blonde n'était pas prête de comprendre, ce qu'il sentit sans doute. Ce pourquoi ce fut donc en attrapant un pan de sa robe entre ses crocs qu'il s'évertua à la traîner dans la direction que lui avait intimée Mikalel, à l'insu de l'électrokinésiste. Protestant tout en se soumettant à sa volonté de peur de voir sa robe déchirée, ce fut donc en trépignant que Zelda déboucha dans l'entrepôt. Le chien se désintéressa d'elle dès l'instant où elle y posa le pied, notant la présence de son mentor au fond de la salle, salle dépourvue de toute lumière. Comprenant subitement en voyant l'animal gambader comme un bienheureux dans sa direction. Plissant machinalement sa robe inondée de bave, un sourire souleva ses pommettes alors que Mikael se levait, même si son sourire en aurait sans doute fait pâlir plus d'un. Incapable de discerner tout le sadisme imprégné sur ses traits - après tout, ceci était une notion inconnue de la jeune femme, ou tout du moins, oubliée - la blondinette s'avança dans un léger sautillement dans sa direction. Comme une gamine accourant vers le premier type louche lui proposant une poignée de bonbons. « Ouaip, chef. J'suis prête. Totalement. D'ailleurs, chef, ça vous va ? Ou vous préférez boss ? Ou monsieur ? J'sais pas comment j'dois vous appeler. » Et un rire totalement innocent s'échappant de ses lèvres, une lueur amusée dans les yeux. Complètement inconsciente des risques auxquels elle s'exposait en faisant preuve d'autant de légèreté. Incapable de contrôler son débit de paroles.

A l'ordre de Mikael, elle étouffa un rire. Avant de comprendre qu'il était sérieux. « Sérieusement ? » Avant de se racler la gorge en comprenant à son faciès que sa question était des plus inutiles. Soufflant un grand coup comme pour témoigner de sa concentration, la blondinette ôta son manteau et alla soigneusement le déposer sur le caisson, sans manquer de le plier au carré avant. Revenant en petites foulées vers son professeur, elle ne manqua pas d'exécuter quelques mouvements d'échauffement au niveau des épaules et des poignets, avant de fermer les yeux en faisant mine de se concentrer. Aucune de ses pensées cependant ne semblait destinée à lui permettre d'allumer ce foutu entrepôt. Parce que tout ce qu'elle savait faire, volontairement, c'était de se saisir de la petite ampoule test que lui avait confié Solal, et de regarder si oui ou non elle s'allumait sous ses yeux. Elle était également capable de s'électrocuter en faisant la plonge au restaurant, et d'électrocuter Alfie au passage. D'allumer sur son passage les réverbères d'une ruelle, mais toujours de manière impromptue. Ou encore de contempler les étincelles parsemer son épiderme sans qu'elle n'y comprenne rien. La blondinette n'avait pas encore fait le rapprochement entre ce qui déclenchait son don ou non. La colère ou les tentatives d'accès à des souvenirs oubliés exacerbaient sans doute la charge électrique de son corps, mais elle n'en avait pas conscience. Alors, à respirer profondément face à ce compteur, les paupières closes pour donner l'illusion de maîtriser la situation, Zelda n'y croyait pas. Un regard angoissé au chien qui tournait près des pattes de Mikael, et la pression s'intensifia. Et d'un geste spontané, trop calculé, presque théâtral, la blondinette plaqua sa main au compteur. Sans doute que dans les films, une petite musique badass assortie d'un léger vent sorti de nulle part venant agiter ses cheveux de manière glamour auraient intensifié la scène. Suivi d'un grésillement et de superbes diffusions électriques. Mais que neni. Figée dans cette position, Zelda réouvrit un oeil, plissant les sourcils en notant qu'aucun lumière ne s'était rétablie. « Oups. » Et trois battements de cils dans la direction de Mikael, pour tenter d'innocenter cet échec flagrant. « Au moins, j'ai pas touché au chien, vous voyez. » Oui Zelda, super Zelda...

