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 we'll try to fix you (noeh)

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MessageSujet: we'll try to fix you (noeh)   we'll try to fix you (noeh) Icon_minitimeJeu 26 Mar 2015 - 4:29

Jeudi, journée tranquille à l'hôpital. Enfin. Relativement tranquille. Certes, Selwyn commençait à travailler à huit heures du matin et ne finissait que douze heures plus tard, mais les jeudis étaient les seules journées qui ne changeaient jamais de semaine en semaine. Les patients différaient (pour mieux revenir le mois d'après), les salles variaient (tout en restant dans la même aile du pavillon), mais la routine du jeudi restait sensiblement la même : c'était le jour où il travaillait en tant qu'infirmier au département de réhabilitation. Il s'occupait alors et de patients qui séjournaient à l'hôpital à la suite d'une opération majeure et d'anciens patients, qui étaient retournés à la maison, mais qui revenaient pour assurer leur suivi. Selwyn aimait bien cette journée réhabilitante; question de stress, elle était habituellement moins exigeante que les autres qu'il passait en bloc de chirurgie cardiaque (et assurément plus tranquille que les samedis soirs aux urgences). Le jeudi avait aussi l'avantage d'être agréablement social;  Selwyn revoyait des visages familiers et il y trouvait alors l'aspect humanitaire qui lui avait tant plu dans la médecine. Qu'on ne s'y trompe pas : l'infirmier adorait les deux aspects de son métier, autant les opérations délicates que le suivi méthodique, qui nécessitaient des aptitudes différentes, ce qui lui donnait l'impression d'avoir bien accompli son devoir sur tous les plans. Il y avait toute une question de sentir utile dans ce métier, question primordiale qui avait été l'élan nécessaire pour sauter dans une telle carrière. Les jeudis, donc, étaient spéciaux, tel un baume sur sa semaine de folie.

Ce matin-là, Selwyn était arrivé — encore une fois — bien en avance (il arguait toujours qu'on ne pouvait prévoir le trafic, ce à quoi bon nombre de collègues lui rétorquaient qu'il se déplaçait en bicyclette et qu'il pouvait bien profiter d'un dix minutes de sommeil supplémentaire; ce à quoi il répondait qu'on ne savait jamais lorsque sa piste cyclable serait bloquée par une quelconque catastrophe l'empêchant d'arriver à l'heure et d'assister à une opération importante; ce à quoi répliquait Duncan que Radcliff n'était pas une ville si rurale et que d'autres routes étaient disponibles; et alors, Selwyn roulait des yeux devant le désir ardent de ses compatriotes à contrôler sa vie pour une raison qui lui échappait et il concluait la conversation agaçante sur une semi-blague en prétextant que s'il arrivait si tôt, c'était bien évidemment pour passer du temps de qualité avec eux; et à la discussion de reprendre ensuite son cours normal sur les nouvelles dépenses inutiles du gouvernement américain tandis que le domaine de la santé était délaissé et blablabla). Bref, Selwyn dans la salle des employés avec son deuxième café de la journée lisait son horaire qui lui fournissait des informations sur les patients qu'il traiterait aujourd'hui. Il le parcourut rapidement des yeux afin d'y déceler des noms connus et sourit lorsqu'il en reconnut trois. Il commençait dans trente minutes avec madame Reid, une dame dans les quatre-vingts qui s'était fracturé le bassin un mois auparavant en tombant dans ses escaliers — elle était très sympathique, commençait à perdre sérieusement la mémoire (après trois rencontres, Selwyn connaissait maintenant tout son arbre généalogique, y compris les métiers et les années de promotion de tous ses petits-enfants. Ainsi, elle avait deux fils, Austin et Andrew, qui...) et elle amenait toujours des biscuits aux canneberges à la réception pour tout ce beau personnel qui travaille tellement fort, ah la jeunesse! . Personne ne s'était encore risqué à lui avouer que la quantité de biscuits qu'elle leur offrait ne suffisait qu'à un dixième des employés. Après Reid, il enchaînait avec le bloc post-opératoire où il traiterait beaucoup de nouveaux patients et un seul ancien, monsieur Van Dijk, qui avait reçu une greffe de poumons qui semblait se compliquer. L'avant-midi de Selwyn se concluait