i. que pensez-vous du mouvement terroriste des hunters ?
Il est évident que terroriste est le mot. Et encore, il est faible. Pour Judicaël, ces salopards sont proprement en train de perpétuer des crimes raciaux, immoraux, et absolument condamnables. Laisser les Hunters continuer leurs crimes, c'est laisser un crime contre l'humanité avoir lieu en cet instant même. Aussi, Jude a décidé de s'opposer fermement aux Hunters, n'hésitant pas à utiliser les même armes qu'eux pour protéger ceux qu'il considère comme innocents, à savoir, les Transmutants. Il n'aura aucun scrupule à blesser, voire tuer un Hunter. Il regrettera d'avoir pris une vie humaine, mais saura qu'il en aura protéger bien d'autres. Il ne se fait pas un plaisir de s'opposer à ces gens, c'est plutôt une nécessité. Un devoir moral même s'il implique de se salir les mains aussi. Personne ne peut rester tout noir ou tout blanc dans une guerre, non ?

ii. êtes-vous effrayée par l'apparition des transmutants dans la société ?
Pas le moins du monde. La peur n'a jamais été un sentiment qu'il a ressenti face aux transmutants. D'abord, il a été curieux, il voulait en savoir plus, en connaître toujours d'avantage sur ce qui les rendait si unique. Puis, il est tombé amoureux d'eux. Il leur voue un amour sans faille, il les soutient. Il les envie un peu d'avoir cette chose en eux qui les rend si unique, mais jamais bien longtemps. Il n'est pas naïf pour autant, il sait que certains ont des pouvoirs violents qu'ils ne contrôlent pas ou dont ils abusent, mais cela n'est pas lié à leur condition, seulement à l'espèce humaine. Il pense qu'il est nécessaire d'aider ceux qui ont des pouvoirs qui les dépassent, et de laisser en paix ceux qui ne font rien de mal. Pour les criminels... Ils doivent logiquement être jugés comme tout citoyen si les méfaits sont assumés et volontaires.

iii. avez-vous déjà fréquenté des mutants ?
S'il le pouvait, il ne fréquenterait qu'eux parce qu'ils ouvrent l'esprit sur un monde nouveau. Mais il ne peut pas se permettre une telle discrimination, cependant, il a fréquenté de nombreux transmutants. Beaucoup parce qu'il les a aidé, soigné, ou hébergé momentanément. Il est connu dans le réseau transmutant comme un humain bienveillant. Il en a aussi connu quelques uns de façon plus intime. Sa première petite amie était mutante. Il n'a sans doute jamais cessé de l'aimer. Nul doute qu'il aura toujours tendance à se sentir protecteur vis-à-vis de n'importe quel transmutant qui frappera à sa porte.

iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
Lancaster ? Vous voulez vraiment mettre Judicaël en colère, c'est ça ? Cette élection a juste fait explosé de rage Jude. Il ne comprend même pas qu'un être aussi abject puisse récolter des voix. S'il n'avait pas été impliqué dans le Réseau, il aurait sans doute été le premier à lancer des œufs à la tronche de ce fasciste. Il n'a personnellement jamais été pour son élection et ne le sera jamais. Il ne compte pas le laisser appliquer ses méthodes digne d'un nazi. Faire passer des tester, ficher puis exterminer, c'est ça ? Dans tes rêves salopard. Si tu veux les tuer, faudra me passer sur le corps !

Détroit fut la ville qui entendit son premier cri. Cette ville le connut anonyme avant que sa mère ne murmure son prénom « Judicaël ». Troisième enfant d'une fratrie qui deviendrait par la suite un peu plus grande, Jude comme on le surnommait par commodité, était le deuxième garçon de la famille. Un enfant attendu et désiré. La famille n'était pourtant pas des plus aisées, mais elle était unie et décidée à offrir au monde de charmantes têtes blondes. Optimiste, elle croyait l'avenir la famille Gaiman, parce qu'il faut toujours croire au meilleur pour échapper au pire, et surtout résister aux idées que l'on veut nous imposer. Fils d'ouvriers, il grandit dans une maison un peu trop petite pour la fratrie. L'été souvent, il aidait dès son plus jeune âge son père à réparer leur toit, leur bout de bonheur dans cette ville qui commençait son lent déclin.

