i. que pensez-vous du mouvement terroriste des hunters ?
ce mouvement est quand même foutrement bizarre. pourquoi voulez-vous chasser des gens qui nous ressemblent? non mais surtout, comment arrivez vous à attaquer des gens qui sont constitués des mêmes choses que vous? comment pouvez vous chasser des Hommes? bientôt on va se manger entre nous, tant qu'on y est. je trouve ça stupide, et immature. comme si on ne pouvait pas vivre tous ensembles. ils ne nous ont rien fait, ne leur faisons rien.

  ii. êtes-vous effrayée par l'apparition des transmutants dans la société ?
pas du tout. je trouve que c'est bien qu'ils s'affirment. ce sont des êtres humains après tout. eux aussi, respirent, marchent. ils ont un squelette, ont du sang. ils nous ressemblent. nous sommes comme eux, à quelques détails près, évidemment ! je les aime bien. ils ont ce je ne sais quoi de fascinants, qui vous donne envie de les regarder pendant des heures, pas comme des bêtes de foire mais plutôt comme des œuvres d'art.

iii. avez-vous déjà fréquenté des mutants ?
pas vraiment. à croire que je suis trop timide pour ça. j'trouverais ça bizarre de me rapprocher de quelqu'un uniquement parce qu'il est mutant. certes j'en ai déjà vu plus d'un, je les ai observé sagement, de loin. j'avoue que j'suis à la fois fasciné et effrayé. j'me sens comme un gosse qui voit quelque chose de magnifique et qui hésite entre foncer dessus ou rester loin pour profiter le plus longtemps possible de son apparence.

iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
aucune idée. franchement vous savez, la politique je m'en fiche un peu. si il a été élu c'est que la plupart des gens le voulaient au pouvoir, j'suppose que c'est comme ça que ça marche. après, on sait tous que l'être humain est un éternel insatisfait, peut-être qu'ils changeront d'avis et regrettent qu'il soit au pouvoir. moi je m'en fiche un peu, j'laisse faire les choses.

Y a un dicton qui dit qu'on choisit pas sa famille. C'est pas faux. On ne choisit pas vraiment qui seront nos parents ni même ce qu'ils ont été lorsqu'ils étaient gosses, adolescents. On ne peut pas non plus affirmer que leurs méfaits ont été rattrapés dans leur vie d'adulte. On ne choisit pas qui nous met au monde.  T'as grandi ici. Dans cette sublime ville. Ton père s'est barré quand t'es né. Probablement parce que ce n'était pas un bon père et qu'il aurait été incapable de prendre soin de toi. Peut-être aussi parce qu'il ne t'aimait pas, ou qu'il n'aimait pas ta mère. Elle, elle ne t'a jamais rien dit à son sujet. Tu sais même pas le métier qu'il exerçait. Elle se plaisait à te dire qu'il était militaire, ça expliquait qu'il se soit tiré aussi vite. Ta mère a toujours été un exemple à suivre pour toi. Du moins, quand t'étais gosse. Elle représentait l'archétype même de la femme forte, qui n'abandonne jamais et qui surtout, ne pleure jamais devant son enfant. Elle ne cherchera jamais à lui montrer ses faiblesses. Elle t'a une fois raconté que dans sa jeunesse, elle était la fille que tous les hommes voulaient. Pourtant, c'est un idiot finit qui avait dérobé son coeur et elle n'y pouvait rien. Mais plus t'as grandi, plus elle s'affaiblissait et ses failles glissaient lentement à ta vue. Bientôt les bouteilles s'entassaient dans le salon et les sourires se transformaient en crise d'angoisse.

Sinon t'as eu une enfance plutôt cool. T'étais comme tous les gosses. T'as toujours été comme tous les gosses. Tu jouais au lacrosse, parce que t'étais nul en football. T'étais pas non plus forcément un as, mais tu te débrouillais plutôt bien. A l'école, tu te débrouillais du mieux que tu pouvais. T'es dyslexique, du coup ça a pas rendu la tache facile. Les profs étaient généralement gentils avec toi et cherchaient la plupart du temps à t'aider. T'as évidemment jamais eu les moyens d'aller dans une école privée. L'école public était la seule solution et ça ne te dérangeais pas. Tu te faisais pas mal de potes, t'étais jamais tout seul. A la maison t'étais chouchouté. Du moins, autant que ta mère pouvait se le permettre. Elle n'était pas souvent là. T'es devenu rapidement indépendant, n'ayant pas vraiment le choix. Les rôles s'inversaient parfois. Tu étais le parent et elle l'enfant. Tu lui faisais à manger, tu t'occupais d'elle.

Petit à petit tu as vu la société accepter les mutants. Tu les as observé, tu as cherché à les comprendre et finalement t'as abandonné. Bientôt tu te retrouvais presque jaloux de leurs dons. Toi, t'étais juste cet ado dyslexique, tu ne pouvais pas voler, te transformer en telle ou telle personne. Certes, tu ne pouvais pas être comme eux, avoir leurs capacités mais t'étais comme eux, au fond. T'étais un gosse rêveur, c'était probablement ce qui vous rapprochez le plus. Tu n'étais qu'une petite personne dans l'immensité de la ville.

Ta mère continuait de s'éloigner de toi. Elle avait des aventures la plupart des soirs. Elle sortait beaucoup et ne revenait jamais sobre dans la maison familiale. Ses traits étaient tirés par le dégoût et la tristesse et pourtant elle continuait, inlassablement.  Un de ses mecs décida un soir que t'avais rien à faire ici. T'étais l'homme de trop dans la maison. Alors il t'a foutu dehors et ta mère n'y pouvait rien. Elle, elle acceptait tout pourvu que sa solitude était atténuée. Bientôt, la rue devenait ton nouveau chez toi, vivant dans ta bagnole que t'avais réussi à piquer avant qu'on ne t'empêche de l'approcher.

C'est à ce moment là que t'as commencé à bosser à l'hôpital. Tu passais la plupart de ton temps là bas. Il faisait chaud, les gens étaient accueillants et attentifs. Tu t'es attaché à la plupart des gens ici, même aux patients que tu ne connaissais absolument pas. T'étais le gosse qui remontait le moral aux malades et tu te baladais un peu partout. Le patron n'appréciait pas vraiment ça. L'idée d'avoir des rôdeurs dans son hôpital c'était pas ça. Alors il te proposa de bosser ici, bénévolement. T'as pas hésité une seconde. C'était y a pas si longtemps, t'avais à peine 18 ans. Ca a duré quelques mois. Puis ta mère a viré son pseudo amoureux et t'a repris. Tu lui manquais qu'elle te disait. T'en sais rien. Mais en tout cas t'étais foutrement content d'avoir un endroit où vivre normalement. Même si tu continues de bosser bénévolement t'as commencé des études de cinématographie. C'est le seul domaine qui t’intéressait et il faut bien bosser pour pouvoir gagner sa vie ensuite.

Tu comptes pas rester à Radcliff. C'est une jolie ville mais elle est étouffante. T'as besoin d'air. T'as besoin d'une grande ville. Pourquoi pas partir à Hollywood? T'as aucune attache, t'es lié à la liberté.