STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN
...and opens your eyes
Ton père ce connard.Ton enfance….n’avait pas été si mal. Bon, à quelques détails près. D’accord, tu n’avais jamais connu ta mère…qui avait préféré quitter ton père lors de ta première année sans songer à t’emporter avec elle. Sans doute avait-elle eu peur des idées de son mari qui t’avais élevé d’une main de fer tout en essayant de te faire embrasser ses idées…sa haine des mutants. Toi, tout petit…tu le croyais. Si t’avais pu, tu les aurais tous éliminé ses monstres…Papa aurait été si fier, hein ? Et puis on grandit…on apprend à réfléchir par soi-même et même si tu ne disais rien pour t’opposer à ton père que tu craignais plus que tu ne l’aimais…tu t’éloignais de plus en plus de ses idéaux.
1995, 11 ans. Le primaire était terminé. Tu te retrouvais seul, sans personne que tu ne connaissais, dans cette nouvelle école où tout le monde te paraissait bien trop étranger. Tu étais timide, pas très doué socialement et n’osait pas vraiment aller te faire de nouveau copain. Déjà, à ton ancienne école, tu étais ce genre de petit garçon qui ne trainait qu’avec les deux seuls mêmes camarades et encore…Jamais tu ne t’étais réellement senti intégré, réellement ami avec eux…ils t’aidaient à ne pas rester seul, ça n’allait pas plus loin. La première semaine ici, t’avait paru longue…la seconde encore plus, la troisième était partie pour être de même lorsqu’une voix t’interpella… «
Tu peux me renvoyer mon ballon ? » T’avais relevé ton regard, perdu dans tes pensées, sans comprendre…suivant la direction que le doigt du propriétaire de la voix pointait pour te rendre compte que son bien avait roulé entre tes jambes, sous le banc sur lequel tu étais assis. T’avais hoché la tête avant de te pencher pour le prendre et lui rendre, avec un sourire…sans plus, sauf qu’il avait enchainé «
Tu veux jouer ? » …T’avais hésité, vraiment…un instant ou deux avant d’accepter en te levant et…parce que ça te semblait important «
J’m’appelle Caleb » …l’autre gamin t’avait rendu son sourire… «
Et moi Joshua ».
Joshua Chambers, allait devenir ton meilleur ami…Et bien plus encore. Ce qui t’avait le plus surpris était que ton père, cet intolérant…ce maniaque du contrôle, accepte aussi bien ta relation avec lui. A vos dix-sept ans…il avait été le premier à se lancer, à révéler que plus que de l’amitié…il ressentait bien plus pour toi. Oui, ça t’avais étonné qu’il accepte ainsi ton homosexualité…à croire que sa haine ne se dirigeait vraiment qu’à l’encontre des mutants. Alors, à 20 ans…vous aviez emménagé ensemble…Joshua et toi, tu n’avais plus qu’à supporter le contrôle de ton père au travail (Hans avait insisté pour t’embaucher dans le garage qu’il tenait de son propre père, entant que mécanicien) et…lorsqu’il insistait pour que tu viennes le voir ou pour venir te rendre visite. Il te fatiguait, t’épuisais. Chaque fois que vous étiez seuls, il continuait son discours de haine. Tout le temps, inlassablement. Tu préférais le laisser parler sans rien dire, ne faisant que hocher la tête à ses mots. Parce qu’à l’époque, tu ne le pensais pas si dangereux que ça, ton paternel. D’accord, il était intelligent…bien arrêté sur ses idées mais…ils ne faisait que parler, toujours…et tous ses projets…c’était du vent.
Pauvre imbécile, d’avoir cru ça…2008, 24 ans. Un évènement allait marquer un tournant dans votre vie. Joshua était le parrain d’un petit Aiden, le fils d’un couple d’amis qui…avaient trouvé la mort lors d’un accident de voiture stupide, seul le petit de deux ans avait…miraculeusement survécu. L’enfant ne possédait aucune famille, personne pour prendre soin de lui sauf…vous deux. Alors, il en avait pris officiellement la charge, non sans difficulté…parce que le système était une vrai merde mais, il avait réussi à en obtenir la garde.
