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 “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]

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Jedikiah Grimwood
Jedikiah Grimwood

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SUR TH DEPUIS : 23/04/2015
MessageSujet: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeDim 7 Juin 2015 - 22:53



Lenteur égale précision. Précision égale vitesse. J’expire en visant la cible. J’inspire lorsque mon doigt effleure la gâchette du fusil de précision. Au bout de la piste, une boite de conserve explose dans une gerbe de sauce tomate – pour bien visualiser la chose – et aussitôt six autres boites de conserve tombent sous mes tirs rapprochés. A côté de moi, je croise un regard que je juge admiratif et je réponds par un sourire. Oui, je suis assez fier de moi. Ce n’est pas un record de distance, mais ce n’était pas le but. L’intérêt, c’était la rapidité de la chose, et le chronomètre immobilisé devant mes yeux m’informe que je viens de réaliser mon deuxième temps du mois, ce qui est assez honorable. Je fronce les sourcils. Non. Troisième. Il y a une seconde d’écart. Je peste en verrouillant mon fusil longue distance et en ôtant les lunettes que j’ai passées pour l’occasion ainsi que le casque antibruit que le club de tir nous prête. Personnellement, je le juge totalement inutile voire pénalisant, mais bon, certaines personnes se plaindraient du bruit donc ils en passent à tous les adhérents en leur demandant de les porter. Mon arme déchargée sous le bras, je sors du stand de tir pour rejoindre la salle attenante où se trouve un bar. Amusant d’ailleurs de proposer un bar juste à côté d’armes à feu. Ce serait bien plus amusant s’il y avait de l’alcool à vendre, dans ce bar, mais non. Juste des jus de fruit et de l’eau, pour mieux nous faire rouiller comme dirait l’une de mes connaissances.  

Je me laisse tomber sur une chaise, avant de démonter mon fusil d’un geste tellement naturel que je n’ai pas besoin de réfléchir. Devant moi apparaît soudainement mon flingue d’appoint, un 9mm commun mais bien pratique qui a déjà fait couler suffisamment de sang pour être considéré comme un vétéran dans toute armée qui se respecte, ainsi qu’un verre d’eau. Enfin, les différentes pièces de mon fusil sont réparties devant moi, et je commence à jouer avec mon 9mm en regardant le reste de la pièce. A huit heures du matin, en dehors du patron et de ma petite personne, il n’y a pas encore beaucoup de tireurs, ce qui semble tout de même normal.

N’empêche, les gens qui travaillent tous les jours à horaires fixes, ils ne doivent pas avoir de vie. Quand est ce qu’ils peuvent prendre le temps de chasser des mutants, de s’entraîner au tir, de boire des verres et de donner quelques directs à des petits bourges prétentieux ? J’ai beau être seul, je me surprends à éclater de rire à cette pensée, attirant l’attention du patron qui se demande soudain s’il a un autre client à gérer. Mais non, je suis toujours seul pour le moment. Je range les différentes parties de mon arme dans mon sac, finis mon verre d’eau avant de charger mon revolver. Finie la pause, il s’agit de profiter de ma solitude pour mieux m’entraîner. Et faire montre de tout mon talent, même si je n’ai aucun spectateur pour être soufflé par mon don naturel. Et comme souvent lorsque je pense à mes capacités, ma main part sur mon côté frôler du bout des doigts ma cicatrice bien trop sensible qui dégringole sur mes côtés, tire sur mon bras, marque mon corps comme un post-it indestructible. Je ferme les yeux lorsque je me retrouve devant la cible que j’installe. Et je me remémore le visage de celui qui m’a infligé cette cicatrice. Et je tire. Sur les quinze balles que compte mon chargeur, dix réduisent la tête en charpie, une explose le larynx, trois se figent dans le cœur avec une précision millimétrée et la dernière, pour le plaisir, bien au cœur de sa main pour l’empêcher à jamais – je l’espère – de brûler un autre enfant innocent. Parce que c’était ce que j’étais à l’époque : un innocent. Un innocent qu’on avait mis là pour lui faire éliminer des terroristes. Un innocent qui s’était désarmé face à l’incompréhensible pour ne pas  sembler menaçant, parce qu’il refusait de tuer un enfant. La cible me revient, pulvérisée de toute part, et mâchoire serrée, je mets une nouvelle silhouette vierge de toute meurtrissure et l’envoie de l’autre côté de la pièce. Cette fois, pas besoin de me préparer, ma main ne tremble pas un seul instant lorsqu’un tir groupé d’une poignée de secondes me suffit à vider le chargeur. Je suis à l’aise avec tous les types d’arme de jet, tout ce qui demande un minimum de précision et d’équilibre. Tirer avec mon 9mm, qui n’est rien de moins que l’extension de ma main, relève à mes yeux du trivial. Mais la taille du club de tir ne permet pas vraiment les tirs purs de sniper, au-delà des 900 mètres de distance. Deux chargeurs plus tard, je commence à étouffer dans la salle de tirs et décide d’aller me chercher un nouveau verre d’eau.

Des éclats de voix, amicaux – ne vous faites pas d’illusion – résonnent alors et je me fige dans l’embrasure de la porte. Celle là, je la connais. Du moins, son visage m’évoque quelque chose, on a déjà du se croiser il y a quelques temps. Longtemps. Avant ma vaccination, voilà qui est certain. Adossé à la porte, je toussote pour signaler ma présence. « Excusez moi de vous déranger mais… Je m’interromps, saluant d’un signe de tête l’arrivante avant de regarder le gérant du club. « Sauf si elle veut de suite tirer, tu peux me mettre des cibles un peu plus compliquées, genre les faire bouger ou autre ? » Je m’m’ennuie parce que le tir, comme celui là, s’il est nécessaire pour m’entretenir, est trop simple.

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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeLun 8 Juin 2015 - 14:16

american psycho
alejandro & abbie



Finalement, j’ai craqué.

Parce que de toute manière, ça sert à rien d’attendre. Attendre qu’il revienne. Attendre qu’il toque à la porte, comme si de rien n’était, qu’il m’embrasse, comme si de rien n’était, et que notre vie reprenne comme avant. J’suis même pas sûre qu’il puisse revenir un jour. Si ça se trouve, il est déjà passé à autre chose. Et moi, j’en saurai jamais rien. Moi, j’ai plus qu’à vivre ma vie, comme une conne. Plus qu’à m’occuper de sa sœur, comme la fille définitivement trop gentille que j’suis. Sa sœur et son neveu. J’les aime, mais c’est douloureux. C’est trop de souvenirs. C’est une accroche à Judas, le truc qui fait que je ne pourrai jamais l’oublier. Margo lui ressemble trop pour que ce soit possible. Et Hugo. Hugo a l’même regard. Il a la même dégaine. Et les intonations. C’est Jude qui lui a appris à parler, en partie. C’est douloureux. Tellement douloureux. J’peux pas l’oublier. J’voudrais passer à autre chose, mais j’peux pas. Et j’me dis, Abbie, ça fait qu’deux mois, ça va mettre un peu d’temps, mais ça finira par passer. Ouais, on dit que les choses s’arrangent avec le temps. Mais moi, j’suis pas patiente. J’l’ai jamais été, et ça va pas commencer maintenant. Pas alors que l’homme de ma vie s’est barré comme un voleur, exactement comme mon frère des années avant lui. C’est ça, fuyez. J’dois être bien dure à supporter, pour que vous foutiez l’camp aussi facilement. Amer goût de déjà-vu. Et l’envie de dégueuler qui reste accrochée au fond d’la gorge. L’envie d’crier.

Alors j’ai décidé que j’allais pas l’attendre. Que j’allais aller tirer. J’savais tirer avant de le rencontrer, et on n’a fait qu’aller s’entraîner tous les deux. C’était un petit rituel, un petit remontant, un truc qu’on aimait bien faire. Mais j’peux aussi le faire toute seule. J’ai pas b’soin de lui. J’ai b’soin de personne.

J’ai pas amené les armes qu’il m’a laissées. Je les garde cachée. Bien à l’abri des regards. J’veux pas que de potentiels connards avides d’avoir ma peau sachent que j’suis armée. J’veux leur faire l’agréable surprise de leur pointer le canon sous le nez, et de leur dire qu’à cette distance, y a aucun risque pour que j’les loupe. Absolument aucun. J’aime me savoir protégée par ce secret. Ç’a toujours été comme ça. Malgré la confiance que je donne aux gens, ils mettent bien longtemps avant d’apprendre mes capacités au tir, en général. Sauf, bien sûr, les gars du stand de tir.

