Comment êtes-vous entré parmi les hunters ?
   On va dire que c'est un truc familial. Une charge qui se transmet de génération en génération. L'arrière-grand-père paternel de Darwin fut le premier hunter de la famille, et depuis tous les enfants le furent à leur tour. Éduqués à la dure (disons que c'est un doux euphémisme) pour tout comprendre de ce dégoût de la mutation qu'ils doivent ressentir, de ce devoir qu'ils doivent plus que tout vouloir accomplir. Darwin ne fait d'ailleurs pas exception à la règle. Il a regardé ses aînés s'enfoncer dans des méandres qu'il ne comprenait pas, puis son père a fait de lui un monstre qu'il abhorre et qu'il n'a jamais voulu être. Le paternel a façonné les enfants à son image. Nés pour être cruels et intransigeants. C'est ainsi, les Hamilton sont d'impitoyables chasseurs. Normalement c'est ce qui les réuni tous, ce qui fait leur force. Disons plutôt qu'au fil du temps les tensions ont grandement augmenté au sein de leur petite famille parfaite et bien réglé. Les premiers contrevenants à cette terrible éducation sont apparus. Leur père a du redoubler d'efforts pour ne pas les éliminer du tableau sur lequel ils sont les deux seules ombres. Darwin  et sa sœur cadette sont son sempiternel problème car il n'a jamais réussi à les convaincre totalement du bienfait de leurs actions. Et même s'ils n'osent pas s'opposer directement au chef de famille, cet homme menaçant qui hante leurs cauchemars, il sait bien ce qu'ils pensent réellement de tout ça. Les chasseurs, le jeune homme croit vraiment les détester. Bien plus que les transmutants qu'on lui a appris à haïr, sans aucun doute.

   Avez-vous déjà effectué votre devoir de chasseur ?
   Évidemment ; même si la première fois ce n'était pas de son plein-gré. Disons que son père en a fait un rituel de passage très important pour pouvoir enfin accéder au précieux grade de hunter confirmé après un long et épuisant entraînement. Il met un point d'honneur à ce que tous mettent leurs acquis en pratique le plus tôt possible. Darwin était incapable de contredire son père. De manière générale ils sont tous incapables de s'opposer à son écrasante volonté. Alors ils dès leurs débuts ils ont obtempéré sagement, comme des bêtes effrayées à l'idée qu'on ne sévisse si le boulot n'est pas bien fait. Puis par la suite le devoir est devenu un automatisme. Le jeune homme répétait tout sagement comme un bel automate. Il se prenait au jeu parfois, finissant par gober plus ou moins les absurdités sortant de sa bouche. Des mots crachés à tort et à travers par « convention ». Il mettait les scrupules de côté car il savait qu'il ne devait pas entacher la réputation de la famille si il voulait éviter les représailles. Vilain canard qu'il était, cette épée de Damoclès semblait présente en permanence au-dessus de lui. Puis ses pseudo-convictions ont commencé à s'émousser de plus en plus et il a réalisé de plus en plus à quel point ce qu'il faisait était ignoble. Supprimer d'autres êtres vivants sans pitié et sans morale est digne des pires monstres. Il était progressivement devenu cette bête haineuse qu'il s'était toujours appliqué à détester. Quant-à aujourd'hui disons que l'automatisme se poursuit car il n'a aucune envie de souffrir sous les tortures de son père, mais il est conscient de la cruauté de tout ça. Il voudrait tellement pouvoir tout rejeter, tout envoyer valser et arrêter ça une bonne fois pour toute. Il n'a rien contre les mutants...Il voudrait tellement pouvoir vivre en paix avec eux. Et en paix avec lui-même au passage.

   Que pensez-vous de l’émergence du groupe de rebelles nommé Uprising ?
