are friends electric?

 

 « ... Et depuis presque un an, je fais du jogging tous les matins. Alors si vous désespérez de faire des progrès, pensez à moi et persévérez ! » Viktor termina son discours avec une pose motivationnelle digne d’une publicité, ce qui – heureusement – fit rire quelques-uns des amputés présents dans la salle. Sa petite présentation sur le sport avec une prothèse terminée, Viktor alla se rassoir, soulagé : il détestait parler en public. Ses cinq minutes devant l’assemblée avaient été ponctuées de balbutiements et gaffes en tout genre, qui n’avaient évidemment fait qu’accentuer son désarroi. Mais le message était passé et, au moins, il connaissait les membres de ce groupe suffisamment bien pour qu’ils ne lui en tiennent pas rigueur. S’attendre à une présentation digne d’un TED Talk de la part d’un homme plutôt timide n’était pas très logique, après tout. Pour cette même raison, plusieurs personnes vinrent le féliciter à la fin de la séance, au point qu'il faillit manquer un certain homme au regard sombre qui tenta de se glisser hors de l'hôpital en toute discrétion. Malheureusement pour lui, une main se posa sur son épaule pile au moment où il s'apprêtait à réussir sa sortie.

« Tu pensais vraiment m’échapper, Mal’ ? » dit-il avec un sourire, attrapant l’autre d’un bras autour des épaules. Comme si Dawson allait oublier le rendez-vous mensuel recommandé par le groupe pour chaque binôme mentor-novice. Que Malachi ait sa prothèse depuis plus longtemps que lui n’était pas une excuse pour ignorer les règles du groupe ! Heureusement qu’il était là pour rappeler à cet énergumène les bases de la vie sociale. Il était sur le point de pousser l’homme dans la direction de la sortie lorsqu’une sensation bizarre lui parcouru le bras, avant de s’échapper du bout de ses doigts. ZAP. Le choc électrique ne fut pas puissant, mais suffisant pour surprendre les deux amputés, qui firent chacun un pas en arrière. Viktor dévisagea sa main, confus. « Désolé Mal, je comprends pas ce qui s’est passé… » Après un instant de réflexion, il posa sa main sur la porte de sortie de l’hôpital. Rien. Ce n’était peut-être qu’une singularité, après tout ; il retrouva son sourire et fini de les orienter en dehors du bâtiment. « Bref, on a rendez-vous avec un Starbucks. »

La marche ne prit que quelques minutes, durant laquelle ils observèrent un silence tranquille, ni l’un ni l’autre ne se sentant obligé de prendre la parole. A l’intérieur de la chaîne américaine, ils se joignirent à une petite queue qui s’était formée, majoritairement composée d’étudiants en manque de caféine. Dawson les regarda d’un air jaloux – lui-même ne pouvait boire que du déca’, ayant abusé de la substance durant ses propres études. C’était d’ailleurs à se demander pourquoi il s’évertuait à se rendre dans des coffeeshops quand il ne pouvait toucher que la moitié de leurs produits ; ceci dit, les boissons Starbucks sont majoritairement composées de sucre et de crème, donc peut-être n’était-ce pas si bizarre que ça. Leur tour arrivé, Dawson prit quelques instants avant de se décider. « Un latte décaféiné au gingembre, avec double shot de sirop, s’il-vous-plaît. » dit-il, avant de se tourner vers Malachi. « Et pour toi ? C’est moi qui paye. »

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let me be your superman

 

 Malachi applaudit son parrain à la fin de son speech, avant de regarder sa montre. Il avait accepté de venir parce que c’était au tour de Viktor de parler, sinon, il aurait surement séché. Il avait des copies à corriger sur la véritable origine de la fête de Thanksgiving, et des recherches à faire sur le gêne transmutant. Il avait besoin de savoir si, dans le passé, un tel gène avait pu apparaitre puis disparaitre avec l’âge. Oh, ce ne serait écrit nulle part clairement, mais parfois des récits, des témoignages pouvaient être interprétés comme l’apparition d’un mutant quelque part. Le tout était de savoir lire entre les lignes. Malachi salua la plupart des autres membres d’u geste de la tête, déçu de ne pas pouvoir les aider, aujourd’hui. D’ordinaire, il s’occupait de l’un d’entre eux en particulier, pris au hasard, et apaisait son âme avec son pouvoir. Cependant, son don était aux abonnés absents depuis plusieurs jours. Il n’était plus capable de visualiser les émotions des gens qui l’entourent, ni de les amplifier ou les calmer comme il le faisait d’ordinaire. C’était reposant, certes, de ne plus utiliser son don, mais cela avait quelque chose de dérangeant, aussi, comme si une partie de lui restait manquante. Il devait savoir si c’était temporaire ou permanent, et comment récupérer son don. Et pour ça, il avait besoin de rentrer chez lui et de se mettre au travail.

Malheureusement, c’était sans compter sur Viktor. Il était le « parrain » de Malachi depuis plusieurs mois, pour ce truc de groupe de soutien aux handicapés. On les avait mis ensemble parce qu’ils étaient tous les deux amputés d’une de leur jambe, et on avait pensé que leur infirmité commune les rapprocherait. Mouais. Malachi ne venait ici que pour soulager les âmes des gens, et se distraire peut être un peu, c’est vrai. Au final, il fallait avouer qu’il y avait presque pris gout, dans une certaine mesure. Tant qu’on ne lui demandait pas de parler de sa propre blessure, bien sur. Il sentit le bras musclé de l’ancien GI autour de ses épaules, le forcer à ralentir pour s’adapter à son pas.

« Tu pensais vraiment m’échapper, Mal’ ? »

Il haussa un sourcil, un demi sourire aux lèvres :

- J’en caressais l’espoir. Qui me blâmerait pour ça ?

Il ralentit cependant son allure, avant de s’immobiliser totalement, électrisé. Pas ces petites décharges d’électricité statiques que l’on pouvoir avoir quand on se frottait à un bout de laine non, une vraie décharge, brulante et douloureuse, bien que fugace. Il s’écarta vivement, trébuchant presque, portant sa main à son épaule. Le tissu de sa chemise était intact, mais il savait que dessous, la peau était probablement brulée. Il évita de le montrer à Viktor, mais fronça les sourcils. C’était étrange, ça. Son parrain lui aurait il caché être un mutant lui aussi ? Mais le grand gaillard parut aussi effaré que lui, et balaya l’incident d’un geste de la main et de quelques paroles :

- Ouais… L’atmosphère est surement un peu orageuse… Dépêchons nous.

Le trajet entre l’hopital et le Starbucks se fit dans le silence. Malachi appréciait ça chez Viktor : il ne se sentait pas obligé de parler pour chasser le silence. Il savait l’apprécier tel quel, sans prendre ça pour un refus de communiquer. C’était reposant. Ils passèrent finalement la porte du cofee shop, déjà bondé. Ça et là on voyait des petits groupes d’adolescentes glousser, se selfisant devant leurs gobelets en carton, la bouche en canard. Duckface, d’après ses connaissances lycéennes. Il avait vraiment beaucoup de mal avec ces concepts. Il sortit de ses réflexions alors que Viktor lui demandait ce qu’il voulait boire.

- Un expresso, noir et amer comme mon âme tourmentée. * il fit une pause* … Ou alors un Cappucino. Avec de la chantilly. Et j’espère bien que c’est toi qui payes, j’en ai eu pour 30 dollars de pizza rien que pour que tu « calles » un petit creux le mois dernier.