J’ai pas tiré depuis que Jude est parti. Et même, avant, j’avais pas beaucoup tiré. À l’arme de précision, encore moins. Ça fait une petite éternité que ça ne m’est pas arrivé. Mais quand mon don me faisait des misères, ça m’est arrivé plusieurs fois de venir vider un chargeur ou deux sur des cibles. Passer mes nerfs. Ma colère. Me laisser dégorger de toute cette hargne, de cette haine envers moi-même. Et Jude savait où m’trouver.

Du coup, ça fait un bout de temps que j’avais pas vu Harry. On l’appelait Mister Potter, avec Judas. Parce qu’il s’appelle Harry, et qu’il avait des petites lunettes rondes, un peu comme Harry Potter. Et parce que parfois, notre âge mental ne dépassait pas douze ans.

Bref, comme ça faisait un petit peu de temps que j’avais pas vu Harry Potter, il commence gentiment à me taper la causette. En temps normal, ça me dérangerait pas. Mais là, j’ai juste envie de vider un chargeur sur une cible. Imaginer une petite seconde que la cible, c’est Margo. Et puis tous les gens que je déteste, après. Alors j’essaie de l’éconduire gentiment. Mais il s’inquiète. Il voit plus Judas, et Judas, c’était le grand habitué du stand de tir. J’aime pas qu’il me parle de lui. Qu’il me demande de ses nouvelles comme ça. J’en sais rien, moi, d’où il se torche en ce moment, ou avec qui. Et j’préfère pas le savoir. J’veux une cible, une arme et un chargeur. Pas passer ma soirée à échanger nos astuces de cuisine. De toute façon, j’en ai aucune, d’astuce. J’sais pas cuisiner, c’était toujours Jude qui le f’sait.

J’essaie de rester tranquille, mais je commence à en avoir marre. Et je suis à deux doigts de m’impatienter, quand on coupe la parole à Harry Potter. Je jette un rapide coup d’œil au gars qui vient d’intervenir. J’le reconnais. Il vient souvent. Un habitué, lui aussi. J’crois qu’il connaissait un peu Judas. De là à connaître la nature des liens qu’ils entretenaient, j’en ai fichtrement aucune idée, et pour être franche, j’m’en tamponne les pieds avec un cornichon. Tout c’que j’sais, c’est qu’il vient de me sauver la mise, et que j’vais pas laisser passer l’occasion.

« Ouais, pas de soucis. »
« J’vais aller tirer maintenant, moi. T’as qu’à m’installer à l’autre bout, pour pas que j’le gêne. J’peux y aller ? »

Il me balbutie un truc, du style mais on n’a pas fini notre conversation. Mais moi, j’suis déjà partie. Moi, j’ai déjà pris le chemin du stand de tir. Mes affaires sont déjà au vestiaire. Et j’ai aucune intention de rester à discuter avec lui plus longtemps. Je crois que mon petit manège est un peu trop évident. J’m’arrêterai pour discuter un peu en repartant. Si tirer a apaisé mes nerfs, ça m’paraît tout à fait supportable.

Je trace vers le poste de tir du fond. À l’opposé de l’autre gars. Je lui prête pas vraiment attention. De toute manière, il voulait des cibles mouvantes avant que j’arrive, visiblement, il fait pas ça juste pour s’la péter et draguer. Ça n’a pas l’air d’être ce genre de gars. Vaut mieux pas pour lui, en tout cas.

Je me prépare, je me couvre les oreilles, les yeux, et je me mets à tirer. Je ne prends pas vraiment mon temps, et ça se voit. Mes balles touchent la cible, mais pourraient mieux desservir l’objectif. Si mon objectif était de viser pour tuer la silhouette dessinée avec des traits grossiers. Si, par contre, c’était de lui flinguer un genou, un bras, et de lui donner de sérieux problèmes de digestion jusqu’à la fin de sa vie, j’ai parfaitement réussi.

Je me concentre un peu, pour les dernières balles. Je prends plus de temps. Je vise. Et je tire les trois dernières. Toutes les trois dans la poitrine. De jolis tirs. J’suis un peu rouillée, mais je sais reconnaître des tirs corrects quand j’en vois, même s’ils viennent de moi.

Un coup d’œil en coin. L’autre perfore les cibles avec une efficacité redoutable.

Tant mieux pour lui.

J’enlève mon chargeur, pendant que la cible me revient. Je mets une autre cible, un nouveau chargeur. Maintenant, j’vais viser la tête. Lentement, mais sûrement. Je crois que je chantonne. Je dis je crois, parce qu’avec le truc sur les oreilles, j’entends rien. Mais je sens que ça commence déjà à aller mieux. Je sens que tirer me fait toujours autant de bien. Je ne pense plus vraiment à Margo, ou à Judas.

J’vais tirer histoire de tirer, bien viser histoire d’être faussement efficace, même sur un bout de carton. On tue plus vite entre les deux yeux. Et vu la merde qui rampe dans cette ville, la vitesse de mise à mort peut parfois changer le cours d’une soirée.

Vous savez ce qu’on dit. Le meilleur moyen de rallonger son espérance de vie, c’est de ne pas la raccourcir.


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Jedikiah Grimwood
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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeSam 13 Juin 2015 - 20:10



Il ne doit y avoir que lorsque je tire, que lorsque je me bats, que lorsque je suis en harmonie avec mes mouvements et la violence que j’héberge que je suis, ironiquement, totalement en paix avec moi-même. La violence n’est après tout qu’une forme particulière d’expression, et je m’exprime très bien par ce biais. Lorsque je termine le chargeur de mon glock et que je fais revenir vers moi la cible réduite en charpie, je me surprends à lier entre eux du bout du doigt les différents impacts de balles qui ont déchiqueté le papier. Un mort. Deux morts. Dix morts. Quinze. Le chargeur a fait autant de victimes que de balles. Et mon bras n’a pas tremblé un seul instant, fort de cette assurance et de cette élégance qui sont miennes. Je n’excelle peut être que dans l’art de la mort, mais au moins, j’excelle dans un domaine et j’en conçois une certaine fierté lorsque je songe un instant à la misère de laquelle je me suis extirpé des années plus tôt en forçant les choses pour mieux prendre mon indépendance. Je vérifie le chargeur du flingue – vide, comme par hasard – et estime mon échauffement terminé. Il est temps, plus que temps, bien trop temps, de passer aux choses sérieuses. Et d’aller boire, un peu, parce que l’atmosphère de la salle de tir a beau être bien aérée, elle reste étouffante. Suffocante.

Lorsque je reviens dans la pièce principale, je trouve le patron du club de tir en grande discussion avec une blonde qui m’évoque vaguement quelque chose. D’un regard, je la jauge avant de me désintéresser. J’ai un problème avec les blondes, depuis Caitlin. Je suis rancunier, vraiment. Durement. Et même si la pauvre fille n’y est pour rien, elle a la même silhouette – ou peu s’en faut – que mon ancienne amante la première fois que je l’ai vue. Je croise les bras en m’appuyant avec nonchalance à l’embrasure de la porte. Avant de toussoter, pour attirer l’attention du patron et mieux les couper dans leur conversation unidirectionnelle. Il est bien mignon, le bougre, mais j’ai envie de m’entraîner. Non. De me défouler. Et tirer sur des cibles fixes n’a pas vraiment d’intérêt lorsqu’on fait partie de l’élite. Ce qui est mon cas, objectivement parlant bien évidemment. Je me décolle du montant de la porte, pour m’approcher du duo. « Ouais, pas de soucis. » J’hoche la tête, dans un remerciement silencieux, avant d’aller me chercher une bouteille d’eau. La meuf a déjà disparu. ‘Tain, elle est pas trop encombrante celle-là, ou alors elle avait envie d’aller pisser, au choix. Je m’appuie au bar, une bouteille d’eau glacée entre les doigts, menton posé sur le bouchon. Une question, Harry – le patron – me résume la situation. Ou du moins, l’idée. Elle, elle venait avec un habitué. Jude, Judas… un prénom dans le genre. J’arque un sourcil. « Ca me dit vaguement quelque chose. Je crois qu’il s’en sortait pas trop mal en tir. » Non, je ne suis pas arrogant, juste conscient de mon niveau et de la nullité des autres dans le domaine. Avec mes élèves, je suis pire encore, puisque les compliments pleuvent bien moins souvent que les gifles et les coups dans les côtes. J’hausse les épaules en avalant une gorgée d’eau. « Tu me fais tourner les cibles dans un ordre aléatoire, si c’est possible. » Il me fait une moue peu convaincue, je me rends compte qu’il faut vraiment que je me réentraîne sur de vraies cibles mouvantes. Je ne sais pas pourquoi, j’ai du bosser bien plus ces semaines que les précédentes, et ça doit faire au moins deux mois que je n’ai pas éliminé de mutants, que je n’ai pas senti monter en moi ce flot d’adrénaline qui m’exalte et doit me faire le même effet que toutes ces substances illicites que je vends. Lorsque je reviens dans la salle de tir, je prends le temps de m’adosser au mur pour la regarder tirer. Le temps qu’Harry dépoussière ses trucs, j’ai une bonne dizaine de minutes devant moi. Elle s’est déjà couvert les oreilles, a déjà vidé un premier chargeur. Je crois. D’une moue critique, je considère le chef d’œuvre de nullité qu’elle ramène vers elle. Première cible : médiocre.