Samedi 18 Février 2012, 27 ans. Les années s’étaient écoulées. Naturellement, Aiden avait fini par vous appeler
Papa & Daddy …Parce que pour lui, vous l’étiez…surtout qu’il ne gardait pas de réels souvenirs de ses parents, même si vous en parliez…trouvant malsain de faire comme-ci ils n’avaient jamais existé mais…dans la tête du gamin, il avait quatre parents…trois papas, dont un décédé…et une maman qui était elle aussi au ciel. Aiden était adorable, un gamin vif d’esprit qui savait aussi bien être sage qu’espiègle. Et…vraiment, vous aviez tout pour être heureux, jusqu’à ce fameux jour…cet incident stupide…lors d’un repas auquel s’était encore invité ton cher paternel.
«
J’en veux pas » …Les mots résonnèrent pour la millième fois depuis environ un quart d’heure. Lassé, ton regard se portait sur ton…fils adoptif tout en prenant cette expression noire…autoritaire du parent qui en a juste que là des caprices. Oui, Aiden était adorable mais il n’en restait pas moins un enfant qui parfois n’en démordait pas d’en faire qu’à sa tête et là…même l’allure intimidante de Hans ne suffisait pas à le faire obtempérer. Un soupir s’échappa, tes doigts venant frotter ton œil droit et la moitié de ton visage…fatigué. Tu perdais patience… «
Ça suffit, Aiden. Tu manges tes brocolis maintenant où tu es privé de dessert jusqu’à nouvel ordre » …Le môme t’avait fusillé du regard, révolté par l’injustice que tu lui faisais là. Pourquoi l’obligeais-tu à manger pareille chose ? Il te fixait…comme s’il te défiait et tu ne relâchais pas ton regard, tu savais que ton père qui continuait à se nourrir sans rien dire te jugeait…ne manquerait pas de te faire des remarques à toi ni à Joshua qui appuya tes propos d’un «
Sois gentil, tu en as presque pas en plus » et quelques secondes s’écoulèrent…quelques secondes avant le début de la fin, bien qu’à ce moment précis tu n’avais pas mesuré l’ampleur de ce qui était arrivé. Aiden passa son regard de toi à son…parrain puis à son assiette qu’il repoussa presque violemment d’un «
NON ! » et il avait été près de se lever…tu avais été près à en faire de même pour le remettre sur sa chaise mais…tout s’était subitement arrêté, comme-ci vous étiez les personnages d’une série télévisé venant d’être mis en pause par son spectateur. Les brocolis n’étaient plus et à la place se trouvait des petites saucisses. Comment ? Et alors que ton…fils adoptif semblait le plus heureux du monde et s’attaquait sans réfléchir à l’une d’elle…ton attention se portait sur ton père qui…ne disait rien et terminait son assiette. Est-ce qu’il avait vu ? Oui bien sûr, comment aurait-il pu ne pas s’en rendre compte. Mais il ne disait rien…et de tout le repas, de toute la journée ce fut ainsi. Et…tu aurais dû trouver cela étrange, oh…ça avait été le cas mais tu avais préféré l’ignorer te disant que….Quoi ? Tu t’étais voilé la face, c’est tout. Tu avais peut-être un instant imaginé que parce qu’il connaissait Aiden depuis des années, qui était un enfant, qu’il passait même de bon moment avec…il en oublierait son intolérance ? Parce que tu avais préféré le silence à la confrontation, bien que…est-ce que cela aurait réellement changé quelque chose ? Tu en doutes, encore.