Il donna sa commande à la barista, en épelant bien son nom. Il fallait dire qu’en général, elle prenait un malin plaisir à écorcher les patronymes sur les gobelets, et il trouvait ça particulièrement agaçant.

- Bon, on s’assoit où mon général ?


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« Un expresso, noir et amer comme mon âme tourmentée… » Viktor haussa un sourcil. Il allait vraiment prendre un espresso chez Starbucks ? La chaîne n’était pas exactement le top de la caféine, comme il l’avait déjà fait remarquer plus haut. « …Ou alors un Cappuccino. Avec de la chantilly. » C’était mieux, ça. La demoiselle derrière la caisse demanda son nom au soldat, qui lui donna sans prendre la peine de tenter de corriger le ‘c’ qu’elle mit à la place du ‘k’. Malachi et lui étaient des estropiés phonétiques comme physiques, avec leurs prénoms visiblement trop complexes pour la majorité de la population. Pourtant, ne disait-on pas que la majorité des employés Starbucks avaient fait des études littéraires ? Avec des prénoms comme Prufrock et Rastignac dans leurs dissertations, ils n’avaient pas vraiment d’excuses… « Et j’espère bien que c’est toi qui payes, j’en ai eu pour 30 dollars de pizza rien que pour que tu ‘calles’ un petit creux le mois dernier. » Viktor rit, se rappelant la tête scandalisée de Malachi au moment de l’addition. « Qu’est-ce tu veux, fallait pas changer l’heure de rendez-vous pour qu’on se retrouve après ma séance au gymnase… » dit-il alors qu’il tendait sa carte de crédit à la demoiselle.

Malachi ne répondit rien à son excuse, probablement conscient que Viktor ne s’excuserait jamais de son amour pour la bonne pizza. « Bon, on s’assoit où mon général ? » Avant qu’il ne puisse répondre à cette question, le vétérinaire posa sa main sur le clavier NIP de la machine. ZAP. Cette fois-ci le choc vrilla la machine, qui se mit à biper avec effusion. Viktor leva le regard vers la caissière, qui avait l’air aussi effrayée que lui. « Euh… Choisis une place, je te rejoins dans un instant. » dit-il, sortant son portefeuille de sa poche. Il en sortant quelques billets, secrètement heureux que la monnaie américaine ne se soit jamais adaptée aux pièces métalliques, et les posa sur le comptoir. La caissière lui adressa un sourire peu rassuré, et Viktor s’éloigna sans plus insister. Il récupéra les deux boissons à la fin du comptoir avant de se diriger vers Malachi, qui s’était installé dans un coin du café, où se trouvaient deux fauteuils et une table basse.

Le brun posa les boissons sur ladite table, avant de s’affaler dans le fauteuil laissé libre. « J’ai l’impression de causer des catastrophes aujourd’hui… » avoua-t-il après une gorgée de latte brûlante. « Enfin bref. Merci d’être venu au meeting, je sais que les sessions de groupe ne sont pas tes préférées. » Il n’avait jamais très bien compris pourquoi Malachi s’était joint à ce groupe, d’ailleurs, vu combien il rechignait à y participer. Viktor avait très vite abandonné l’idée de le faire parler durant les sessions, mais il arrivait peu à peu à dénouer la langue de l’homme lorsqu’ils étaient en tête à tête, ce qui lui convenait tout aussi bien.
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Malachi se contenta en effet de hausser les épaules en entendant la piètre excuse de son parrain. Mouais, il était à peu près sur qu’en réalité, le colosse avait constamment fun, contrairement à lui qui aurait pu vivre de thé anglais, si il avait pu. Il n’était pas vraiment un gourmand, ou plutôt, il ne l’était plus. Il avait perdu l’appétit il y a quatre ans exactement. Il allait saisir les deux gobelets brûlants, et s’apprêtait à s’éloigner pour trouver une place la plus éloignée possible de toute femelle de moins de 18 ans, quand à nouveau, quelque chose d’étrange se produisit. De là où il était, il vit un minuscule éclair bleu sortir du bout des doigts de Viktor, et atteindre le boitier de paiement. Cette dernière grésilla d’une manière absolument pas naturelle, tressaillant même des mains de la barista qui fixait l’ancien militaire avec des yeux de biche effarouchée.

Sans un mot, Malachi acquiesça à l’injonction de son camarade, et laissa les gobelets là où ils étaient, et s’éloigna vers le fond de la pièce, où il avait repéré une table encadrée de deux fauteuils en velours pourpre. Ça irait parfaitement, et ils seraient presque au calme. Le professeur s’installa dans l’un des fauteuils, en attendant que Viktor finisse de payer, le regardant sortir maladroitement quelques billets de son porte monnaie. Il regarda sa montre à nouveau alors que ce dernier s’approchait avec les boissons. Il ne lui répondit pas quand ce dernier se qualifiait de catastrophe ambulante, pensif, saisissant une paille cuillère pour attaquer la chantilly tière surplombant sa boisson. C’était pas très viril, mais il s’en fichait.

- De rien, j’avais mon après midi de libre. Les terminales étaient à je ne sais quel déplacement pour soutenir leur équipe de basket .. ou de football .. Enfin un truc avec des bœufs courant derrière une balle… Alors autant faire ma BA de la semaine.

Il le provoquait gentiment, il savait que Viktor était un grand sportif devant l’éternel. Lui-même n’était pas contre un peu d’exercice, mais avec sa jambe, il peinait à retrouver sa vigueur d’antan. Et n’aimant pas les sports collectifs… La liste des activités se réduisait comme peau de chagrin. Il reprit une cuillère de chantilly, fixant sans vraiment le faire exprès les mains de Viktor. Deux fois en moins d’une heure, il avait fait ce que dans son métier il appelait de l’électrokinésie. Et le pire, c’était qu’il n’avait apparemment aucune idée de ce qu’il faisait. Ce n’était pas normal. Et surtout, il n’était pas normal que Malachi ne le remarque que maintenant. Si Viktor avait son don depuis toujours, premièrement il aurait du mieux le contrôler que ça, et si non, le professeur aurait du le remarquer des mois auparavant. Non, il se souvenait avoir entendu Viktor ronchonner contre le dépistage une fois, mais il avait été testé négatif, il en était sur.

Malachi but une gorgée de simili café, avant de croiser les doigts sous le menton, fixant Viktor de ses yeux fluorescents. Il allait devoir y aller franco, si il voulait avoir des réponses, il le savait.

- Ça t’arrive depuis longtemps tes petits « incidents » électriques, Viktor ?