C’est presque un automatisme : ça fait presque huit ans, je crois, que j’enseigne le tir. Même avant ça, je donnais des cours dans l’armée. Dans des clubs. J’ai un don pour ça, alors forcément on s’attend à ce que j’en transmette une partie à des bandes de bras cassés. Ce n’est pas qu’elle a de mauvaises habitudes, c’est juste que… J’hausse les sourcils. Arme nonchalamment mon glock lorsque les cibles se mettent à tourner à un rythme désespérément traînant. J’ai l’impression de viser des grands-mères et des grands pères avec une hanche en miette. Néanmoins, je tire, je vide mon chargeur, j’arrête la ronde des cibles et les ramène vers moi. Tête, tête, tête, tête, thorax, tête, aine –je me suis amusé sur celui là, je l’avoue), cœur, cœur, tête, thorax, cœur, gorge, cœur. Et tête à nouveau. Je fais une moue satisfaite, sans plus. Il n’y avait aucun défi. A la rigueur, je pourrai varier les zones de tir, ou éviter le thorax et cibler des parties plus précises, mais bon, c’est du chipotage, et je tire pour tuer, pas pour autre chose. Je remets les cibles en mouvement mais je m’approche plutôt de la blonde qui m’intrigue. Son tir, plus groupé, s’est fait plus précis. Je me mets derrière elle, en silence pour ne pas la déranger et l’observe vider son chargeur. Ramener la cible, encore.

Là, je m’approche, m’appuie à côté d’elle. « C’est pas trop mal. Mais ça reste brouillon. Tu as du avoir un bon professeur, mais pour être franc, il a laissé passer des mauvais réflexes qui te ralentissent et te déstabilise. On a l’impression que tu tiens ton flingue comme un fusil, c’est lamentable. » Si ça se trouve, elle n’en a rien à faire de ce que je raconte. Mais je suis un expert en tir, et ça m’insupporte de voir des gens martyriser à ce point leur arme. J’exagère peut être beaucoup en ce qui la concerne elle, mais l’idée reste la même : certains savent ce qu’est une racine carrée, moi je n’en fais pas parti. Certains ont été scolarisés jusqu’à leurs vingt, vingt cinq ans, moi je vidais des chargeurs dans la poitrine de terroristes avant mes dix-huit ans. Donc chacun son domaine d’expertise. « Si tu veux, je te montre. »

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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeSam 20 Juin 2015 - 0:02

how we operate
alejandro & abbie


Cette deuxième cible est mieux que la première. Je sens que je commence à récupérer quelques vieux réflexes. Même si faut avouer que le flingue, c’est pas ma spécialité. Que je préfère les fusils. Qu’en fait, j’ai même presque toujours tiré avec ça. Et j’ai appris avec ça. J’ai appris avec un père chasseur, un grand-père chasseur, et une mère et une grand-mère qui — bien qu’elles ne chassaient pas — savaient tirer au fusil sans ciller. Alors, j’m’y connais un peu. Un tout petit peu. J’ai pas fait l’armée, mais j’en ai pas besoin pour savoir tirer un cerf à une sacré bonne distance.

Sauf que là, j’ai pas de fusil, et y a pas de cerf. Pas de chasse à faire, aucun animal à traquer. Rien qu’une putain de cible en carton, d’la haine en barres dans le sang et la tête, et une furieuse envie de me défouler. Alors forcément, mon premier résultat n’était pas si brillant. Et même si le deuxième se rattrape un peu et que je mets quelques très belles balles, un pro dirait que ce ne seront jamais que des coups de chance. Même Judas dirait que ce ne sont jamais que des coups de chance. J’aime pas quand il me dit ça. Même à lui, j’avais envie de lui faire la tête au carré. Mais j’le faisais jamais. Parce qu’au fond, tout au fond d’moi, sous ma putain de fierté mal placée, j’savais qu’il avait parfaitement raison. Je n’étais pas aussi douée avec une arme de poing qu’avec un fusil. Et ma précision laissait largement à désirer.

Mais bon, y a des limites à tout, vous comprenez. Alors déjà, quand l’gars commence à me parler, j’l’ai pas tout de suite remarqué. Parce que j’avais le truc sur les oreilles, et mon attention focalisée un peu ailleurs. Et puis, sérieusement, de quoi il se mêle celui-ci ? Pourquoi il retourne pas faire joujou sur sa petite cible mouvante d’expert tireur au lieu de se préoccuper des gros nazes dans mon genre — à en juger par les termes qu’il emploie pour qualifier ma technique.

Mais j’me mets pas à bouder, j’arrête pas de respirer comme j’faisais parfois lorsque j’étais gamine, et j’prends purement et simplement sur moi pour pas lui en coller une et lui cracher de belles réparties à la figure quand il qualifie ma manière de tenir mon arme de lamentable.

Y a des mots pour dire les choses, et le tact ça existe, ducon.

Respire, Abbie.
Respire.

« J’ai appris à tirer le cerf en pleine forêt, pas à shooter des cibles en carton à l’arme de poing. »

Faut que j’me calme, et que j’évite d’avoir l’air d’un pitbull enragé. Même si j’ai pas l’air franchement féroce, au premier coup d’œil, d’habitude.

« On n’est pas tous capables de vider un chargeur parfait sur des cibles mouvantes, qu’est-ce que vous voulez. »

Et ce-disant, je hausse les épaules, je lève un peu les yeux au ciel, et je décharge mon arme.

J’dois avouer que sa proposition me surprend. Et d’un autre côté, me donne une furieuse envie de lui dire gentiment et poliment d’aller s’faire foutre, et de me laisser vivre ma vie et me débrouiller. Que si j’ai envie de continuer de tenir mon flingue comme un fusil, c’est mon problème, pas l’sien. Qu’après tout, j’vois pas ce que ça peut changer à sa journée, que lui a l’air d’être parfait dans son sport, et que ça devrait l’ennuyer de s’imaginer coacher des tireurs lamentables dans mon genre. Faut pas s’forcer, hein. Pas besoin de sa pitié.

Mais je me décide à rester gentille. À avoir du tact, là où — peut-être — lui en manque un tout petit peu. Je me contente de le regarder, quelques secondes, silencieuse, un sourcil arqué. Le jaugeant un peu. J’suis pas confiante pour si peu. Mais d’un autre côté… Accepter ne m’engage à rien, non ? Et si monsieur est si doué que ça, j’ai rien à perdre à me laisser conseiller un peu.

« Si vous avez pas peur de vous emmerder à m’apprendre les bases. »

Ça sonne un peu ironique. Et ça tombe bien, parce que ça l’est. Mais il aura compris l’idée, j’pense. De toute manière, j’vois pas pourquoi j’prendrais des pincettes avec quelqu’un qui n’en prend pas avec moi. J’suis pas connue pour ma diplomatie, aux dernières nouvelles, me semble-t-il.

De toute manière, j’ai pas grand-chose de mieux à faire de ma soirée.
Et ça peut toujours servir, dans cette ville de fous.


