Êtes-vous effrayés par l'apparition des transmutants dans la société ?
Bien sûr que non, j'en étais une. J'ai moi aussi eu ce gêne en plus ou en moins, mais on m'a tout enlevé. Les transmutants ne sont pas des monstres, la monstruosité n'existe que dans le coeur de celui qui y croit. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, votre prof, votre boulanger, ils se rendent utiles à la société, pourquoi les chasser ? Je n'ai jamais compris ce qui arrivait à l'humain, ne vous étonnez pas que je sois mieux avec mes machines au final.
Pour moi la mutation, c'est un tremplin vers l'avenir, c'était finalement choisir d'aller de l'avant, de découvrir, de révolutionner le monde. On nous donne en main la clé pour tout changer, et nous ce qu'on en fait ? On la jette dans les égouts et on bouche la serrure.

Que pensez-vous du mouvement terroriste des hunters ?
Me parlez pas d'eux. Je sens ce sentiment grimper en moi, ce poison qui commence à me ronger, qui m'asphyxie, la haine. J'avais tendance à être naïve, à leur trouver des raisons sans pour autant les cautionner. Je me disais qu'il ne devait pas y avoir que du mauvais en eux, qu'ils étaient aveugles mais qu'ils finiraient par voir, mais comment y croire maintenant alors qu'ils m'ont dépouillé de moi-même ? La déliquescence me guette et je leur dois le déclin de mon esprit. C'est décidé, je commence à les haïr.

Que pensez-vous des affrontements entre les hunters et le groupe Uprising ?
Je suis en deuil. En deuil de mon don, en deuil pour tous mes pairs qui sont morts, pour tous les innocents qui ont dû payer le prix de leur différence. Je n'ai jamais aimé la guerre plus que ça, je ne veux plus vivre dans un quotidien de violence. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas une hippie, j'ai mes propres torts, mes propres démons, mais je pense qu'il faut arrêter le massacre. Enfin, je pensais. Maintenant, je suis plus d'avis que les Uprising mettent la pâté aux hunters. Un coup de bombe qu'on n'en parle plus.

Que pensez-vous des actions de Thaddeus Lancaster à la tête du Comté ?
La politique, ça me débecte. Lancaster, si je pouvais le rencontrer je lui gerberais dessus volontiers. Lui et n'importe quel politicien d'ailleurs. Ils ne parlent qu'une langue, la langue de bois, nous susurrent des promesses qui ne les arrangent qu'eux au final. Je le trouve louche, je le trouve vicieux, son charisme est inquiétant et me retourne l'estomac. C'est le serpent Kaa.
Encore un qui vit pour la mort et le vice, qui se prend pour Dieu mais qui rôtira en enfer.

PAYS : Allemagne. DISPONIBILITÉ : Quasiment tous les jours pour flooder, pour les rps, voilà heinVOTRE AVIS SUR TH : Il est comme le bon vin, il se bonifie avec le temps. COMMENT AVEZ VOUS CONNU LE FORUM : PRD  PERSONNAGE : Inventé    VOYEZ VOUS DES CHOSES A AMÉLIORER ? : Plus de smileys ? UN DERNIER MOT ? : J'ai cédé aux voix dans ma tête.  

Est-ce que j'ai perdu au jeu de l'évolution ? On est censé avancer, et moi je régresse. Un pas en avant, et on m'a traîné en arrière. La survie du plus apte. J'étais apte.


Ce n'est pas un remède, c'est une plaie, une invitation pour l'enfer. Je suis assise au milieu d'un de ses cercles, et même Dante n'aurait pas la force  de le parcourir. Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance.
J'ai les fesses qui commencent à faire mal au bout d'une demi heure posée sur ce siège. Ils devraient mettre de vrais fauteuils, un peu de confort dans ce paysage de lamentations. La directrice du programme parle toujours avec un ton enjoué, on dirait qu'un rien la rend heureuse. Ses déblatérations me parviennent vaguement, mes bâillements constants transforment ses mots en borborygmes indéchiffrables. Et puis je ne veux pas de son discours ravi de télé achat, elle essaie de vendre l'humanité avec le même enthousiasme que la blonde siliconée promeut son éplucheur de patates électrique à la télé.
D'un coup, je sens que tous les regards se tournent vers moi, et je vois l'animatrice penchée en avant, le même sourire béat figé aux lèvres et qui me regarde aussi. Visiblement elle attend que je parle. "Diondra ? La coutume veut qu'on se présente un peu lors de sa première réunion." J'ouvre de grands yeux, et je sens quelques gouttes de transpiration percer la peau. L'angoisse. Je secoue la tête. Non merci. "Allez, tu verras, tu te sentiras mieux et plus en confiance ensuite."  Je réprime l'envie de lui lever mon doigt d'honneur. Je veux pas me sentir mieux, je veux pas être en confiance. Tout le monde ici est en train de se chier, ils ont perdu leur mutation, une partie d'eux, et tout ce qu'ils trouvent à faire c'est de poser leur cul sur des chaises en plastique à prêcher la bonne parole des psychologues. La vraie vie est absente.