Il l’avait dit suffisamment fort pour qu’il l’entende, mais pas trop pour ne pas attirer d’oreilles indiscrètes. Viktor ne savait pas pour le don de son filleul. Mais Malachi savait à quel point il était dangereux d’être un mutant par les temps qui couraient, et si le gêne transmutant de Viktor s’était déclenché, c’était lui qui aurait besoin d’une tutelle d’urgence …


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« De rien, j’avais mon après-midi de libre. Les terminales étaient à je ne sais quel déplacement pour soutenir leur équipe de basket... ou de football... Enfin un truc avec des bœufs courant derrière une balle… Alors autant faire ma BA de la semaine. » « Bœuf toi-même, j’te rappelle que c’est seulement grâce à mon talent pour courir après une balle que j’ai eu une bourse pour faire mes études. » répondit Viktor sans réelle animosité. Il était bien conscient que Malachi plaisantait et surtout que, comparé à l’éminent professeur devant lui, il ne faisait pas le poids. Son intelligence à lui était surtout manuelle, que ce soit dans l’art de démonter et remonter une arme en moins de cinq minutes, ou désamorcer une I.E.D. Dès qu’il s’agissait de dates ou de théories, il s’y perdait. Heureusement que la mine avait pris sa jambe et non ses mains, réflexion faite – il ne savait vraiment pas où il en serait aujourd’hui s’il avait perdu un de ses membres supérieurs.

En parlant de ses mains, l’homme en face de lui les fixait étrangement, l’intensité de son regard quelque peu sapée par sa cuillère de chantilly. Mal à l’aise, Viktor pris sa tasse à deux mains, et sirota son latte décaféiné nerveusement. Malachi en fit de même, avant de reposa sa tasse et de plier ses propres mains sous son menton, pensif. Viktor déglutit. Il avait soudain la désagréable impression d’être sous observation, sans en connaître la raison. L’autre ne le fit pas poireauter longtemps. « Ça t’arrive depuis longtemps tes petits ‘incidents’ électriques, Viktor ? » Viktor regarda ses mains, et posa délicatement la tasse sur la table. « N-non, c’est la première fois. Je ne sais pas d’où ça vient. » Il leva les yeux vers Malachi, presque suppliant. Si l’autre handicapé avait la moindre idée de ce qui pouvait causer ces chocs, il devait le lui dire. « J’ai l’impression que… que le deuxième était plus fort que le premier comme si… » Comme si quoi, Viktor ? « … comme s’il était dormant et venait de s’activer et… »

Une sensation familière commençait à parcourir son corps. L’angoisse, lourde et étouffante comme un linceul, recouvrait ses épaules, avant de se propager dans son dos, gelant ses muscles et coupant sa respiration. « Merde, Malachi je… » hoqueta-t-il, une dernière tentative de parler avant que sa gorge ne se referme. La pièce tournait, il sentait son cœur battre à tout rompre, et la nausée le prenait ; mais cette fois-ci une autre sensation venait s’ajouter à cette crise, une espèce de grésillement intérieur qui ne présageait rien de bon. Avec un effort qui lui parut surhumain, Viktor se souleva de sa chaise, manquant de renverser la table basse, et fonça vers la sortie. Il manqua de tomber des escaliers menant à la rue, mais parvint à se ressaisir suffisamment longtemps pour s’écrouler dans la ruelle d’à côté. Il appuya ses mains tremblantes sur le mur, ne s’apercevant que trop tard du boitier électrique juste à côté. ZAP. Au-dessus de lui, la ligne téléphonique explosa, envoyant des étincelles partout. Mais pour Viktor, ce n’était plus des étincelles mais des éclats d’obus, de l’obus qui l’avait percuté il y avait plus de cinq ans.
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Ding dong, la question à un million de dollars venait d’être posée, et nous avions un gagnant. Viktor faisait donc parti de ces humains qui s’étaient vus « frapper » par un don durant les dernières heures. Su-per. D’ailleurs, il devait se rendre compte que quelque chose déconnait sérieusement chez lui, parce qu’avant même que Malachi ait le temps de lui répondre quoi que ce soit, il se mit à trembler, l’air totalement paniqué. Il n’avait absolument aucun contrôle sur ce qui était en train de se passer, et de toute évidence, le vivait très, très mal. Avant même que le professeur ait le temps de d’ouvrir la bouche, le vétéran se releva en chancelant, bousculant la table basse, pour s’enfuir à toute jambe, sous le regard effaré des autres clients et des employés du café. Malachi passa sa main sur sa figure en soupirant. Deux néo mutants en quarante-huit heures, ça faisait beaucoup. Trop, même. Le seul avantage qu’avait Viktor ici, c’est qu’au moins, Ce n’était pas une première pour Mal’. Ce dernier termina son café d’un trait, puis s’approcha pour demander avec son plus beau sourire factice un verre d’eau, avec des glaçons, à la barista, qui lui tendit avec appréhension. Il la remercia chaleureusement avant de déguerpir, son verre dans les mains.

Trouver la trace de Viktor n’avait pas été bien compliqué, ce dernier ayant laissé de petites cicatrices électriques sur le sol par endroit. Les petites marques l’emmenèrent dans une ruelle adjacente, à une petite dizaine de mètres de là grand maximum. Il arriva pile pour le grand feu d’artifice : il vit Viktor s’adosser au mur, et court-circuiter le boitier téléphonique à sa droite. Un nouveau grésillement, et une gerbe d’étincelle explosa à coté du vétéran. Malachi le vit se recroqueviller sur lui-même, tremblant comme une feuille. Il s’avança prudemment, sans un bruit, fixant les mains de Viktor qui continuaient de noircir le mur à l’endroit où elles étaient posées.

- Viktor …

Sa voix était étonnement calme, alors qu’il levait sa main tenant le gobelet d’eau glacée… et la versa sur la tête et la nuque découverte du colosse. L’eau dégoulina sur son cuir chevelu, son visage, s’écrasant en gouttelette sur le sol tout autour d’eux.

- T’es pas au Moyen Orient où je sais pas où, tu es à Radcliff, à quelques mètres de la rue principale, alors reviens parmi nous bon dieu !

Il soupira, mais pas comme une personne qui découvre que son ami envoie des éclairs par les doigts. Non, plutôt quelqu’un à qui on a donné des heures supplémentaires non payées. Et c’était un peu ça, en fait. Des mutants, Malachi en connaissait, en avait cotoyé, aimé, étudié. Si il n’était pas érudit, il était à tout le moins dans son monde dans ce genre de situation. Il reprit avant que Viktor ait le temps d’en placer une. Ou de lui en mettre une, d’ailleurs.

- Ce qui t’arrive n’est pas normal, mais tu n’es pas un cas isolé. Quelqu’un ou quelque chose a frappé la population, et les mutants, en tout cas certains, ont été privés de leurs capacités… Et ces capacités ont été … Je ne sais pas… inoculées chez des êtres humains lambdas. C’est récent, et c’est la merde. Mais il faut que tu te calmes, parce qu’avec autant d’eau autour de nous, si tu remues l’auriculaire, je finis en poulet roti.

Et la perspective ne l’enchantait pas vraiment. Mais il savait que l’ancien militaire se montrait bien plus… attentif et réactif dans des situations inextricables. Si il avait juste essayé de le calmer de manière classique, il y aurait passé des heures, sans ses pouvoirs. Sauf que des heures, il n’en avait pas le luxe : si un hunter buvait son café au Starbuck tout à l’heure, il avait peut être déjà repéré Vik. Et donc lui, par la même occasion. Et ce n’était pas une bonne nouvelle, du tout. L’ancien militaire allait surement lui demander des explications, vouloir comprendre d’où il savait tout ça. Tant pis, si il n’avait pas le choix, et si ça pouvait le distraire un moment le temps que sa kinésie se calme, il le ferait.

- Tu as des gants en plastique dans ton sac ? Je sais pas, au cas où t’es une urgence animalière impromptue, tu dois avoir ce genre de connerie dans ton sac non ? ça bloquera les décharges pendant un moment, crois moi, testé et approuvé.