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Jedikiah Grimwood
Jedikiah Grimwood

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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeMar 23 Juin 2015 - 21:59



Mon père avait coutume de dire que dans la vie, il y avait deux types de personnes: ceux qui étaient morts et ceux qui survivaient. J’ai toujours trouvé ça stupide, mais j’ai toujours – aussi – aimé ce concept de diviser les foules en deux catégories. Et bien là, lorsque je m’appuie au mur pour l’observer tirer et manquer sa cible je me fais la remarque qu’il y a deux catégories de tireurs : les génies, comme moi, et les autres, comme elle. Je la regarde d’un air sévère, sans pouvoir ni vouloir m’en empêcher. Tout dans sa posture indique l’habitude et une certaine adresse. Tout dans son attitude, aussi, clame des défauts qui me font horreur et me semblent surtout totalement… je ne comprends pas comment elle ne peut pas s’en apercevoir. Ou plutôt si, je le comprends trop bien : elle n’est pas un génie. Je suis le seul dans ma catégorie. Et elle, elle a terminé son chargeur et fait revenir sa cible pour l’observer. C’est le moment. Ca reste brouillon Si ça se trouve, elle va mal le prendre. Mais je n’en ai rien à faire : je me contente de constater, elle, si elle veut rester médiocre elle n’a qu’à me faire un doigt d’honneur et je la laisserai tranquille. Après lui avoir cassé le doigt, tout de même, je suis quelqu’un d’assez susceptible. De toute évidence, d’ailleurs, je ne suis pas le seul à l’être. J’arque un sourcil. « J’ai appris à tirer le cerf en pleine forêt, pas à shooter des cibles en carton à l’arme de poing. » Ah. Si elle le prend comme ça, alors. Je m’écarte dans un haussement d’épaules parfaitement nonchalant. Elle était encore en train de baver dans ses couches que je faisais déjà carton plein, j’en suis certain. Et même si j’exagère un peu, l’idée y est : qu’elle prenne la mouche si elle veut, ce n’est pas moi qui loupe mes cibles, que ce soit des cerfs ou des morceaux de pied. « On n’est pas tous capables de vider un chargeur parfait sur des cibles mouvantes, qu’est-ce que vous voulez. » Là, en revanche, j’explose de rire alors qu’elle lève un peu les yeux au ciel. C’est juste, c’est tout à fait juste. « C’est exactement ça ! » Au moins, elle est peut être susceptible et stupide, elle a quand même les yeux en face des trous et sait reconnaître quand quelqu’un est meilleur qu’elle. Je sais que mon arrogance exaspère, agace, énerve la plupart des personnes mais elles en prennent aussi pour leur grade lorsque je leur montre que mon arrogance est justifiée.

Si tu veux, je te montre. Ma proposition coule de source et m’échappe un peu. Mes doigts s’activent déjà sur mon arme, en ôtent le cran de sécurité et chercher un chargeur dans la poche de mon pantalon militaire. Je sifflote en vérifiant chaque partie de mon glock et en attendant qu’elle réponde, que ce soit par la négative, ce qui me confirmerait que c’est une parfaite idiot, ou par l’affirm… « Si vous avez pas peur de vous emmerder à m’apprendre les bases. » Ah. Bien. Je lui lance un petit sourire complice, sans vouloir non plus être particulièrement ambigu. « J’ai été instructeur, apprendre les bases, je préfère m’emmerder à y passer des heures plutôt que de voir un grouillot martyriser un glock. » Si elle prend la mouche, encore une fois, tant pis pour elle. J’ai été instructeur et je ne suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds et encore moins à me la fermer. D’un coup d’épaule pas vraiment brutal, je lui fais signe de se décaler. Automatiquement, mes pieds se mettent en place, mon index aussi.

Je dois lutter pour modifier ma position et me mettre aussi mal qu’elle pouvait le faire un peu plus tôt. « Quand t’as un fusil dans les mains, tu es encombré. Par la crosse, par l’ensemble qui prend pas mal de place. Du coup, tu es légèrement sur le côté, ton point de visée est plus haut, tes bras sont dégroupés et tu as ton épaule pour compenser le recul. Quand t’as un flingue, justement, c’est une arme de poing. Alors tu te mets bien stable sur tes guiboles, t’as les deux bras au même niveau mais t’as pas les épaules crispées de la même manière. » Mes mouvements suivent mes explications, je me décale, remets le cran de sécurité et lui fais signe de se mettre en place. Elle n’a même pas le temps de faire un pas que je pose d’autorité mes mains sur ses hanches pour l’obliger à mettre ses deux pieds parallèles : même si elle peut les mettre en décaler, je compte bien différencier clairement tir au flingue et tir au fusil et ça commence par ça. Et non, je ne compte pas du tout profiter de la proximité. Même si ce contact me projette des mois en arrière, avec une autre blonde, avec une autre femme. Avec une traitre. J’enlève mes mains comme si son contact m’avait brûlé. « Pieds parallèles, mistinguettes. Bras symétriques, légèrement pliés. Et tu me décrispes ces épaules tout de suite, sinon je vais être obligé de te faire un massage. »

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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeSam 22 Aoû 2015 - 0:26

kids aren't alright
alejandro & abbie


Je ne sais pas s’il se rend compte à quel point son arrogance m’énerve.

À quel point son air suffisant m’énerve.

À quel point son attitude supérieure m’énerve.

À quel point il m’énerve, tout court.

Pourtant j’lui souris, bien sèchement, bien ironiquement. Je ne suis pas non plus au point de complètement l’envoyer chier. Après tout, il croit surtout que j’suis une gamine qui sait pas tirer, et qui fait joujou avec une arme à feu pour faire semblant d’être dans la cour des grands, et de se croire en sécurité dans cette ville merdique. Je joue le jeu. Je laisse faire. Je le laisse dire simplement que je martyrise mon arme, et je lève les yeux au ciel. Encore. Peut-être qu’au bout d’un moment, ça va le gonfler. Mais je dois avouer que j’ai toujours eu un problème avec l’autorité. Et ce gars m’a l’air d’en déborder tout particulièrement. Et plus il en fait preuve, plus ça m’énerve. Va falloir qu’il change de ton pour « m’apprendre les bases ». Sinon, je sais pas comment on va s’en sortir. Sinon, je crois qu’on ne s’en sortira pas.

Il sifflote en chargeant son arme, et en se préparant. Je le vois changer de position par rapport à celle qu’il avait adoptée. Je pense qu’il prend celle que j’avais. Et ça ne tarde pas à se confirmer. Il m’explique la différence entre une arme de précision et une arme de poing. Je la connais déjà, mais j’vais pas non plus lui déclarer la guerre. Et puis les révisions ça fait pas de mal. Tant qu’il me parle pas pour une attardée, je devrais pouvoir prendre sur moi. Du moins, je l’espère.

Et puis, il décide de pas se gêner.

Ses mains sur mes hanches, et il me décale.

Et bah vas-y, tu veux que je t’aide aussi ?

Je n’ai pas le rouge qui monte aux joues. Ou alors, c’est d’la colère. D’la colère plus franche que ce qu’il n’aurait pu y paraître à la base. Si il recommence un truc comme ça, c’est sur sa sale tronche que je vais lui vider mon chargeur, moi. Et à cette distance, y a pas le moindre risque pour que je me loupe.

Mais il retire rapidement ses mains. Trop rapidement. Comme si ça l’avait répugné. Ou comme s’il avait pris un coup de jus, ou s’était brûlé. Ou bien il s’est rendu compte de sa connerie. J’sais pas trop. Mais ça me force à essayer de me calmer. J’ai pas eu le plaisir de le dégager. Okay. Alors maintenant, on s’calme.

Je ferme un instant les yeux, et je respire. Rapidement — pour pas trop attirer l’attention — je les rouvre, et je prends une inspiration encore plus grande.

Et puis voilà qu’il remet ça. Obligé de me faire un massage. Bah voyons. Je réitère ma question : est-ce qu’il veut que je l’aide aussi ?

« Message reçu, chef. »

Ça me perturbe, parce que je sais pas ce que ça me fait. Okay, je dois bien avouer que j’ai couché avec personne depuis que Judas est parti. Je dois avouer aussi que personne ne s’est vraiment intéressé à moi. Ou alors — comme dirait Mila — j’l’ai juste pas remarqué. Je sais pas si c’est pour ça que ça m’a fait tressaillir de la sorte. Je sais pas si c’est parce que ce gars m’irrite, et qu’en plus il se permet ce genre de contact. Je sais surtout pas pourquoi j’y attarde autant d’importance. Merde, il mériterait même pas que j’y réfléchisse.

