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 If I tremble, they're gonna eat me alive.

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MessageSujet: If I tremble, they're gonna eat me alive.    If I tremble, they're gonna eat me alive.  Icon_minitimeVen 8 Mai 2015 - 3:56

« Tu te fous de ma gueule ? C’est pas du shit, c’est un carambar. » Le jeune garçon ouvre de grands yeux offensés comme si je venais de traiter sa mère de dromadaire. A vue de nez, il doit même pas avoir quatorze ans, et il aborde déjà les gens pour leur proposer de la drogue. Ben voyons, quelle société de merde. Je serre les dents, prête à lâcher l’affaire, mais il persiste. « Si si je t’assure, c’est du shit. Du bon shit sa mère ! » Nan mais il se fout clairement de ma gueule là non ? Je me penche légèrement et comme sur le ton de la confession, je lui dis : « Je connaissais déjà l’odeur du shit alors que tu balbutiais à peine dans ta chaise haute et qu’on devait te faire bouffer tes patates sautées en purée.» Cette fois il se renfrogne, ce n’est plus juste sa mère que je viens d’insulter, c’est son égo de petit merdeux. « Allez file ! Retourne jouer à Pokémon ! » Ou te branler devant un film pornographique. A vrai dire, je ne sais pas trop ce que les gosses de ta génération font. A mon époque, les garçons préféraient justement parler de Salamèche plutôt que de fesses et de drogue.

Ces nouveaux caïds me blasent. Ils se prennent pour des durs mais ils n’ont encore jamais eu de cours d’éducation sexuel. C’est à peine s’ils savent à quoi ressemble un préservatif, mais ils se vantent à qui veut bien entendre qu’ils se sont déjà enfilés des nanas. Et quand on ose les remettre en place, ils sortent des menaces aussi élaborées que les paroles de chansons des One Direction. Je me souviens clairement d’une petite racaille qui habite au rez-de-chaussée de mon immeuble à qui j’ai dit que son baggy était bien trop grand et était sûrement tout droit sorti d’un clip de 50 Cent tellement il était vintage, et il ne savait plus où se mettre. Il m’a alors de me faire ravaler sa remarque avec un magnifique : « Toi, je vais te flamber comme… comme une banane flambée ! »  La crédibilité de la jeunesse. A les voir, je me sens vieille. Bon après je relativise, parce qu’il y en a des plus vieux, genre ceux qui utilisaient le minitel par exemple.

Cette rencontre me laisse perplexe encore tout le long du chemin. Je marche au rythme de ma musique, acharnée prête à bouffer le prochain qui me parle. Voilà un petit moment que je ne ressens plus autant les effets du vaccin, mais j’en ai gardé de mauvaises habitudes, comme celle d’en vouloir aux premiers venus. J’étais excessivement agressive avec toutes les personnes qui témoignaient une once de bienveillance, énervée qu’ils puissent toujours vivre dans l’inconscience alors que j’avais beaucoup perdu. Les thérapies m’avaient aidé de plus en plus, Octavia aussi, j’avais repris un certain cap. Mais j’étais toujours entre deux moi, scindée, vidée d’une partie de mon code génétique. Et je suis toujours en vie. Au secours, je suis en vie.
Des fois je rêve qu’elle me tue au lieu de m’infliger le vaccin. Elle me tue et j’erre dans un monde paisible. Elle me tue et je n’ai pas à supporter cette absence de moi. Mais la vérité est plus triste que la mort. Quand d’autres aurait été simplement heureux d’être vivants, moi je lui en ai voulu. Je lui en ai voulu parce qu’elle m’a dénaturé, elle a fait de moi une étrangère dans mon propre corps. Pour mon bien, selon elle.

Je ne dois pas m’infliger ça à nouveau. Je me répète cette phrase en boucle dans ma tête jusqu’à ce que j’arrive près du centre de réunion. Dans l’allée, le sans domicile fixe du quartier, affectueusement surnommé Joe le clodo joue un air d’accordéon car il se refuse bien évidemment de mendier comme les autres. Même lui est différent, voyez-vous. Je le salue par habitude et me laisse distraire par le côté ancien qu’il donne à cette ruelle avec son instrument. J’ai l’impression de voyager dans une ville d’Europe et de me balader sur les quais d’un fleuve, genre la Seine, à Paris, et dévorer un bon pain au chocolat.
Je fais un sourire à Joe pour lui remercier de ce moment. En sortant, je lui prendrai une barre de céréales et du jus au distributeur, car je ne suis pas sûre que la vieille sucette au citron qui traîne dans mon sac ne le sustente vraiment. Un jour peut-être je lui apporterai un peu des restes d’un bon plat mexicain de ma maman, en guise de remerciements. Et surtout parce qu’elle cuisine toujours comme si on était cinq à la maison alors qu’il ne reste qu’elle et moi.

Quand je passe la porte, je remarque immédiatement la seule personne que j’ai vraiment envie de voir : Lexie. Voilà quelques temps qu’elle fréquente aussi les réunions, et nous nous sommes vite retrouvées dans le club exclusif de celles qui ne retrouvent pas leur pouvoir. Ce qui me laisse penser qu’elle aussi a vécu une expérience avec les chasseurs. Cependant, je reste encore très discrète sur mon propre passif, et elle sur le sien. On se contente de traîner, de se moquer des réunions et de notre animatrice/marraine de réunion qui a toujours le même sourire stupide plaqué sur le visage. Je ne comprends toujours pas pourquoi les autres membres des réunions voient en elle le nouveau messie, la Thaumaturge du nouveau millénaire en jupe tailleur.

« Saluuuuuuut toi. » Je m’installe à côté d’elle et me penche aussitôt pour lui glisser rapidement. « Il faut qu’on discute un peu anarchie. » Je ne sais pas pourquoi, mais depuis quelques jours, j’ai la sensation que Lexie pourrait vouloir entendre parler de mes revendications, de mes pensées révolutionnaires. Bon okay, révolutionnaires, j’exagère, je suis pas le Che non plus, mais en ce moment, j’ai des envies de rébellion. De lâcher la bride et de laisser couler la haine, de lâcher des dynamites sur la route et de tout brûler autour. Je suis un volcan au bord de l’éruption, et j’ai envie d’entraîner la ville dans les laves. Rien que ça.
La langue brûle d’impatience  à l’idée de lui dire, alors je me lance. « J’ai commencé à traîner du côté de l’hôpital, et j’ai appris que beaucoup de personnes se sont inexplicablement retrouvés avec leurs pouvoirs en moins. Tous à la suite d’attaques. » Je continue sur un ton encore plus bas. « Je pense qu’il est temps de sortir les masques et de commencer à jouer les justiciers anonymes. Y a des enquêtes que la police ne fait pas et je seeeeeens que ton joli  petit nez de journaliste a envie de fouiner dedans. »
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