Il jetait régulièrement un coup d’œil vers l’entrée de l’allée, au cas où quelqu’un arriverait. Il n’était pas armé, alors il pria tous les dieux qu’il avait en tête pour que personne ne les ai remarqué …

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Appuyé au mur, Viktor serrait ses paupières du plus qu’il le pouvait, refusant de les rouvrir et de voir s’il avait réellement été transporté en Iraq ou s’il ne s’agissait ‘que’ d’une hallucination. Comme s’il y avait quoi que ce soit de rassurant à savoir que son esprit était si abîmé par ce qu’il avait vécu qu’il était capable de le projeter dans le passé à chaque émotion forte. « Viktor … » Dans l’esprit de l’interpellé, la voix de Malachi sonnait lointaine et déformée, surtout dans la bouche du lieutenant fauché d’une balle qui agonisait devant ses yeux. Il ne savait pas si c’était son nouveau pouvoir ou le flashback dans lequel il se trouvait coincé, mais il lui semblait faire chaud, horriblement chaud. Si chaud qu’il commençait à sentir sa respiration déjà saccadée se faire de plus en plus haletante, tandis qu’il combattait l’énorme poids qui cherchait à l’étouffer…

Soudain, un choc d’eau froide, glacée même. Viktor émit un râle incompréhensible, mais la sensation lui fit du bien, malgré le grésillement anormal de l’eau contre sa peau. Il se concentra sur ce que lui disait Malachi, la voix de se dernier devenant peu à peu plus proche. « T’es pas au Moyen Orient où je sais pas où, tu es à Radcliff, à quelques mètres de la rue principale, alors reviens parmi nous bon dieu ! » Merci Malachi, il le savait, c’était à son corps qu’il fallait l’expliquer. Mais il ne pouvait pas en tenir rigueur à l’homme pour son manque de tact devant la situation – après tout, peu de gens prenaient le temps de se former pour savoir comment gérer une crise d’angoisse. Et lui-même n’en avait pas souffert depuis presque six mois, ce qui signifiait qu’il avait perdu l’habitude de se balader avec des calmants dans son portefeuille. Doucement, le vétéran se retourna pour s’adosser au mur et s’assoir proprement. Sa jambe droite lui faisait atrocement mal, un mélange de membre fantôme et de la douleur que sa position accroupie avait accrue. Une inspiration, cinq battements de cœur. Attendre sept battements. Une expiration, neuf battements. Et on reprend.

« Ce qui t’arrive n’est pas normal, mais tu n’es pas un cas isolé. Quelqu’un ou quelque chose a frappé la population, et les mutants, en tout cas certains, ont été privés de leurs capacités… Et ces capacités ont été … Je ne sais pas… inoculées chez des êtres humains lambdas. C’est récent, et c’est la merde. Mais il faut que tu te calmes, parce qu’avec autant d’eau autour de nous, si tu remues l’auriculaire, je finis en poulet rôti. » Voilà qui était rassurant… Viktor acquiesça douloureusement, toujours occupé par son exercice de respiration. « Tu as des gants en plastique dans ton sac ? Je sais pas, au cas où t’es une urgence animalière impromptue, tu dois avoir ce genre de connerie dans ton sac non ? Ça bloquera les décharges pendant un moment, crois-moi, testé et approuvé. » Il réussit presque à sourire, même si cela devait plus ressembler à un rictus déformé qu’autre chose. « P-poche g-gauche. » bégaya-t-il. Mais sa voix était déjà plus stable qu’il y avait encore quelques minutes. Malachi lui tendit la paire de gants qu’il trouva, et Viktor les enfila rapidement, soupirant de soulagement lorsqu’il entendit le craquement de plainte du courant désormais bloqué. Après encore quelques instants de respiration forcée, il leva de nouveau le regard vers Malachi. « C-comment est-ce que tu sais tout ça ? »
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Spoiler:

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Viktor semblait reprendre lentement ses esprits, ses paupières papillonnant en direction du professeur. Il commençait à compter ses respirations, à tacher de contrôle les battements de son cœur au mieux. Il avait d’ailleurs appris à Malachi à le faire, et le jeune homme s’en servait parfois après un cauchemar particulièrement éprouvant. Cela semblait fonctionner, car après une grimace assez peu engageante, l’ancien militaire lui indiqua l’endroit où il pourrait trouver les fameux gants. Il ouvrit le sac à la hâte, puis les tendit à Viktor qui les enfila en tremblant. Bon, déjà, premier danger écarté, c’était déjà ça. Malachi soupira, vérifiant toujours l’entrée de l’allée du coin de l’œil.

« C-comment est-ce que tu sais tout ça ? »

Ah oui, ça.  Malachi se gratta la tête, un peu gêné. Il ne savait pas trop quoi répondre à Viktor, pour être honnête : Il aurait bien sur pu tout lui raconter, de A à Z, mais il ne l’avait jamais fait pour des raisons évidentes de sécurité. Surtout aujourd’hui où il était totalement privé de ses capacités. Après, il ne pouvait pas faire l’innocent : il était de toute manière bien trop au courant pour noyer le poisson. Il allait falloir sélectionner précautionneusement les informations qu’il allait lui délivrer. Il plissa le nez, avant de se décider à lui répondre :

- Je suis prof d’histoire au lycée, mais je suis également enseignant chercheur en histoire occulte. Par histoire occulte, je ne parle pas des fées ou des dragons. J’étudie la chronologie du gêne transmutant, pour déterminer son lieu d’apparition et sa propagation. C’est pour ça que j’en sais beaucoup. Ça et le fait que ma … mon ancienne femme était une métamorphe. C’est parce qu’elle était différente qu’elle a été tuée. Et que j’ai perdu ma jambe.

Il accompagna ses dires d’un petit « toctoc » sur sa jambe artificielle. Bien sur, il avait omis de mentionner sa propre condition mutante à Viktor. Mais il voulait lui laisser le choix, le choix de vouloir savoir ou non. Si il lui posait la question, il lui cracherait le morceau, sinon, il se garderait bien de le lui dire.

- Tu peux te relever, c’est bon ?

Il saisit l’avant bras de son parrain pour l’aider à se redresser.

- Tu me feras le plaisir de garder tes mains dans tes poches, tu es proprement ridicule avec tes gants.

Un petit sourire, il valait mieux en rire qu’en pleurer de toute façon. Le plus important à l’instant, c’était d’aider Viktor à gérer un don potentiellement dangereux, malgré le manque d’information à sa disposition : qu’est ce qui déclenchait son pouvoir ? était il modulable ? était il lié à ses émotions ou totalement aléatoire ? Tant d’interrogation, et il devait parer au plus pressé.

- Bon. Avant tout, il faut que tu sache que pendant un moment, tu devras vivre avec ce truc. Pas la peine de le nier, de faire comme si de rien n’était, sinon il se rappellera à ton bon souvenir au pire moment. Le plus simple, pour le moment, c’est dès que tu vois que tu ne gères plus, tu trouves un paratonnerre : un objet métallique sur lequel tu peux décharger ton électricité. Sinon, tu mets tes gants, pour l’instant je ne vois pas d’autres solutions. Après, si tu as du temps et de la patience, le mieux, c’est la pratique. Essayer d’apprendre à viser, à moduler l’intensité. C’est fastidieux, fatiguant, mais plus tu le feras, moins dangereux tu seras pour toi-même et les autres. Ça peut être te sauver la vie un jour.