J’inspire. J’expire. Je ferme à nouveau les yeux pour me reconcentrer. Parce que ça me paraît si compliqué, ces derniers temps. Au point de viser avec une arme de poing comme avec une arme de précision. Parce qu’en ce moment, tout est si compliqué, dès qu’il s’agit de mettre un peu de concentration en quoi que ce soit.

Je me mords un instant la langue, et puis j’enlève la sécurité de l’arme.

Ce qui me rend folle, c’est que je suis censée savoir tirer avec ça. Je suis censée savoir le faire. Savoir mettre toutes les balles au niveau de la poitrine, avant que l’autre en face ne m’en décoche une. Si je voulais retourner dans la police, aujourd’hui, je me ferais tout simplement recaler pour être agent de terrain. J’ferais de la paperasse. Incapable de vider un chargeur. Incapable de tirer aussi bien que môsieur l’ancien instructeur. Ou même rien qu’un tout petit peu moins bien — parce que je ne suis pas parfaite, moi.

J’essaie de me souvenir de la position qu’on me demandait de prendre à l’école de police. J’essaie de ne pas penser à Judas, ni à mon super mystérieux professeur donc je ne connais même pas le foutu nom. J’essaie de faire abstraction de pas mal de trucs, en fait. Dans ma tête, c’est le bordel. Et tirer ne me détend pas du tout. J’aurais dû aller boxer. Et encore. Je suis sûre que même là, j’aurais trouvé un petit génie de la boxe pour m’expliquer à quel point je suis une novice. Monde de merde.

Je lève mon arme. Pieds parallèles, coudes légèrement fléchis. Et j’essaie de relâcher un peu mes épaules. Histoire de ne pas avoir de massage.

Je tire quelques balles sur la cible. pas tout le chargeur, mais pas non plus juste une ou deux. Et c’est tout de suite beaucoup mieux. Ça m’a rappelé les entraînements de l’école de police, et ça a finalement fini par revenir, pour peu que je me concentre un peu. Et l’autre a forcément raison.

Je sais pas pourquoi j’ai arrêté de tirer. Peut-être parce que j’ai senti mes épaules un peu crispées. Mais j’ai gardé mon arme levée. Et soudainement, je me remets à tirer.

Et cette fois je le vide, ce putain de chargeur. Toutes les balles en pleine poitrine. Comme à l’école de police. Parce que merde, moi aussi, je sais tirer à l’arme de poing. Et quand c’est fini, j’enlève rapidement le chargeur vide, et je pose les deux parties sur la petite tablette devant moi.

« Comme ça, chef ? »

Je crois que j’avais les épaules trop crispées. Mais j’espère qu’il ne va pas me faire l’affront de mimer un massage. S’il fait ça, il verra qu’il n’y a pas qu’avec une arme à feu que je sais faire du mal.

Et que j’ai pas besoin d’un chargeur entier pour castrer un abruti.


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Jedikiah Grimwood
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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeMar 25 Aoû 2015 - 18:17



Mes tirs explosent la cible avec la précision qui m’est coutumière et il faut bien l’avouer : je savoure totalement mon excellence, surtout dans ce genre de situation, lorsque j’ai un, ou plutôt une spectatrice. Je savoure la déflagration sonore et l’impact de la balle qui déchiquette la cible, et je savoure encore plus ce petit sourire crispé qu’elle m’offre et l’attention que j’obtiens. Mes explications filent, avec l’expertise de l’instructeur habitué, je copie sa position, je la corrige, j’illustre mes propos en tenant mon arme tantôt comme un fusil pour en rectifiant avec explication ma posture. Je sais que je peux toucher presque n’importe quelle cible quelle que soit mon attitude mais ce n’est pas le cas de tout le monde et il faut bien apprendre. La miss a beau avoir d’excellentes bases, c’est insupportable aux yeux d’un instructeur de voir tous les défauts du monde étalés devant lui, c’est comme ça. Et si elle n’est pas contente que je place mes mains sur ses hanches pour affermir sa position. Aucune gêne, non, je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de gênant à imposer un contact comme ça. C’est peut être mon côté latino qui veut ça. Ou peut être juste parce qu’elle est jolie, et blonde, et qu’il faut bien corriger sa posture histoire… le contact me projette des mois en arrière, je retire brutalement les mains. Caitlin. Putain. Je fais comme de rien n’était en lui donnant les dernières instructions, ou disons plutôt conseils, pour ne pas heurter sa sensibilité à la pauvre pitchoune.

J’adore apprendre aux gens à tirer. J’adore aussi apprendre aux gens à se battre, à placer leurs coups, à enchaîner les mouvements dans des frappes aussi brutales qu’agressives qui ne laissent aucune chance de riposte à la personne en face. Aussi, c’est pour ça que j’ai un petit sourire lorsque je m’écarte pour la regarder tirer. Mes yeux lorgnent surtout sur son dos, sur sa nuque, sur ses épaules crispées. Elle va faire une horreur en premier tir. Et ça va être lent. Et elle va avoir des courbatures, aussi, si elle reste aussi crispée. « Message reçu, chef. » Mon sourire se fait espiègle devant son effronterie. Chef ? Tout à fait, miss, et t’as même idée à quel point tu as raison. J’entends son inspiration et inconsciemment je cale la mienne sur la sienne. A un rythme ralenti qui me plait bien : ce n’est pas une amatrice en fin de compte, c’est juste une femme qui avait besoin de se défouler et qui a eu la mauvaise idée de croire que tirer pouvait décontracter. Et c’est bien là que le bas blesse, mistinguette : pour tirer, il faut avoir l’esprit clair, les muscles au repos ou alors une colère toute contenue qui te dévore de l’intérieur parce que tu es obligée de la dompter si tu ne veux pas accumuler les erreurs de débutant. Mes yeux suivent ses bras, se tendent lorsqu’ils passent sur ses épaules encore crispés, je ne sourcille pas aux déflagrations lorsqu’elle ajuste son tir. Ah, bien. Mon regard d’instructeur note deux trois défauts et beaucoup, beaucoup d’améliorations. Elle tire comme un flic. Dans la poitrine, pour avoir la zone la plus large du corps et pour arrêter rapidement la menace. Ca manque d’originalité mais au moins, ça vise l’efficacité. Et la voilà qui vide, enfin, son chargeur. Bras croisés, je fixe la cible alors qu’elle revient vers nous. Mon sourire a disparu au profit de sourcils froncés, interrogateurs.

« Comme ça, chef ? » J’hausse les épaules avec désinvolture. « C’est pas mal pour une novice, c’est pathétique pour une flic. On t’a jamais dit que c’était mauvais de se défouler avec un flingue ? Tu oublies tous les principes de base et tu fais de la merde. Quand tu prends ton temps, tu fais plutôt un carton plein, même si ça reste tellement académique que c’est aussi chiant que de lire un manuel de tir. » Je ressors mon arme, l’examine par réflexe sans même la regarder, qu’au toucher (mon glock, c’est comme mon petit bébé, je le connais par cœur à force), avant de me poser au stand de tir juste à côté d’elle. « Ca fait combien de temps que t’as pas tiré ? J’vais t’épargner le massage, mais ça fait saigner les yeux de voir un si jolie bout de femme faire n’importe quoi avec un glock. » J’accroche une cible, histoire de tirer quand même un peu moi aussi. Ce n’est pas que je sois bavard en théorie, c’est juste que j’aime bien taper la causette. Et même s’il s’avère finalement qu’elle avait juste besoin d’un petit rappel, ça me tue de voir des défauts flagrants et j’ai bien envie de lui réapprendre le tir depuis le début pour en faire une tireuse bien claire, nette, précise et sans bavure. Je désigne la cible du menton. « Celui qui place le plus de balles mortelles ? » J’aime bien défier les gens lorsqu’ils ne peuvent pas gagner. C’est comme si on me proposait de miser de l’argent sur une partie de fléchettes : on pourrait croire que savoir le gagnant amoindrirait le challenge mais personnellement, pas du tout. J’aime trop voir la tête déconfite des gens.

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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeMer 26 Aoû 2015 - 0:35

somebody once told me the world is gonna roll me
alejandro & abbie


J’pensais pas que les gens aussi arrogants pouvaient exister. En fait, j’en viens presque à me demander comment il peut bien se comporter dans un domaine où il n’est pas le meilleur. J’ai du mal à l’imaginer modeste et bon élève. L’humilité n’a pas l’air de faire partie de son dico. Alors, franchement, j’me demande. Même si quelque part, j’pense qu’il évite à tout prix de se retrouver dans ce genre de situation. Ça doit être tellement désagréable de ne plus être le meilleur. Pauvre chou.