Joshua n’avait pas semblé réellement choqué, réalisant alors tout deux ce jour-là que l’un et l’autre étiez depuis longtemps au courant pour les transmutants. Toi par la haine de ton père et lui par son frère ainé qui ne vivait plus sur le continent américain depuis déjà trois ans…
Lundi 26 Mars 2012, 28 ans. Il est presque 16h. Tu déambules dans les rues de New York en tenant par la main Aiden, que tu ramènes de l’école. Il est super content, et te presse pour que tu avances plus vite. La raison de cette excitation ? Tu lui as dit que
Papa a fait des muffins à la bananes, ses préférés et en plus de ça…les muffins de Joshua sont les meilleurs au monde. Joshua est pâtissier dans une petite boutique à quelques rues de votre quartier, autant dire que niveau dessert et goûter…il assure. En même temps, il te raconte sa journée et…tu t’intéresses, l’interroges sur Kathleen, sa petite camarade de classe à qui il destine tous ses dessins ou presque. Aujourd’hui, ils ont joué ensemble alors…il est heureux comme un pape. Vous n’êtes plus qu’à…cinq minutes de la maison, vous attendez au feu pour traverser la dernière grande rue lorsque…sa main t’échappe. Sur le coup, tu n’as pas compris…n’en a pas eu le temps…et durant ce très court lapse de temps tu songes à lui demander de te la redonner. Ça ne dure qu’une seconde avant que du coin de l’œil tu ne le vois s’écrouler, que tu n’aperçoives le sang qui s’écoule à flot de sa petite tête presque déformée…que tes tympans ne perçoivent le bruit sourd et brutal du corps et de la boite crânienne qui percutent violemment l’asphalte.
Et soudain…le monde s’arrête. Plus rien n’existe. Tu ne te rends pas compte des voitures qui se garent subitement, s’arrêtent…coupent la circulation. Ni des passants qui s’agglutinent autour de toi…essaient de t’aider, de te porter assistance à toi et au petit mais surtout à toi…lorsqu’ils se rendent compte à quel point…tu es déphasé par ce qui vient d’arriver. Tu es en état de choc et tu as mal…aussi mal que si c’était toi qui venais de te prendre une balle en pleine tête, sauf que tu as l’impression qu’elle se situe au cœur…au creux de l’estomac et semble vouloir repasser par ta gorge. Déjà, la culpabilité t’assaille comme un poison
Et si j’avais entendu le coup ? Et si on avait traversé plus vite ? Et si on avait traversé plus loin ? Et si…. Sans savoir comment…comme-ci le temps s’était arrêté puis soudainement accéléré pour sauter jusqu’au soir…tu te retrouves dans ton salon, sur le canapé, dans les bras de Joshua. Tu as cette étrange impression de ne pas avoir réellement vécu tout ce qui a suivi…l’accident, le meurtre. Il est tard, il fait nuit depuis plusieurs heures...Vos yeux sont certainement rougis, asséchés. Vous ne dites plus un mot…il n’y a plus rien à dire.
Et les muffins, continuent de refroidir sur le comptoir de la cuisine…Vendredi 28 Décembre 2012, 28 ans. 9 mois et 2 jours plus tard. «
Sans toi et ton connard de père, Aiden serait toujours là ! » …Les mots te heurtent, te suffoquent comme un coup à l’estomac. S’il est possible de tuer quelqu’un à force de le tabasser physiquement, de le blesser au minimum…Jamais la douleur provoquée ne pourra égaler celle que tu ressens à cet instant précis. Tu es choqué. Tu as l’impression que ton cœur te remonte dans la gorge et ne demande qu’à être vomi alors qu’une main invisible t’étrangle et qu’une autre te creuse l’estomac. Tu pourrais pleurer, tellement ça te fait mal, mais rien ne vient. «
Non attend ! » Les tiens résonnent, ignorés….balayés tandis que tu t’évertues à le suivre…à tendre la main pour le rattraper et l’empêcher de partir. Comment peut-il ? Au fil des mois…les soupçons se sont naturellement portés vers ton père sans ne jamais trouver aucune preuve tangible. Pourtant…petit à petit une certitude, s’est formée…ancrés en vous sans ne jamais cesser de s’accroitre. Toi qui, dès la révélation de la mutation d’Aiden, avait mis en garde Joshua contre les idées de ton géniteur. Celui-ci s’était alors vu refusé tous accès à votre appartement. Les derniers mois avaient été difficiles, les pires de toutes votre vie…il y avait des tensions, des disputes…mais jamais comme celle-ci, jamais encore il n’avait osé te considérer responsable juste parce que tu étais le fils de…ce type. Ta main se dépose sur son bras, sa manche…pour le forcer à se retourner, le supplier de rester. Il se retourne rapidement, trop rapidement…ce n’est plus toi qui dirige, c’est lui qui virevolte soudainement pour d’un mouvement te porter un coup à la joue…te lacérer de la clef dont il vient de s’emparer. Tu cris sous la surprise, la douleur…la peine provoqué par ce geste. Tu le lâches, recule et porte ta main à ta blessure qui t’as presque crevé l’œil. Tu saignes…tu saignes beaucoup trop, l’entaille est plus profonde que voulu et le sang…le sang sur ta main…la dernière fois que tu en as vu…c’était celui de Aiden, alors…tu sombres…dans le néant.