Il désigna un tas d’ordures et de sacs poubelles éventrés au fond de l’allée, dans la pénombre.

- Tu peux tenter de viser comme si tu tirais au pistolet. Tu joins, je sais pas, deux doigts, et tu visualises l’électricité sortir, puis atteindre les déchets. Je suis sur que tu peux le faire. Et si tu paniques, tu remets ton gant. C’est pas plus difficile que ça …

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Malachi prit un moment avant de répondre à la question de son mentor. « Je suis prof d’histoire au lycée, mais je suis également enseignant chercheur en histoire occulte. Par histoire occulte, je ne parle pas des fées ou des dragons. J’étudie la chronologie du gène transmutant, pour déterminer son lieu d’apparition et sa propagation. C’est pour ça que j’en sais beaucoup. Ça et le fait que ma … mon ancienne femme était une métamorphe. C’est parce qu’elle était différente qu’elle a été tuée. Et que j’ai perdu ma jambe. » Viktor fixa sur son camarade un regard plein de compassion, mais ne dit rien. Il n’y avait rien qu’il puisse répondre qui serait capable d’atténuer la douleur de ce dernier. Il accepta que Malachi l’aide à se relever, et réussi à rester debout malgré le tremblement qui parcourait encore ses mains et ses genoux. A le voir vaciller dans cette allée, qui aurait cru qu’il avait pendant de longues années été un membre des forces spéciales de l’armée américaine ? Pas lui, en tout cas.

« Tu me feras le plaisir de garder tes mains dans tes poches, tu es proprement ridicule avec tes gants. » Cette fois-ci, Viktor réussit à rire, et même à rétorquer. « Quoi, il te plaît pas mon déguisement Mickey Mouse ? »  Il était reconnaissant envers Malachi pour ce qu’il faisait. L’homme aurait très bien pu partir en courant, ou tout simplement l’abandonner à l’hôpital le plus proche sans plus se soucier de l’état mental de son camarade. A la place, il tâchait de lui donner un cours accéléré sur la vie d’un mutant. Viktor acquiesça à la fin du speech, mille questions se pressant encore dans son esprit : comment avait-il récupéré ce don ? Etait-ce permanent ? A qui appartenait-il, et que faisait ce mutant en cet instant ? Comment avait-il survécu aussi longtemps avec un don si dangereux ? Viktor se serait souvenu si des incidents tels qu’il venait de causer avaient été choses courantes à Radcliff. L’idée qu’une autre personne ait pu vivre avec ce don pendant longtemps sans tout faire exploser – du moins à sa connaissance – lui donna du courage.

Malachi lui montra du doigt une pile de déchets et de poubelles à quelques mètres d’eux. Apparemment, l’entraînement commençait déjà. « Tu peux tenter de viser comme si tu tirais au pistolet. Tu joins, je sais pas, deux doigts, et tu visualises l’électricité sortir, puis atteindre les déchets. Je suis sûr que tu peux le faire. Et si tu paniques, tu remets ton gant. C’est pas plus difficile que ça … » « J’ai l’impression d’être retourné au camp militaire… » maugréa-t-il, plus pour la forme qu’autre chose. Viktor retira son gant droit, et pointa ses doigts comme un enfant mimant un cowboy. Il visa une canette vide qui traînait dans le tas d’ordures, et laissa l’électricité qui grésillait déjà dans son bras s’échapper. La canette vola droit dans les airs avec un bruit grinçant, et une odeur de brûlée se répandit dans l’air. Malgré lui, Viktor leva les bras en l’air, triomphant. Son passage dans l’armée lui permettait au moins de bien savoir viser. Mieux encore, le tir avait visiblement pris une part du courant qui faisait vibrer ses nerfs, et il se sentait un peu moins chargé de ce surplus d’énergie. Il adressa un sourire timide à Malachi, avant d’apercevoir une balle de tennis sur le rebord de l’immeuble. « J’te parie que je peux l’avoir d’un coup. » dit-il, et repointa son doigt. La décharge fut plus puissante cette fois-ci, mais manqua la balle de deux mètres environ : la distance était trop grande et l’électricité se perdit dans l’air au-dessus de leurs têtes. « On dirait que j’ai un champ limité, c’est bon à savoir… »
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Il ne lui en avait pas demandé plus, et cela convenait à Malachi. En même temps, le vétéran devait déjà être submergé par la quantité d’informations qu’il venait de lui débiter, il n’en avait peut être pas besoin de plus que ça. Un sourire s’étira sur les lèvres fines du professeur : loin de ressembler à Mickey Mouse, Viktor ressemblait plutôt à un savant fou du genre des méchants de films d’espionnage, avec ses gants en latex et sa jambe artificielle. Il ne lui manquait plus que l’œil de verre et il serait un véritable cliché vivant.

- Mouais, pour l’instant t’es surtout interdit au moins de douze ans, tu ferais peur à n’importe quel gamin dans cet accoutrement. Faudra y penser pour halloween, t’économiserais la location du costume.

Il l’observa hocher la tête machinalement après son petit cours en hyper accéléré, bien conscient qu’il devait lui rester encore bien des interrogations. Le souci, c’est qu’ils n’avaient pas le temps, et n’étaient pas dans le meilleur environnement pour s’expliquer tranquillement. Si ses syndromes persistaient, il l’inviterait chez lui, dans le manoir familiale, avec un thé et des biscuits, et tacherait de répondre à un maximum de questions. Mais pour l’instant, c’était l’heure d’un petit exercice pratique.

Il haussa les épaules alors que Vick ronchonnait dans son coin : ce n’était pas son problème si le véto se sentait retourner dans le passé, tout ce qui lui importait, c’était qu’il s’en sorte et évite de se tuer, ou de se faire tuer, point barre.

- Chougne autant que tu veux, mais ça ne te sauvera pas la vie, tu le sais bien. *dit il avec un sourire*

Il regarda Viktor plier les doigts, pointant du majeur et de l’index le tas d’ordures en face d’eux. Toujours régulièrement le professeur regardait si personne ne venait fouiner, et si aucune fenêtre ne donnait sur la ruelle. Mais apparement, cette dernière n’était fréquentée que par le restaurateur voisin qui laissait ses déchets ici. Tant mieux, au final, Viktor avait choisi un lieu de retraite odorant, mais sur. Malachi observa le phénomène comme un chercheur travaillant sur une expérience nouvelle : il fixait les doigts de Viktor pour voir l’électricité, enfin l’agglomérat d’énergie se former à leur extrémité, pour envoyer une décharge suffisamment puissante pour qu’elle soit visible à l’œil nu. La canette de soda qu’il visait grésilla avant d’être éjectée dans les airs, fumante et trouée. C’était excellent pour une première fois, mais cela n’étonnait pas le mutant : Viktor était un homme rompu au combat, même s’il s’en tenait éloigné depuis un moment. Malgré tout, sa capacité à canaliser l’énergie était somme toute impressionnante ; d’aucun aurait pu en envoyer trop, ou pas assez. Lui avait régler l’intensité pile comme il le fallait. L’avait il fait exprès ? Qu’importe, pour l’instant il se débrouillait bien.


- C’est pas mal du tout, pour une première fois.