Pendant un instant, j’ai cru qu’il allait me faire un semblant de compliment. Et là, j’ai pris peur. Si on avait été au mois d’août, j’aurais même eu peur qu’il se mette à neiger. Et puis il réussit quand même à me dire que j’suis pathétique, et j’suis soudainement rassurée. C’est bon. Il n’est pas bipolaire, et ne souffre pas de trouble de la personnalité multiple. Tout va bien. C’est toujours un con.

Je voudrais bien me retenir de lever les yeux au ciel. Mais il vient d’enchaîner quatre propos insultants en quatre phrases et de confirmer mon envie de vider mon prochain chargeur sur lui. Franchement. À qui il pourrait bien manquer, cet abruti, hein ? Qui pourrait bien le pleurer ? Quand on est aussi insupportable, ça doit être compliqué de se faire supporter. Mais bon, vous savez c’qu’on dit. Il faut de tout pour faire un monde. Alors doit bien y avoir des gens pour l’apprécier. Mais mon dieu. Je trouve que ce mot va si peu avec sa tronche que ça m’en rend malade.

J’vais pas lui répondre. T’façon, y a rien à répondre.

Je me demande pourquoi je reste là à me faire insulter. Dans n’importe quelle autre situation, je lui en aurai collé une, avant de partir le menton en l’air, de toute ma fierté. Mais là, il en a fait d’la bouillie, d’ma fierté. La dernière arme qu’il me reste, c’est l’insolence. Et puis, je dois bien reconnaître que c’est un bon. Pour le tir, j’veux dire. Pas désagréable à regarder non plus. Mais il aurait fallu que je devienne sourde. Ou que je pense à amener les boules quies pour la prochaine fois. Comme ça, j’aurai juste à regarder ses lèvres bouger. À deviner quelle méchanceté il peut bien encore me sortir, ou quelle phrase rabaissante il a encore trouvée. Il m’insupportera dix fois moins, et en plus je pourrai me rincer l’œil sans être obligée de me faire crever les tympans par tant d’arrogance. C’est un bon deal. À méditer.

J’vais faire genre il a pas dit que j’étais jolie. Je vais juste faire genre de pas avoir entendu ce bout, et de rebondir sur tout le reste. On prend ce qu’on peut pour se sentir un peu mieux, même cinq mots au milieu d’un tas de merde.

« Ça fait quelque temps. Mais rassure-toi, j’étais pas plus douée la dernière fois. » Pas la peine de creuser à la recherche d’un talent caché. « Pis tu sais ce qu’on dit des blondes, hein. » Le mauvais humour sur le fait qu’elle sont nulles en tout. Tout ça, tout ça. « Tu peux aussi fermer les yeux, tu sais. Vu ton talent inné pour le tir, tu dois faire carton plein même en regardant pas ta cible. »

J’en viens à sourire, sans même m’en rendre compte. J’le fais mousser. J’devrais peut-être pas. Après tout, il a pas besoin de mon aide pour le faire.

Je recharge mon arme, et j’accroche une nouvelle cible. J’vais rentrer dans son jeu, même si je sais que j’ai pas la moindre chance de gagner. Faut croire que j’ai décidé d’être maso, ce soir. Me laisser insulter, rabaisser, et faire un concours contre un pro du tir. C’est un peu comme si un écureuil décider d’affronter Rocky Balboa sur un ring. Franchement. M’enfin à l’en croire, et à en voir son désespoir, c’est masochiste aussi de rester là à me regarder tirer.

« Okay. »

Ça s’passe de commentaires. J’vais perdre et il le sait. Et je sais qu’il le sait. Et il sait que je sais qu’il le sait. Et caetera.

La cible s’éloigne et se remet en place. J’aurais pu penser que l’idée d’un mini concours m’aurait stressée. Mais que dalle. En fait, j’ai jamais été aussi détendue. J’sais que j’aurai au minimum un tir qui ne sera pas mortel. Mais j’peux au moins m’appliquer. Et me concentrer. De toutes mes forces.

J’imagine que ma cible, c’est mon nouveau prof. Et je me mets à tirer.

C’est bizarre, ma technique marche bien. Je vide mon chargeur, comme lui à côté. Je sais que tous ses tirs vont être parfaits, et bla, et bla, et bla. Bullshits. J’m’en fous de ses tirs, parce que y aura aucune surprise à l’arrivée. Mais ce que moi je vais faire, ça m’intrigue.

En fin de compte, je fais revenir la cible. Je trouve que j’me suis plutôt bien débrouillée. Franchement.

Bah quoi, faut s’apprécier à sa juste valeur, dans la vie. Y a personne d’autre que moi pour me dire que j’m’en suis bien sortie, alors j’me le dis. En ce qui concerne la flagellation et la moquerie, je laisse mon sexy-et-détestable-voisin-de-gauche faire. Il est pas mal plus doué dans le domaine.

Et maintenant, résultat des courses. Six balles dans la poitrine, trois dans la tête. Quand j’vois celle dans le bras et celle dans la cuisse je sais que je vais me faire rire au nez. D’ailleurs, dès que j’sens son regard sur moi, je peux pas me retenir. Vraiment pas.

« Artère fémorale et artère humérale. Techniquement il est mort. »

Ça m’fait du bien de chercher à avoir raison.

Mes yeux tombent sur les quatre impacts restants. Et c’est un score parfait, bien aligné avec le nombril fictif de ma cible. Dans le blanc sous le buste de la cible en elle-même. Je tends le bras pour désigner la zone à l’aide de petits cercles que je trace dans l’air.

« Et là, ce sont les couilles. Techniquement, il va mourir en moins de sept minutes, et en souffrant beaucoup. Vraiment beaucoup. » Oui, j’l’ai fait exprès, parce que oui, je savais que j’allais perdre de toute manière.  « Et si c'est une femme, ben t'as qu'à dire que c'est homme. »

Et oui, je souris, parce que oui, je trouve ça hilarant.

Et parce que j’ai la preuve vivante que l’imaginer à la place de la cible, ça marche.
Ça marche même très bien.


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Jedikiah Grimwood
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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeMer 9 Sep 2015 - 15:56



J’ai beaucoup de défauts. Certaines mauvaises langues disent même que je n’ai pas assez de qualités pour tous les compenser. Ce ne sont que des mauvaises langues, justement, et des jaloux. Voire les deux dans des cas extrêmes. Et dans mes défauts, donc, il y a une certaine arrogance totalement assumée que les gens ne supportent pas d’habitude. Et cette femme ne fait pas exception à la règle, je n’ai qu’à observer son comportement et son attitude pour le voir. Le langage corporel est clair en général, sur le sujet. Le sien l’est d’autant plus que ses épaules crispées et ses rictus véhiculent un message suffisamment fort pour que mon sourire s’accentue, synchrone. Un semblant de compliment se fait suivre par des critiques incisives, lancées sur le ton de la moquerie. Tout le monde n’est pas doué. C’est juste navrant de voir qu’elle a du talent, c’est certain, et qu’elle le gâche parce qu’elle oublie tous les principes de base lorsqu’on n’est qu’un tireur médiocre – comme le sont les trois quart des larbins qui ont reçu un flingue dans les mains. Comme les flics. Comme elle. Elle n’est pas mauvaise, elle est juste… médiocre. Et moi, je suis excellent. C’est comme ça. C’est la vie. Mon sourire s’accentue davantage encore, comme en réponse à mes pensées alors que ma main reprend mon glock et raffermit sa prise. J’aimerais pointer ses défauts un à un, de sa posture à son attitude en passant par ses hanches qui me donnent envie de l’aider à bien se repositionner mais elle n’a pas l’air très… réceptive. Ni volontaire. Dommage, ça m’aurait bien plus de lui montrer aussi ce que je vaux dans d’autre domaine, elle aurait vu que je ne suis pas seulement un… Alejandro ta gueule. Ce n’est pas Caitlin. Elles ont peu ou prou la même attitude, l’animosité en plus. Les mêmes défauts. Pas le même physique mais il s’en approche. Je m’appuie au stand de tir juste à côté, jaugeant ses tirs du regard. Depuis combien de temps elle n’a pas tiré ? « Ça fait quelque temps. Mais rassure-toi, j’étais pas plus douée la dernière fois. Pis tu sais ce qu’on dit des blondes, hein. Tu peux aussi fermer les yeux, tu sais. Vu ton talent inné pour le tir, tu dois faire carton plein même en regardant pas ta cible. » Je ris doucement. Hausse les sourcils d’un air suggestif. « Ferme les yeux, toi, tu verras que je suis très doué pour les massages… » Je me redresse, décollant mes coudes du plateau pour y appuyer la paume de mes mains et considérer, joueur, les cibles qui sont faces à nous. Un petit défi ? « Okay. » Le plus de balles mortelles: je connais les defaults des flics. En règle général, ils manquent d’originalité, ne visent que les parties non létales ou, dans les cas critiques, le torse pour être sûr de toucher la personne. Pathétique. J’arme mon flingue, elle a déjà mis la cible en place et commencé à tirer. Elle est bien plus détendue, c’est marrant. Comme si le défi, perdu d’avance, faut pas s’leurrer, la stimulait davantage que le tir dans le vide.