   Ils se battent pour la liberté. Ils revendiquent le droit (qui devrait être légitime et naturel) pour les mutants de vivre en paix. Ils font fi de la différence et ne voient que le bien-être d'une population qui souffre. Darwin admire énormément ce courage qu'ils ont d'être les porte paroles d'une telle cause. La bravoure d'aller contre une opinion publique presque unanime et que les puissants travaillent chaque jour à manipuler avec brio. D'ailleurs si on connaît le nom Uprising c'est bien parce qu'ils arrivent à se faire entendre, et même si le changement du monde et des mentalités n'est pas pour demain, Darwin est sûr qu'ils peuvent y parvenir car la soif de liberté permet en général d'accomplir de grandes choses. Alors voilà, la part de loyauté envers sa famille qu'il lui reste lui hurle de les détester et de vouloir les éliminer tous jusqu'au dernier. Tandis que son esprit libre qui ne s'exprime qu'à l'abri des regards voudrait les voir triompher pour voir un bonheur éteint depuis longtemps renaître. Il a compris avec le temps que ce n'est pas aux pauvres mortels de décider comment doivent être les gens ainsi que qui doit disparaître et pourquoi.

   Que pensez-vous des actions de Thaddeus Lancaster à la tête du Comté ?
   Un maire en adéquation avec les hunters. Son père l'adore et ne rate pas une occasion de repaître tout le monde de son admiration pour lui. Quant-à Darwin, il l'irrite au plus haut point. Il a l'a désagréable impression que tous sont ses bons petits soldats de l'ombre, dévoués à la cause et ne rechignant jamais à faire le sale boulot. Il a toujours ce petit air supérieur, cette lueur exacerbée dans les yeux, cette prestance outrancière des hommes publics. Tout ça combiné en fait un personnage détestable et le jeune homme supporte très mal tout cet engouement autour de lui. Aucun de ses fervents admirateurs ne se rend compte que c'est accorder bien trop de puissance à un seul homme que de le vénérer ainsi.

PAYS : la France, rien d'original    DISPONIBILITÉ : partout, tout le temps je suis là assez souvent   VOTRE AVIS SUR TH : le design tue tout, le contexte pète sa mère et vous êtes beaux les gars !    COMMENT AVEZ VOUS CONNU LE FORUM : bazzart je crois    PERSONNAGE : inventé. VOYEZ VOUS DES CHOSES A AMÉLIORER ? : non, rien qui me vienne comme ça   UN DERNIER MOT ? : SOUQUEZ LES ARTIMUSES  

HE CREATED MONSTERS.

La pièce était minuscule et confinée. Aucune lumière ne venait percer l'obscurité oppressante. Darwin étouffait presque, à cause de la simple absence de lumière. Ses mains étaient liées, accrochées solidement à cet imposant pilier de fer qui cognait contre son dos et lui faisait terriblement mal. Ça ajouté à la douleur de ses poignets que les liens brûlaient un peu plus à chaque fois qu'il se débattait. Il était peut-être là depuis des heures, voir même des jours. Toute notion du temps s'était envolée depuis longtemps dans ce trou noir qui menaçait maintenant de ronger ce qui lui restait de santé mentale. Son ventre se tordait sous les à-coups de la faim qui le tiraillait depuis des heures. Il avait essayé de se défaire de ses entraves en tirant dessus de toutes ses forces mais seule la douleur avait daigné lui répondre. Il s'était débattu encore plus fort, il avait hurlé à s'en briser la voix, à s'en déchirer la gorge, mais son seul interlocuteur demeurait l’impitoyable silence. Alors il avait fini par abandonner et avait cessé de lutter contre ces larmes qui voulaient à tout prix dégringoler de ses yeux pour témoigner de toute sa peine. Aucune issue ne s'offrait à lui, il se sentait condamné. Il connaissait cette mécanique par cœur pourtant, mais jamais ça n'avait paru aussi long avant qu'on ne vienne le secourir. Quand un bruit se fit enfin entendre, il était presque totalement inconscient. Il n'arrivait plus à lutter contre la faim et la fatigue et avait plus ou moins décidé de les laisser gagner. De toute manière il était un perdant, un faible, un incapable. Une honte pour la famille, qui risquait de tous les décrédibiliser s'il ne devenait pas plus fort. Mais au lieu de ça il glissait chaque jour un peu plus dans