Il avait essayé pourtant, super fort, de convaincre Clémentine que ça allait être une soirée super cool. Il avait même prévu des costumes coordonnées, genre Pierre et Ondine de Pokémon, ou alors Hannibal et Clarisse, mais la jeune femme avait décidé de se dégonfler au dernier moment. Il était déçu, bien sur, mais il se refusa à le lui dire, et surtout à renoncer à sa soirée pour si peu : il savait que pas mal de ses petits camarades d’Uprising seraient. Il y avait Moïra, Eleanor et surement d’autres qui n’avaient pas encore confirmé, mais il était sur que d’autres viendraient les rejoindre. Madame Greene était une pro de l’organisation évènementielle, il y aurait un buffet génial, des animations de dingue et de la bonne musique, probablement un peu rock et gothique. Ça donnait vachement envie en tout cas, Et avant de mettre son casque – parce que bon, c’était pas hyper pratique pour conduire – Il vint souffler dans le coup de la jeune femme avec sa grosse voix grave.

- Shhhhhh shhhhh … Luke… Je suis ton … Aie-euh !

Evidemment, il allait se prendre un coussin dans la tronche, c’était trop facile, il pouvait pas l’esquiver alourdi par son plastron faire maison : son costume noir, il l’avait fait lui-même avec ses petites mains. Il avait conçu un super déguisement pour Clèm aussi, mais ce n’était que partie remise, en attendant, il fit un tour sur lui-même pour lui montrer tous les détails qu’il avait rajouté sur les vêtements, avait de prendre son portefeuille et les clés de voiture sur la table, ainsi que son faux sabre laser qu’il rangea à sa ceinture. Il embrassa son épouse avec toute la tendresse d’un Dark Vador encore Anakin et s’éclipsa en sifflotant la marche impériale : ça allait être une bonne soirée.

Les différentes pièces du manoir étaient glauques au possible, et c’était un délice pour les yeux du pompier : tous les murs avaient été recouverts de tentures sombres, et les convives avaient presque tous faits l’effort de se déguiser de manière honorable. Evidemment, tous n’étaient pas aller aussi loin que lui, à se peindre le visage en noir et rouge et à se plaquer les cheveux en arrière même sous son masque. Les puristes diraient qu’il avait mélangé un faciès de seigneur Sith avec un casque de Vador, mais il s’en foutait : ce soir il était le terrifiant Dhan Vador, et si on lui faisait la moindre remarque, il les pourfendrait avec son super sabre laser luminescent, acheter une fortune –non- sur Ebay. Heureusement pour l’instant, il attirait plus de compliments et de regards admiratifs que de commentaires désagréables, alors ça lui allait bien. Alors qu’il gobait un œil en œuf de caille avec une dextérité impressionnante, le regard de Dhan s’écarquilla en grand, comme un enfant devant un cadeau de Noel : une scène. Un micro. Un mot, quatre syllabes, une passion : Ka-Ra-O-Ké. Il était là, au fond de la salle, à l’attendre patiemment. Il ne pouvait pas lui résister, c’était péché, et pécher, c’est mal m’voyez. Il s’enfila rapidement son verre de punch, pas pour se donner du courage, mais pour être sur de ne pas avoir la gorge sèche en plein couplet, et grimpa sur la petite scène couverte de fausses toiles d’araignées et de toiles sombres, son casque sous le bras et le sourire jusqu’aux oreilles:

- Mesdames et Messieurs, Vampires, sorcières et monstres de tout bord, Bonsoir, toujours pas de volontaire sur cette scène et je trouve ça scandaleux, alors je me lance avec un classique que vous connaissez tous : This is halloween de Dany Elfman ! ya un piano, si quelqu’un veut m’accompagner avec un vrai instrument, c’est encore plus stylé ! soyez pas timide quoi !

