STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN

they call me devil, just try and tempt me

Aussi loin qu’il s’en souvienne, Henrik avait toujours été quelqu’un de très pragmatique. Enfant, il avait tendance à comprendre les choses avec clarté et maturité malgré tout ce que les adultes tentaient pour qu’il conserve son innocence. Sans être surdoué, il semblait voir les enjeux au-delà des apparences. Capacité d’analyse, logique, Henrik était aussi un enfant incroyablement têtu et désarmant. Des traits qui ne s’étaient pas adoucis avec le temps et qui avait même causé bien des problèmes à ses parents une fois qu’il avait atteint l’adolescence. Le service militaire obligatoire n’était vu par beaucoup que comme une étape mais lui, il y avait vu un challenge.

Le challenge, cette petite chose qui avait manqué à sa vie jusque là.

Il avait eu une belle enfance, une enfance dont il ne se serait jamais permis de se plaindre. Aimé, encadré, on avait tenté de le comprendre et c’était tout ce qui comptait au final. Pourtant, il avait été heureux de s’éloigner. L’opportunité était trop belle. Et d’engagement obligatoire, Henrik avait rempilé. Être militaire lui offrait étrangement l’instabilité dont il avait besoin tout en maintenant un certain contrôle. Une association qui lui était profitable. Être militaire devint tout simplement une façon de vivre, un prétexte pour ne jamais s’arrêter, ce qui avait d’ailleurs préoccupé un temps ses supérieurs jusqu’à entraîner une évaluation psychologique. S’il n’y avait rien d’alarmant, il fut malgré tout estimé qu’il était nécessaire de garder un œil sur lui au cas où. Stable, sa façon d’appréhender le monde n’était pas très loin de certaines pathologies cliniques qui auraient toutes posées -sans aucune exception- de très gros problème dans l’armée. Personne ne veut d’un homme mentalement instable hautement qualifié dans le domaine médical.
Surveillé, Henrik le resta mais, moins étroitement quand il rencontra celle qui deviendrait sa femme. Adalind était une femme comme il n’en avait encore jamais rencontrée. Aucune n’avait réussi à capter son attention comme elle l’avait fait. Il n’avait toujours été qu’un homme de passage, n’offrant ni espoir ni promesse de lendemain. Pendant des mois, ils se tournèrent autour et ensuite des promesses furent faites. L’inattendu frappa la base quand la rumeur se rependit : Henrik Makinen raccrochait et demandait à retourner à la vie civile... pour une femme.

Sans un seul regret, il vécut sa vie civile, excellant dans le travail qu’il avait choisi. Médecin légiste pour l’armée, il était devenue médecin légiste dans le civile. Il aurait menti s’il avait prétendu que le changement avait été évident mais, il s’était adapté, comme il l’avait toujours fait. Au moins, dans cette vie, il avait plus de chance de revenir en un seul morceau et c’était tout ce qu’Adalind lui avait demandé.

Vint ensuite Nikolai, son fils, son merveilleux fils. Henrik qui ne s’était jamais projeté et avait toujours vécu au jour le jour avait désormais une femme et un fils. Père et mari aimant, sa famille n’avait rien de particulier. Ils étaient qui ils étaient et ils se plaisaient à vivre la vie comme elle venait. Peut-être l’impact de la façon de fonctionner d’Henrik depuis toujours. L’enfant trop pragmatique était devenu bien plus et avait renoué avec ses propres parents pour qu’ils connaissent leur petit fils. De la même manière, il avait renoué avec cette sœur qu’il avait éloignée sans la repousser. Rattraper cette erreur fut si aisé qu’il ne comprit jamais réellement ce qui s’était passé.
Et puis vint Kaisa, sa nièce. Son sang par sa sœur mais également celui d’un homme qui, selon cette dernière, finirait irrémédiablement par poser un problème. S’il n’avait pas été un modèle dans sa prime jeunesse, Henrik était devenu un homme très différent et pourtant si semblable à ce qu’il avait été. Ainsi, il ne lui fallut que bien peu de temps pour associer son pragmatisme avec ce qu’il avait appris à l’armée. Si sa famille était en danger, il devait devenir un danger lui aussi. Pour protéger les siens, il était prêt à tout.
De fil en aiguille, lentement, il établit soigneusement des contacts, il s’adapta encore, il apprit ce qu’il devait faire et comment le faire. Son entêtement et sa persévérance firent rapidement de lui quelqu’un de difficilement contournable dans certains milieux. Des milieux qu’il gardait loin des siens. Chaque partie de sa vie était compartimentée et pendant longtemps, les choses fonctionnèrent ainsi. Un pied dedans, un pied dehors, une vie compliquée mais qui lui allait parfaitement. Cette façon de fonctionner était d’autant plus nécessaire que Nikolai avait développé un don... un don qui, il le savait grâce à cet autre aspect de sa vie, pourrait le condamner.

