Charlie tirait son chariot dans le supermarché. Elle se baladait dans les rayons, regardant ce qu’elle pouvait acheter. Elle avait oublié sa liste de courses chez elle alors elle se forçait à se balader un peu  partout pour se souvenir de quoi elle avait besoin. Elle avait déjà fait le tour deux fois et visiblement son caddie était vide, il n’y avait que de la mayonnaise et des pommes. On aurait dit qu’elle ne se nourrissait que de ça. Elle soupira et se dirigea vers la caisse, avec ses pauvres articles en main. Elle n’avait pas besoin de caddie. Pas du tout. A vrai dire, Charlie se forçait à faire les courses, c’était le seul moment où elle n’était pas chez elle ou au bar. Elle n’avait pas énormément d’amis, sa timidité ne l’aidait pas. Elle commença à faire la queue à la seule caisse disponible. Ca s’annonçait long. Elle pencha la tête pour voir l’acheteur compulsif qui faisait perdre autant de temps à la caissière et elle soupira en portant ses pommes et sa mayonnaise.

La serveuse marchait lentement et rentra dans l’homme qui faisait la queue devant elle. Il se retourna aussi lentement que la caissière qui passait ses articles sous le code barre. Charlie faillit lâcher son pot de mayonnaise par terre lorsqu’elle vit son visage. Elle se souvenait déjà de sa première rencontre avec lui, cet homme aux cheveux bouclés et foncés. Elle l’avait percuté avec sa voiture et il était tombé de son vélo. Ce jour-là restait trouble pour elle, ses clés s’étaient levés et avaient dansé dans la voiture. Sa voiture –qui n’était déjà pas en bon état– ressemblait plus à rien. La réparation chez le garagiste allait prendre beaucoup de temps et d’argent, l’argent qu’elle n’avait pas. Elle n’avait jamais compris pourquoi ses clés se sont excités ainsi, pas jusqu’à maintenant. Charlie avait eu du temps pour réfléchir et elle en était venue à croire que ce jeune homme était un transmutant et qu’il avait juste tenté de se défendre alors qu’elle essayait de le tuer sous ses roues. Le revoir maintenant, c’était inattendu et elle ne savait pas comment réagir. Que fallait-il faire dans cette situation. Sortir du supermarché en criant au transmutant ? Non, elle s’en foutait bien qu’il soit l’un de ces dégénérés comme on les surnommait. Elle commença à balbutier en regardant les articles qu’il portait, puis elle releva le regard jusqu’à lui. « Je voudrais m’excuser pour vous avoir rouler dessus avec ma voiture. » Elle essaya de sourire, un petit sourire par politesse et l’histoire serait oubliée mais elle n’y arrivait pas. Son sourire se fendait à chaque fois. « Vous.. Vous n’allez pas porter plainte ? » Demanda-t-elle soudainement, elle se disait tout à coup que peut-être c’était un homme rancunier et que maintenant qu’il l’avait face à lui, il voudrait porter plainte contre elle. Elle lui avait quand même roulé dessus. Ce n’était pas facile à oublier ça.