Dhan entama la chanson avec un certain talent, modulant sa voix selon les personnages du dessin animé, à grands renforts de grimace et de grands gestes, alors que les gens le regardaient avec un mélange d’amusement et d’admiration : il fallait dire qu’il y mettait toujours du cœur, le pompier, alors ça faisait son petit effet. Et surtout, quelqu’un avait bien voulu se mettre au piano pour l’accompagner, et cela rendait l’ensemble encore plus réussie. Il enchaina sur une autre chanson du même acabit, puis sortit de scène sous les applaudissements, attrapant deux verres sur le buffet sur la droite de la scène pour venir à la rencontre du pianiste, son sourire de ravi de la crèche peinturluré toujours plaqué sur les lèvres :

- Hey ! merci de m’avoir accompagné sur ce coup là, c’était genre le meilleur karaoké de la VIE ! tiens, tu dois avoir soif, enfin pas que ça assoiffe de jouer, quoi que peut être que si, pour ce que j’en sais ! Bref, c’était vraiment bien trop stylé mon gars, merci beaucoup ! Je crois pas qu’on se connaisse, je m’appelle Dhan Stevens.

Il posa le verre destiné au pianiste sur le piano justement, puis lui tendit la main pour la serrer : Dhan en soirée était comme un soleil rayonnant. Il y avait du monde, de la foule, de la musique et de la vie, et il se sentait comme un poisson dans l’eau, vraiment.

Dhan était ce que l’on appelait un animal social. Il suffisait de le mettre dans une foule, et assez rapidement il se retrouvait entouré d’un essaim de personnes lui gravitant autour comme des planètes autour du soleil. Solaire, oui, il l’était, avec des dents si blanches qu’il était une véritable publicité ambulante pour l’hygiène buccodentaire, et des yeux plus pétillants que le champagne qu’il tenait dans sa main. Il n’aimait même pas tant ça, le champagne, mais c’était le premier truc qu’il avait trouvé sur la table, et puis c’était gratuit, alors il n’allait pas faire le difficile. Il était venu remercier le pianiste, et c’était bien normal : déjà, le type avait suffisamment de maitrise pour gérer en impro sur des chansons d’Halloween, et puis il avait surtout bien voulu l’accompagner, comme ça, spontanément, et ça c’était vraiment le genre de comportement qui faisait chaud au cœur du pompier. Très bon esprit comme on dit.

- En tout cas bravo pour la maitrise, ça sent les longues après midi chiantes à faire du solfèges et les soirées folles dans les clubs de Jazz. En tout cas c’était top, vraiment vraiment, ça donne envie d’y passer la soirée, tu trouves pas ?

Noeh, c’était stylé comme nom. Dhan avait été tenté de lui donner son patronyme entier, mais c’était pas vraiment très fair play de laisser les inconnus galérer à tenter de le répéter sans faute. Il lui serra la main d’une poignée franche, et ne remarqua même pas la raideur dans le bras de ce dernier, bien trop occupé à lui sourire en entendant le complimenter sur son costume. Il en était très fier, de son ouvrage, aussi il ne chercha même pas à se dissimuler derrière une quelconque fausse modestie, dégainant le sabre laser qu’il avait à la hanche :

- N’est ce pas ? J’ai trouvé le sabre sur le net, idem pour le masque, mais tout le reste, c’est fait maison, de mes petites mains délicates. J’étais sensée venir avec ma Padmé, mais elle a préféré rester dans le confort de son salon plutôt que dans le luxe de celui-ci… Hé, c’est la vie, j’allais pas me priver de tout ça parce que Ma Dame avait la flemme !

Le ton était léger, comme souvent avec l’homme qui avait posé son masque sur le piano, puis avait suivi le geste de la tête du Clown du regard : en effet, une petite nymphette en collant violet venait de prendre la place qu’il occupait un peu avant, agitant les bras pour que le DJ lui mette la bande son d’une autre chanson, un peu moins dans le thème, mais tout aussi entrainante. Dhan en était fort aise, portant son verre à ses lèvres :

- Il en faut toujours hein, suffit d’un peu de courage et tout autant de bêtises, et ça se fait bien en général.

C’était ce que son père lui disait tout le temps : pour oser, il faut juste assez de bêtise pour que le courage prenne le dessus sur la prudence. Et Dhan était du genre à avoir suffisamment de betise pour être très, très courageux, dans tout un tas de situations. Presque toutes, en fait. Tapant la mesure de la chanson du pied, avant de se reconcentrer sur le jeune homme au maquillage clownesque. Il avait l’air plutôt sympathique et enclin à parler, alors pourquoi pas ?

- Et toi, tu t’es fait planté au dernier moment aussi, ou tu es venu courageusement seul tel le dernier des mohicans ? Enfin, aussi bien tu as des potes à rejoindre, tu peux leur dire de venir par là, je mords pas. Par contre, je colle, t’es foutu pour la soirée si tu ne me colles pas un pain de suite !

