i. comment êtes-vous entré parmi les hunters?
Tu crois que c’est un choix, que j’ai toujours aimé ça, que tuer des gens c’est la grande éclate. Tu imagines certainement que pour moi, tuer des mutants, c’est comme partir en croisade. Je vais te dire un chose, je n’ai jamais voulu être un chasseur. Mais chez les Burgess, tu n’as pas le choix, dès l’enfance j’ai appris à me méfier des mutants, à les voir comme des animaux enragés. Pendant un temps, j’ai été le parfait soldat, celui qui obéit aveuglement aux ordres du père. Tire! Tue! Un temps. Après, j’ai commencé à comprendre, à voir l’erreur de jugement. Mais pour autant, est-ce que j’ai arrêté ? Non. C’est une part de moi-même, tu comprends ? Comme une empreinte génétique.

ii. avez-vous déjà effectué votre devoir de chasseur ?
Tu vois ces cercles sur mon avant-bras ? Chacun d’eux représente une vie. En tout, combien il y en a ? Douze. Je veux encore croire que j’ai fait cela pour une bonne raison, qu’ils étaient dangereux. Certains l’étaient réellement, comme celui qui avait le pouvoir de mort - un touché et le corps se décomposait. D’autres usaient de leur pouvoir pour tromper le monde. Et là, tu vas me dire que les humains lambda font de même. C’est certain. C’est pour cela qu’il y a ces cercles tatoués sur mon bras, pour ne pas oublier les morts que je sème derrière moi. Pourquoi je continue à tuer si cela entache autant ma conscience ? Une part de mon esprit est formatée pour leur mise à mort, c’est comme ça. Me demande pas pourquoi je ne peux pas me contrôler, j’en sais rien moi-même. Mon père a certainement implanté l’idée profondément dans mon esprit et je peux te dire que le vieux était doué pour la manipulation. Laisse-moi croire que j'tue que ceux qui sont dangereux.

iii. les mesures du traité de protection des mutants vous font-elles peur ?
Ce n’est pas marqué sur mon front que je suis un chasseur, donc pourquoi je devrais avoir peur de ces lois ? Ce sont juste des bouts de papier, comme toutes les autres. Le but, c’est de ne pas se faire prendre, c’est comme pour tout. Faut savoir briser les règles mais avec élégance, tu comprends ? Alors ils peuvent établir toutes les lois qu’ils voudront, je serai toujours au dessus, car certains transmutants doivent être éliminés, c’est comme ça, faut tuer le danger avant qu’il te bouffe.

iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
Je sens que tu vas m’en vouloir pour ce que je vais te dire, mais attends avant de m’assommer avec cette bouteille que tu caches derrière ton dos. Je n’ai jamais voté, alors je n’ai pas voté pour lui, ni pour quelqu’un d’autre. Pourquoi ? Parce que ça ne m’intéresse pas. C’est pas un mec qui va influencer ma vie, même si il est à la tête de je-ne-sais-pas-quoi-de-particulièrement-chiant. J’ai entendu quelques échos sur ses méthodes, mais aussi sur le fait qu’il cherche à réunir les chasseurs, crois-moi que je n’ai pas du tout envie de devenir son chien de garde, alors je me tiens à l’écart de toute politique, car le jugement, c’est moi qui le rend, je n’ai besoin de personne pour me dire ce que je dois faire.

Bip infernal. La pièce est éclatante, blancheur immaculée, dérangeante pour celui dont l’ombre s’étend, trop grande pour lui, porteuse de péchés. Il avance doucement dans la pièce, comme si il craignait que le sol se dérobe sous ses pieds. Un lit est accolé au mur, des tuyaux, partout, des tubes de vies comme il les appelle. Sa main gauche glisse sur la barre de métal, effleure le froid. Le corps est endormi, le cerveau mort. « il n’y a plus rien à faire, nous pouvons vous proposer de… » Les paroles sont là, dans sa mémoire, sa colère aussi, cette haine envers la vie. C’est sa femme qu’il vient voir toutes les semaines, une ou deux fois lorsqu’il le peut. Un corps décharné, entretenu par des tubes, et des machines. C’est un spectacle écoeurant, une foire aux monstres. Il approche doucement sa main de celle de Mara, comme un effleurement timide, mais il ravise son geste. Il n’est plus capable de cela, c’est trop douloureux et pourtant, il ne veut pas débrancher les câbles, la laisser en paix. Morte. Heath observe l’être aimé. Ce n’est plus qu’un assemblage d’os, un cadavre en devenir, mais ce n’est pas ce qu’il voit. Lui, il se souvient de leur première rencontre, de cette tornade qui l’a percuté.