l'instabilité et dans une forme de démence qui était devenue malgré lui son seul réconfort. Son paternel était en train d'obtenir ce qu'il voulait vraiment : un monstre voué à la destruction car ayant connu l'enfer et ce qu'il signifie vraiment. Un bruit métallique de clés dans la serrure résonna un peu plus loin du jeune homme. Il ne se souvenait même plus exactement d’où il se trouvait dans la pièce. La porte grinça dans ses gonds, émettant un bruit semblable à une hurlement qui glaça le sang de Darwin. Puis la lumière vint l'éblouir si fort que sa tête se mit à tourner et qu'il du appuyer ses paumes contre ses yeux pour ne pas s'évanouir complètement ni hurler. Il avait presque oublié l'existence d'un interrupteur et de ce petit manège malsain. Lorsque le jeune homme sentit que l'abondance soudaine de lumière ne risquait plus de le tuer, il se décida à abaisser ses mains et à cligner plusieurs fois des paupières pour pouvoir de nouveau voir le monde à peu près normalement. Face à lui se trouvait Simon Hamilton, commandant en chef de sa petite armée de monstres sans âme personnelle, son géniteur. « Alors bien dormi Darwin ? Ça fait un moment que tu pourris là-dedans maintenant. » La voix était froide, presque mécanique. Le fils ne pu retenir un frisson qui lui parcouru tout le corps. Cet homme était une menace et un bourreau. Il était devenu son enfer ; leur enfer à tous. Les enfants de la famille Hamilton n'étaient rien d'autre que des pantins entre les mains de leur père qui n'aspirait qu'à une chose : faire d'eux les plus impitoyables hunters que le monde ait porté, et ça peu importe les méthodes à employer. Il ne rechignait pas à plonger sa propre famille dans les tourments de la douleur et de la peur. Aucune pitié pour le sang de son sang. Le mot pitié il n'en avait pas connaissance. Le jeune garçon tremblait sur un coin du sol face à cet homme à l'origine de tant de maux. Les siens, ceux de ses frères et sœurs. Ramassé sur le sol encore plus que précédemment, il se serrait à présent contre le poteau comme s'il espérait que reculer un peu dissuaderait Simon de s'en prendre à lui. « C..Com...Combien de temps ? » Les yeux de l'homme menaçant devant lui avaient pris l'éclat d'une lame d'acier et il ne daigna même pas répondre, balayant la question d'un revers de la main comme si les mots de cet insupportable gamin n'étaient que poussière gênante. Le plus indiscipliné de tous. Le plus résistant. Le plus déterminé à demeurer bon quoiqu'il arrive. Il détestait ce gosse mais ne perdait pourtant pas espoir qu'il rentre un jour sagement dans les rangs. S'il arrivait à en faire le monstre qu'il ambitionnait de le voir devenir, il serait le plus impitoyable de la fratrie et rien ne l'arrêterait. « Tu as réfléchi à ce que je t'ai dit sur les dégénérés ? Tu admets ce qu'ils sont à présent ? Tu sais bien que c'est le seul moyen pour toi de sortir ici. Accepte de voir la vérité en face et tu pourras remonter avec tes frères et sœurs et voir la lumière du jour à nouveau. » Il mentait plus ou moins sur un point, évidemment. Seuls les deux aînés allaient bien à cette heure. Les plus dociles et obéissants, ils ne lui posaient quasiment aucun problème. Le troisième fils était plus indiscipliné que ses aînés, bien que pas autant que son cadet. Quant-à la benjamine, elle ressemblait énormément à Darwin et subissait sûrement la même punition que lui quelque-part. Il ne se souvenait même plus précisément d’où il l'avait enfermée. Elle était la moins importante pour lui alors bon...Il se rapprocha à pas mesurés de son fils dont le dos aurait pu à présent se briser contre le pilier tellement il se pressait contre lui. « Alors, qu'en dis-tu Darwin ? Que sont-ils pour toi ? » Le jeune garçon, bien qu'extrêmement effrayé, rassemblait ses dernières forces pour maintenir ses lèvres scellées. Il n'admettrait jamais quelque-chose d'aussi faux. Il refusait obstinément de devenir l'un des instruments de la folie de son père. Il n'entretenait aucune haine à l'égard des mutants. Il n'était qu'un enfant de dix ans à qui on faisait trop de mal et qui ne comprenait plus rien à la tournure