Il plaisantait bien sur. Ou pas. Enfin, en général, il le sentait quand les gens n’avaient pas envie qu’il reste trop longtemps. Bon, ça arrivait assez peu, il était de bonne compagnie, mais quand même. Pour l’instant, Noeh lui faisait une plutôt bonne impression, et il lui semblait être une chouette compagnie, alors pourquoi ne pas rester un peu avec ? A défaut, s’il s’avérait qu’il avait des gens à rejoindre, Dhan retrouverait surement une connaissance dans la foule, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute …

Il avait l’air sympa, le Noeh. Bon, pas du genre méga expansif, mais ça ça n’avait jamais vraiment déranger Dhan : globalement, il était assez expansif pour deux ou trois, alors même les timides, il en faisait son affaire. Tout en terminant son premier verre, il attrapa deux minis sandwichs sur le plateau d’un des serveurs, pour en tendre un à son interlocuteur avant d’avaler le sien en une seule bouchée. Il hocha la tête en entendant que le jeune homme était un des adultes du lycée de Radcliff, souriant en prenant garde à ne pas offrir à Noeh la vue de dents tapissées de surimi.

- Le lycée ? C’est méga cool, tu dois connaitre ma femme du coup, Clémentine Stevens, elle est professeur de biologie, ou SVT, ou je sais pas comment on appelle ça maintenant, bref, de bio. Toute petite, rousse, un peu timide mais super belle. Enfin, moi je la trouve super belle, et je comprendrais tout à fait que tu la trouves super belle aussi, vu qu’elle l’est. Tu es quoi du coup, pion, prof assistant ? en quelle matière ?

L’avantage avec Dhan, c’était qu’il n’était pas bien dur de lui faire la conversation. Naturellement intéressé par la vie des gens, il suffisait d’une seule question et il était lancé. En moins de temps qu’il en fallait pour vous en rendre compte, il savait votre métier, la marque de votre gilet, la couleur de cheveux de votre grand-mère et votre signe astrologique. Il aurait pu avoir de véritables talents d’enquêteur si il avait voulu, mais comme il adorait également raconter sa vie, bien souvent, cela finissait en conversation de café du commerce. Personne n’était parfait.

- Ils sont forcément quelque part, mais cette maison est immense, alors on a tendance à se perdre entre les différentes salles. Etonnement, le salon n’est même pas la pièce la plus bondée, à l’étage c’est juste la folie … Tu veux qu’on aille les chercher ? En tout cas t’as bien fait de céder à l’appel, parce que le piano te le rend plutôt bien.

Clémentine aurait surement adoré le petit duo avec le Callahan : elle se serait surement planquée dans un coin, à ne pas assumer d’abord le comportement extravagant de son compagnon, mais elle finissait toujours par s’attendrir et sortir de sa coquille et apprécier quand il faisait le show, tant qu’il ne se mettait pas à lui dédicacer des chansons d’amour. Parce qu’il chantait plutôt bien le Dhan, mais tout le monde avait ses limites : la sienne était « I will always love you ». ça montait trop haut pour ce baryton, dommage. Il confirma à Noeh qu’il avait déjà visité les lieux, en effet. Avant la soirée, Madame Greene avait eu la présence d’esprit de prévenir les pompiers, afin que ces derniers sachent où se trouvaient les issues de secours ainsi que les trousses à pharmacie. Dhan avait été dans le lot, et voir la différence entre la maison non décorée et la maison halloweenesque était assez impressionnante.

Le Stevens allait emmené Noeh à l’étage quand celui-ci se figea sur place : il lui passa devant, passant la main devant les yeux du Callahan avec un sourire :

- Allo allo ? On monte du coup ? qu’est ce qui a, tu as vu un fantôme… ?

A peine avait il fini phrase qu’un sourire immense s’étalait sur son visage : elle était finalement venue. Sa clémentine, magnifique en Padmé avec son sabre laser perso, L’air de ne pas trop savoir ce qu’elle faisait là, mais soulagé d’enfin l’avoir trouvé. Elle lui fit un petit coucou timide alors que Dhan prenait Noeh par les épaules pour la lui montrer du doigt :

- Regarde, ma Padmé nous honore de sa présence ! a trois on devrait les retrouver, tes petits camarades ! Tu sais en quoi ils sont déguisés du coup ou pas du tout ?

