i. êtes-vous originaire de radcliff ?
Du tout. Niall vient de la petite ville d’Oxford, au Royaume-Unis, où il a passé toute son enfance ainsi qu’une grande partie de son adolescence… Il a également beaucoup voyagé et vécu longtemps au Vietnam et en Allemagne. C’est suite au décès le l’homme avec lequel il a vécu quarante ans qu’il a décidé de repartir à zéro, et Radcliff lui a semblé être une ville assez obscure pour que personne ne l’y connaisse.

  ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
Pas encore, mais il y a manqué de près avant de partir pour Berlin. Les doutes sur son âge véritable planaient tandis que son compagnon de l'époque vieillissait à vue d'oeil. Une chance qu'il ait pris la fuite à temps, et que les hunters n'aient pas décelé son secret. Le fait qu'il ait souvent changé de lieu de vie lui a valu sa sécurité, mais il ignore si avec les nouvelles technologie, il parviendra à tenir encore longtemps ainsi.

  iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
Constamment. Le don de Niall n'est pas pour ainsi dire sporadique, ses cellules sont en perpétuelle régénérescence: absolument rien ne parvient à empêcher ce processus constant. C'est là ce qui le rend fou, après plus de soixante-dix ans d'existence il aimerait pouvoir vieillir et disparaître comme tout le monde. S'il a toujours des buts à atteindre, il est conscient du fait qu'un jour il se lassera de vivre, et que son enveloppe charnelle demeurera à jamais sa prison... Un enfer terrestre.

  iv. pensez-vous que les mesures mise en place par le gouvernement sont suffisante ?
Pour être honnête, Niall trouve le gouvernement Baxton bien libéral. Il s’est d’ailleurs souvent demande si le président lui-même n’était pas un mutant. Non pas qu’il soit à l’encontre de sa propre espèce phylogénétique, ou même qu'il remette en question la liberté à laquelle chaque américain a droit... Cependant tout citoyen du monde sait que dans l'Histoire, le manque d’ordre a souvent entraine l’anarchie, et que l’être humain n’est pas réputé pour sa bonté naturelle. La deuxième hypothèse de Niall est probablement la plus inquiétante. Cet appel au recensement n’est peut-être qu’un moyen de dessiner une carte cible, et ces lois prêchant la tolérance ne sont peut-être alors qu’un moyen de maquiller la supercherie. Dans tous les cas, le gouvernement B. n’a pas la confiance du chercheur chercheur, et encore moins la trace de son génome.

“A few times in my life I’ve had moments of absolute clarity. When for a few brief seconds the silence drowns out the noise and I can feel rather than think, and things seem so sharp and the world seems so fresh. It’s as though it had all just come into existence.

I can never make these moments last. I cling to them, but like everything, they fade. I have lived my life on these moments. They pull me back to the present, and I realize that everything is exactly the way it was meant to be.”


Il se souvenait encore de leur première rencontre comme si c'était hier. Du soleil aveuglant de Saigon, à la chaleur intense qui le faisait suffoquer. Tandis que le jeune médecin s’efforçait d’administrer toutes sortes de drogues pour calmer la douleur des blessés, à l’extérieur les corps s’entassaient. Pour certains, les années 70 étaient synonymes de renouvellement musical et de défonce. Pour le jeune Melchior en revanche, c’était un enfer. La mort était partout, et du haut de ses trente ans, il se sentait comme emporté par elle.

Tirant nerveusement sur une cigarette dont il ne restait plus que le filtre, Melchior observait le ciel, silencieux. L’air avait une étrange odeur de poudre à laquelle il s’était habitué. Oxford lui semblait déjà bien loin. Toutes ces années de recherches durant lesquelles il était parvenu à échapper à la guerre lui paraissaient n’avoir été qu’un rêve. Un rêve de Biologie moléculaire qui lui avait valu de partager un Prix Nobel. Si seulement à l'époque il savait que tout juste cinq décennies plus tard, il se laisserait oublier par la presse.

« Est-ce que tout va bien, docteurrr ? »

Melchior sursauta et se retourna. Un homme blond aux yeux vert émeraude vint s’asseoir près de lui, sur les marches de la véranda. Tyrell n’osait pas répondre : rêveur, il se perdait dans la couleur si particulière de ses yeux. « Il fait si chaud, je n’arrive pas à dormir. » ajouta l’homme blond. Son anglais était parfait, néanmoins Melchior décelait chez lui un accent allemand qui l'intrigua. Là-dessus l'aryen lui lança un sourire franc, qui ne manqua pas de le faire rougir. À cet instant précis, Melchior eut la sensation étrange que l'allemand voyait en lui. Un moment que, jusqu'ici, il n'avait encore vécu avec personne.