8 Janvier 2004 ☆ L’université. Il venait d’obtenir son diplôme, à trente ans, après un passage express dans l’armée de l’air. Réformé à vingt-deux ans pour cause d’une blessure à l’oeil. Enfin il allait pouvoir faire ce qui lui plaisait, loin d’une vie millimétrée, déterminée à la naissance. Il était invité à un colloque aux États-Unis, un long voyage depuis son Angleterre natale, mais il avait accepté, ne pouvant refuser une telle invitation. Et c’est là qu’elle était arrivée, courant à travers les couloirs, laissant s’envoler des feuilles derrière elle. Le choc était inévitable. « Pardon, excusez-moi, je… je ne regarde jamais où je pose les pieds. Toujours la tête dans les étoiles » Un sourire en guise d’excuse. Il n’avait toujours pas parlé, intrigué, amusé alors qu’en temps normal, il aurait insulté l’étourdie. « Vous êtes ici pour le colloque ? » Demanda t-il alors qu’il l’aidait à ramasser les feuilles, jetant un regard aux dessins qui ornaient les recoins. « Oh, j’ai volé une identité, je suis une étudiante, je ne devrais pas être ici » Un souffle, un regard complice et c’est ainsi que tout débuta. Il lui proposa un mensonge. Elle serait une étudiante sous sa direction.

Les images virevoltent devant ses yeux, c’est une boîte de Pandore qu’il ouvre par instants, acceptant la douleur que ceci requiert. Les souvenirs sont vifs dans sa mémoire, il se souvient de chaque détail, même les plus insignifiants. Un sourire étire ses lèvres alors qu’il repense à la maladresse de Mara, et aux discussions interminables qui ont suivi. Il s’est juré de garder contact avec elle, même avec un océan les séparant. Une année à correspondre avant qu’il ne prenne sa décision, demande une mutation. Un acte entaché de folie. « Tu sais que je déteste toujours l’accent américain » dit-il à celle qui ne peut plus lui répondre, pourtant, il jure de voir les lèvres s’étirer, comme un sourire que l’on retient pour ne pas vexer l’autre. C’est une impression, des fantômes de son esprit. Il déboutonne la manche de sa chemise, c’est rare qu’il porte un vêtement pareil, lui qui est habitué à ses « torchons » comme elle disait. Parfois, il fait un effort, met un costume pour aller la voir. Ça le change drôlement. Homme qui revêt enfin la noblesse de son nom. Le bras est mis à nu, révélant des cercles qui entourent la peau. Les traits ne sont pas précis, indicateurs d’une réalisation non professionnelle. « J’en ai deux de plus. J’aimerais que ça s’arrête, mais je ne peux pas. Tu comprends ? C’est comme un besoin, tu vois, de les éradiquer. J’élimine ceux qui sont dangereux, pas les autres, je fais un choix, le bon! » Il tente toujours de se persuader, mais c’est faux. Choisir d’en éliminer certains plus que d’autres, c’est hypocrite de sa part. Les tatouages sont le témoin de sa folie, ils reflètent l’ambivalence de ses pensées, mais surtout, ils sont là pour attraper les cauchemars, les enfermer.

9 Mars 1998 ☆ C’était un garçon qu’il suivait depuis quelques semaines à présent, une traque comme il en avait l’habitude. Les renseignements étaient toujours notés, et envoyés. Il n’avait pas à discuter. Chasseur de prime en quelque sorte. Le patriarche Burgess était à la tête de l’extermination et les enfants étaient ses soldats de plomb. Heath avait repris ses études depuis son renvoi de l’armée, mais la pression familiale était toujours là. Et quelque chose en lui le poussait à ne pas fuir, le guidait dans ses actions, comme une voix résonnant dans son squelette, accrochant le coeur et la raison pour l’empêcher de penser, de songer à d’autres options. Un gamin, ce n’était qu’un enfant! Et pourtant, arme en main, il était prêt à tirer, à réduire une vie. Le pouvoir indiqué était : renaissance. L’un des plus dangereux. Mais qu’avait-il de malfaisant cet enfant ? Que pouvait-il bien faire ? Il n’était pas là pour soulever une armée de cadavres contre le gouvernement, non. C’était un petit botaniste qui ranimait toutes les fleurs fanées sur son passage. L’arme fut abaissée. C’était la première fois qu’il désobéissait aux ordres.

« Est-ce que tu vas revenir ? » Demande t-il presque timidement à celle qui est/était sa femme. Il veut y croire, encore, malgré l’avis des médecins, malgré les signes qui ne trompent pas. Elle est morte, ne reste qu’un corps. Il s’est enfui à l’autre bout de la pièce, assis sur la chaise, de là, il voit tout la déchéance. Il n’a pas le droit de lui voler la mort, c’est égoïste. Mais elle lui permettait d’être meilleur, elle changeait ses idées, l’empêchait de redevenir l’assassin. Maintenant qu’il n’y a plus personne pour le stopper, il reprend le chemin des meurtres. You know you need someone to stop you.