Dhan fronça les sourcils quand Noeh balaya la pièce de gauche a droite, de droite à gauche, sans pour autant apercevoir Clémentine qui se tenait pourtant à une dizaine de mètres d’eux. Certes, il y avait foule dans cette pièce, mais quand même, elle était rayonnante, sa Clem, elle illuminait toute la pièce, il ne pouvait quand même pas ne pas la voir ! Il plissa le nez, puis tourna la tête vers Noeh tout en lui montrant à nouveau la jeune femme en costume avec un sourire un peu plus crispé avant de faire un signe de main à sa femme :

- Ben oui, Clémentine Stevens, la seule et l’unique, je pense pas qu’on puisse en trouver deux comme elle, et encore moins avec un costume coordonné au mien et …

Et la phrase suivant du grand brun lui coupa le son, alors qu’il se retournait pour avoir l’image, ébahi : non, rien. Il ne la voyait plus, lui non plus. Ce n’était pas possible, elle était là dix secondes plutôt à lui faire un petit signe, et il était persuadé qu’elle allait les rejoindre, probablement faire une petite blague sur le fait qu’il gratte l’amitié avec un de ses collègues de travail, ou quelque chose du genre, mais … Non, elle avait juste disparu, et c’était très bizarre. D’ailleurs, Noeh avait du percevoir son trouble, tâchant tant bien que mal de le rassurer. La confondre avec quelqu’un … Ouais, non, pas franchement possible, Clémentine il la reconnaitrait entre mille, à la vue, à l’odeur, au toucher, n’importe comment. Il la connaissait par cœur et il pouvait presque deviner quand elle était dans une pièce en y rentrant, même sans la voir, c’est dire.

- Elle était là mais, euh … oui, elle a du monter à l’étage, surement… On devrait aller la rejoindre, ta sœur et tes potes sont peut être là haut aussi !

Avec un sourire qu’il espérait moins fragile et angoissé qu’il en avait l’impression, il suivit Noeh dans les escaliers, prenant garde à ne pas accrocher sa cape sur la rampe ou dans les accessoires d’autres costumes. Il ne pouvait s’empêcher de laisser vagabonder son regard un peu partout dans l’espoir de revoir les macarons bruns de la perruque de Clem : elle n’avait pas pu s’évaporer comme ça quand même ! enfin, si, techniquement, elle pouvait, mais ça signifiait qu’elle était planquée quelque part, toute nue, et il aurait au moins trouver ses vêtements par terre, et ce n’était pas le cas. Donc c’était d’autant plus étrange. Et puis il ne voyait pas vraiment ce qui aurait pu la pousser à se déphaser comme ça, surtout au milieu d’autant de gens qui pouvaient être témoins de sa capacité. Un hunter sur la liste des invités, peut être ?

- Et donc, du coup, vous la connaissez bien Madame Greene, avec tes amis ? Il parait que c’est un sacré personnage cette bonne femme. Ils ressemblent à quoi tes amis ? Ta sœur, elle est grande et brune comme toi ou rien à voir ?

Toujours pas de Clem’… En revanche, il avait intercepté plusieurs regards étranges qui se posaient sur lui à la dérobée : de l’inquiétude et de la … De la Pitié ? Pourquoi tous ces gens avaient ils l’air tellement désolé en le voyant ? Peu rassuré, il donna un coup de coude à Noeh, le regard toujours inquisiteur et fouillant chaque recoin du couloir de l’étage :

- Tu trouves pas qu’il y a une ambiance trop Bizarre ici ? Genre, un truc de malsain… ça fait partie de la mise en scène de la proprio tu crois ? Parce que c’est trop oppressant comme truc, on a l’impression qu’il va se passer un truc horrible…

Horrible comme ne pas retrouver Clem, alors que lui et Noeh se frayaient un chemin parmi les convives.

« Pauvre de lui, veuf, si jeune… ils avaient toute la vie devant eux pourtant… il parait que le pauvre ne s’en ait jamais totalement remis, d’après ce qu’on dit» Dhan tourna vivement la tête pour dévisager deux femmes déguisées en chatte et en sorcière, qui détournèrent rapidement le regard… Mais bon sang, c’était quoi ces conneries ?