en beauté avec un troisième patient connu baptisé Noeh Callahan. Noeh Callahan était bien connu du milieu médical de l'hôpital de Radcliff; il avait été le cauchemar de quelques employés lors de son séjour (que plusieurs qualifieraient d'interminable). Le jeune homme, à la suite d'un accident, avait perdu l'usage de sa main droite et de sa jambe gauche et il avait très mal digéré ses handicaps nouveaux. Fâché contre ce retournement de sort, il s'en était pris verbalement au personnel et Selwyn n'avait pas été épargné. Au début du séjour de Noeh, une autre infirmière que lui, Marlene, avait été assignée au patient Callahan, mais après deux crises de larmes dans les toilettes, leur supérieur avait décidé de mettre Selwyn sur le cas problème. Lorsqu'il avait appris ce transfert de patient — phénomène extrêmement rare qui nécessitait une excellente raison —, Selwyn avait sourcillé : lui? pourquoi lui? Il ne travaillait même pas tous les jours en réhabilitation, ce n'était pas sa force, pas la discipline qu'il avait le plus étudiée à l'université, n'était-il pas plus utile, mieux formé, pour les urgences, non non mais ça ne me dérange pas, bien sûr, mais je ne comprends pas pourquoi et... Son supérieur ne pensait pas de la même manière et voyait, au contraire, en Selwyn, sa compétence à maîtriser l'humeur exécrable de Noeh et en plus, tous vos patients vous aiment toujours beaucoup, Spiegelman, et trouvent que votre présence leur apporte beaucoup de bien. Sans blague. Ce n'était certainement pas parce qu'il utilisait fréquemment son pouvoir et absorbait un peu de leur douleur — et puis il avait dit qu'il s'appelait comment, l'enfant terrible? Callahan? Callahan comme la dynastie de hunters... ? De toute façon, vous n'avez pas le choix, Selwyn. Et ainsi devint-il l'infirmier attitré de Noeh Callahan qui avait décidé de lui faire vivre toute la gamme possible et inimaginable d'émotions. S'il fut tout d'abord réticent, puis agacé, puis peiné pour le garçon, Selwyn finit par atteindre le stade de motivation : il avait fini — Dieu sait comment — par s'attacher à Noeh et à voir ses difficultés, principalement reliées à son caractère de cochon, comme un défi personnel. Pour rien au monde, il n'aurait abandonné son patient à un autre infirmier : Noeh était son blessé à remettre sur pied, et ils réussiraient, il en était certain.  

Selwyn entra dans la salle d'attente et aperçut le dos de son patient. « Noeh Callahan. » Ledit Noeh se tourna, affichant un visage qui en disant long sur son moral plus-qu'à-terre. Selwyn y était habitué et, loin de laisser désarmer, il afficha alors un plus grand sourire, espérant lui insuffler un peu d'optimisme, même s'il savait par expérience qu'il faudrait bien plus que cela pour remonter le moral du Callahan. Il poussa la porte de la salle, invita d'un geste de main Noeh à y entrer et à s'asseoir sur le lit d'hôpital. Il referma doucement la porte, puis déposa le dossier du jeune homme et s’assit sur le coin du bureau – s’asseoir sur la chaise destinée à son postérieur l’aurait trop éloigné du patient pour établir une proximité réconfortante pour Noeh.   « Comment vas-tu, Noeh? Des changements dans ta santé depuis la dernière fois? » Il décapuchonna son stylo, prêt à noter toute information pertinente autre que ses traditionnelles jérémiades sur les difficultés que posait une réadaptation aussi ‘complexe’ que la sienne. « Ah, il faut que je t'avertisse que le docteur Oakley a pris un peu de retard dans ses visites, il va arriver un peu plus tard que d'habitude dans la rencontre, mais ça ne changera pas grand-chose à l'ordre du suivi » lui annonça-t-il, en gardant son sourire aux lèvres et en préparant le matériel nécessaire aux examens de routine. L’information qu’il venait de partager à Noeh n’intéressait probablement pas tant que ça ce dernier – que le docteur passe dix ou vingt minutes plus tard ne changeait rien à sa vie (du moins, il l’espérait) -, il s’agissait plutôt d’une technique de mise en confiance : il incluait l’autre dans son propre suivi, lui révélant les coulisses de l’hôpital pour qu’il s’y sente plus à l’aise. « Bien à jeun et affamé, au fait? » s'assura l'infirmier en prévision de la prise de sang qu'il effectuerait bientôt.