Charlie, dans son âme généreuse et compatissante avait décidé de s’excuser auprès de l’homme qu’elle avait percuté de sa voiture il y a quelques jours. Elle ne cherchait pas le mal, elle ne voulait pas rouvrir une plaie ou juste dire ça par vantardise pour avoir attenté à la vie d’un homme. Elle s’excusait vraiment du fond du cœur et de tout ce qu’il y avait à l’intérieur. Sa deuxième préoccupation était la réaction du jeune homme. Il pouvait très bien porter plainte, c’était son droit, elle espérait juste que l’être humain n’était pas profondément mauvais et qu’il n’était pas aussi rancunier qu’il n’en avait l’air. Elle vit son visage se décomposer et elle comprit qu’il prenait mal cette question-là. « Vous vous moquez de moi n’est-ce pas ? Vous m’avez roulé dessus et la seule chose que vous pensez à faire en me retrouvant c’est me demander de ne pas porter plainte contre vous ?! Dans quel monde avez-vous été élever ? » Elle fronça les sourcils. Charlie avait pris la politesse de s’excuser et de demander gentiment s’il oubliait cette affaire ou non. Il démarrait au quart de tour. Lui aussi il l’avait blessée, enfin, d’une autre manière. Il avait rayé sa voiture avec ses clefs et les réparations coûtaient chers. Il devait s’admettre heureux qu’elle n’aille pas lui faire procès, elle, pour avoir utilisé ses pouvoirs de dégénéré contre elle. « Excusez-moi ? » La rousse fronça davantage les sourcils et le front alors que les injures défilaient dans son esprit. C’était lui le malpoli dans cette histoire. « C’est à moi de vous demander ça. Je viens m’excuser et j’espérais que peut-être nous pouvions mettre ce malentendu de côté pour repartir sur de bonnes bases mais visiblement ce n’est pas ce que vous voulez. » Sa voix se voulait sèche et sérieuse. Adieu gentille petite Charlotte, celle qui évitait les conflits, il avait réveillé le côté impulsive de cette fille-là. Un vent se leva sans qu’elle ne s’en rende compte et à l’intérieur même du supermarché, il frappa. La colère qui l’emportait réveillait également le don endormi de Charlie, mais c’était encore assez faible pour ne pas réellement se manifester. Elle était inconsciente de ses pouvoirs et elle savait encore moins qu’elle portait le génome X en elle. Pour l’instant, elle méprisait le transmutant qui avait abîmé sa voiture et qui osait hausser la voix devant elle. « Dois-je vous rappeler que vous avez rayé ma voiture avec vos pouvoirs, hm ? » Sur ce moment, elle se sentit supérieur et en position de force. Le courant d’air se calmait mais les sentiments de Charlie ne suivaient pas le mouvement. Elle était une bombe. Tic, tac, tic, tac, tic, tac. Et elle était sur le point d’exploser, avec ses pouvoirs destructeurs comme accompagnateurs. Boum.

Mais quel idiot. Ce boulet arrivait à faire passer un simple incident sans grande répercussion pour une chose tellement importante. Il se prenait tellement pour la victime qu’il n’arrivait pas à réaliser que Charlie n’avait pas les moyens de réparer les dégâts causés par les pouvoirs du transmutant. Et puis, il avait l’air très bien et en bonne forme, pas de quoi faire un scandale pareil selon elle. « Oh, ça s’en est une belle, c’est ma faute si vous avez eu votre permis de conduire dans une pochette surprise ? » La rousse leva les yeux au ciel devant la stupidité de cette phrase. C’était tellement bas et nulle qu’elle n’avait même pas besoin de répondre pour montrer à quel point il n’était pas marrant et manquait clairement de réel réparti. Le brun continuait de la dévisager du regard ce qui la déstabilisait un peu. Charlie n’avait pas l’habitude d’être scrutée de la sorte, et surtout pas par un imbécile. Elle avait involontairement déclenché son gêne endormi devant la colère qui l’emportait et c’est un vrai frais qui frappait le visage de tous les passants du supermarché. « Dois-je vous rappeler que vous m’avez renversé avec vos deux pieds gauches ? Non parce que, ce que j’ai fait coûte combien, aller… Sans mauvaise fois, on va dire gros max 1000 dollars. Ce que vous avez fait, a failli me coûter mon emploi. Soit, vous aurez passé 3 mois à tout payer par petites coupures et moi à la fin du mois, j’aurais dû dormir sous un pont. Vous êtes la méchante ici. » Elle fronça les sourcils devant l’accusation et le vent devenait de plus en plus fort, assez fort pour faire tomber quelqu’un enrhumé. Sur le moment, elle avait tellement envie de démonter ce faux jeton. Comment quelqu’un pouvait la faire sortir de ses gonds alors qu’elle était connue pour être une personne agréable et dont l’altruisme touchait tout le monde, des inconnus comme ses ennemis. « Et j’imagine que vous êtes la gentille petite victime qui a la vie difficile ? A d’autres. » Elle avait décidé de se calmer en régularisant son rythme cardiaque, puis le vent fit de même jusqu’à totalement disparaître. « Donnez-moi une bonne raison de ne pas vous dénoncer au premier hunter du coin ? Je suis sûre qu’il y en a un dans ce supermarché qui se fera un plaisir de s’occuper de vous. » La serveuse voulait absolument rester en dehors du conflit transmutant/hunter mais vu que cet idiot s’obstinait à croire qu’il avait raison, elle pouvait très bien choisir un camp. Juste pour aujourd’hui et pour enseigner une leçon à cette drama queen.