« Je suis le général Hans Zweig, c’est moi qui vous ai apporté des hommes ce matin. Vous m'avez eu l'air bien plus effrayé que nos soldats, lorsqu’ils partent au combat. » Melchior baissa les yeux, inexplicablement mal à l’aise, voire presque honteux. Ce n’était pas lui qui partait au combat, ça non. Son père ne manquait jamais de le lui rappeler, dans les lettres qu’il lui envoyait. En dépit de son intelligence, c’était un lâche, et sa peur de la mort transparaissait par tous les pores de sa peau.

Voyant que le jeune médecin ne parvenait toujours pas à prendre la parole, le général vint poser une main chaude sur son épaule, geste qui provoqua en lui de soudains sanglots. Ses larmes ne s’arrêtaient plus. Ces dernières auraient dû couler près de trois mois auparavant. « Je… Je suis… Je suis dés… » L’allemand posa un doigt sur la bouche de Melchior, et de l'autre main, il vint essuyer les larmes qui perlaient ses joues. Le silence reprit à nouveau. Le jeune homme ne s'était pas attendu à une telle réaction de la part de Hans, ni meme de la part de quiconque d'ailleurs. « Allons allons, ce n'est rien. » Toujours ce sourire qu’il ne comprenait pas, et cette fois, la voix masculine de l'homme semblait le bercer. Leurs deux visages étaient si proches... Melchior pouvait sentir le souffle du général sur sa peau. Lui qui n’avait jamais touché une femme, se retrouvait comme prisonnier du regard rassurant de l’allemand. Un regard qui l’attira vers son premier baiser. Un acte interdit à l’époque, dont il porterait le poids jusqu’à la fin de la guerre, et celle de la vie d’Hans Zweig. Les deux hommes l'ignoraient encore, mais ils ne se quitteraient plus à leur retour en Angleterre.


" To look life in the face. Always to look life in the face and to know it for what it is. At last to know it. To love it for what it is, and then, to put it away. Always the years between us. Always the years. Always the love. Always the hours. "


Les heures, les jours, les années passèrent. Le temps s’était écoulé sans même que Melchior ne s’en aperçoive. Ce sont les autres qui s’en rendirent compte pour lui. Tandis que l’homme avec lequel il vécut près de quarante ans vieillissait, lui restait immuable. Ce n’était qu’à travers le visage de Hans que Melchior contemplait les années qui s’accumulaient. Pour tout dire, la découverte de son incapacité à vieillir n’était qu’une demi-surprise.  À Saigon déjà, Melchior avait fait sa première tentative de suicide. Après qu’un soldat mal informé lui ait annoncé la mort de son général, il se donna une balle dans la tête. C’est pourtant Hans qui quelques heures plus tard assista à son réveil, les mains couvertes de son sang. Le médecin avait survécu à la balle qui avait traversé son crâne, un miracle que les deux hommes se promirent de cacher aux yeux du monde, et qui scella leur relation si particulière pour de nombreuses années.

Si la découverte du don de Melchior fascinait Hans silencieusement, le jeune homme ne compta plus les expériences auxquelles il s'adonna, obsédé par les prouesses de son propre ADN. En se concentrant sur ses recherches il oublia un détail : nul n’est immortel. À la fin des années 80 Melchior semblait toujours si jeune, et les questions commencèrent à fuser parmi son entourage. Conscient de sa renommée scientifique, en quittant Oxford, Melchior se fit appeler Niall, supposé fils de Melchior Tyrell, et fervent héritier de ses propres recherches. Sa nouvelle vie à Berlin dura un moment, et elle s’arrêta avec celle de Hans, qui poussa son dernier soupir dans ses bras, à l’âge respectable de soixante quinze ans. Celui qui avait comblé le vide de son existence l’avait quitté, tout comme l’intégralité de sa famille, et la plupart de ceux qu’il avait connus lorsqu’il n’était qu’un adolescent. La mort était alors pour lui une tragédie à laquelle il était voué à se livrer et à échapper à l’infini.