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Noeh Callahan
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MessageSujet: Re: we'll try to fix you (noeh)   we'll try to fix you (noeh) Icon_minitimeSam 28 Mar 2015 - 17:09

Noeh prit place dans la salle d'attente. Cette odeur étrange qu'il connaissait désormais par cœur vint se nicher au cœur de son odorat, au creux de son ventre et au centre de ses pensées. Son regard sur ce qui l'entourait se fit alors encore plus sombre. Dès qu'il devait passer du temps à l'hôpital, l'humeur du fils des Callahan devenait encore plus massacrante que celle qu'il adoptait chez lui. Il détestait cet endroit. Il le haïssait depuis qu'il s'y était réveillé quelques semaines auparavant, dès lors que ses prunelles aveuglées s'étaient habituées à l'ambiance glaçante de sa chambre et à la présence constante du personnel médical auprès de son corps à moitié paralysé. A présent, il pouvait au moins s'estimer heureux de ne plus avoir à s'éveiller et s'endormir entouré de ces fameux murs étouffants. Non, il avait dorénavant juste l'obligation de revenir régulièrement rendre visite aux médecins, infirmiers et autre personnel hospitalier qui avaient son cas en charge. Il avait d'ailleurs souvent changé lorsqu'il était en séjour permanent dans les parages. Il avait eu l'occasion de découvrir les visages de pas mal d'infirmiers, tout ça parce que certain(e)s ne parvenaient pas à supporter jusqu'au bout son comportement. Ses parents (ou plutôt sa mère) l'avaient réprimandé à ce sujet. Il devait être gentil, sympathique, courtois. Ces personnes étaient là pour l'aider, pas pour le brimer. Bien évidemment qu'ils étaient à ses côtés pour l'aider, ils y étaient forcés par leur métier. Mais Noeh savait que si la décision n'avait tenu qu'à chacun d'entre eux, délaissés de tout ordre hiérarchique et de conscience professionnelle, il aurait dû se débrouiller seul pour commencer à se remettre de son accident. Un long soupir s'échappa de ses lèvres. Sa main gauche était toujours serrée autour de sa béquille, comme s'il était prêt à se lever, à écouter le médecin lui adresser quelques mots avec un air un minimum concerné, puis à partir aussi sec. Il avait juste envie que ce rendez-vous quotidien passe de plus en plus vite jusqu'à disparaître pour de bon de son existence. L'étudiant ne supportait plus tous ces bruits, ces murmures sur son passage, ces conversations qui se stoppaient. L'hôpital était presque pour lui pire que lors d'une traversée de rue en ville. Chaque personne qui se trouvait à l'étage où il avait ordre de se rendre le connaissait et espérait ne pas avoir à croiser pour de bon sa route afin de s'occuper de lui. Relevant son visage tourné vers le sol en direction des autres patients installés sur les chaises plus ou moins proches, Noeh les observa sans plus de discrétion. Il se questionnait sur les raisons pour lesquels ces inconnus se retrouvaient dans la même triste situation que lui quand une porte s'ouvrit derrière lui et que son prénom et nom de famille résonnèrent dans la pièce. Ses épaules s’affaissèrent alors, signe premier de sa non-envie de se mettre debout, de claudiquer encore une fois et de suivre son infirmier attitré jusqu'à une salle d’auscultation, avant qu'il ne se résigne à adresser un visage fermé à l'infirmier Spiegelman, ou pour les « intimes » comme lui, Selwyn. Noeh hocha la tête avant d'appuyer de tout son poids sur sa béquille pour se relever de son siège le plus normalement possible. Le sourire immense que l'infirmier afficha