Ce qui, dans la bouche du professeur, était un énormément compliment. Viktor se rengorgea, et chercha du regard un objectif plus difficile à atteindre. Son dévolu se jeta sur une balle de tennis perché sur une des bordures du sommet de l’immeuble adjacent. Il visa, à nouveau, et si le coup partit , il n’atteignit jamais sa cible : l’énergie se dissipa dans la nature dans un crépitement, sans que le jouet n’en subisse la moindre conséquence. Malachi secoua la tête.

- Tu dois probablement pouvoir l’atteindre, mais en concentrant ton énergie dans une toute petite boule très très dense, pour pas qu’elle se dissipe. Mais ça, c’est encore le cran au dessus. Il faut énormément de temps et de pratique, certains mutants mettent des années à savoir ce qu’ils font, et certains autres n’y arrivent même jamais.

Il savait de quoi il parlait. Lui-même avait activé son gène assez jeune, mais n’avait pas sur le gérer comme il faut avant ses 18 ou 19 ans, toujours en tâtonnant, et en autodidacte. Et encore, il avait la chance de ne pas avoir un gêne visible physiquement, et dont les conséquences n’étaient pas létales, à moins que ne les poussent volontairement à l’extrême. Il s’approcha de Viktor pour le fixer de ses yeux fluorescents :

- Comment tu te sens ? fatigué, normal, excité ? Il arrive que les dons soient directement liés à nos … aux émotions, ce qui les amplifient quand un mutant est énervé ou effrayé. A l’inverse, ils sont parfois plutôt connectés à l’énergie : plus tu  les utilises, plus tu fatigues… Et par conséquent ça peut te phagocyter toute ton énergie rien que pour l’entrainement. Il faut faire attention à ce genre de chose aussi.

Il se gratta la tête, puis tendit ses gants en plastique à son compagnon.

- Je pense qu’on en a fini pour aujourd’hui. Je ne pensais pas avoir un jour à chapoter mon parrain. On aura tout vu. Un dernier truc. Si jamais tu croises un hunter. Tu sais, ses tarés qui ont juré allégeance à Thaddéus et qui cherchent à casser du mutant, tu ne luttes pas, tu fais pas le héros, tu fuis. Tu trouves un endroit ou te cacher et tu te fais oublier. Ces mecs là sont des dingues, des psychopathes, mais des psychopathes entrainés en hyper rôdés. Seul, tu ne feras pas le poids contre eux, vraiment.

Le regard azuréen de Malachi s’était obscurci alors qu’il mentionnait les hunters. Ses fils de chien avaient ruiné sa vie, et il refusait qu’ils puissent faire de même avec Viktor. Si il avait eu ses pouvoirs, il aurait dit à ce dernier de venir chez lui en cas de pépin : son don empêchait les chasseurs de s’approcher de la bâtisse. Mais pour l’instant, il ne pouvait rien faire de plus pour lui …

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« Tu dois probablement pouvoir l’atteindre, mais en concentrant ton énergie dans une toute petite boule très très dense, pour pas qu’elle se dissipe. Mais ça, c’est encore le cran au-dessus. Il faut énormément de temps et de pratique, certains mutants mettent des années à savoir ce qu’ils font, et certains autres n’y arrivent même jamais. » Viktor acquiesça, ayant soudain la désagréable impression qu’il devrait être en train de prendre des notes. Y aurait-il un contrôle la semaine prochaine ? Malachi parlait comme un professeur, mais surtout comme un expert, ce qu’après tout il se disait être. Mais il y avait quelque chose dans sa voix, dans la façon dont il disait le mot ‘mutant’, qui donnait l’impression au brun qu’il s’incluait dans le groupe. Rien de plus qu’une intuition, et il n’irait pas parier son salaire dessus, mais tout de même. Ou peut-être était-ce simplement une conséquence de son mariage avec une mutante… L’homme ne lui avait jamais réellement parlé de sa vie avant Radcliff, et Viktor n’avait pas poussé, ne connaissant que trop bien les incessants interrogatoires et expressions de pitié qu’accompagnaient la moindre mention d’une tragédie passée.

« Comment tu te sens ? Fatigué, normal, excité ? Il arrive que les dons soient directement liés à nos … aux émotions, ce qui les amplifient quand un mutant est énervé ou effrayé. » Viktor écarquilla les yeux : avait-il bien entendu ? ‘Nos’ émotions ? Le professeur s’était corrigé presque automatiquement, mais trop tard. Cependant il ne dit rien ; la mutation de Malachi n’était pas une priorité en cet instant, car il avait bien plus d’expérience pour la contrôler. « A l’inverse, ils sont parfois plutôt connectés à l’énergie : plus tu  les utilises, plus tu fatigues… Et par conséquent ça peut te phagocyter toute ton énergie rien que pour l’entrainement. Il faut faire attention à ce genre de chose aussi. » Viktor eut un léger rire. « Si j’arrivais à démêler tout ce que je ressens en cet instant, je pourrais peut-être te dire si ce… don est connecté à mon état, mais à franchement parler je n’en sais rien. Seulement que j’ai moins l’impression d’avoir un ‘trop-plein’ d’énergie après mes deux tentatives… » Malachi se gratta la tête avant de tendre ses gants à Viktor, qui les enfila aussitôt. Ce n’était pas des plus sexy, ce nouveau look. Dans la clinique passait encore, mais il allait avoir du mal à expliquer leur présence à Ezekiel, ou encore à Ellie.

« Je pense qu’on en a fini pour aujourd’hui. Je ne pensais pas avoir un jour à chapoter mon parrain. On aura tout vu. » « Ah, tu sais ce qu’on dit, l’élève finit toujours pas devenir le maître… Ou alors la télévision m’a menti. » Dans de telles circonstances, d’autres n’auraient peut-être pas été aussi rapides à faire des blagues, mais Viktor avait toujours été de ceux qui trouvaient l’humour la meilleur arme pour diffuser une situation. Rire quelles que soient les circonstances permettait de les normaliser, et cela il l’avait découvert très rapidement durant ses passages au Moyen-Orient. A cet instant son regard croisa celui de Malachi, dont les orbes s’étaient étrangement assombries. «  Un dernier truc. Si jamais tu croises un hunter. Tu sais, ses tarés qui ont juré allégeance à Thaddeus et qui cherchent à casser du mutant, tu ne luttes pas, tu fais pas le héros, tu fuis. Tu trouves un endroit ou te cacher et tu te fais oublier. Ces mecs-là sont des dingues, des psychopathes, mais des psychopathes entrainés en hyper rôdés. Seul, tu ne feras pas le poids contre eux, vraiment. » Viktor lui adressa un sourire compatissant. « Promis, je n’irais pas chercher la bagarre. Mais tu ne peux pas t’attendre à ce que je reste sans rien faire s’ils se mettent en travers de mon chemin. Hyper rôdés ou pas, j’ai déjà fait affaire à des groupes du même genre, ou pire. » Il réfléchit un instant, avant d’ajouter : « Je sais que ma prothèse me donne un désavantage, mais ça m’étonnerait que les Hunters soient immunisés contre une balle dans le crâne. »
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Malachi hocha la tête, soulagé de voir son camarade se montrer raisonnable. Il se serait senti vraiment coupable si Viktor s’était retrouvé face à un chasseur de mutant sans savoir comment réagir. Il lui aurait bien donné des informations supplémentaires, mais il ne voulait pas l’embrouiller un peu plus, ni le faire sombrer dans la psychose. Après tout, puisqu’il avait été dépisté négatif, si il se faisait suffisamment discret, les hommes de main de Thaddéus ne pourrait pas remonter jusqu’à lui. C’était déjà ça. Il s’étira, passant sa main dans sa nuque endolorie : ce petit coup de stress et de pression avait réveillé une vieille tension nerveuse chez le professeur, mêlé à un peu de fatigue sans doute.