désastreuse que prenait progressivement sa vie. Devant le silence buté du gosse, Simon se résolu à lui asséner une gifle d'une rare violence. La tête de Darwin qui vint frapper le pilier dans un sinistre craquement sembla faire un bruit tonitruant dans cette grande pièce vide et froide. Pourtant le choc ne le fit pas hurler. Il était habitué. Il préférait se mordre les lèvres jusqu'à ce que le sang en jaillisse plutôt que d'offrir à son père une victoire dont il serait bien trop fier. Épuise, il était quasiment sûr que sa pommette était fracturée ou au moins fêlée. Il pouvait d'ors et déjà imaginer l'énorme hématome violacé qui prenait place sur sa joue. Le liquide vermeille provenant des ses lèvres s'échappait quant-à lui pour rouler le long de sa mâchoire. Ces nouvelles marques venaient s'ajouter au récent coquard qui ornait son œil gauche et à l'ongle arraché de la fois dernière. « Toujours silencieux ? » Un petit gémissement vint répondre à Hamilton. Un sourire carnassier apparu sur son visage. Il avait l'air satisfait mais pas assez encore. Il s'éloigna de l'enfant qui se recroquevilla sur lui même, incapable de ne pas sangloter en silence. A quelques mètres de là se trouvait un établi sur lequel s'étalaient des instruments divers et variés. Le petit kit de jouets de Simon Hamilton, qu'il adorait exhiber. Il se saisit d'une aiguille qu'il stérilisa brièvement avant de revenir faire face à Darwin. Il faisait miroiter son outil devant les yeux effarés de l'enfant qui se mit à supplier dans de longues phrases qui n'étaient même plus cohérentes. Il était terrorisé et aurait même troqué la mort contre sa vie sans hésiter à cet instant. Quand l'aiguille lui perfora profondément l'index sans qu'il ne s'y attende, il émit un hurlement strident puis guttural qui finit par se bloquer à mi-chemin dans sa gorge car la douleur était trop forte. Puis, après avoir repris son souffle, après que son père ait terminé de fourrager dans son doigt à l'aide de son jouet, il ouvrit la bouche une toute dernière fois avant de basculer dans un noir intense ou plus rien ne pouvait l'atteindre. « Tu as raison, ce sont des abominations ! Tu as raison...Je...Je t'en supplie, arrête. » Et la douleur cessa instantanément. Le gamin s'était fait dessus. Hamilton remballa ses instruments de torture dans un tissu qui ornait son bien-aimé établi. Il hochait doucement la tête, l'air pleinement satisfait cette fois-ci. Il défit les liens de Darwin, désinfecta la plaie de son doigt et s'en alla pour de bon. En sortant de la pièce il laissa l'interrupteur allumé et la porte ouverte. Il était libre pour cette fois. Mais à quel prix ?


C'était un matin gris qui aurait pu être comme tous les autres si l'on se fiait uniquement à la couleur du ciel. C'était le lendemain de Thanksgiving et Darwin, âgé alors de quatorze ans, se trouvait dans le jardin de la vaste maison familiale. Il était assis en tailleurs sur le banc sous la pergola et se balançait mécaniquement d'avant en arrière. Ses larmes se mêlaient à la pluie, si bien qu'on ne distinguait plus la différence entre les deux. L'adolescent avait l'impression qu'un esprit farceur s'était amusé à réduire sa vie en cendres encore plus qu'elle ne l'était déjà et à arracher son cœur au passage. Il se sentait tellement vide qu'il avait l'impression que les bourrasques de vent frais qui soulevaient les feuilles des arbres de temps à autre traversaient son âme sans aucune difficulté. Il y avait un écho résonnant dans sa poitrine là ou aurait normalement du se trouver son cœur. C'était l'écho de la tristesse profonde. Bien pire que la douleur physique. Darwin venait de perdre son dernier rempart contre la cruauté du monde et la folie de son père. Mais par-dessus tout il venait de perdre une mère aimante qui avait toujours été là pour lui et ce quoiqu'il arrive. Elle avait supporté les déviances de son époux jusqu'à l'overdose. Elle avait pensé et recousu de nombreuses plaies ouvertes, posé de la glace à mainte reprises sur les lèvres boursouflées, bercé et rassuré par ses mots. Désormais elle était partie trouver un monde meilleur dans lequel elle avait