Je m'enfonce sur ma chaise, je veux disparaître. Ma voisine tend un bras vers moi, et dans un réflexe de défense, je fais un bond sur le côté. Un animal sauvage pris au piège. Je regarde tout le monde avec méfiance, et un frisson commence à courir le long de mon derme. L'idée qu'ils ont tous causé l'accident commence à germer en moi, une graine arrosée par un élan de paranoïa que je ne comprends pas. "NON !" Je hurle, et mes jambes précèdent mes pensées, je me lève et je m'enfuis. Je disparais, souhait exaucé.

La réunion, c’était une mauvaise idée de ma mère évidemment. Elle voulait que je réapprenne à vivre normalement. Mais je vivais déjà normalement. Je vivais avec l’entièreté de mon être. Est-ce que le vide était le prix de leur fameuse « normalité » ? Définissez normalité.
Je me fraye un passage dans la foule du samedi, les rues de la ville ont l’air différentes. Elles ont été vaccinées elles aussi ? Saloperie de poison. Je le sens encore dans mes veines, je le sens qui détruit tout et recrache ensuite sur le tas un sentiment noir et gluant, c’est l’oiseau de la haine pris dans une nappe de pétrole. Il ne me reste que ça finalement, la haine viscérale, ce sentiment barbare qui prend possession de mon corps parfois. Il crie pour qu’on le libère, mais le reste de mon esprit se bat encore contre elle. Je n’ai jamais haï. Constat bête. J’avais toutes les raisons du monde pour haïr la vie, mais je n’ai jamais été touchée par cette émotion. J’ai caressé la rage, j’ai embrassé la colère, j’ai exécré bien des choses, mais la haine ? Jamais. Jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’à ce que je me retrouve au milieu de cette réunion de mutants vaccinés, jusqu’à ce qu’ils penchent leurs lippes assoiffées de mots réconfortant vers moi, je n’avais jamais haï. Vers qui tourner cette haine ? Comment la contrôler ? C’est un brasier.
Les gens ne font pas attention à moi, ils vaquent tous à leurs occupations, maintiennent le cap de leur existence. J’avais perdu le contrôle du gouvernail et je me laissais dériver jusqu’au naufrage. Qu’il m’emporte cérémonieusement.

C’est peut-être ma punition pour avoir voulu vivre. Je suis partie de rien, peut-être suis-je vouée à y retourner. Peut-être ne suis-je bonne qu’à la déliquescence, peut-être que seule la misère peut étancher ma soif. J’ai voulu dominer la vie à son propre jeu, j’étais sur le chemin de la défaite. Echec et Mat. Je m’échoue sur un banc et fébrilement, je commence à me rouler une cigarette ou du moins, j’essaie. Mes doigts ne coopèrent pas, sont pris d’un tremblement incessant. Le filtre glisse à chaque tentative, et j’abandonne. J’aurais dû acheter des indus’.  
Les souvenirs sont rafales, trop récents encore. La piqûre, le pincement de la peau et d’un coup, le vertige… Elle avait forcé la main au vaccin, avait endormi ma méfiance pour me planter une aiguille dans le dos. J’accordais vraiment ma confiance trop vite. Ça ferait une bonne accroche ça pour une présentation à la réunion : « Je veux pas être en confiance, parce que justement je l’accorde beaucoup trop. »  Et puis qu’est-ce que je raconte ? J’y retournerai pas à ces conneries de réunion.