Quand la fatalité frappa, elle frappa de plein fouet. Ce jour-là, Henrik avait éloigné Nikolai pour que sa femme, sa sœur et sa nièce puissent préparer les quatorze ans de Nik. À leur retour, ce ne fut pas des confettis, des guirlandes et de la musique qui les accueillirent mais l’odeur de la mort et du sang. Seule Kaisa avait réchappé à la mort et elle n’était pas indemne. Le temps de faire le nécessaire, il repoussa sa colère, sa douleur et sa peine. Il enterra sa femme et sa sœur. Il s’occupa de faire le nécessaire pour que Kaisa soit prise en charge le mieux possible, il se focalisa sur Nikolai. Plus d’une fois, il fut tenter de se laisser sombrer mais, à chaque fois, il croisait le regard de ses enfants. Il ne pouvait pas se permettre de se laisser aller, de couler sous le poids du deuil. Ce qui était devenu une nécessité pour le bien de sa sœur et de Kaisa, devint pour lui une façon de vivre. Henrik brouilla les pistes un maximum grâce aux contacts qu’il possédait et il en fit de nouveau, s’investissant à plein temps dans ces activités qui lui permettait de les mettre en sécurité et de leur offrir ce dont ils avaient besoin. Sans trouver son salut, il réussit à obtenir vengeance sans jamais être inquiété, à trouver des informations plus précises sur ces hommes qui estimaient pouvoir faucher des vies au nom d’une différence. Ce qu’avaient craint des années plus tôt ses supérieurs étaient devenus réalité. Le pragmatisme d’Henrik et sa capacité d’adaptation l’avaient poussé bien au-delà de ce que la société acceptait d’un homme. Tant que ses enfants étaient en sécurité, le sang sur ses mains lui importait peu.

Par crainte, il entraîna Nikolai et Kaisa, Kaisa qu’il soupçonnait également d’avoir développé quelque chose de semblable mais de différent comparé à son cousin. Beaucoup aurait trouvé que ce n’était pas une façon d’élever des enfants mais Henrik ne voulait pas leur cacher tout ce qui les attendait dehors. Il les protégeait des monstres mais, il leur apprenait également à s’en défendre, à en devenir si nécessaire. Des années durant, il fut un père, un chef, l’homme respecté et détesté, l’ennemi à abattre, un fantôme armé. Et finalement, le temps vint où il regretta de ne pas avoir fait plus encore pour ses enfants, un regret qu’il éprouva à plusieurs reprise. Aurait-il pu faire plus ? Il était incapable de répondre à cette question qui n’avait rien de simple. Une part de lui voulait dire que oui et l’autre non.

S’il était à Radcliff désormais, c’était pour protéger à nouveau ses enfants d’une menace plus récente. Eux-même. Eux-même et leur inconscience, leur aveuglement. Sans même y réfléchir un instant, il avait mis ses affaires en stand-by et était parti rejoindre ses deux inconscients de rejetons, à moitié forcé de reprendre des activités plus légales, d’à nouveau joué le jeu, de reconstruire quelque chose, même provisoirement. Cependant, plus il en découvre... et moins les choses lui plaisent. Tapis dans l’ombre, anonyme, veuf expatrié, il observe prêt à frapper si le besoin s’en fait sentir. Après tout, jamais le sang sur ses mains ne l’a fait reculer.

FÉLICITATIONS JEUNE MUTANT

tu es validé, tu pues la classe, vas-y sors tes lunettes de soleil.