sa place et qui était dépourvu de toute cette souffrance et de cette cruauté humaine. Le jeune homme avait beau se le répéter encore et encore, il n'arrivait pas vraiment à comprendre le sens de ses propres paroles. Il ne réalisait pas que plus jamais il ne la serrerait dans ses bras pour la remercier d'être le soleil de sa vie et que plus jamais elle ne le rassurerait quand il se mettait à hurler au cœur de la nuit. Hier encore alors que tous mangeait de la dinde pour faire honneur farce annuelle par une parodie de famille équilibrée, elle avait remercié Dieu pour ses cinq admirables enfants dont elle était si fière et qu'elle chérissait tant. En y repensant, tous auraient pu se douter qu'il s'agissait là d'un adieu. Ses mots étaient bien trop sombres malgré son large et lumineux sourire. Elle était déjà déterminée à en finir avec tout ça. Incapable de supporter plus longtemps la mentalité et le mode de vie intenable de son mari. Résignée à ne plus contempler impuissante la souffrance de ses enfants. Consciente de son impuissance face à la situation, elle s'était arrangée avec la mort pour ne plus avoir à souffrir en permanence. Et Darwin l'avait trouvée, plus tôt dans la matinée. Il allait dans la cuisine juste pour se servir un verre d'eau et il l'avait trouvée là à moitié allongée dans un coin de la pièce, en équilibre instable contre un meuble. Ses yeux étaient mi-clos et elle tremblait de tous ses membres. Deux d'entre eux avaient particulièrement attiré l'attention de l'adolescent catastrophé : ses bras. Les avants bras de sa mère et leur pâleur laiteuse coutumière étaient teintés de rubis dont les giclements ne semblaient pas vouloir cesser. Un couteau abreuvé de la même terrible couleur se trouvait non loin d'elle. Le jeune homme avait hurlé avant de couvrir sa bouche de ses mains dans un réflexe de pure horreur. Son cœur avait accéléré au point de lui faire mal aux côtes. Ses pieds avaient manqué de se dérober sous lui quand il avait rejoint sa mère en quelques enjambées. Il avait couvert les plaies béantes de ses mains. Le sang poisseux s'était agglutiné rapidement entre ses doigts tandis qu'il n'arrivait à rien. Il était déjà trop tard. Il s'était mis à sangloter et à gémir comme un animal blessé. Elle le regardait en souriant, l'air apaisé. Ou peut-être bien qu'elle regardait à travers lui, déjà en chemin pour un Éden qu'elle méritait amplement. Darwin l'avait attirée contre lui et l'avait bercée jusqu'à ce que son père arrive et la lui reprenne de force, lui ordonnant de s'éloigner le plus possible. Voilà comment il s'était retrouvé dans le jardin, les vêtements couverts de sang, plus perdu et à l'agonie que jamais.


HE BECAME A BEAST.

Tuer un mutant. C'était l'étape finale du rituel initiatique et fanatique de Simon Hamilton pour faire de ses enfants des chasseurs officiels. Lorsqu'ils atteignaient dix-huit ans, ils devaient tuer pour faire leurs preuves une bonne fois pour toutes. Pour la fierté de la famille. C'était au tour de Darwin cette année. Ses deux plus grands frères s'y étaient attelés des années plus tôt, et celui qui venait juste au-dessus de lui avait eu sa première expérience meurtrière l'année d'avant. Il restait deux ans à sa petite sœur avant de devenir une terrible tueuse à son tour. Mais c'était à Darwin à présent d'endosser l'effrayant costume de meurtrier. Il savait qu'un tel acte changeait un individu à jamais. Il n'ignorait pas que renoncer à son humanité pour les besoins de la famille, pour rester en vie, lui coûterait cher. Mais il n'avait pas le choix. Si le couteau n'était pas officiellement sous sa gorge, il ne doutait pas que son père n'hésiterait pas une seconde avant de le lui planter dans le cœur s'il échouait. Plutôt sacrifier un enfant que d'avoir une déception dans la famille. La chasse et la réputation venaient toujours en premier. Considéré comme une erreur depuis les premières années de sa vie, le jeune homme n'avait plus que cette dernière chance pour échapper à un funeste sort. Il ne voulait pas mourir. Il voulait encore moins mourir que tuer. Il était terrifié. La perspective de tortures encore plus