Nora commençait sérieusement à se demander si ouvrir un stand de tir avait été une bonne idée. Lorsqu’elle était arrivée à Radcliff, c’était une petite ville tranquille, qui n’avait pas trop de scandales ou de tragédies dans son histoire, un endroit relativement paisible, avec un taux de criminalité relativement bas. Bien sûr, il y avait toute cette histoire de transmutants, mais Nora n’aurait jamais pu croire que ça empirerait à un tel point. Ça en était étourdissant, à présent. Le dépistage, d’accord. Ça avait chamboulé les esprits, voilà tout. Mais à présent, après cette exécution publique, la blonde avait l’impression qu’on lui avait coupé l’herbe sous les pieds. Qu’on lui avait menti en plein visage, en lui promettant une vie paisible, et que maintenant tout se retournait contre elle. Des exécutions, des menaces, des mesures de sécurité, tout cela la dépassait totalement. On se serait cru en zone de guerre. Chaque jour, l’atmosphère semblait s’alourdir, la tension augmenter. C’était comme s’il y avait un nuage au-dessus de la petite ville, gracieuseté de cher maire que Nora méprisait autant. Ce n’était pas le cas, au début. Elle s’en fichait un peu. Mais à présent, c’était beaucoup trop. Déclarer la guerre aux mutants était complètement stupide et ne pourrait mener qu’à du malheur. Mais il n’y avait pas grand-chose qu’elle puisse faire sans se faire exécuter elle-même, sinon tenter de gérer la foule qui s’emmenait au stand de tir tous les jours. Les gens semblaient plus enclins à vouloir apprendre à se défendre, et elle voyait une plus grande panoplie de gens débarquer. Pas seulement des anciens militaires ou des policiers, mais des citoyens, des hommes d’affaire, des mères de famille, des gens qui tenaient leur pistolet avec des mains tremblantes, et Nora tentait de les aider, mais beaucoup abandonnaient. Et elle ne pouvait pas produire de miracle. Depuis une semaine, elle et Caitlin étaient débordées de travail dès qu’elle débarrait les portes le matin. Elle avait même augmenté les heures d’ouvertures de deux heures, espérant que la foule se dissipe au courant de la journée. Mais c’était inutile. Les gens venaient, parfois pendant des heures, acceptant les conseils et les cours. Nora arrivait chaque soir complètement épuisée chez elle. Elle s’en voulait un peu, pour Caitlin. Elle n’avait certainement pas fui sa vie pour s’embarquer dans une autre galère comme celle-là. Elle appréciait sincèrement son aide, mais elle ne pouvait s’empêcher de se dire que Caitlin voulait sûrement autre chose. Ne voulait-elle pas retourner à l’école, ou bien faire autre chose que l’aider au stand de tir ? Ça avait été autre chose quand elle était arrivée, plus tranquille. Maintenant, son aide était indispensable. Nora ne savait comment la repayer, sinon qu’en la protégeant coute que coute, et veillant sur elle à chaque instant.

La journée se déroula comme à l’habitude, et lorsque la foule se dissipa aux alentours de 17 heures, Nora décida de fermer boutique. C’était vendredi, après tout, et elle était certaine que Caitlin, tout comme elle, voulait faire autre chose de sa soirée. Elle attendit que les derniers clients s’en aillent, et alla verouiller la porte. Elle commença alors sa routine de fermeture – elle prenait toujours le temps de faire les comptes de la journée avant de quitter. Heureusement, ce n’était pas le temps de nettoyer les pistolets, elle l’avait fait la veille. Retournant dans son bureau, elle rassembla ses papiers et observa Caitlin à travers la fenêtre. Sa protégée. Elle ignorait pourquoi elle ressentait cela vis-à-vis la jeune fille. C’était un instinct maternel auquel elle n’était pas habituée. Elle espérait seulement qu’elle trouve son bonheur, et qu’elle soit en sécurité. Avec tout ce qui se passait, Nora redoublait de vigilance. Les choses changeaient, et elle ne voulait pas que Caitlin en devienne une victime. Elle lui sourit chaleureusement, s’accouda sur le seuil de son bureau. La jeune fille passait le balai, comme à son habitude. “Ça ira, Caitlin. Tu peux t’en aller tout de suite, je vais terminer. Va profiter de ta soirée, c’est vendredi” lui dit-elle tranquillement. Elle l’avait bien mérité, après tout. “Sois prudente, par contre” ajouta-t’elle avec un sourire inquiet.