Là où d'autres se seraient sans doute sentis menacés - et à juste titre - par les répliques cinglantes de son entraîneur, Zelda quant à elle s'était contentée d'un haussement d'épaule nonchalant. Bien, elle ne l'appellerait pas. La froideur de son ton n'était pas pour lui plaire, mais aucune once de crainte ne semblait décidée à s'immiscer en elle. Comme toujours. Sa psyché était tellement abîmée qu'elle aurait été capable d'avoir tout un tas d'autres répliques inappropriées à l'égard de son maître. Parce qu'elle persistait à le voir comme tel, un mentor aux allures de gros nounours qui ne portait pas une miette de malveillance en lui. La Zelda d'antan aurait certainement rebroussé chemin, en sentant l'imminence du danger approcher alors qu'elle se dirigeait vers le compteur électrique sous les ordres féroces de Mikael. Mais la blondinette qui se tenait actuellement dans cet entrepôt, agaçante à souhait sans même s'en apercevoir, s'y rendait presque en sautillant joyeusement. Rien n'aurait pu la sortir de sa torpeur enchantée. Rien. Pas même l'évocation de la colère par le mutant, qui semblait déterminé à déclencher cette émotion chez elle. Un sourire amusé sur les lèvres, Zelda hocha la tête d'un air faussement approbateur, comme pour l'encourager dans cette voie qu'elle savait perdue d'avance. Nul événement n'était capable de réellement déclencher sa colère. Plus maintenant. Alors, même l'ordre que Mikael donna à l'animal ne parvint pas à la perturber. Elle se contenta de regarder tour à tour l'homme lancer l'ordre et le chien se positionner devant elle d'un air menaçant, avant de planter ses mains sur ses hanches impatiemment. « Franchement, c'est peine perdue. »  Un soupir s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle sursautait au nouvel ordre de Mikael, replaçant dans la seconde sa paume sur le générateur sans le quitter des yeux.

Lorsqu'il s'empara du manteau, la blondinette resta un instant immobile, fronçant légèrement les sourcils sans comprendre à quoi il pouvait jouer. Ce ne fut que lorsqu'elle aperçut clairement le briquet dans sa main qu'elle sentit une vague d'émotions jaillir du plus profond de son crâne. Indescriptible. Incompréhensible. Une appréhension viscérale lui hurlant de ne pas le laisser faire. De ne pas le laisser détruire ce qui ne représentait à ses yeux qu'un vêtement parmi d'autre. Un vêtement qu'elle avait traîné partout avec elle depuis... Depuis... Son souffle irrégulier heurtait ses lèvres tandis que ses pupilles se rétrécissaient à vue d'oeil dans ses iris noisettes. Son coeur percutait ses côtes dans un rythme devenu soudainement incontrôlable sous les assauts de ces décharges adrénalinées parcourant son corps de millimètre en millimètre. « Faîtes pas ça. On arrête, mais faîtes pas ça. » Son ton subitement grave résonnait dans sa voix rendue tremblante par la terreur et l'impuissance s'emparant d'elle. La vision de la flamme s'approchant dangereusement des quelques fils défaits du tissu déclenchèrent un frisson qui roula entre ses omoplates en vrillant son échine comme un millier d'aiguilles. La blondinette effectua deux pas en avant, reculant aussi sec en détournant la tête en entendant la réponse grondante de l'animal.  Cette peur qu'elle avait oublié, qu'elle ne connaissait pas, la submergea entièrement tandis que le premier pan de la veste s'embrasait sous ses yeux brillant derrière leur miroir de larmes. Il ne pouvait pas brûler ce manteau. Il pouvait brûler sa robe, brûler ses cheveux si ça le chantait, mais pas ce manteau. Pourquoi, Zelda ? Détournant de nouveau le visage en secouant la tête de gauche à droite comme pour ne pas se laisser aller vers les zones d'ombres de ses souvenirs, la blondinette reporta son regard suppliant vers le mutant. « Il y a quelque chose dans la poche droite ! Brûlez le si vous voulez, mais retirer ce qu'il y a dedans ! Retirez le et je vous crée un feu d'artifice avec tous les câbles électriques du quartier ! Mais retirez le, merde ! » Suffocant dans la douleur d'une mémoire inatteignable, incapable d'attraper au vol les images qu'elle effleurait du bout des doigts sans parvenir à y voir clair, elle perdait pied. C'était un bout de papier. Un bout de papier sans importance pour lui. Crucial pour elle. Sans qu'elle ne parvienne à comprendre pour quelle raison. Sa mémoire endormie continuait à la héler d'agir, d'empêcher de perdre ce seul morceau la reliant à ce passé oublié. Ses supplications prononcées à voix basse la plaçant dans un état de détresse certainement incompréhensible pour l'homme qui lui faisait face, et qui ne s'attendait certainement pas à une réaction si désespérée. Zelda esquiva habilement les crocs de l'animal lorsqu'elle tenta un nouveau passage, celui ci déchiquetant le bas de sa robe tandis qu'elle s'éloignait à nouveau. Et tandis que la panique continuait à monter en son sein, à mesure que son cerveau s'électrisait pour ranimer ses souvenirs, son corps entier se figea. Sa main fermement plaquée sur le générateur blanchit un peu plus encore tandis que ses doigts s'y crispaient davantage. Son regard noircissait à vue d'oeil, ses prunelles si claires d'ordinaire arborant les méandres tempétueux d'un ciel d'orage, et un instant, ce fut l'ancienne Zelda qui fit face à Mikael. Aurore. L'Aurore des derniers jours, la folie glissant sur sa chair et la rage défigurant ses traits. Et la foudre qui grondait dans son esprit sembla se répandre jusqu'au bout de ses ongles. La décharge fut telle que l'entrepôt s'illumina instantanément. Pour deux secondes. Avant que sous ses doigts surchargés la matrice ne déraille, grésillant dans un bourdonnement assourdissant. Et dans un court-circuit brutal, la noirceur retomba tandis que le générateur défaillait sous la tension trop importante délivrée par une Zelda tremblante, prête à électrocuter quiconque l'approcherait.