Le reste du temps, Jude brillait par son esprit. Il était de loin le plus intelligent des enfants de la famille. Il ne devait pas décevoir. Il était peut-être le seul à qui l'on pourrait payer des études, le seul qui décrocherait peut-être une bourse. On avait beaucoup d'attentes, mais surtout beaucoup de fierté . La famille arrêta de s'agrandir quand il eut huit ans. Au grand complet, ses frères et sœurs s'appelaient donc : Ryan, Jane, Calixte, et Ismaël. Il était heureux d'avoir autant de compagnons, même s'il devait pour cela partager sa chambre et veiller sur les plus jeunes. Tout le monde mettait la main à la patte, on se serraient la ceinture, et on était heureux. Tout simplement.

Judicaël continua de briller dans ses études, mais s'illustrait aussi en natation. Il avait compris que l'esprit seul n'était rien et qu'il se devait d'entretenir son corps. Son adolescence ne fut pas tumultueuse, du moins, pas au début. Il resta le garçon serviable et courtois. Et puis, il y eu Lohan. Elle percuta son univers. Elle et son charme inqualifiable. Elle et ses idées révolutionnaires. Il fut d'abord intimidé par ce qu'il ressentait pour elle. C'était si fort. Et puis, il fit le premier pas. Elle fit tout les autres. Ils se fichaient du monde puisqu'ils étaient ensemble. Ils pouvaient tout combattre. Ils étaient fait l'un pour l'autre. Rien ne pouvait les séparer. Pas même sa mutation. Au contraire, Jude trouva cela tellement beau quand il apprit. Il ne se doutait pas que d'autres trouveraient cela monstrueux. Judicaël avait dix-huit ans quand Lohan disparut sans laisser de traces. Sans un mot. Rien.

C'est peut-être extrême mais sans elle, il crut mourir. Il hurlait dans la nuit, réveillant sa famille entière. On lui avait retiré une partie de lui-même. Il savait que sans elle, il serait toujours un peu brisé, un peu bancale. Mais il releva la tête, il la sortit de l'eau. Il n'était pas le meilleur nageur du Michigan pour rien. Il ne pouvait pas se noyer. Il allait se battre pour la retrouver. Il débuta ses études de médecine à la Ivy League de New York, avec une bourse d'étude importante. Il se devait d'être brillant. Il commença aussi à fréquenter des groupuscules de personnes abordant la question de la mutation d'un œil positif. Il n'était pas forcément très nombreux à cet époque. Peu ayant connaissance du phénomène. Il comprit aussi que Lohan l'avait sans doute quitté contre son grès. Il espérait encore la revoir vivante mais chaque jour amenuisait cette chance.

Les années passèrent. Il garda le cap. Il fut toujours premier de ses promotions. Il aurait pu aller vers n'importe quelle spécialité médicale. Il choisit de rester vers le général, il voulait restait au contact des patients, être le premier contact. Il choisit les urgences. L'adrénaline, la joie, la frustration devinrent son pain quotidien. Il était brillant, mais ne supportait pas l'échec malgré les années. Perdre un patient, c'était perdre un combat contre la mort. Il aurait aimé être dieu mais il n'était qu'un homme. Sa famille lui manqua lors de ces années-là. Mais aider les autres nécessite parfois des sacrifices. Ses frères et sœurs ne firent jamais de longues études comme lui. Ils se marièrent jeunes, devinrent indépendant, s'occupèrent de leurs parents. Jude leur a toujours été pour cela redevable.

Il était fraîchement promu médecin urgentiste lorsqu'il fit la connaissance d'Eileen Malroy. Elle était bien trop belle et bien trop amoureuse pour lui. Mais il ne sut la repousser. Il devait tourner la page. Oublier le passé et imaginer le futur. Il voulut l'imaginer avec elle. Ils se marièrent l'année de ses trente ans. Elle travaillait comme avocate. Elle était ravissante et intelligente. Il ne comprit jamais ce qu'elle lui avait trouvé. Pourquoi elle l'avait laissé l'entraîner dans son abîme...

C'est peu après son mariage que l'on apprit à Judicaël que ses pressentiments étaient justes. Lohan ne l'avait pas quitté de son plein grès. Et elle n'était plus de ce monde pour lui offrir des explications. Victime d'un anti-mutant de la première heure. Il refusa de laisser cela se produire encore. Cette révélation le poussa un peu plus dans les bras d'associations d'aide aux transmutants. Un phénomène émergent. Il s'y investit, accueillant chez lui des « amis » ou des « cousins » de passage sous le regard suspicieux de sa femme.