ensuite manqua de lui faire lever les yeux au ciel. Il ne cesserait donc jamais de se comporter ainsi ? Pourquoi est-ce qu'il ne prenait pas la fuite, comme les autres ? Pourquoi s'acharnait-il à espérer le voir remonter cette espèce de pente morale qu'il était censé posséder alors que cette dernière s'avérait être inclinée vers le bas depuis son réveil ? L'infirmier était le dernier à avoir été contraint à s'occuper du jumeau Callahan avant que ce dernier ne quitte l'hôpital. Durant un moment bien plus long que ceux de tous les autres infirmiers réunis, Selwyn avait persévéré et continué à lui faire pratiquer sa rééducation au même titre que de vérifier ses constantes (ainsi que toutes les autres étapes dont il fallait se préoccuper mais qui n'était pas du rang de Noeh, qui s'en fichait royalement, en somme). L'étudiant avait donc été obligé, à son tour, de se faire à sa présence à ses côtés au quotidien. Désormais, il ne pouvait pas échapper à le revoir lorsque son rendez-vous régulier était programmé. Pénétrant dans la petite salle d'observation, l'étudiant n'eut pas à recevoir plus d'indications que cela et se dirigea d'instinct vers le lit qui trônait au centre de la pièce. L'habitude. Grimaçant alors que ses muscles se raidissaient pour l'aider à grimper sur son nouveau fauteuil blanc, les mots et questions de l'infirmier firent chemin jusqu'à lui. Une fois installé, sans plus aucun risque de se blesser en retombant bêtement, le jeune homme arqua un sourcil en direction de Selwyn. « Le docteur Oakley s'est surtout trouvé quelque chose de plus intéressant à faire que de s'occuper de ma pauvre carcasse. » Un sourire forcé passa sur son visage avant qu'il ne détourne ce dernier devant lui. Regarder ces murs impersonnels lui rappelaient de nombreux souvenirs. A son réveil, Noeh avait passé de longues minutes à rester inerte, dans l'attente d'une visite de sa jumelle ou de toute autre personne capable de détourner un instant son attention du silence oppressant qui envahissait son esprit lorsqu'il se retrouvait seul dans sa chambre d'hôpital. Cela lui rappelait trop son accident, la présence constante d'Adriel dans son esprit. Posant ses mains, plus ou moins correctement, de chaque côté de ses jambes immobiles, l'étudiant tenta de rester concentré sur le rendez-vous plutôt que de laisser son esprit divaguer vers des choses plus traumatisantes.  « A jeun, en train de crever la dalle et toujours incapable de marcher comme un grand. Comme la dernière fois, doc. » Noeh savait que ce n'était pas son métier, mais il aimait bien lui donner ce petit surnom. Enfin, il se décida à reporter toute sa maigre concentration en direction de Selwyn. Son visage se voulait toujours aussi sombre, ses remarques toujours aussi désagréables et son comportement toujours aussi déplorable. Toutefois, l'ancien joueur de piano ne savait plus vraiment comment se comporter autrement et, comme souvent, les personnes qui ne le méritaient pas enduraient comme tous les autres. Ses parents l'avaient à nouveau prévenu de bien se conduire aujourd'hui. Il essayait de faire de son mieux. Néanmoins, comme depuis un bon moment, essayer était synonyme d'échec chez Noeh Callahan. Observant les préparatifs de la batterie de tests possible qu'il allait devoir subir, le jeune homme ne put s'empêcher de secouer la tête. « Je pourrais être tenu au courant quand vous aurez décidé de m'avouer que c'est trop fichu pour moi, que mes parents arrêtent de débourser du fric pour rien ? », fit-il à l'intention de l'infirmier, l'air de rien.