La veste acheva de se consumer dans quelques dernière volutes de fumée, noyées par les flammes tandis que la blondinette sentait son coeur se décomposer. Un appel au secours hurlé des tréfonds de son esprit, les sens en alerte, une dernière tentative d'Aurore pour reprendre le dessus sur la frêle Zelda, incapable de se réveiller. Un mélange de détresse, de rage, d'incompréhension. Ses muscles demeurèrent rigides comme une poutre de bois quelques secondes encore après que l'électricité les ait abandonné. Les ténèbres s'étaient abattues, l'aveuglant, la perdant un peu plus encore. Seule la dernière lueur enflammée dévorant son manteau parvenait à éclairer la pièce de l'entrepôt. La voix de son mentor lui arracha un sursaut tandis qu'elle plaquait ses omoplates au mur adjacent, avec les manies d'une bête sauvage. Tremblant de tout son être, la mutante perdait le fil de ses pensées, son cortex ne sachant plus bien comment fonctionner suite à cette décharge survoltée. Et puis, tandis que tout s'illuminait à nouveau, son regard se refixa sur Mikael sans comprendre immédiatement. Ayant presque oublié ce qui venait tout juste de se dérouler. L'espace d'un instant, en baissant les yeux vers ses mains, elle se surprit d'y trouver imprégnée une noirceur charbonneuse, décorant la pulpe de ses doigts. Elle les agita un instant devant elle, comme pour s'assurer qu'ils bougeaient toujours, avant de frotter machinalement ses poignets engourdis. Les mots de Mikael parcoururent son esprit tandis qu'elle reportait des prunelles incertaines sur lui.  « Pourquoi j'ai l'impression que j'devrais pas. »  C'était une véritable interrogation, posée comme un simple constat, sans la moindre pointe de sarcasme pour en aiguiser l'intonation. C'était une crainte viscérale qui lui nouait les tripes depuis qu'elle avait perdu le contrôle de son don, de sa propre réflexion. L'amnésie avait pratiquement emporté  avec elle le souvenir de ce qu'elle avait pu ressentir en le voyant foutre le feu à cette veste, en sentant le sol s'effondrer sous ses pieds. Elle boudait clairement, en reprenant la parole, s'exprimant de manière bien concise contrairement à d'habitude. « Vous avez quand même brûlé mon manteau. J'ai fait ce que vous vouliez, mais vous l'avez brûlé quand même. » Tu ne devais pas te souvenir de ça, Zelda. Tu devais oublier la peur, oublier que ce manteau était si important. Les échos d'une voix masculine à la fois distante et familière dont l'écho presque inaudible résonnait dans sa tête. Elle arqua un sourcil, décollant son dos du mur, tournant la tête à droite, à gauche, l'élevant même comme pour comprendre d'où cela pouvait bien provenir. « Vous avez entendu ça ? » Fronçant légèrement les sourcils sans se rendre compte de l'air étrange qu'elle pouvait donner d'elle, la fille qui se mettait à entendre des voix, elle s'immobilisa en demeurant pensive. C'était pas la voix de Solal. Pas la voix de Nath. Pas même celle de Kingsley. Elle ne savait pas, la belle, à qui pouvait appartenir ce semblant de familiarité s'adressant à elle à travers son esprit endommagé. Incapable d'y associer un visage qu'elle avait été forcée d'oublier, les traits de celui qui fut un jour son ami, et qui s'employa à cloisonner ses souvenirs pour lui en épargner l'accès. Mais ça éveillait sa curiosité, à Zelda. C'était pas la première fois que ça lui arrivait. Toujours quand elle forçait un peu trop sur son don. Alors, dans sa candeur habituelle, ses boucles blondes volant autour de son visage angélique tandis qu'elle s'approchait de Mikael, un sourire trancha son visage lorsqu'elle reprit la parole. « Je suis prête. Dîtes moi quoi faire, je le ferai.  » Si cela pouvait lui permettre d'assouvir sa curiosité quant à cet inconnu qui apparaissait dans son crâne, comme un ami imaginaire, elle était prête à accomplir tout ce que son maître lui demanderait. « J'espère que c'était que l'échauffement, parce que j'ai pas fini de vous surprendre.  » Levant le menton pour se donner de grands airs. Comme si sa bouille ne suffisait pas à elle seule à lui faire perdre toute crédibilité.