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Un pauvre con. Il n’était qu’un pauvre con ! Qu’est-ce qui lui avait pris, hein ? Il avait blessé Caleb. Il…lui avait balancé des horreurs, la pire des horreurs. Le tenir responsable pour…le petit ? Quel connard. Oh ! Ce qu’il s’en voulait. Il s’en voulait à mort. Il s’était laissé submerger par la colère et surtout par la connerie mais…en le voyant tourner de l’œil, en l’accompagnant à l’hôpital…en voyant son visage blessé qu’il avait stupidement défiguré…il…il s’était comme pris une baffe dans la tronche en plus de…l’évidence.
Il devait en finir avec Hans…
Jamais, encore. Ils n’avaient parlé de leur soupçon. Attendant plutôt d’avoir des preuves, ne serait-ce qu’une pour...le confondre en justice ou quelque chose du genre. Fuck Off la justice …Il en avait marre de ces conneries, il était fatigué. Il n’avait qu’une envie…une seule, faire payer à ce connard. Il n’avait pas besoin de preuve…il savait que c’était lui, il était persuadé que c’était lui. Il suffisait seulement de…lui rendre visite et…de le poignarder ou…de lui trancher la gorge du couteau qui reposait présentement à l’arrière de son pantalon. Ouais, ce n’était pas…difficile. Non.
Entre songer à tuer et le faire…il y a un monde. Aussi déterminé qu’il avait pu l’être, Joshua n’était pas un tueur…loin de là. Alors…pour se donner du courage, il avait bu…il avait trop bu, dans un bar de la ville…à quelques pâtés de maison de chez…sa cible. Vers 3h du matin, il s’était retrouvé complètement saoul, à errer dans la rue…essayant de se diriger vers l’immeuble de ce dernier sauf que, la boisson…ça peut rendre très con. Si con. Une rencontre…des types un peu éméchés et bien moins recommandables que lui. L’un qui bouscule l’autre, une mauvaise réflexion…une bagarre qui s’en suit. Lui, qui dans son brouillard tire son couteau pour se défendre…qui tombe, ne tenant plus debout et qui se fait battre…battre et battre encore par trois ou quatre paires de pompes...jusqu’à ce que les coups qui pleuvent deviennent irréels…qu’ils ne provoquent plus aucune douleur, plus la moindre.
Et la seule chose qu’on dira sur sa mort…ce n’est qu’une vague mention, qui sera bien vite oubliée parce que ça arrive presque trop souvent, d’une bagarre qui a mal tournée, dans le journal local du lendemain matin.
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Samedi 29 Décembre 2012, 28 ans. 9 mois et 3 jours plus tard. Jamais tu ne sauras ce qui était arrivé la veille. Tellement persuadé qu’il serait revenu pour ton réveil…Joshua n’avait pas pris la peine de te laisser un mot pour te dire qu’il avait été stupide et d’à quel point il était désolé. Il n’avait pas jugé cela nécessaire, se disant qu’il te le dirait de vive voix en revenant auprès de toi après en avoir…terminé avec…votre cauchemar. Non. Jamais tu ne sauras ça. D’abord, tu es confus à ton réveil. Comme prisonnier d’une brume qui t’empêche de rassembler tes idées et puis…les souvenirs te reviennent comme de violents coups de poignard en plein cœur. La dispute. Joshua qui te balance qu’il te tient autant responsable que ton père pour ce qui est arrivé à Aiden. Toi qui tente de le retenir. Lui qui se retourne, te frappe de sa clef pour…à vie te défigurer. Et…le noir, jusqu’à cet instant. Tu regardes autour de toi, empreint d’un léger espoir…peut-être a-t-il changé d’avis ? Peut-être qu’il va revenir ? Alors tu attends. Tu attends des heures et des heures. Jusqu’au moment où tu dois quitter l’hôpital…persuadé alors, qu’il est réellement parti…Qu’il n’en a plus rien à faire de toi.
