i. que pensez-vous du mouvement terroriste des hunters ?
Ce sont des gens extrêmes, ignorants, étroits d’esprit et dangereux. L’apparition de ce groupuscule notoire était inévitable mais demeure malgré tout regrettable. Philip les hait de cette haine que seuls connaissent ceux qui ont perdu un enfant, unique de surcroît, trop tôt. Il fera tout pour les détruire et pour construire la société égalitaire et juste que David aurait mérité. Et le premier pas de cette utopie est naturellement l’annihilation de ce groupe de fous obsédés par leur religion et ce qu’ils pensent correspondre à leur idéal monstrueux de justice.
ii. êtes-vous effrayée par l'apparition des transmutants dans la société ?
Peur ? Pourquoi aurait-il eu peur de David, cet angélique enfant incapable de blesser qui que ce soit ? Philip se doute bien que tous les mutants ne sont pas des enfants de chœur prêt à tout pour aider leur prochain. Beaucoup ont peur de leur pouvoir. C’est vrai que savoir qu’un personne pourrait vous tuer d’un battement d’œil a quelque chose d’inquiétant, mais aussi quelque chose d’esthétique. Au fond, un homme armé vous abat d’une balle et c’est la même chose. Les humains ont toujours eu peur de ce sui était différent et incompréhensible. Philip ne faisait pas partie de cette plèbe-là. Au contraire, l’étrange, le puissant et l’énigmatique le fascinaient au plus moins. Non dans le sens génétique, il n’avait rien d’un scientifique, mais dans le sens philosophique.
iii. Avez-vous déjà fréquenté des mutants ?
Bien sûr que Philip a déjà fréquenté des mutants, et même de très près. Son fils unique, David, était un mutant, un jeune homme timide et rêveur qui voulait devenir poète, étudiant en art. Il a malheureusement été abattu il y a un peu plus d’un an par des hunters. Un meurtre d’une extrême brutalité, David était à peine reconnaissable. Philip avait tout fait pour le protéger, user de toute son influence mais la haine grandissante et la crainte des mutants a fini par avoir raison du jeune homme. Depuis Edward essaie discrètement de se rapprocher de mutants actifs qui pourraient l’aider à se venger.
iv. Que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
Thaddeus Lancaster a tout l’air d’appartenir à une famille d’aristocrate anglais dont une branche a déménagé en Amérique, les points communs s’arrêtent ici. Avec son prénom pour le moins pompeux, son balai profondément enfoncé dans le fondement et sa haine vindicative des mutants, autant dire que Philip ne le porte pas vraiment dans son cœur. Il craint vaut mieux une nouvelle ségrégation, au pire un massacre réalisé avec la complicité des pouvoirs publics.

L’Angleterre était ce pays qui semblait, malgré un certain avant-gardisme dans le style sans doute, avoir gardé certaines mœurs un peu vieillottes. L’une des celles qui avait toujours paru les plus étrange à Philip, cela depuis sa plus tendre enfance, était l’admiration sans borne allouée à ses vieilles idoles qu’étaient les familles nobles du pays. Pensée incongrue lorsque l’on savait que Philip avait l’honneur et l’avantage de porter le titre de courtoisie de Lord Cavendish. Pas duc, il n’était que le troisième fils de ses richissimes parents, Georges et Elizabeth Cavendish. Il faisait donc parti d’une des familles les plus puissantes de la Grande-Bretagne, et aurait pu avoir pu avoir une carrière politique toute tracée. Il aurait pu devenir un vaillant MP sans même avoir à se fatiguer, comme l’était devenu son aîné Thomas. Il aurait pu peut-être devenir professeur de physique à Oxford, comme le faisait actuellement son autre aîné Frederick, mais il avait toujours eu une sainte horreur des sciences et de tout ce qui se rapprochait de l’enseignement en général.

George et Elizabeth Cavendish avait toujours su que Philip n’allait surement pas mener une vie rangée. Un garçon qui portait des chaussettes dépareillées et des vêtements jaune poussin ne pouvait se ranger. A vrai dire, ils étaient même persuadés, dès que leur fils eut cinq ans, qu’il avait des tendances homosexuelles, ce qui n’avait rien de particulièrement joyeux dans les années 50. Ce fut donc un certain soulagement lorsque Philip s’enfuit dès l’âge de 20 ans avec une texane délurée aux Etats-Unis, ce qui permettait d’entrevoir la possibilité d’héritiers et de plus créait une certaine distance géographique qui convenait parfaitement aux Cavendish.

Il avait toujours voulu son American dream personnel, une virée dans la folie d’un pays neuf qui n’était pas enlisé dans une tradition pesante et séculaire comme c’était le cas dans sa famille. Bon, il fallait reconnaître que ce n’était aussi progressiste qu’il l’avait imaginé. Les texans avaient un accent incompréhensible, un amour incompréhensible pour les armes et un léger relent de racisme rance. Et il avait du mal avec la famille de Rachel. Premier divorce.