- Le trop plein se manifeste souvent lorsque le don a été en sommeil un moment et décide de se réveiller. Chez certaines personnes, c’est même une vraie bombe à retardement.

Il sourit à demi à la petite blague de Viktor, avant de lui désigner l’entrée de la ruelle d’un geste du menton : si ils en avaient terminé pour aujourd’hui, autant qu’ils sortent de ce cul de sac aux relents de nourriture en décomposition et d’égout. C’était proprement infâme, comme odeur.

- Ils ne sont peut être pas immunisés, mais tu cours quand même le risque qu’ils ouvrent le feu en premier. Ces mecs là ne sont pas des juges, ce sont des bourreaux, ils ne condamnent pas, ils ne font qu’appliquer une sentence, toujours là même, pour tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule de leur idéologie perverse.

Il secoua la tête, comme pour chasser de sombres idées, puis se dirigea vers la sortie, pour récupérer la rue centrale. Là, la vie normale reprenait, les gens se baladaient sans même avoir l’infime conscience de ce qui venait de se passer à quelques mètres à peine. Les couples se bégotaient, les gamins couraient de partout, leurs mères papotant un peu en retrait du temps qu’il allait faire demain et de la nouvelle coupe de cheveux d’une quelconque collègue de travail. C’était assez dingue, quand on y réfléchissait, que tant de banalité puisque côtoyer, frôler au plus près l’exceptionnel et l’impensable. Et pourtant.

- Bon, je suppose que je vais devoir remettre ma correction de copies à plus tard. Ça ne te dérange pas de m’accompagner jusqu’à la poste ? J’ai un colis de bouquins envoyé par un collègue anglais qui est arrivé, et une paire de bras supplémentaire ne serait pas du luxe.

Le colis pouvait attendre en réalité, Malachi le savait pertinemment. Mais il ne voulait pas laisser Viktor livré à son sort tout de suite, à peine quelques dizaines de minutes après cette crise d’angoisse. Il voulait être sur que le vétérinaire était sous contrôle. Une rechute pouvait arriver si vite… Après tout, il suffisait qu’il troue ses gants en plastique, ou que sais je encore, pour que tout recommence de plus bel. A nouveau, il maudit la personne ou la chose qui l’avait privé de ses propres pouvoirs. Sans il se sentait désagréablement inutile. Si Viktor s’était déclaré alors qu’il était en pleine possession de ses capacités, il n’aurait eu aucun mal à le canaliser. Après tout, il l’avait fait auprès de tellement de mutants auparavant qu’il était même connu pour ça dans le milieu transmutant en Angleterre, avant la tragédie …


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« Ils ne sont peut-être pas immunisés, mais tu cours quand même le risque qu’ils ouvrent le feu en premier. Ces mecs-là ne sont pas des juges, ce sont des bourreaux, ils ne condamnent pas, ils ne font qu’appliquer une sentence, toujours là même, pour tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule de leur idéologie perverse. » « Oui, comme tout groupe extrémiste, quoi. » dit Viktor, ne pouvant s’empêcher de sourire. Malachi dans le rôle de la maman poule, c’était plutôt amusant. Sans compter que le professeur semblait oublier que, il n’y avait pas si longtemps, l’emploi de Viktor consistait précisément à combattre ce genre de factions ; dans un pays étranger, soit, mais les similitudes entre ce genre de factions étaient plus nombreuses que leurs différences. Enfin passons ; il n’allait pas se mettre en guerre contre les Hunters tout seul, il ne se croyait pas encore dans un film d’action. Le vétérinaire suivit son ami jusqu’à la sortie de la ruelle, où ils purent tous deux prendre une grande inspiration et chasser l’odeur de déchets de leurs narines. Il ne s’était pas rendu compte à quelle point l’odeur commençait à l’écœurer, mais maintenant qu’il se retrouvait libre de ces effluves, il se sentait déjà mieux.

« Bon, je suppose que je vais devoir remettre ma correction de copies à plus tard. Ça ne te dérange pas de m’accompagner jusqu’à la poste ? J’ai un colis de bouquins envoyé par un collègue anglais qui est arrivé, et une paire de bras supplémentaire ne serait pas du luxe. » « T’as pas peur que je les fasse exploser ? » plaisanta Viktor, tandis qu’il emboîtait le pas à Malachi. Ce dernier semblait déjà s’être perdu dans ses pensées, à voir son expression renfrognée. L’autre homme se prit à se demander si tous les professeurs étaient obligés de prendre une mine sévère lorsqu’ils réfléchissaient, ou s’il s’agissait simplement d’une coïncidence physiologique. Il resta silencieux pendant un petit moment, avant de se racler la gorge et entamer : « Malachi, merci. Vraiment. Je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais été seul à gérer ça… Ou même quels dégâts j’aurais causé. » Il posa sa main sur l’épaule de l’homme, avec un sourire reconnaissant. « Tu es un bon ami. » Même si je suis obligé de te courir après pour qu’on prenne un café, ajouta-t-il intérieurement. D’habitude il aurait probablement exprimée cette opinion à voix haute, mais pour une fois la solennité du moment lui parut trop importante pour être brisée.

Il laissa s’écouler encore quelques minutes en silence, avant de finalement oser poser la question qui lui brûlait les lèvres. « Mal’… Tout à l’heure, quand tu m’expliquais comment, euh, comment ça marche, tu as dit ‘nos’. Je sais que ça ne me regarde pas vraiment, mais… Tu en es un, toi aussi ? » Il préférait ne pas prononcer le mot ‘mutant’ en public, au cas où les murs auraient des oreilles. S’il avait raison, Malachi avait une expérience beaucoup plus pratique du contrôle d’un don qu’il ne l’avouait. Et vouait probablement une haine très particulière aux Hunters, entre le meurtre de sa femme et leur quête de destruction de tous les mutants qu’ils pouvaient trouver. Viktor grinça des dents, se demandant comment le gouvernement pouvait tolérer un groupe et une pensée qui appelait au génocide avec autant de clarté. Ce n’était pas comme si les politiciens tels que Thaddeus Lancaster cachaient leur idéologie ; et pourtant, ils continuaient de déambuler tranquillement dans les rues, tandis que les mutants se trouvaient obligés de cacher leurs capacités. C’était suffisant pour lui donner envie de reprendre les armes, s’il avait pu.
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- Non ça va « soldat », mes précieux livres seront en sécurité entre tes mains expertes. Et puis, tu as du manipuler plus délicats comme objets, je suppose …

Il était vrai que Malachi avait tendance à oublier que Viktor avait été dans les forces spéciales fut un temps. Il n’avait pas connu l’homme à cette période, et son caractère actuel ne collait pas vraiment avec ce genre de boulot. Il ne connaissait qu’un Vik doux, enjoué, presque trop d’ailleurs, même parfois un peu exaspérant avec toute cette énergie et cette bonne humeur. Tout cela était très, très loin du stéréotype du G.I implacable, aux yeux injectés de sang et aux nerfs d’acier, qui dézingue avec une précision mortelle et produit des orphelins à la pelle. Il avait entendu plusieurs fois l’histoire de Vik, celle-ci revenait souvent lors des réunions à l’hôpital, il était un modèle pour pas mal de gosses, pour son courage et son sacrifice pour la patrie. Malachi avait toujours l’impression que , dans ces cas là, il ne parlait pas de lui, où alors de lui dans une autre vie, à une autre époque, si lointaine que l’homme en question n’existait plus. « Son » Viktor n’était pas un soldat, un meurtrier. Il était bien plus que ça, et heureusement.