Et cette certitude ne change pas, lorsque tu reçois un appel de ton père. Le dernier homme à qui tu as envie de parler et qui maladroitement…te demande si tu es au courant pour Joshua. Bien sûr que tu l’es, il est parti. Comme un voleur. Tu manques d’échapper ton téléphone…lorsque tu comprends, lorsqu’il t’annonce qu’il est mort. Tes yeux se brouillent de larmes, une douleur plus intense remplace celle de l’abandon qui te tordait les tripes. Il t’a peut-être laissé tomber comme un connard, ça n’enlève rien à la peine que tu ressens. Peut-être même que c’est pire…il t’a laissé et…il ose mourir, sans que tu ne puisses t’expliquer…sans que tu ne puisses l’appeler pour l’insulter. Sans que tu ne puisses le retrouver pour lui écraser ton poing dans la figure. Vraiment, comment ose-t-il mourir ainsi ? Il n’avait pas le droit.
Mardi 21 Avril 2015. 31 ans. Elle a peur. Tu la sens trembloter alors que tu la retiens contre toi, la serre avec une douceur doublée d’une fermeté effrayante…écœurante. Tes mains sont couvertes d’une paire de gants. De ton index qui effleure ses lèvres tu lui fais comprendre de se taire baissant une fraction de seconde ton regard sur l’arme que tu as en main…la menace n’est pas difficile à deviner. C’est une enfant, une innocente, mais à cet instant tu as perdu toute notion du bien et du mal. A cet instant, il n’y a qu’une seule chose qui compte : La porte. Cette porte d’entrée qui reste fermée. Cette porte d’entrée que tu as hâte de voir s’ouvrir sur celui qui a contribué à détruire ta vie…à te détruire.
…Et elle s’ouvre.Instantanément, tu remontes le canon – Muni d’un silencieux - de l’arme sous la mâchoire de la gamine…tu ne dis rien, pas encore…te contentant d’adresser un sourire mauvais à celui que tu considères comme un monstre :
Mark Scott. Il se fige, paralysé par la vue qui s’offre à lui…et ça ne fait qu’accroître ta haine. Comme au ralenti, ta tête se penche sur la gauche tandis que ton regard s’ancre dans celui de ton ennemi… «
De cet angle…Je me demande comment sa cervelle va se répandre… » des larmes coulent sur ta main qui empêche à présent la gamine de hurler alors même que le père semble se réveiller et te supplie de la laisser filer, de l’épargner. Un frisson parcoure ton échine, tout tes sens sont en alertes…tes pupilles se dilatent et ton pouls s’accélère. Sa peur devient une drogue et ses supplications caressent ton âme meurtrie jusqu’à éveiller en toi des pulsions malsaines. Tu veux le voir supplier, ramper, pleurer jusqu’à ce qu’il ne reste plus une larme. Tu veux le plonger dans la tourmente dans laquelle il t’a forcé à sombrer et dans laquelle tu te noies encore.