« Je m’appelle Diondra. » Je m’arrête, et je m’attends presque à ce qu’ils reprennent tous en cœur un Booonjouuur Diiiioooondraaaa, mais peut-être que c’est vraiment un cliché des films. « Mais pas Diyondrrra hein, le premier qui le prononce avec un accent ruskov, je lui pète la figure. Je suis pas une maîtresse dominatrice des pays de l’Est. » Quelques rires dans l’assemblée, mais je crois que mon humour ne fait pas mouche auprès des quelques plus de quarante ans qui sont ici. C’est pas la mutation qu’on aurait dû leur retirer, c’est le balai qu’ils ont dans le cul.
D’un coup, je bloque. Je ne sais pas ce que je veux dire à ces étrangers, je ne sais même pas pourquoi je suis revenue.  L’animatrice m’encourage avec son sourire béat et un signe de tête. Elle se contient un peu, mais on dirait bien une maman qui va voir pour la première fois son fils jouer au baseball. L’image tord un sourire sur mon visage. « Je… J’aurais jamais dû être là. Je veux dire, je voulais pas me débarrasser de ma mutation, j’ai été forcée. » Les regards des plus de quarante ans s’adoucissent, elles doivent se dire que je pourrais être leur fille. « J’ai été trahie. »  Le mot sort enfin de ma bouche, sonne fort et martèle les murs. Tra-Hi-Son. « C’est une nana que j’aimais bien, une amie. Et elle m’a administré le vaccin parce qu’elle pensait que ça irait mieux pour moi. » Je secoue la tête. « Ca va pas mieux. » Un sanglot se coince dans ma trachée, je refuse de le laisser sortir et les larmes ne vont pas plus loin que le coin de l’œil. Je lâche le micro et comme si ça commençait  à être une habitude, je m’enfuis encore. C’est plus que ce que je pouvais donner.

Je marche à tâtons, mais je peux pas aller plus loin. Mon corps me lâche, s’abandonne au ravage des larmes. Je m’effondre là, sur le bitume crade qui a vu ma vie défiler, et je m’abandonne à la primitivité de mes sentiments. Je ne cherche plus à être raisonnable, je ne fais que chialer sans possibilité de m’en sortir. Comment j’en étais arrivée là ? J’avais pas surmonté la rue pour y crever de nouveau bêtement. J’avais pas surmonté la mort de mon paternel pour lui rendre hommage de cette façon. J’avais pas affronté les regards haineux de mes frères pour me laisser aller ici. J’ai la marque de la rue en moi, cette empreinte qu’ont tous les gens qui ont trimé pour avoir un peu de reconnaissance, mais la rue vous rattrape toujours, vous rappelle que vous ne faites pas les règles. Marche droit ou crève.


D’habitude, je me laisse jamais aller comme ça. J’ai toujours été un barrage contre le Pacifique, un mur de patience et de détermination. Je suis en transition entre ce moi vivant et ce moi défait. Je suis bancale. La société pense que je suis réparée maintenant qu’ils m’ont injecté leur foutu remède, mais la vérité c’est que j’en mène pas large. Je sais plus où j’en suis et je crois que c’est la première fois que ça m’arrive. J’ai toujours cassé les gueules, je me suis jamais faite rétamer. Faut un début à tout. Mais y a des claques qui mettent K.O, comment on sait quand c’en est une ? Y a des gens qui combattent des cancers, moi je me bats contre le vide qui a été creusé en moi.

Ça fait deux semaines que je fréquente les réunions maintenant. Honnêtement, je sais pas si ça m’aide vraiment. Tout ce que je vois, c’est un déploiement de personnes qui sont contentes de pouvoir passer des soirées pépères près du feu avec un MacDo et Netflix. Bien sûr, c’est l’assurance pour certains d’entre eux de ne pas être pris en chasse par les Hunters, mais je trouve que leur vie a un goût bien triste. Il y a une autre nana qui comme quoi a eu le vaccin de force, mais elle, elle remercie juste le seigneur d’être vivante. Ça devait effectivement ne pas être joli à voir parce que son œil est encore auréolé d’un sacré cocard. On me dit que ça ne doit pas être si mal quand même, que je vais pouvoir faire la paix avec ceux qui m’ont tourné le dos à cause de ma mutation, mais je trouve ça bien hypocrite. Je suis pas devenue l’enfant Jésus du jour au lendemain juste parce qu’on a trifouillé mes gênes, je m’attends pas à ce que ceux qui m’ont tourné le dos reviennent et de toute façon, je pourrais pas leur pardonner. Naïve okay, mais miséricordieuse, fallait pas rêver.

Au bout de deux semaines de flottement, j’avais repris doucement l’automatisme du quotidien. Métro, boulot, dodo. J’avais réduit les contacts avec l’extérieur. Mes collègues de stage, ma mère, Octavia et c’était à peu près tout. Le reste du monde pouvait aller se carrer un doigt bien profond en ce moment. De toute façon, telle que je me voyais, je devais être devenue infréquentable, la môme avec des poux. Une force de la nature que la nature a oublié.