intenses pour parvenir à une mort lente et douloureuse le mortifiait. Mais l'idée même de se salir les mains étaient loin de le réjouir. Pourtant, le choix s'offrait-il vraiment à lui ? Il était descendu dans la cave, lieu qui hantait toujours ses jours comme ses nuits sachant le nombre de tortures qu'il y avait subi, et avait soupiré un grand coup. Son père était là, il l'attendait de pied ferme. Hamilton n'aurait raté ce délicieux spectacle pour rien au monde. Il savait que quoiqu'il puisse arriver ce serait un souffrance ultime pour son fils. Il se réjouissait d'ors et déjà de le briser jusqu'au bout. D'ailleurs quand il croisa son regard vide et angoissé il pu presque y apercevoir de petits fragments de lui se désagrégeant comme pour rendre hommage à son triomphe. Malgré tout il savourait sa future victoire en silence, attentif aux moindres faits et gestes de son fils. Sur la chaise au centre de la pièce se trouvait une petite fille. Elle ne devait pas avoir plus de douze ans. Elle semblait innocente et sans défenses, mais surtout...elle pleurait. Les larmes ruisselaient en abondance sur ses joues. Elle suppliait, essayant de capter le regard de Darwin pour attirer sa pitié à tout prix. Elle était tremblante et terrorisée. Elle semblait plus faible que tout. Le jeune homme se fit la réflexion qu'il était impensable que son père appelle les mutants des abominations. Elle avait peur et c'était un sentiment très humain. Elle était humaine au même titre qu'eux et ce qu'il s'apprêtait à faire était donc un crime des plus odieux. Mais il n'avait pas le choix, alors il évitait son regard autant que possible. Il attendait nerveusement les ordres, les yeux rivés sur le sol. Il aurait voulu s'occuper d'un adulte. Ce n'était qu'une gamine. Les remords le rongeaient déjà. « Nous allons commencer. Tu vas prendre l'essence et les allumettes pour enflammer cette immonde gamine. Puis tu vas regarder, évidemment. Nous ne quitterons pas la pièce avant que la seule chose demeurant d'elle ne soit un tas de cendres. » La petite eu un frisson démesurément incontrôlable. Darwin aurait souhaité qu'elle puisse se défendre. Or, sa mutation reposait sur le toucher et elle était suffisamment bien attachée pour ne pas pouvoir s'approcher d'eux. De plus, la peur la perturbait sans doute trop pour qu'elle se mette à penser stratégie. Le jeune homme releva les yeux vers son père qui lui indiquait l'établi aux multiples outils d'un mouvement de tête. Il s'exécuta et marcha jusqu'au meuble. Il y trouva l'essence et les allumettes et s'en empara. Cependant il ne cessait de peser le pour et le contre. Il n'avait pas le choix, il devait tuer, mais la douleur de cette enfant était-elle absolument nécessaire ? Il n'avait aucune envie de la regarder brûler et de l'écouter hurler. Il ne voulait pas ma voir souffrir tout en se répétant que tout était de sa faute. Il pris donc une grande inspiration et saisit un couteau quelconque qu'il glissa dans sa manche bien à l'abri du regard de son géniteur. Il revint ensuite vers la fille, s'approchant suffisamment d'elle pour la recouvrir d'essence sans qu'elle ne puisse le toucher. Le rythme cardiaque de Darwin n'avait de cesse de s'accélérer. Il allait ouvertement contre la volonté de son père. Même s'il allait quand-même remplir sa mission, il n'allait pas le faire de la bonne manière et allait s'exposer pour sûr à la fureur de Simon. Mais il ne pouvait pas aller à ce point à l'encontre de son humanité. Il ne pouvait pas se résoudre à torturer une fillette. Il s'approcha donc d'elle de nouveau et déposa un simple « Je suis vraiment désolé... » au creux de son oreille avant de lui trancher la gorge d'un mouvement fluide et impeccable. Son père se mis à hurler de rage et les représailles ne mirent pas longtemps à rattraper Darwin. Hamilton fonça sur lui comme une furie, lui attrapant les cheveux sans ménagement jusqu'à l'agenouiller devant lui. Le fils se doutait bien qu'une très longue nuit s'annonçait, et que d'autres viendraient sûrement après ça. Alors il se retint de crier de toutes ses forces quand le premier coup de poing vint lui briser le nez.