Tu le veux…mais tu ne le feras pas.Le vent gifle ton visage, s’imprègne sous ta peau pour griffer tes os. Ça n’a pas d’importance, tu le tiens. Il est à ta merci…un seul mouvement et ton doigt actionnera la détente. Vous êtes sur le toit de l’immeuble, l’enfant est restée, enfermée, dans l’appartement. Il te répugne. Tu devrais le tuer mais avant cela…tu as besoin de savoir. Non, tu sais. Tu as besoin d’une confirmation, rien qu’une toute petite....et tu l’obtiens, tandis qu’il te supplie de l’épargner. Pourquoi devrais-tu ? Tu n’es plus qu’à une milliseconde de lui coller une balle entre les deux yeux lorsqu’il le dit…
la phrase de trop «
S’il vous plait…J’ai une fille… » sur un ton suppliant si abjecte qu’il t’en donne envie de vomir. Comment ose-t-il ? Ton bras se baisse et ton doigt se crispe pour lui tirer dans le genou, pour le paralyser sur place. Tu perds tout discernement alors que tu te jettes sur lui pour lui cogner la tête contre le sol, faire pleuvoir une pluie de coups de poings rapidement suivi de coups de pieds sur son visage, son estomac, brisant quelques côtes au passage. Plus qu’une pluie…
Un véritable déluge. Tu perds toute notion du temps. Combien de temps t’acharnes-tu sur lui ? Cinq minutes ? Dix, vingt ou trente ? Tu n’en as aucune idée. Tu le défigures, le massacre, le déforme, l’achève presque à force de coups….
…Presque. Tu recules, haletant…tu ne ressens rien, même pas une once de satisfaction lorsque tu ramasses ton arme pour en finir avec lui, d’une balle dans la tête. Peut-être une pointe d’excitation, de soulagement éphémère qui ne dure qu’une fraction de seconde.
Parce que ça ne ramène pas Aiden… Ton revolver est dissimulé entre ton pantalon et ta veste lorsqu’en quatrième vitesse tu regagnes la rue, tes mains dans les poches et ton visage sous l’ombre de ta capuche.
Tu en oublies la petite, seule dans l’appartement…Dans la nuit du Vendredi 3 au Samedi 4 Juillet 2015. 31 ans.Comme tiré par des mains invisibles, ton t-shirt te colle à la peau, claquant parfois en harmonie avec les pans de ta veste en cuir que le vent s’amuse à malmener. Les incessants
Clapf Fclap s’immiscent sournoisement dans la cacophonie qui assourdit déjà tes tympans à vif. Plus l’allure s’’accélère, plus la chaussée te semble floue, le paysage fantomatique, le monde étranger. Plus rien n’existe que les sensations, la vélocité qui t’allège et te soulève le cœur, le corps qui se noie dans l’adrénaline et le cerveau en alerte qui dépêche milles et un message à tes muscles pour les pousser à arrêter, freiner ou au moins dévier. Ton instinct hurle d’effroi mais ta volonté le balai d’un revers de détermination. Une à une les vitesses sont enchainées jusqu’à la dernière, jusqu’à cette union forcée entre ta moto et cet innocent platane. Soudain, tout s’arrête, le temps d’un battement de cœur avant que tes oreilles ne se mettent à bourdonner à t’en donner mal au crane tant qu’il semble sur le point d’exploser, tes yeux à essayer de percer ce voile tirant parfois sur le carmin qui leur obstrue désormais la vue et surtout que la douleur ne se répercute comme un choc électrique dans tout ton être.
Au loin, très loin, tu perçois des brides de voix sans en comprendre les mots, sans pouvoir y décrypter ne serait-ce qu’un son cohérent. Des ombres, des silhouettes, apparaissent de nulle part et fourmillent autour de toi. La mort te tend les bras et tu y sautes à pieds joints, ne rencontrant que l’inconscience qui héroïquement vient écarter la grande faucheuse.
Pauvre conne, tu ne lui as rien demandé.
Elle t’enveloppe et te protège dans un épais brouillard, presque un nuage…Dimanche 5 Juillet 2015. 31 ans. Blanc. Blanc et déprimant. C’est sur cette couleur que s’ouvrent tes yeux, ton œil…en vérité, il y en a un qui est couvert d’un bandage. Si blanc que ça t’étourdit. La douleur se rappelle soudain à toi en une onde de choc dans certaines parties de ton corps tandis qu’une idée s’ancre dans ton esprit :
La prochaine fois, ça sera une balle dans la tête. Tu n’as plus rien qui vaille la peine, plus la moindre petite chose à laquelle te raccrocher. Une infirmière afflue vers toi, suivi de médecins….et plus tard, d’autres personnes dont ton père qui ignore encore que
tu sais. A tous, tu donnes la même version des faits : Tu as perdu le contrôle de ton véhicule. Inutile de dire la vérité, de risquer de te faire juger et surveiller…tu es déterminé à ne pas te rater la prochaine fois…
Prochaine fois qui tardera à venir, ta convalescence est faite pour durer…trois mois d’hôpital dont un de rééducation. Si les premiers jours…les premières semaines…tu te raccroches à ton envie d’en finir, le
Jeudi 24 Septembre 2015 alors qu’à la télé un flash spécial diffuse des imbéciles manifestants contre l’existence des mutants.
