i. comment êtes-vous entré parmi les hunters?
Tu sais plus quel âge t'avais. Tu sais plus quand c'était. Lorsqu'elle t'as explosé la tête. Lorsqu'elle a failli te tuer. Lorsqu'elle a tué, ton père, elle-même. Tu sais plus. Mais, c'est pour cela. Quand tu te souviens de ça, tu sais pourquoi t'es rentré en chasse. Pour pas qu'un autre enfant connaisse ça. Pour pas qu'un autre enfant se fasse tuer. Par un mutant. Par sa mère. Mais ça, personne le sait.

   ii. avez-vous déjà effectué votre devoir de chasseur ?
Tuer. Tuer, briser. Prendre une âme, prendre un homme. Oui, tu l'as fait. Mais, pas en pensant ça. Pas en pensant à un homme. Parce que t'avais mal, parce que tu voulais faire tes preuves. Tu l'as tué, sans regrets, sans douleurs. Juste parce que tu voulais lui montrer à lui. A quel point ça fait mal. Tu voulais lui montrer à quel point c'était de la merde leurs pouvoirs. T'étais plus jeune. T'étais plus fougueux peut-être. Maintenant, tu tues moins. Tu frappes, tu hurles, tu brises. Tuer, ça fait un moment que tu l'as pas fait. Peut-être à cause de lui. Peut-être pas. T'en sais rien. Mais, en tout cas, oué, t'en a déjà tué des putains de mutants.

   iii. les mesures du traité de protection des mutants vous font-elles peur ?
Non. Pourquoi t'aurais peur de cette connerie ? Tu sais qu'il faut pas se faire voir. Tu sais qu'il faut pas le crier sur les toits, que tu les aimes pas, que tu veux qu'ils disparaissent. Mais, non, ça te fait pas flipper. Tu te fais discret, tu fais comme si t'en savais rien. Comme si tu faisais pas partie de ça. Pourtant, tu sais que quelque part, tu veux pas te faire enfermer. Tu veux pas qu'il lui arrive un truc à lui, Simon ou même Sid. Alors, non à toi ça te fait pas peur. Mais t'as un peu peur pour les autres, oué.

   iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
Pour le coup t'en sais vraiment rien. Parce que tu t'intéresses pas trop à tout ça. Parce que tu n'y connais pas grand-chose. Mais, t'es pas sûr que ce soit correct, que ce soit une bonne idée. Parce qu'il est peut-être un peu trop extrémiste, peut-être un peu trop dangereux ou fou. Tu sais pas, vraiment. Mais t'es pas convaincu que ce soit une bonne chose.

Rire. Jaune, vert, rouge. Rire. Ton rire.
Tu sais pas trop ce qu’il représente, tu sais pas trop ce qu’il signifie. Mais, t’es là, allongé sur ton lit. T’es là. Et tu ris. Rire. Jaune, vert, rouge. T’en sais rien. Tu ris alors que dans ta main glisse une bouteille. Rouge. Trop d’alcool dans le sang. Trop de bruit dans ta tête. Alors, tu ris. Peut-être pour l’enlever, le bruit. Alors tu ris alors que tout glisse, tout passe et repasse. Tu le vois. Lui. Tu le vois encore et encore. Alors que t’es pas comme ça. N’est-ce pas, Dylan. Alors que t’es pas pédé. Et pourtant. T’es là, comme un con. Seul. Allongé sur ton lit. Ivre. Saoul. Et tu le vois. Le revois. Son corps, son sourire. Tu le vois. Le revois. Lui. Lui et sa peau trop douce. Lui et son corps trop beau. T’es qu’un gros con. T’es qu’un connard. Alors, tu ris. Rire. Jaune, vert, rouge. T’en sais rien. Rire pour évacuer. Rire pour ne pas briser. La bouteille, ton poing, sa gueule ? Doucement. Tu fermes les yeux. Doucement tu laisses la bouteille vide tomber au sol. T’es paumé, tu piges pas. T’es paumé, t’es con. Rire qui s’éteint. Corps qui s’endort. Esprit qui rêve. Trop, pas assez. Rêve de lui, rêve honnit.

Tu le fixes. Tu sais pas trop ce qu'il fait là. Tu sais pas trop pourquoi il est là. Il est apparu en même temps que Simon. Blessé, le petit paniqué. Le petit... Tu les fixes. Lui et le...môme. Merde, pourquoi tu l'as récupéré ? Pourquoi. Parce que tu peux rien lui refuser. Parce que tu pouvais pas lui dire non. Pas à lui. Alors, t'as ouvert ta porte à ce putain de mutant. T'as ouvert ta porte et tu te retrouvais comme un con. Lui dans ta cave. Tu soupires doucement, une main qui glisse dans tes cheveux. Tu sais pas quoi faire. Tu sais pas quoi penser. Tu les fixes, lui et l'autre. Le gamin et l'autre. Toi qui les tuent normalement, toi qui te défoules sur eux. Tu te retrouves à en sauver un. Pour quoi ? Pour qui ? Simon. Parce que tu pouvais rien lui refuser, rien lui... Tu baisses les yeux. Tu frissonnes alors que tu te souviens de la veille. Avec cette meuf. T'as joui. T'as joui en pensant à lui. T'as envie de frapper. Le mur, le mutant. Sa putain de gueule d'ange. Tu te mords la joue.

T’es là, assis dans le canapé. Tu l’attends, Sid. Là, dans ce putain de canapé, Simon à tes côtés. Trop prêt. Pourtant, c’est pas la première fois qu’il est là, à côté de toi. Mais, tu perds la tête, en ce moment. Il te hante, te bouffe. Et là, dans ce putain de canapé, tu le regardes, une bière à la main. Il te semble pâle, fatigué. T’as peur de lui demander « est-ce que ça va ? ». T’as peur de le toucher pour t’assurer qu’il aille bien. Le toucher. T’en as envie, ça te bouffe, ça te ronge. Tu veux pas te l’avouer et pourtant. C’est bien là. Quoi, t’en sais rien. Mais c’est là, quelque part dans ton corps. Et, peu importe tes efforts, tu ne peux oublier. L’oublier.

« Papa ? » Il est là, la gueule déformée, la tête un peu pendante. Il est là, le regard vide, une bouteille dans la main. Assis sur le canapé défoncé de cet appartement miteux. Trop petit, trop sale. Juste miteux, comme tout ici. Tu le fixes, un peu étonné, un peu perdu. « Papa ? » Tu sais pas si tu l'aimes. Mais, là, il te fait peur dans cette position. Ton alcoolique de père. Alors, tu t'approches et c'est là que tu la vois elle. Ta mère. Elle te fixe. Elle le fixe. Les yeux d'une étrange couleur, le corps ensanglanté. La scène te fige, la scène se révèle à tes yeux d'enfants. Unh ? Tu ne comprends pas. Tu trembles. Que...que s'est-il passé ? Pourquoi, comment ? Tu recules. Elle te sourit. Tu recules. Elle hurle et t'as la tête qui explose. Et t'as la tête qui explose...