La voix de son camarade le tira de ses pensées, alors que ce dernier le remerciait d’être resté avec lui cette après midi. Sans un mot d’abord, il se contenta de hausser un sourcil : il avait beau être un solitaire pas bien loquace, il n’en demeurait pas moins un être humain, et il lui arrivait d’être empathique, parfois, en particulier avec les mutants, temporaires ou non. Et puis, ce n’était qu’une question de bon sens : il était son ami, il l’appréciait, et il n’aurait pas permis qu’il puisse se blesser ou blesser qui que ce soit, si il était en mesure de le préserver. Il haussa simplement les épaules, balayant les remerciements d’un geste de la main.

- Pas besoin d’être aussi solennel mec. Tu aurais fait pareil pour moi, et même pour un parfait inconnu, si tu avais été à ma place. Je n’ai aucun mérite.

Bien qu’il ne le montrait pas, le fait que le véto le décrive comme un « bon ami » lui fit un effet assez inattendu. Une espèce de boule de chaleur dans le ventre, à l’instar de celles qu’il avait l’habitude de façonner dans celui des autres avec son don. Il n’avait pas énormément de proches ici, à Radcliff, et le fait que Viktor lui donne une telle importance était… Significatif, pour lui. Cela le touchait, et c’était rare pour lui. Il se contenta, à nouveau, de juste sourire pudiquement. Il n’était définitivement pas doué pour exprimer ses sentiments. Puis vint le moment qu’il appréhendait depuis sa bourde, dans la ruelle, et la curiosité de Viktor allait forcément reprendre le dessus. Le véto n’était pas idiot, et forcément, tout cela lui avait mis la puce à l’oreille. Le professeur se passa la main dans la nuque, geste symptomatique quand il était mal à l’aise, continuant toujours de marcher en direction du centre postal. Que le dire ? tout ? ou juste un « oui » laconique ? Non, quand même. Vik méritait la vérité, après ce qu’il venait de vivre.

- … Hmm… C’est exact. Depuis que j’ai 8 ou 9 ans. Mais mes capacités sont moins … Voyantes que ce qui peut t’affecter actuellement.

Il soupira. Maintenant il en avait trop dit, ou pas assez. Il ne pourrait plus revenir en arrière.

- C’est parce que je suis comme « ça » que j’ai décidé de participer aux séances collectives à l’hopital. Je peux … Pouvais apprivoiser les émotions. La peur, la joie, la colère, l’ennui, le doute, l’excitation… je pouvais les faire taire, les éteindre, ou au contraire les exalter chez quelqu’un, tant que cette personne les avait vécu au moins une fois dans sa vie. Voilà, comme ça tu sais tout.

Il tourna la tête vers Viktor, guettant sa réaction avec ce qui ressemblait un peu à de l’appréhension. Il se dépêcha de rajouter.

- Je n’ai pas été dépisté, aucun … « humain », ne sait qui je suis. On ne dépistait pas les gens à l’époque où je vivais en angleterre, et je suis passé au travers ici aussi, j’étais en colloque en Egypte durant cette période… Personne ne sait que je suis… ce que je suis. Personne.

D’humain, bien sur. Viktor serait donc le premier. Si il avait su …



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Malachi passa une main sur sa nuque, et sembla hésiter avant de répondre : « … Hmm… C’est exact. Depuis que j’ai 8 ou 9 ans. Mais mes capacités sont moins … Voyantes que ce qui peut t’affecter actuellement. » Viktor ne répondit rien, se contentant d’acquiescer silencieusement. L’aveu de Malachi ne le surprenait pas, mais il était bien conscient de la confiance qu’on plaçait en lui à cet instant. Quoiqu’il ait toujours été très clair sur ses opinions sur les Hunters, admettre sa mutation n’était jamais sans risque. Après un moment de silence, durant lequel Viktor hésita à l’interroger davantage sur la nature de sa mutation, son contrôle, etc., l’autre finit par rouvrir la bouche. « C’est parce que je suis comme ‘ça’ que j’ai décidé de participer aux séances collectives à l’hôpital. Je peux … Pouvais apprivoiser les émotions. La peur, la joie, la colère, l’ennui, le doute, l’excitation… je pouvais les faire taire, les éteindre, ou au contraire les exalter chez quelqu’un, tant que cette personne les avait vécu au moins une fois dans sa vie. Voilà, comme ça tu sais tout. »

A nouveau, Viktor ne dit rien, souriant amicalement lorsque Malachi tourna son regard pour observer sa réaction, sans plus. Rassuré que son ami ne risquait pas de se rétracter avec horreur ou de retomber dans la panique, le professeur ajouta : « Je n’ai pas été dépisté, aucun … ‘humain’ ne sait qui je suis. On ne dépistait pas les gens à l’époque où je vivais en Angleterre, et je suis passé au travers ici aussi, j’étais en colloque en Egypte durant cette période… Personne ne sait que je suis… ce que je suis. Personne. » « Motus et bouche cousue, donc. » Viktor fit mine de se verrouiller les lèvres et jeter la clé par-dessus son épaule, toujours avec un léger sourire. « Je n’ai jamais fait confiance à cette histoire de dépistage, ça m’a toujours semblé être une excuse pour recenser tous les mutants et les empêcher de se fondre dans la société. » Il haussa les épaules, ne voulant pas trop s’étendre sur le sujet – expliquer à un mutant pourquoi le système était réglé pour les désavantager lui semblait aussi utile qu’expliquer le racisme à un immigré, et aussi condescendant.

« Mais ça explique pourquoi les séances où tu es présent sont souvent beaucoup plus… calmes en règle générale. Je me disais aussi que ça ne pouvait pas être ta personnalité ensoleillée… » plaisanta-t-il, avant d’ajouter sérieux. « En tout cas, c’est très généreux de te servir de ton don comme ça. » Ce disant, le vétérinaire passa son bras autour des épaules de Malachi, sans l’électrocuter cette fois-ci. Bon camarade – ou résigné aux démonstrations d’affection de son ami – l’autre se laisse faire sans trop rechigner. « Ça doit être épuisant parfois, non ? » demanda-t-il, n’ayant après tout que sa propre expérience comme champ de référence. Mais déjà que rassurer et conseiller les membres de leur groupe demandait à Viktor une bonne partie de son énergie, il s’imaginait que de réussir à entrer dans leurs têtes et apaiser leurs émotions souvent intenses et violentes ne devait pas être une mince affaire. La révélation le poussait à respecter davantage le professeur, qui malgré son masque de misanthrope semblait avoir une bonne dose d’empathie pour ses prochains, humains comme mutants.

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