« Ce sont des monstres, ils d’vraient pas exister ! » … « Des abominations ! »… « On devrait tous les tuer, j’comprends même pas qu’on les laisse aller et venir en liberté » ….Paroles qui te révoltent, te fond te mordre la lèvre, essayer de retrouver le rythme de ta respiration tant tu es écœuré. C’est là que ton objectif change, c’est là que tu
comprends. Les
Monstres c’est eux, au même titre que ton père, au même titre que ce
Mark Scott. C’est
là que tu comprends également que si les mutants sont une évolution de votre espèce cela signifie que vous êtes de ce fait voué à disparaitre…Qu’il faut l’accepter, et tout mettre en œuvre pour les préserver des imbéciles, les aider et préparer le monde pour le leur céder dignement dans le meilleur des états. Et c’est à cette nouvelle idée que tu te raccroches….
…Tu t’y agrippes comme-ci ta vie en dépendait, en mémoire de Aiden que tu n’as su protéger, tu redoubles d’effort lors de tes séances de rééducation…t’y épuises souvent dans l’espoir de récupérer le plus rapidement possible.
Et le…14 Octobre 2015, tu es libre de partir…de retourner retrouver ta petite vie…Depuis ta sortie de l’hôpitalA tes projets, s’est rajouté un autre objectif…ou plus exactement, celui que tu n’aurais jamais dû lâchement essayer d’abonner en fonçant dans un arbre est revenu toquer à la porte de ton âme.
Tu vas détruire Hans, cet homme qui ne mérites même pas le nom de père et qui il te semble ne l’a jamais mérité. Tu ne vas pas le tuer, pas maintenant, pas tout de suite…tu ne vas pas le frapper ni l’agresser. Oh non…
Ça va être beaucoup plus subtile que ça. Tu veux le voir souffrir, le plonger dans un Enfer plus terrible encore que celui-ci dans lequel il t’a forcé à te noyer, le voir suffoquer à la simple idée de vivre…le voir te supplier, lorsqu’il comprendra, de l’achever…
et tu ne le feras pas. Tu trouveras alors un moyen par mille et une manipulation de lui redonner goût à la vie et alors seulement….
Tu lui exploseras la cervelleAlors, dans les mois qui ont suivi ce 14 Octobre, tu as réintégré ta place de mécanicien au garage de
cet homme. Tu es retourné, comme-ci de rien n’était, dîner parfois chez lui. Tu l’as laissé venir chez toi, dans ce nouvel appartement dans lequel tu avais emménagé bien avant ta tentative parce que tu ne supportais plus l’ancien. Et pire encore, tu lui fais croire que tu as ouvert les yeux, que tu rejoins désormais ses idéaux….
Lorsqu’il voit, lorsque Hans pense comprendre que toi, son fils, a enfin ouvert les yeux après ta
Petite Crise …Il t’avoue, dans l’idée de te faire rejoindre les rangs, qu’il est – Depuis deux ans maintenant – un Hunter.
Ces ordures, ces rats, ces monstres.. Oh, comme ça ne t’étonne même pas. Il te parle également de ses projets de se rendre à Radliff, ville qui lui semble particulièrement intéressante pour l’avenir des Chasseurs compte tenu de son…
Passé politique.
Et tu joues le jeu tu adhères à ses idées,
à l’idée… Et, alors que le temps te semble être passé à une allure irréelle, vous emménagez à Radcliff le
8 Novembre 2015, ton père prévoyant son déménagement depuis un moment, il a depuis un moment racheté un garage pour réinstaller son affaire. Garage dans lequel tu vas continuer à travailler pour être
au plus près de lui. Tu es forcé, au début, de loger chez lui. Comme tu déteste ça.