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MessageSujet: Re: we'll try to fix you (noeh)   we'll try to fix you (noeh) Icon_minitimeJeu 2 Avr 2015 - 1:01

En voyant la mine patibulaire de Noeh Callahan, Selwyn se fit la réflexion qu'il aurait dû prendre davantage de biscuits de madame Reid, question de compenser les bonnes et les mauvaises choses de la vie d’infirmier. Noeh affichait son éternel air de mécontentement à la puissance dix; en voilà une session qui allait bien se dérouler. Ce n'était pas comme si Selwyn n'était pas habitué aux moues callahaniennes, mais, étant donné que leur dernière rencontre n'avait pas été trop terrible (pas trop terrible dans ce cas équivalait à wow, belle visite! ), il avait espéré retrouver son patient dans le même état d'esprit pas trop démoralisé. Mais non. Eh bien. D’accord. Life goes on, right? Certaines aptitudes étaient nécessaires pour survivre à la visite médicale de Noeh Callahan et l'une de plus utiles d'entre elles était probablement d'être imperméable à toute crique acerbe que lançait le patient. C'était vrai pour tous les résidents de l'hôpital, mais certains d'entre eux avaient le don de trouver la tonalité et les mots magiques pour vous atteindre droit au cœur. Et dans le cas de Noeh, il n'était pas toujours évident de ne pas prendre personnellement les plaintes, de se détacher entièrement de sa mauvaise humeur, de ses commentaires récurrents sur son incapacité à progresser. Selwyn s'occupait de lui depuis quelques semaines déjà, et ce laps de temps avait suffi à installer entre les deux jeunes hommes (assez proche en termes d'âge, qui plus est) un certain lien, du moins du côté de l'infirmier. Il était difficile parfois de ne pas se sentir responsable des difficultés éprouvées par Noeh, de ne pas s'interroger sur ses propres compétences médicales, de ne pas prendre le blâme de son caractère bien trempé — il se devait de réussir à s'en détacher suffisamment pour ne pas être affecté tout en restant assez soucieux de son bien-être pour s'en occuper avec empathie. Et dans le cas d'un Noeh qui était capable de vous rabrouer en trois secondes malgré toute votre bonne volonté de l'aider, le détachement était la clef du succès de l'entreprise rétablissement. Ça et l'ironie.

« Le docteur Oakley s'est surtout trouvé quelque chose de plus intéressant à faire que de s'occuper de ma pauvre carcasse. » Ne pas lever les yeux au ciel, ne paaas les lever. Trop occupé à empêcher le mouvement de ses globes oculaires, Selwyn ne put retenir l'étirement du coin de sa lèvre gauche : il fallait avouer que le jeune Callahan ne manquait jamais d'originalité lorsqu'il était question de se trouver une autre source d'apitoiement. Ses propos étaient exaspérants, mais d'une drôlerie toujours renouvelée, et on ne s'ennuyait que très rarement avec Noeh. Oh, on s'irritait intérieurement. Beaucoup. Beaucoup trop. Au point que les meilleurs médicaments contre les brûlures d'estomac se révélaient inefficaces. Mais lorsqu'on réussissait à apprécier le sarcasme du blessé, la session de réadaptation était nettement plus agréable. « Je ne voulais pas te le dire aussi crûment; me voilà ravi que tu aies constaté par toi-même que le docteur Oakley néglige ses patients quand l'envie lui prend, faisant une grave entorse au code de déontologie. » L'ironie salvatrice, seule façon de répliquer au garçon et de contenir ses piques. Certes, c'était le moyen d'expression le moins recommandé dans le milieu hospitalier pour certaines raisons évidentes (installez un lien de confiance! soyez souriants! soyez leur ami! ils n'ont que vous dans ce grand bâtiment aux murs verdâtres peu réconfortants! soyez sympathiques! ), mais l'humour avait été la seule façon que Selwyn avait trouvée pour rester au moins plus de trente secondes en compagnie de Noeh Callahan. Ce dernier était hermétique à tout ce qui relevait de la bienveillance et de la douceur. En fait, il était plus qu'hermétique : les meilleures intentions et les plus beaux sourires le rebutaient, et chaque mauvais pas de gentillesse les ramenait à la case zéro. Ainsi, parler le sarcasme, ou la langue maternelle de Noeh, était primordial. Traiter Noeh d'égal