i. êtes-vous originaire de radcliff ?
  Cosima n’est absolument pas originaire de Radcliffe. Elle n’avait même jamais entendu parler de cette ville avant d’y mettre les pieds, par hasard, avec son petit ami du moment. Il s’agissait d’un simple passage dans une petite ville, histoire de trouver un lieu où passer la nuit. Jusqu’à ce qu’elle découvre le lendemain matin que non seulement il avait pris la poudre d’escampette avec leur seul moyen de locomotion, mais qu’en plus il l’avait délestée de tout l’argent qu’elle avait durement gagné. Résultat, la jeune femme se retrouve coincée dans ce trou perdu qu’elle déteste déjà.

  ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
Oui, à l'un d'entre eux, qui fut l'une de ses cibles potentielles. Ce ne fut qu'après l’avoir séduit qu’elle découvrit sa véritable identité. Fort heureusement, elle parvint à s’éloigner et à disparaître de la circulation avant qu’il ne se rende compte de ce qu’elle était. Elle n’a jamais raconté cet incident, qui fut l’un des plus grands moments de frayeur de sa vie. Pour le reste, elle ne doute pas d’avoir rencontré d’autres hunters sans en avoir forcément eu connaissance. Le plus important est que pour l’instant, sa vie n’ait jamais été menacée. Elle espère bien que cela dure...

  iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
  Oh que oui elle l’utilise, et pour cause, son don est ni plus ni moins que son fond de commerce. Elle s’en sert souvent à des fins malhonnêtes, principalement afin de se procurer de l’argent. Elle a toujours profité du fait que son pouvoir soit purement effet de l’esprit et donc difficilement détectable pour un regard extérieur. Bien qu’elle tente de demeurer prudente et de ne pas se faire repérer, elle ne peut s’empêcher de l’utiliser, souvent enivrée par la sensation de liberté et de puissance qu’il lui donne, et surtout par l’attrait qu’exerce l’argent sur elle.

  iv. pensez-vous que les mesures mise en place par le gouvernement sont suffisante ?
 Les mesures... quelles mesures ? S’il y a bien une chose à laquelle Cosima ne s’intéresse pas, c’est la politique. En réalité, moins elle en sait, mieux elle se porte. Elle considère généralement les gouvernants comme des incapables qui ne bougent pas le petit doigt pour les populations qu’ils sont censés aider. Il y a bien longtemps qu’elle a cessé d’y croire, à supposer qu’elle y ait cru un jour, et en particulier depuis la révélation au grand jour de l’existence des transmutants. Elle n’a aucune confiance en eux et c’est bien pour cette raison qu’elle a pris la décision de refuser les règles en refusant le recensement et en décidant de rester totalement libre.

Tout la dédiait à une existence des plus banales. Aucun drame n’avait entaché sa prime jeunesse. La stabilité faisait partie de son quotidien, et ce depuis sa naissance. Elle était venue au monde dans la petite ville de Salem, entre des parents, certes peu unis par la passion, mais qui s’entendaient suffisamment bien pour ne jamais envisager de briser leur union et un frère aîné qui après avoir jeté un oeil au berceau ignora consciencieusement le nouveau-né qu’elle était à l’époque. Non, rien ne laissait penser que son existence dévierait un jour. Les premières années de sa vie se déroulèrent d’ailleurs dans le calme le plus totale. Elle était une enfant plutôt vive et sociable, à l’intelligence moyenne, sans rien d’exceptionnel pouvant réellement la distinguer de ses petits camarades, si ce n’est peut-être une certaine tendance à s’attirer des ennuis et à toujours s’en sortir. Quelque part, ce fut la tranquillité de cette existence qui peu à peu la poussa à rechercher le frisson, sous différentes formes, la plupart du temps des jeux plus ou moins dangereux dans lesquels l’accompagnait son meilleur ami de toujours. C’était ce qu’elle préférait, les jeux, ces jeux où elle avait la possibilité d’imaginer tout ce qu’elle souhaitait. Et son imagination ne connaissait que de rares limites. C’est sans doute de là que viendrait plus tard son penchant pour la science fiction. Enfant, les comics mettant en scène divers super héros avaient sa préférence, des héros dont elle se plaisait à reproduire les aventure dans son jardin ou dans la rue en face de chez elle. Elle aurait alors donné n’importe quoi pour posséder le même genre de don. Pour être, elle aussi, exceptionnelle et amenée à avoir une vie palpitante qui consisterait principalement à sauver le monde de diverses manières. Elle ignorait alors que ses rêves se réaliseraient, mais que la réalité serait bien différente de la fiction.