Suite à cela, Philip mena une vie dissolue durant de longues années, comme n’importe quel ado se retrouvant libre comme l’air. Il parvint tout de même à avoir un diplôme d’art et de bonnes connections dans le milieu. Mais au lieu de pratiquer dans l’immédiat sa passion, il se contenta dans un premier temps d’exercer des petits boulots diverses et d’enchaîner les conquêtes. Ce fut une époque de liberté complète et d’expériences en tous genres, mais aussi de totale perte d’identité et de tentative avortée pour trouver un véritable sens à son existence.

L’occasion de se poser survint quand son grand-père, Henry Cavendish, malheureusement décéda à l’âge de 98 ans. Il fut renversé par un bus lors de son footing matinal. Oui, Henry Cavendish était sans doute destiné à atteindre les 120 ans avant de mourir éventuellement, de manière naturelle. Il n’empêche qu’il laissa un coquet héritage à chaque membre de sa famille, ce qui permis à Philip de rebondir un bon coup en achetant sa première galerie, dans un coin agréable appelé Radcliff. Il peut parfois paraître étrange à quel point, après s’être longtemps perdu, tout semblait nous sourire dans la même période.

Pour ouvrir sa galerie, il avait naturellement besoin de personnel compétent. A la même période, Lisa Bateman, rentrait à Radcliff, sa ville d’origine, afin de rester avec sa mère atteinte d’un cancer. Lisa avait notamment suivi des études dans la prestigieuse université de Brown et avait travaillé dans la communication de plusieurs musées new-yorkais. Lisa était plutôt belle, passionnée, et avait un sens de l’humour très ironique, ce qui faisait d’elle la femme idéale, selon Philip. Ils se marièrent assez vite et formaient un couple remarquablement harmonieux.

David naquit deux ans plus tard et était de loin la chose la plus merveilleuse sur la planète. Une bouille ronde et blonde avec d’adorables yeux clairs, et qui semblait toujours gazouiller au lieu de pleurer. Mais apparemment le ciel n’était pas particulièrement fan des « heureux pour toujours » et du bonheur complet. Lisa avait développé, tout comme sa mère, un cancer, pas du genre bénin. Le vrai cancer dont on souffre des mois et dont on ne se remet pas. Lisa mourut épuisée et amaigrie après quelques mois, David avait un peu plus d’un an. Philip ne préfère pas se souvenir de cette sombre période.
Comme toute personne normalement constituée, il dirigea toute son affection envers son unique enfant, voulant toujours le meilleur pour lui. David était un gamin un peu maladif, pas très solide, toujours dans la lune et assez timide, fragile. Il n’était pas très apprécié de ses camarades, mais il était doté depuis très tôt d’une certaine intelligence.

Philip a un souvenir très vague du moment où il s’est aperçu que son fils était différent. Vraiment différent, pas seulement un peu moins intégré que les autres garçons de son âge, moins agité… Peut-être quand il s’était aperçu que David répétait à la perfection les dialogues des films qu’il regardait, qu’il était capable de retenir parfaitement une plaque d’immatriculation (et bien plus tard un bon millier de décimales de Pi) ou de reproduire à la perfection n’importe quel dessin, aussi complexe soit-il. David était doté d’une forme d’hypermnésie qui lui permettait de reproduire à loisirs tout ce qu’il voyait ou entendait.  

Il existait des hypermnésies naturelles, mais pour David cela atteignait un tel degré que dès que les mutants, ou transmutants, avaient révélé leur existence à l’humanité, David a de lui-même décidé de vérifier ce qu’il en était. Il était donc bien possesseur du génome. Mais cette révélation lui couta bien chère puisque quelques mois plus tard, il fut sauvagement torturé et abattu par ce groupe extrémiste agressif qui se nommait les hunters et qui commençait tout juste à prendre de l’ampleur aux yeux de l'humanité.

Il est extrêmement difficile de mettre les mots sur une douleur aussi viscérale que celle de la perte d’un enfant. D’autant lorsque l’on savait que notre chair avait subi des sévices innommables avant de finalement rendre l’âme. On ne peut pas dire que Philip soit excessivement sorti l'année qui suivit la mort de David. Il avait eu tendance à éviter les rencontres compatissantes et pleines de bonnes intentions incapables de ressentir la même chose que lui, et qui ne lui apportaient aucun réconfort, au contraire.

Aujourd'hui, Philip a repris quasiment le cours de sa vie. Il ne pouvait décemment pas rester enfermé en attendant la mort. Il y avait des évènements qui continuaient d'avoir lieu et qui méritaient son attention. Surtout depuis que Lancaster avait surgi de nulle part et menaçait encore plus l'équilibre que jamais.