à égal, ne pas le réduire à un pauvre gamin handicapé (ce qu'il n'était pas, de toute façon, malgré ce qu'en pensaient des infirmières plus vieilles qui avaient la fâcheuse manie de s'épancher sur le fait que son accident était d'une horreur! une vraie tragédie! un si jeune homme! si beau en plus! — il ne manquait plus que le chœur grec larmoyant pour compléter ce tableau pathétique). User donc de sarcasme, certes, mais avec intelligence et toujours avec le sourire, sans jamais être condescendant, était la base du kit de survie au passage Callahan, l'un des patients les plus aigres que l'infirmier n'avait jamais traités. (Sa carrière n'en était qu'à ses débuts, je vous le cède, et il allait voir pire, bien pire, en gériatrie, où résidaient de vraies 'pauvres carcasses', branche de la médecine qu'il supportera de peine et de misère pendant neuf longs mois, mais je divague.) « A jeun, en train de crever la dalle et toujours incapable de marcher comme un grand. Comme la dernière fois, doc. »  Et surtout, ne pas lever les yeux au ciel, ne paaas les lever. Noeh qui jouait encore et toujours au petit malin à l'appeler 'docteur', bien que Selwyn n'ait jamais détenu le titre officiel. Il ne l'avait jamais corrigé, peut-être parce qu'il aimait bien, au fond, être interpellé de cette manière, être interpellé par ce qualificatif dont il avait tant rêvé. Il laissa passer la remarque sur son incapacité à marcher comme avant, comme un grand;  il lui avait suffisamment réitéré que sa réhabilitation nécessitait du temps et de la motivation pour lui redire que c'était normal qu'il ne puisse pas encore marcher. Son empathie n'avait comme limite que sa lassitude à se répéter. Là où une vieille choriste grecque aurait réconforté le patient (Il ne faut pas dire cela, voyons! Tu n'es pas incapable, tu éprouves des difficultés, nuance. Patience! ), Selwyn préférait garder le silence et il griffonna quelques mots sur l'état de Noeh, les mêmes mots par lesquels commençaient la majorité de ses rapports, c'est-à-dire humeur exécrable, pas de changement, puis s'approcha du patient pour faire la prise de sang. À quelques gouttes de la fin, Noeh  le divertit à nouveau : « Je pourrais être tenu au courant quand vous aurez décidé de m'avouer que c'est trop fichu pour moi, que mes parents arrêtent de débourser du fric pour rien? » Classique Noeh. Et ne pas oublier de ne pas lever les yeux au ciel, ne paaas les lever. Il faudrait bien qu'il crée une liste des meilleures piques qu'il lançait, un de ces quatre; il y en avait tant que Selwyn les oubliait. « Il n'y a rien de trop fichu. À moins que tu n'ailles attrapé la gangrène récemment, il y a toujours de l'avenir pour ta jambe. » Oui, Selwyn  était décidément mieux dans un hôpital que sur une scène à donner un spectacle humoristique. Il retira délicatement l’aiguille et appliqua une petite gaze sur la lésion minuscule. « S'il n'y avait vraiment aucun espoir, je nous aurais déjà épargné beaucoup de rencontres et de perte de temps, tu ne penses pas? » Il inspecta le contenu de la fiole de sang à la lumière, sans y déceler quoi que ce soit d'anormal (sang plus foncé, trop pâle, trop épais... non, tout avait l'air beau mais seules les analyses en laboratoire le confirmeraient). « Après, si toi, tu penses que c'est fichu et que ça ne sert à rien de persévérer, c'est une autre affaire. Il me semble t'avoir déjà dit que tu étais un homme libre et que personne ne te forçait à guérir. » Parfois (très souvent à vrai dire), Selwyn  se demandait sérieusement comment animer la flamme de la motivation chez son patient.  « Mais ça serait bien dommage de s'arrêter maintenant, quand tu ne fais que commencer à t'accoutumer à ton nouveau corps. As-tu fait les exercices que t'a donnés la physiothérapeute? » lui demanda-t-il. Les exercices très basiques étaient supposés l'aider à reprendre contrôle sur ses membres corporels rebelles, pour autant qu'il les effectuait chaque jour, ce dont Selwyn doutait. Il enchaînait l'examen de routine avec un autre petit test (que je serais bien embêtée de vous raconter pour cause d'ignorance totale en la matière et ce sera à votre imagination fertile d'imaginer ce qu'il vous plaira).