Elle l'avait suivi avec entrain, son enthousiasme grandissant face à ce grand sourire qu'il lui avait adressé avant de se détourner, retenant in extremis le petit sautillement qui accompagnait chacun de ses pas. Elle n'était pas rancunière, Zelda, elle avait déjà oublié l'histoire du manteau, tandis que le souvenir de ce bout de papier rangé dans l'une des poches retournait soigneusement à sa place, loin de sa réalité factice. Manquant de le percuter de plein fouet alors qu'il s'arrêtait près de la porte du fond, plongée dans la pénombre, la blondinette recula de quelques pas précautionneux en sentant une soudaine appréhension se mêler à l'excitation. Durant une seconde, seuls les jappements du chien qui se tenait à leurs pieds occupèrent le silence qui s'était dressé entre eux. Elle s'était penchée dans sa direction, glissant ses doigts dans son pelage pour venir le gratouiller derrière les oreilles lorsque Mikael se tourna subitement vers elle. Se redressant instantanément, comme si caresser leur ami à quatre pattes lui faisait perdre cette toute nouvelle crédibilité que le mentor semblait lui accorder, elle se tenait droite comme un piquet, prête à s'exécuter au prochain ordre. Il ne manquait plus que l'uniforme pour compléter son parfait garde-à-vous. C'en était sûrement un peu ridicule, d'un point de vue externe, de voir cette petite blonde en robe à fleurs obéir à son sergent improvisé, le dévisageant avec toute la ténacité du monde, gobant ses mots comme si sa vie en dépendait. Une décharge d'adrénaline électrisa sa chair, littéralement parlant, quelques étincelles venant crépiter le long de son épiderme tandis qu'elle retenait presque son souffle à ses paroles si solennellement prononcées. C'était la première fois de sa vie qu'on s'adressait à elle sur ce ton, comme si elle était quelqu'un d'important, quelqu'un qui s'apprêtait à accomplir de grandes choses, et ça avait quelque chose de si grisant qu'elle réprimait avec difficulté le sourire qui cherchait à se greffer à ses lèvres. La difficulté, le danger que lui décrivait le mutant, ce n'était que des mots, des mots qu'elle entendait sans les comprendre. Elle ne réalisait pas, ne s'imprégnait pas de ses avertissements, handicapée du jugement qui ne parvenait à peser le pour et le contre puisqu'incapable de s'inquiéter pour sa propre sécurité. Parce qu'il ne pouvait rien lui arriver, elle le savait bien, il ne lui était jamais rien arrivé de sa vie, le malheur c'était pas pour elle, seulement pour les autres, et encore. Alors elle devait sembler un peu téméraire, à acquiescer à ses paroles sans se départir de son regard pétillant, de son comportement légèrement nonchalant malgré ses efforts pour paraître la plus sérieuse au monde. Peu importait ce qui pouvait se trouver dans cette salle, tout irait bien. C'était avec cette intime conviction que la blondinette accueillit les derniers mots de Mikael, un hochement de tête approbateur à l'appui. « J'ai pas peur. C'est pas votre salle qui va me faire peur.  » S'avançant de quelques pas pour se poster à ses côtés en plissant les yeux pour tenter de discerner ce qui pouvait se trouver à l'intérieur, des crépitations sonores commençaient à piqueter le bout de ses doigts, l'électricité continuant à affluer à la surface de sa peau depuis sa dernière démonstration. Sûrement qu'elle devrait également apprendre à ranger ça soigneusement dans ses cellules, aussi. Pas seulement se contenter de libérer le jus avec fracas. S'humectant les lèvres, glissant un regard à son mentor, lui lançant une réplique légèrement provocatrice bien que totalement honnête. « Et c'est pas vous qui allez me faire peur.  » Et à elle de prendre les devants en pénetrant dans la salle sans se retourner. Ce lieu qu'elle ne connaissait pas encore. Qu'elle apprivoiserait. Parce que la notion de difficulté, de danger, l'effleureraient dès les premiers exercices tentés. Parce que rien ne serait facile sur ce lieu d'entraîinement, que les machines seraient difficiles à apprivoiser, que sa mutation leur jouerait des tours. Mais qu'ils reviendraient. Inlassablement.