Finalement, le
28 Novembre 2015 à force de persuasion, et avec l’appui de ton père qui se porte garant, tu rejoins officiellement les rangs des Hunters. L’entrainement ? Hans s’assure de te le faire suivre depuis lors que l’idée d’intégrer les rangs a été énoncée. Tu avais déjà plus que des connaissances en combats et en maniements d’armes…
Alors franchement.
Comme tu as hontes, comme tu dois te répéter sans cesse que ce n’est que pour mieux le détruire, que pour mieux les anéantir.
Jeudi 31 Décembre 2015. 31 ans. Il te faut tous les efforts du monde lorsqu’en sirotant un whisky d’occasion en se donnant de faux grands airs, il te balance un «
Il était tant que tu te réveilles, quand je penses que tu avais ce…cette chose sous ton toit. Enfin, mieux vaut tard que jamais…t’es bien mon fils » pour ne pas lui sauter dessus et lui arracher la gueule avec le peu d’ongles que tu possèdes, pour ne pas lui fracasser le crane contre le carrelage comme tu l’avais fait avec cet homme qu’il avait osé employer pour tuer ton fils adoptif, son petit-fils…l’enfant avec lequel il avait passé des heures et des heures à jouer et discuter. Ça, Mark Scott te l’a confirmé juste avant que tu ne l’anéantisses. Et tu as l’impression que les mots t’arrachent la gorge lorsqu’avec un sourire tu lui rétorques un «
Je n’arrive toujours pas à y croire, ça serait à refaire, je lui collerai moi-même une balle dans le crane. » suivi d’un spasme qui peut être confondu pour du dégoût à l’idée d’avoir effectivement hébergé un mutant….mais en vérité, c’est de toi-même dont tu as honte, te raccrochant rapidement au fait que tout ceci n’est qu’un jeu, tout ceci est faux, tout ceci ne vise qu’à mener à bien ta vengeance que tu dévoreras non pas froide mais probablement gelée, sans doute que tu t’y pètera les dents…mais ça sera bon, ça sera délicieux, ça sera
magnifique.
Comme tu dois te mordre l’intérieur de la joue à sang, lorsqu’il ose répliquer un «
Si je savais qui l’a éliminé, je l’inviterai à dîner pour le remercier » … Comme durant un instant, tu crois que ton corps va se rebeller contre ta volonté et se ruer sur
cette horreur qui ose porter le nom d’Humain.
Comment ose-t-il encore nier ? Ne pas l’avouer ?Février 2016 … Déjà un peu plus de deux mois que tu te fais passer pour l’un de ces monstres, que tu t’efforces à récolter toutes informations utiles à leur élimination, à gagner leur confiance.
Presque deux mois que tu dois sans cesse te répéter ton véritable but pour ne pas sombrer dans le dégoût, la folie. Et cela est devenu plus facile depuis cette nuit de
décembre, le 17 pour être plus exacte. Ce soir-là, tu avais foiré…tu avais presque grillé ta
couverture…tu avais défendu une mutante. Par chance, les trois Hunters l’ayant découvert avait eu la bonne idée de te suivre après coup …
Pour te donner une leçon, te tuer même …au lieu de prendre le temps de relayer l’information.
Et par chance encore …Elizabeth était passé par là. Tu ne la connaissais pas, pas encore…mais elle avait dû entendre tes paroles…le véritable fond de ta pensée qui s’était alors exprimé.
Oubliant, à cet instant, toutes conséquences. Et des conséquences, il n’y en avait pas eu…Parce qu’avec son aide, sa
télékinésie vous les aviez réduit au silence…
Pour l’éternité…Depuis ce jour, ou presque, tu travailles pour le compte d’Insurgency. Tu ne demandes rien en échange, tu n’as rien à demander,
tu n’as pas le droit d’exiger quoique ce soit. Sauf une chose…une toute petite…
Personne ne touche un cheveu de Hans. Lui, il est à toi. Et à toi seul…Sa mort, sa déchéance…te reviennent de droitPour Aiden.
Et même pour Joshua…
Probably. The End.