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Noeh Callahan
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MessageSujet: Re: we'll try to fix you (noeh)   we'll try to fix you (noeh) Icon_minitimeSam 4 Avr 2015 - 19:20

Observant l'infirmier faire le contrôle de son sang au revers de la lumière de la pièce, Noeh se retint de pousser un soupir. C'était ridicule. A quoi bon faire toutes ces analyses inutiles ? Ce n'était pas ça qui allait l'aider à récupérer l'usage normal de sa jambe et de sa main droite. « J'en sais rien, si vous avez envie de vous offrir le téléphone dernier cri et que vous avez besoin de pas mal de fric pour ça, je suis le candidat idéal pour les rendez-vous démultipliés. » Alors, il allait lui avouer, Selwyn, que l'hôpital le faisait toujours revenir dans ses locaux sacrés pour cette seule et unique raison ? Callahan détestait qu'on se fiche de lui, depuis toujours ; malheureusement, c'était exactement l'impression que chacune des personnes qui travaillaient ici lui donnait. Par chance, l'infirmier Spiegelman était bien le seul qu'il appréciait un tant soit peu. Lorsque la question sur les fameux exercices lui parvint, comme à chaque fois qu'ils avaient rendez-vous, il ne se priva pas de lever les yeux au ciel, poussière de l'adolescent revêche qu'il avait été quelques années plus tôt. « Ouais, je les fais. » Bon, ce n'était pas tout à fait le cas, du moins pas de façon aussi régulière qu'il était supposé s'appliquer à les travailler, mais c'était le cas. Le jumeau Callahan se forçait à souffrir avec pour unique motivation s'imaginer un jour pouvoir marcher sans cette béquille sur le sol afin de s'avancer tout seul vers un piano et d'en jouer, des heures et des heures sans s'arrêter. C'était la seule chose qui lui passait par la tête dès qu'il envisageait sa guérison alors qu'il se mettait à pratiquer les exercices de rééducation les uns après les autres. Néanmoins, le constat semblait être toujours le même à ses yeux. Le problème avec Selwyn, c'était qu'il commençait à le connaître, peut-être même un peu trop. Ce fut cette pensée qui traversa l'esprit de l'étudiant alors qu'il apercevait le regard que lui jetait l'infirmier tout en s'affairant à préparer le prochain test de santé. « Il peut m'arriver de les oublier une ou deux fois par semaine, mais je les fais », rectifia-t-il d'une voix boudeuse. Son regard dévia sur le petit pansement qui ornait dorénavant son bras. On trouvait toujours la veine qui convenait de ce côté ; pas besoin de chercher trop longtemps. Puis, de toute façon, sa peau blanche permettait une lisibilité plus que satisfaisante des différentes routes entreprises par son sang. La même interrogation revenait alors dans la tête du jumeau Callahan : si c'était si facile de trouver ce genre de choses, pourquoi on ne réussissait pas à redonner à son corps son état normal ? Pourquoi ça paraissait si difficile ? Noeh connaissait la réponse au fond de lui ; on ne pouvait pas tout réparer aussi vite, personne n'était magicien dans les hôpitaux, ce n'était pas si simple. A croire que tout était compliqué lorsqu'on se retrouvait dans son état, alors que ce qui était véritablement complexe à endurer était le fait de voir l'impuissance des autres à nous aider. Callahan ne pouvait pas le faire lui-même, il devait attendre que les autres, ceux censés l'aider, parviennent à mettre le doigt sur ce qui clochait pour enfin lui apporter une solution. Ce sentiment d'incapacité à se débrouiller seul, à être aussi autonome qu'avant, était une chose qu'il ne surmonterait sans doute jamais. Secouant la tête, Noeh se concentra de nouveau sur l'infirmier. « Même si je doute de leur efficacité. Ou même de l'efficacité de cette femme. Soit-dit entre nous, c'est une idiote. Et si ce n'est pas vous qui avez besoin du