Je sifflote en considérant ma cible d’un regard non pas d’instructeur, cette fois, mais de sniper. Je n’ai pas envie de tirer maintenant. Mon petit côté m’as-tu-vu préfère qu’elle soit obligée de me voir tirer, histoire qu’elle soit obligée, aussi, d’accepter ma supériorité et la technicité parfaite du génie que je suis. Alors j’attends, en sifflotant, patiemment, qu’elle vide son chargeur et ramène la cible. Un coup d’œil me suffit à voir l’étendue des dégâts et je fais une petite moue presque admirative. « Artère fémorale et artère humérale. Techniquement il est mort. » Je ricane lorsque je la vois presque justifier ses faux pas. « Tu t’es cru chirurgienne ? » Mon regard suit le sien lorsqu’on tombe sur les quatre derniers impacts. Là, j’éclate de rire. « Et là, ce sont les couilles. Techniquement, il va mourir en moins de sept minutes, et en souffrant beaucoup. Vraiment beaucoup. Et si c'est une femme, ben t'as qu'à dire que c'est homme. » J’éclate de rire tant et si bien que je repose mon flingue pour ne pas faire de conneries et que j’applaudis lentement. « J’avoue, tu m’as bien eu, t’es pas flic, les flics sont standards, toi, tu t’éclates à faire dans l’original. Si t’étais pas aussi médiocre, tu pourrais être une adversaire assez intéressante ! » Je ramasse mon flingue, jette un nouveau regard à ma cible, masse mon bras droit couturé de cicatrices qui semble être dans son bon jour. Il n’a pas intérêt à flancher celui là, je n’ai pas intérêt à me retrouver tétanisé dans une crise de tremblement comme j’en connais un peu trop dans des moments un peu trop gênants. Mais non. Avec mon petit sourire exaspérant, je ne la quitte pas du regard alors que mes balles se logent dans le cœur, dans la trachée, dans les yeux, entre les yeux, dans les parties, dans la rate, dans le foie… un tir groupé achève le tout au niveau du cœur, déchiquetant tant et si bien la cible qu’un trou se creuse d’une balle d’un bien plus gros calibre. Il ne m’aura fallu que quatre coups d’œil pour véritablement réajuster mes tirs. Je souffle sur le canon de mon glock pour en chasser une fumée imaginaire. La cible revient dans un grincement.

« Je crois que j’ai gagné, t’en penses quoi ? J’ai quoi en récompense ? »

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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeVen 11 Sep 2015 - 4:58

J’essaie d’arrêter de me demander pourquoi je reste. Pourquoi je supporte ce type alors que je pourrais faire tellement mieux de ma soirée. J’essaie d’arrêter d’y penser, parce que la réponse ne me plaît pas. J’ai pas envie de m’avouer que de jouer à la provoc’ avec un tireur arrogant, ben ça passe terriblement plus efficacement le temps que de bouffer des céréales devant un nanar à la télé. Là, au moins, je suis réellement divertie. Ma fierté me hurle de prendre mes jambes à mon cou à chaque putain de seconde, mais je n’en fais rien. Parce que ce type est peut-être chiant, et j’suis peut-être un tantinet masochiste à me laisser insulter comme ça, mais dans le fond je m’amuse. Ces derniers temps, j’ai l’impression que ma vie sociale se résume à ce putain de bar où je passe ma soirée, à ces pochtrons qui me reluquent grassement, et à Mila et Siward. Alors ouais ; ce gars est peut-être chiant, il est peut-être con et arrogant, mais au moins, ça m’fait un brin de nouveauté. Et j’en viens à penser que c’est pas plus mal. Même si ça reste bien compliqué à admettre.

Lorsqu’il applaudit — non sans un commentaire sur ma médiocrité, sans lequel il n’aurait pas été vraiment lui — j’peux pas m’empêcher de faire une fausse révérence, baissant un instant les yeux et le menton, saluant le roi avec un sourire sarcastique. Parce que j’suis fière de ma cible, fière de ma putain de médiocrité. Et encore plus d’l’avoir fait rire, ce con. Parce que j’lui arrive peut-être pas au gros orteil question tir, il s’amuse peut-être bien plus à me faire du rentre-dedans comme un gros lourd qu’à m’apprendre à tirer, mais ça n’empêche que lui non plus ne s’est pas encore barré. Et que la situation, j’en viendrais presque à l’apprécier. Putain, faut voir jusqu’où j’ai pu tomber depuis qu’Judas m’a laissée.

« Petit flatteur, tu vas finir par m’faire rougir. »

Que dalle, ouais. Il peut toujours courir. J’me laisserai pas faire. J’en ai connu d’autres, des dragueurs. Même si celui-là est plutôt mignon, et que j’me sens plutôt seule.

Non. J’veux pas. R’gardez-le, c’t’abruti, en train d’se la péter à faire un score parfait en regardant à peine sa cible. Ah, ça m’donne envie de gerber. J’sais pas à quoi il pense, j’sais pas c’qu’il a derrière la tête, mais s’il pense qu’en voyant ça j’vais m’jeter à ses pieds et que j’vais devenir sa fervente esclave sexuelle, il se fout le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule.

Mais ça m’empêche pas de sourire. De ce petit sourire sarcastique de la fille qui s’y attendait, à ce qu’il fasse un score parfait. Et qu’il souffle comme un cow-boy sur le bout de son arme. Sans déconner. J’vais jusqu’à rire, et j’me trouve conne de réagir à son arrogance. Il mériterait une paire de claques, et moi je glousse juste comme une foutue pintade pas insensible à son charme à la con. Achevez-moi.

« La chirurgienne en pense que si par malheur ce pauvre mannequin souffre de situs inversus et que son cœur est à droite plutôt qu’à gauche, tu l’as dans l’os. » Ou dans l’cul, dans la version non-censurée.

Mais ça m’empêche pas d’avoir ce sourire en coin. Et cette putain de pensée derrière la tête, un peu trop présente, un peu trop lancinante. Et j’le regarde, et je crois que je commence à dérailler. J’crois que j’me demande ce que j’ai à perdre, pour juste une putain de soirée. Après tout, j’suis seule, je m’emmerde, et la connerie de ce mec à elle seule est une excellente excuse pour ne jamais l’revoir après.

Non.
Non.

Internal panic attack.

« Le droit de voir la médiocrité foutre le camp. » Et de t’amuser toute la soirée avec ta main droite, en prime. « J’ai un poulet dans le four. » Tu parles. « Ou une pintade sur le feu. » Mais quelle assurance. « Et je crois que j’ai oublié mon chat dans la machine à laver. » Ça, par contre, c’est p’t-être bien vrai.

J’pose le Glock sur le stand, rapidement. Faut qu’je parte d’ici. C’est pas qu’je m’amuse pas. C’est pas que ça me plaît pas. C’est juste que j’me sens pas bien. Que quand j’ai commencé à penser que ce gars était pas si mal — et que peut-être qu’au pieu il se taisait enfin —, l’image de Judas est revenue comme une claque. Et j’le déteste, ce con. De pas arriver à passer à autre chose. Et l’autre con aussi, j’le déteste. De foutre le bordel au fond de ma tête comme ça, alors que j’étais venu ici pour me détendre. C’est du propre, putain.