Trois ans de lutte. Trois ans à sauver des vies à toutes heures. Trois ans à être un mari absent. Puis le ventre de sa femme s'arrondit. Il devait lever le pied. Pour ce petit être dans le ventre de sa femme. Peut-être serait-il un merveilleux transmutant. Impossible de savoir. Il accepta de quitter son poste d'urgentiste pour le troquer pour un cabinet généraliste dans une petite ville, Radcliff. Cela calmerait ses nerfs, lui soutenait sa femme. Alors, ils déménagèrent, et accueillirent bientôt un enfant. Mais il ne cessa pas pour autant de soigner, ou d'héberger de presque inconnus aux pouvoirs fabuleux. Ce manège dura encore deux ans. Deux longues années de mensonges conjugaux.

Et puis il y eut Dorian. Un mutant comme un autre. Si tant est qu'il était recherché par la police pour homicide. C'était involontaire, mais il n'en était pas moins un fugitif. Il l'accueillit sans même réfléchir. Il n'était pas dangereux à ses yeux. Il était une victime de plus à protéger. Seulement son visage était sur tous les écrans de télé, et quand il passa la porte de la maison Gaiman, Judicaël vit sa femme le dévisager avec peur et dégoût. Elle attendit d'être seul avec son époux pour questionner.

« Alors, c'est ça ? Depuis le début tu aides des meurtriers en les invitant chez nous ? En me mentant ! Est-ce que tu m'as un jour dit la vérité, Jude ! Regarde-moi ! »

Jude releva un regard fatigué vers elle. Un regard vide d'amour. Un regard vide de compassion.

« Il n'est pas un meurtrier. C'était un accident. Il a besoin d'aide. Je la lui offre. »

« Et si ça avait été moins l'accident ou ton fils ? »

« Je lui offrirai la même aide, Eileen. »

Les larmes sur les joues de sa femme. Le mascara qui noircit en ligne irrégulière sa peau. Son visage qui se tord dans une laide jalousie.

« Très bien alors maintenant tu vas avoir à faire un choix, Jude. C'est moi et ton fils, ou ces monstres. »

Judicaël s'approcha d'elle. Il la serra dans ses bras. Il savait que c'était la dernière. Il embrassa sa femme tendrement. Il ne l'avait finalement sans doute jamais vraiment aimé. Elle n'était pas deux ceux à qui il sacrifiait tout. Il passa une main sur ses joues séchant ses larmes.

« Samuel sera plus en sécurité avec toi, loin de moi. Eileen, c'est eux qui ont besoin de moi. Toi, tu sais être forte. »murmura-t-il doucement.

La gifle fut retentissante. Sa femme le planta au milieu de la pièce. Deux heures plus tard, elle quittait la maison avec son fils. Jude dormit sur le canapé, incapable de dormir seul dans ce lit qu'il avait si longtemps partagé. Dorian partit au matin sans laisser de trace. La solitude débuta.

Judicaël ne regretta pas son divorce. Mais le vide de sa maison lui était parfois insoutenable. Son fils surtout lui manquait. C'est sans doute pour cela qu'il recueillit les chats et chiens errants du quartier en plus des transmutant, pour remplir le vide qu'avait causé sa lâcheté. On pouvait le voir chaque matin courir avec ses chiens, appelant Rio Pongo toutes les deux minutes, et finalement rentrer en portant sur ses épaules le chien à trois pattes aussi bancal que lui. Il se plongea à corps perdu dans son travail. Dans sa lutte. Désespérément. Qu'avait-il à perdre ? Il avait déjà sabordé son navire, sa famille. Il prit sa carte au stand de tir, devint un tireur plutôt doué. Mais personne ne se doutait qu'il puisse tirer sur des êtres vivants. Pas lui, pas le gentil médecin, pas l'homme parfait. Et pourtant, il tua parfois. Pour protéger d'autres vies.

Il y a toujours une guerre qui se déroule dans notre monde, visible ou non. Et parfois, on a la chance de choisir ses ennemis. Jude a fait ses choix. Quitte à en crever, il protégera ce que l'humanité a fait naître de plus beau, les transmutants.