dernier iPhone, alors c'est cette bonne femme sans aucun doute. » Un sourire forcé grimpa sur ses lèvres avant de s'évader tout aussi vite. C'était désormais ainsi avec lui : on apercevait que des bribes d'émotions positives, en supposant qu'elles soient pour une fois sincères. « Ne lui répétez pas ce que j'ai dit, ce serait trop bête. » Haussant les épaules, l'étudiant observa son interlocuteur s'approcher avec un tensiomètre à la main. Le bruit du scratch lui intima de soulever son bras, de le tendre et de patienter jusqu'à ce qu'il ait terminé de compresser son muscle. Noeh détestait tous ces tests. Son regard vint se perdre dans le vide. Il n'avait pas envie de s'observer réduit à passer des examens, des tests et des vérifications encore une fois. De même, sa légère nervosité dût à son agacement de se retrouver encore une fois entre les quatre murs de cet hôpital commençait à se ressentir au niveau de sa main droite, qu'il fût obligé de venir déposer délicatement contre sa cuisse pour essayer de la changer un peu de position et que les lancements ne débutent pas leur mélodie douloureusement vive. « J'ai pas envie de m'habituer à ce nouveau corps. Qui aurait envie de s'habituer à ça ? » L'étudiant songeait à ce que l'infirmier avait dit un peu plus tôt.  Ses prunelles quittèrent un instant sa main figée pour s'élever vers le visage de Selwyn. Le geste n'avait duré qu'un instant mais on avait pu lire l'impuissance au creux de ce dernier. « Je peux plus me servir de ma main et les exercices que l'autre me donne n'ont aucun effet. » Décidément, la médecin avait bien de la chance de ne pas se trouver dans les parages (que ce soit pour le moment ou non), car le jumeau Callahan aurait donné beaucoup pour pouvoir lui dire encore une fois qu'elle ne servait à rien. Son visage bougea légèrement de haut en bas, sans cesser d'observer ses doigts recroquevillés, comme si l'espoir de les voir s'animer tout d'un coup refaisait surface. « Je pense que c'est fichu. Mais il paraît qu'un Callahan n'abandonne pas. » C'était ce qui se lisait dans les yeux de sa famille. Eux, ils ne lâchaient jamais rien. Son père, sa mère, son frère, sa jumelle. Ils n'étaient pas connus pour laisser tomber avant d'avoir tout essayé. Toutefois, Noeh avait le sentiment que tout était parti en fumée le jour où il était passé par cette fenêtre. Qui pouvait réellement se relever après ça ? Peut-être pas lui, après tout. Malgré le fait qu'il porte le nom de famille d'une lignée de chasseurs, d'hommes et de femmes qui étaient reconnus dans le métier comme des personnes sans limites et prêtes à beaucoup pour se sortir des pires moments, il n'en était sans doute pas digne et ne le serait jamais. Avant l'accident, être celui qui n'était pas comme les autres ne le dérangeait pas. L'ancien joueur de piano n'avait jamais eu la prétention de dire qu'il voulait devenir comme ses parents ou prendre le même chemin que Salomé. Pourtant, désormais, prendre conscience qu'il avait été manipulé par un mutant et réduit à l'état de vulgaire pantin changeait la donne. Être celui qui serait l'exception des Callahan n'était plus ce qu'il voulait être. « Ce que j'aimerais, c'est juste pouvoir récupérer ma main. Ma foutue main. » Noeh détourna prestement le regard de cette dernière. Il retira avec une énergie nouvelle et surprenante son bras du tensiomètre lorsque Selwyn en eut fini avec, la frustration se lisant sur ses traits et se devinant au creux de son palpitant emballé. « Mais malheureusement c'est pas avec l'incompétente qu'on m'a collé aux basques que je vais y arriver », s'agaça-t-il, tout en se penchant sur le côté pour tenter de deviner s'il restait encore beaucoup de choses à subir avant que le médecin ne daigne se pointer à la porte.
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