Elle venait d’avoir quatorze ans lorsque tout commença à changer. Ce fut de manière insidieuse, progressive, si bien qu’elle ne vit rien venir. Et comment aurait-elle put deviner ? Jamais elle n’avait été préparée à une chose pareille. La fantaisie de l’enfance avait peu à peu laissé place à la rationalité. Elle grandissait. Elle devait être plus raisonnable, travailler à l’école afin de justifier l’investissement de ses parents dans une prestigieuse école privée. Mais si elle était loin d’être stupide, elle ne semblait pas être sensible au savoir académique. Ainsi, elle n’avait jamais été qu’une élève très moyenne, et ceci uniquement lorsqu’elle se donnait du mal. Elle n’espérait pas faire mieux un jour. A vrai dire, cela lui était égal. Et pourtant, elle parvint à faire mieux. Sans que nul ne comprenne pourquoi, ses résultats en mathématiques s’améliorèrent de manière significative, pratiquement du jour au lendemain. Si ses parents mettaient ce progrès sur le compte des cours particuliers qu’ils payaient à leur fille, Cosima se posait en revanche des questions, tout en acceptant pourtant ce qui lui arrivait. C’était devenu... facile. Une facilité qui ne fit que s’accroître et bientôt ne put plus passer inaperçue. Personne ne devient un génie du jour au lendemain. Non, personne. On l’accusa tout d’abord de tricher, puis d’avoir dissimulé ses facultés aux yeux de tous. Mais elle s’en moquait. Etre douée en quelque chose, vraiment douée, avait quelque chose de grisant. Surtout lorsqu’elle se rendit compte que ses nouvelles facultés allaient bien au delà. Plus tard, elle dirait que les nombres lui parlaient, directement dans sa tête, dévoilant des secrets qu’elle n’était pas supposée connaître. Sans savoir pourquoi ou comment, elle connut le numéro de casier de sa meilleure amie, le numéro de téléphone du garçon qui lui plaisait, le numéro de compte bancaire de sa mère, celui de sécurité sociale de son père. C’était dans sa tête, et pourtant tout était vrai. Elle ne comprenait ni ce qui lui arrivait, ni quelle en était l’origine. Et après avoir eu peur, elle prit la décision d’en profiter. Jusqu’au moment où les choses échappèrent à son contrôle.

Les nombres, qui avaient été ses alliés, devinrent peu à peu ses ennemis, l’envahissant sans relâche, sans aucune pitié pour sa pauvre tête qu’elle sentait sans cesse sur le point d’exploser. Il était impossible de leur échapper, même lorsqu’elle était seule dans un lieu isolé. Ils étaient partout, en tout, caractérisaient et définissaient tout. C’en vint à un tel point qu’elle ne parvenait plus à les identifier les uns des autres. Ils formaient une bouillie, une bouillie qui lui écrasait l’esprit. Lorsqu’ils la surprirent en train se taper la tête contre les murs jusqu’à se blesser, ses parents prirent la décision de la faire interner. Jamais elle ne leur pardonnerait de l’avoir considérée comme si elle était folle, de ne pas l’avoir cru. Durant les mois qui suivirent, elle vécut dans le brouillard. Les médicaments avaient en cela un avantage : ils semblaient bloquer les nombres, ou du moins estomper leur influence. Mais ils l’empêchaient également de penser. Ce qui n’était pas plus mal, sans doute. Elle se voyait déjà enfermée là à jamais. Peut-être était-elle vraiment folle au fond. Peut-être valait-il mieux qu’elle soit isolée du reste du monde. Pourtant, ce fut en ces temps désespérés qu’elle rencontra l’être qui lui sauva très probablement la vie. Un homme, qui devait avoir l’âge de son père et avait une forte tendance à parler tout seul. Ils sympathisèrent autour de longues et régulières parties d’échec. Il lui vint en aide d’une manière qu’elle n’aurait jamais imaginée. Il se disait télépathe. Elle ne sut jamais si c’était la vérité ou le fruit d’une folie quelconque. Quoi qu’il en soit il la croyait, et il était bien le seul. Avec du temps et de la patience, il parvint à lui apprendre à fermer son esprit face aux agressions, à se réconcilier avec son don en apprenant à l’utiliser. Si elle ne l’avait pas vraiment pris au sérieux au départ, elle se rendit rapidement compte que cela fonctionnait. Il fallut de nombreux mois avant qu’elle parvienne à retrouver un certain contrôle sur elle-même, sur ce qu’il se passait à l’intérieur, dans sa tête.

Elle avait dix-sept ans lorsqu’on la jugea apte à reprendre une vie normale. Elle tenta de fait tout ce que l’on attendait d’elle. Reprendre sa vie à Salem. Terminer le lycée et peut-être commencer des études. Etant donné son parcours chaotique, seul les universités de seconde zone lui ouvrirent leur porte. Etait-ce donc ça la vie, la vraie vie ? Aller à des cours qui ne l’intéressaient pas vraiment, qui de toute manière ne la mèneraient nulle-part. Et surtout, cacher ce qu’elle était réellement. Se brider, faire comme si elle était n’importe qui après tout ce qu’elle avait vécu. Elle n’était pas n’importe qui. Et tout ceci, cette petite vie rangée était au-dessus de ses forces. Elle sut qu’elle ne pourrait pas continuer lorsqu’elle rencontra Pete, jeune homme menant une vie de bohème et gagnant ses deniers de manière plus ou moins légales. Ce fut lui qui l’initia à ses combines et la poussa à tourner totalement le dos à son ancienne vie. Elle comprit rapidement que, dans l’illégalité, son don était un véritable atout. Si elle aimait le frisson, elle aimait tout autant l’argent et peu importait la manière dont elle pouvait l’obtenir. Après Pete, elle continua sur sa lancée, se déplaçant de ville en ville, d’identité en identité.
La révélation de l’existence des mutants changea la donne. Si elle avait toujours soupçonné qu’il existe, quelque part, des gens comme elle, elle n’en avait jamais eu la certitude. Elle eut la sensation, d’un coup, de ne plus être seule. Une sensation qu’elle savait trompeuse. Ces individus dotés de pouvoirs, comme elle, n’étaient ni ses amis ni ses alliés. Elle ne leur devait rien. Son instinct de survie était bien plus fort, de même que son désir de poursuivre sa route en toute indépendance. De là vint sa décision de continuer à se dissimuler en refusant de se recenser, quitte à vivre dans l’illégalité de manière irrévocable. Elle ne voulait dépendre de personne et surtout ne jamais avoir affaire aux Hunters, ou être marginalisée de quelque manière que ce soit. Elle savait qui elle était et ce qu’elle voulait. C’était tout ce qui importait.