« On va jouer à un nouveau jeu. Je pars maintenant, et toi tu restes encore ici au moins vingt minutes. Et si t’arrives à me retrouver, j’ferme les yeux et j’verrai à quel point t’es doué pour les massages. »

Il sait pas où j’habite. Il me retrouvera pas. Mais je crois que j’viens de prendre tous les risques du monde, et que je devrais surtout apprendre à fermer ma gueule. Même si après tout, dans le fond, tout ça me déplairait pas. Oh non. Bien loin de là.

Et j’m’éclipse, avec un dernier regard en coin. Et cette fois pas d’sourire. J’file comme le vent. J’vais aller chercher ma veste, mes clés de voiture, et j’vais rentrer chez moi. L’plus vite possible, pour qu’il me suive pas. Ensuite, j’aurai tout le loisir de flipper comme une conne, toute la soirée. D’attendre sans vraiment l’vouloir qu’on toque à ma porte, en m’disant à quel point j’ai été stupide de faire ça.

Faut croire que la connerie de ce type a fini par déteindre sur moi.


(c) elephant song.
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Jedikiah Grimwood
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MessageSujet: Re: “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]   “Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie] Icon_minitimeLun 21 Sep 2015 - 22:03



Un petit sourire exaspérant aux lèvres, j’attends avec impatience de la voir tirer histoire de pouvoir me confirmer à moi-même l’évidence : elle est minable. Même si parmi une tripotée de flics, elle serait le haut du panier, elle reste minable et c’est réconfortant de voir jour après jour que je reste le meilleur, incontestablement le meilleur, dans ma discipline. J’étouffe un bâillement lorsqu’elle ramène la cible, j’applaudis, j’éclate de rire lorsqu’elle justifie sa médiocrité et je me surprends même à la complimenter. Elle se débrouille mieux que la moyenne, c’est sûr. Elle se débrouille mieux, même, que la plupart des flics que je suis obligé de côtoyer et si elle n’avait pas ces détestables tics et défauts que l’on ne trouve que dans le milieu de l’instruction policière, je pourrais même croire qu’elle est juste une militaire à la base, ou une fille qui a appris à tenir un fusil de chasse pour tuer le caribou avant même de savoir tenir un crayon. Presque. « Petit flatteur, tu vas finir par m’faire rougir. » J’éclate de rire, encore, dans une petite moue amusée. Et j’attrape mon flingue, je le soupèse. Mon rire s’estompe au profit de ma concentration et tous mes muscles se tendent et se détendent pour me positionner face à la cible que mes yeux considèrent une poignée de secondes : suffisamment pour que je la positionne dans l’espace, au bout de mon bras. Un sourire, je commence à tirer en la regardant dans les yeux, cette jolie blonde qui ne peut pas s’empêcher de me faire penser à une autre blonde, tout aussi douée au tir, tout aussi directe, tout aussi susceptible. Quelques coups d’œil, voilà tout ce qu’il me faut pour ajuster mes tirs, descendre au niveau du cœur et terminer ma série sur un tir si groupé que le papier se déchiquète et disparaît à cet endroit là. La cible revient vers nous – comme si nous avions un quelconque besoin de vérifier… - et je souffle sur mon flingue pour en chasser une fumée imaginaire. Alors, qu’est ce que tu en penses, mistinguette. Et surtout, qu’est ce que j’ai gagné en dehors d’une satisfaction personnelle à t’en avoir mis plein à vue et, indirectement, à avoir imaginé ta tête sur cette cible, la tête de Caitlin, son petit sourire suffisant et le tien ? « La chirurgienne en pense que si par malheur ce pauvre mannequin souffre de situs inversus et que son cœur est à droite plutôt qu’à gauche, tu l’as dans l’os. »  

J’arque un sourcil. Eclate de rire. Vraiment. Je suis susceptible, rancunier, colérique, mais que lorsque ce que l’on me dit me fait me remettre en question ou est si stupide que ça ne me serait jamais venu à l’esprit. Là, en revanche… « C’est donc pour ça que tu es aussi nulle ! Tu es chirurgienne en réalité ! Pourquoi t’as pas plutôt dégainé ton scalpel ? » Elle n’a pas tort, tout de même, il faudrait que je calibre un peu plus mes tirs pour pallier ce cas là et éviter de me retrouver avec un cadavre pas tout à fait mort sur le bras… quoique, une balle en pleine tête, sauf sur le cerveau se situe au niveau des couilles, ça élimine efficacement la menace en général. « Alors, j’ai gagné quoi ? » J’insiste, avec un petit sourire espiègle aux lèvres, comme un gamin qui attend avec impatience son cadeau de Noël. Je la cherche, je sais. Je la provoque, beaucoup, je sais aussi. Mais bon sang, c’est agréable de ne pas se prendre la tête, c’est agréable d’avoir vu mon bras ne pas flancher cette fois et mes tremblements être restés au placard et m’avoir épargné une humiliation telle que je me serai mis une balle dans le crâne si ça n’avait pas été le cas. « Le droit de voir la médiocrité foutre le camp. J’ai un poulet dans le four. Ou une pintade sur le feu. Et je crois que j’ai oublié mon chat dans la machine à laver. » Je lâche un soupir exaspéré. Oh, mais elle manque sacrément d’humour, ou plutôt elle est coincée, ou encore m’offrir une bière est en dehors de ses moyens, ou alors…   « Dis plutôt que je t’emmerde, hein, je serais pas vexé j’en ai l’habitude. » je rétorque, en tentant de rester amuser alors qu’elle titille quand même un peu mon orgueil de mâle avec sa tentative de se foutre ouvertement de ma tronche.

Elle pose le glock sur le stand et automatiquement, ma main se pose sur le pied, comme par réflexe défensive. Il faut croire que l’on ne quitte pas un champ de bataille aussi facilement qu’un club de tir. J’hausse les épaules dans un petit sourire et je m’apprête d’ailleurs à la remercier, quand même, pour notre petite discussion et notre petit défi quand elle me lance un nouveau challenge auquel je ne m’attendait pas vraiment. « On va jouer à un nouveau jeu. Je pars maintenant, et toi tu restes encore ici au moins vingt minutes. Et si t’arrives à me retrouver, j’ferme les yeux et j’verrai à quel point t’es doué pour les massages. » J’arque un sourcil. Elle est sérieuse, là ? Putain. J’ai tout juste le temps de lui lancer un moqueur « Okay, pas de souci, à tout à l’heure alors ! » qu’elle est déjà hors de la salle et que moi…

Je m’appuie au stand de tir avant de me passer une main nerveuse sur le visage. Qu’est ce qui se passe dans la vie, là, exactement ? Cinq minutes m’ont suffi à faire un amalgame pas très convainquant entre cette fille au caractère de merde et une autre fille au caractère de merde aussi. J’ai envie de me renseigner sur son nom, sur son adresse, de me pointer chez elle, de voir ce qui va se passer. J’ai envie, bien sûr, juste pour la prendre à son propre jeu. Juste pour cesser de penser. Juste pour voir, parce que je suis joueur. Mes doigts tremblent légèrement lorsque j’accroche une énième cible. Puis encore une, juste à côté. Les cibles se reculent, commencent à tourner dans un lent défiler et j’en profite pour recharger mon parabellum. Je ferme les yeux et lorsque je les rouvre, c’est pour mieux cribler les cibles, une à une, en plein cœur et en pleine tête, jusqu’à ce que mon bras me lâche et que le tir se fiche dans l’épaule de ma victime. La dernière balle. Mon arme fait un vol plané de l’autre côté de la pièce déserte, mon poing heurte le mur le plus proche avec violence mais ça ne sert à rien : les tremblements s’accentuent, se diffusent, je termine recroquevillé à terre à serrer mes genoux contre ma poitrine le temps que ça passe. J’ai besoin de boire un verre. J’ai besoin de boire un coup.

Lorsque je me relève, lorsque je récupère mon arme, c’est pour mieux sortir et aller demander à Harry le nom de la fille qui était là. Hoaxfield me donne-t-il, dans un grognement. Je lui tends mon glock : elle l’a oublié, je compte lui ramener. Il me file son adresse, donnée lors de l’inscription au club. Je le remercie : me reste plus qu’à aller acheter deux bouteilles de whisky. Pour me faire pardonner mon retard.

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“Nul n'a appris de moi le tir, qui n'ait fini par faire de moi sa cible.” [pv Abbie]

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