STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN

Where is my broken mind ?

Henrik. Henrik aurait su quoi faire. La famille était un lien sacré chez moi, dans la moindre de mes fibres et alors que mon père connu un assassinat brutal non résolu, je m’étais toujours imaginé Henrik comme un soutiens, un appui, malgré le fait que nous ne soyons que cousins. Si quelqu’un devait avoir les réponses, c’était cet homme dans le camp familial. Il avait toujours mérité mon admiration, surtout après ce drame tragique qui le toucha lui et la jeune Kaisa, tout comme son fils d’ailleurs… A croire que la Finlande avait décidé qu’il était temps de décimer les Makinen. Pour être parfaitement honnête, une fois que Kaisa était partie pour retrouver son frère, nous avons pris nos distances. Henrik était en proie au doute et à l’effroi alors que j’étais bien plus pragmatique. Kaisa était une grande fille maintenant, elle serait se débrouiller. De là était née une rancune, une furieuse colère s’empara de lui où il me cracha à la figure que je n’avais jamais été père et que je n’avais qu’à me la fermer. Serrant des dents, j’avais préféré en rester là et je m’en étais allé.

Henrik. Henrik aurait fait le bon choix. Prenait une profonde inspiration, il me semblait important de me remémorer les faits. Il fallait repartir à zéro, ou presque. Ma mère est morte en me mettant au monde. Bien que tout le monde semble croire qu’il faut faire des yeux de cocker et montrer de la sympathie à ma douleur, j’ai toujours mis ce chapitre de ma vie de côté. Je ne l’ai pas connu, elle ne me manque donc pas. Mais pour certains amis et membres de la famille, c’était déplacer de le dire à voix haute. Fallait-il vraiment souffrir gratuitement ? Quel intérêt ? Elle était morte et je ne pouvais rien y faire. J’admirais la femme qu’elle avait été et en faisait un moteur à ma réussite. J’ignorais, et j’ignore encore, si je dois croire à un après. Peut-être qu’un jour je la rencontrerais finalement. En tout cas, je faisais tout pour être le fils qu’elle aurait aimé avoir et non une personne prise par la colère qu’on lui ait arraché sa mère. Après tout, pour les plus mauvais, elle était morte par ma faute. Je n’étais pas de ceux qui allaient se torturer et se poser la question de la culpabilité, surtout pour les toutes premières secondes de ma vie à découvrir la lumière.

Mon père pleurait pratiquement tous les soirs, juste après m’avoir couché. J’imagine qu’il y avait quelque chose chez moi, au moment où je m’endormais, qui lui rappelait sa femme. Plus je grandissais et plus j’intériorisais mes sentiments. Je souhaitais pouvoir soulager mon père de ce poids qu’il portait un peu plus chaque jour. Je compris rapidement que cette force allait m’être nécessaire, pour moi-même également. C’est vers l’âge de quatorze ans que je compris que quelque chose clochait chez moi. Heureusement, je n’étais pas tombé dans une famille à la con qui tue les mutants ou cherchent à les faire changer. Je saignais régulièrement du nez, un médecin membre de la famille pensait que ma mutation avait du mal à se faire à mon cerveau « trop humain » pour elle. Deux ans plus tard, je comprenais finalement ma mutation et l’appréhendait pleinement. Sans doute que cette dernière s’était déclenchée trop tôt et que maintenant je n’aurais plus de problème. Je faisais donc maintenant parti des personnes que les autres avaient tendance à détester de par leur facilité à tout accomplir à l’école. Il fallait dire que j’étais déjà assez bon élève, mais que ma mutation avait poussé mon cerveau à se développer. Là où vous ne noyez qu’une simple lampe, je vois tous les éléments qui la composent, tous, sans aucune exception. Les bâtiments, je ne les vois comme personne d’autres. Je peux presque imaginer chaque trait de crayon qu’a pu faire l’architecte et c’est à l’âge de dix-sept ans que la question ne se posait même plus. Je serais ingénieur dans l’architecture.

La tragédie d’Henrik, juste quelques mois après le décès de mon père. Toute la famille aurait pu me le reprocher, cette distanciation que j’arborais vis-à-vis de la mort. Souffrir n’était pas dans mes ambitions, je cherchais qui avait pu le tuer, de mon côté. Mais je ne voulais pas souffrir plus que de raisons. Contrairement aux autres membres de la famille, je savais mon père condamné par un cancer au stade terminal. Alors je me demandais… Je me demandais s’il n’avait pas payé quelqu’un pour abréger ses souffrances. C’était un secret entre lui et moi que je gardais et qui faisait que certains me prenaient d’autant plus pour un sociopathe. Ce n’était pas parce que je n’hurlais pas à la mort devant eux que je ne souffrais pas. J’avais besoin d’intérioriser pour garder mon esprit en bonne santé. D’ailleurs, j’avais fait grincer des dents toute la famille pour ne m’être jamais déplacé aux enterrements. Heureusement pour moi, Henrik savait pourquoi et ne m’en voulait pas. Je voyais les corps au travers des cercueils et parfois, je voyais même leurs organes sans pouvoir freiner ma mutation… Plus j’étais en proie à une émotion forte, plus mon regard s’aiguisait. Cela aurait été de la torture de voir les corps des personnes que je chérissais. Je préférais garder une belle image d’eux.

Ma préférée était sans conteste Kaisa. Elle était humaine, j’en étais certain et sa fragilité ne faisait que m’attendrir encore plus. Il fallait qu’elle soit protégée envers et contre tout. Il le fallait et personne ne pourrait m’empêcher de veiller sur ce petit être au large sourire. Mais cette chipie était déjà entre de bonnes mains. Seulement avec le temps, certaines choses changent les cabinets d’architectures s’arrachaient mes services, m’éloignant un peu de ma famille. C’était effrayant de voir ce petit bout devenir une jeune femme, jusqu’au clash avec Henrik. Il fallait dire qu’il avait raison, mais cela m’était bien égal. Kaisa avait l’air d’être grande et il ne pouvait pas la tenir en laisse. Je coupais donc plus ou moins les ponts et me concentrait sur mon travail. Vivre seul était la pire des conneries que j’avais pu faire. J’étais fort, mais parfois insolent, je me faisais un peu trop remarquer. Un homme m’a proposé un contrat, je l’ai accepté, il s’agissait de faire la rénovation d’un hôpital psychiatrique. Il me semblait bien sous tous rapports jusqu’à ce que tout bascule. Nous étions même devenus proches, au point où je l’avais mis au courant sur mon astuce, mon petit truc en plus qui me rendait si exceptionnel. Le jour d’après, cette enflure me vaccinait. J’aurai dû le voir venir à des kilomètres, mais ma mutation ne me permettait pas de lire dans les esprits. Ce qui suivit cette vaccination devenait de plus en plus flippant…

J’ai cru seulement à des pertes de mémoire dû au vaccin. Après tout, ma mutation était en accord avec mon esprit. Il faut savoir que j’ai un côté fêtard alors… J’ai aussi cru à des pertes de mémoires dû à une soirée bien trop arrosée. Jusqu’à ce que certains me fassent tiquer. En particulier en début d’année 2015. Me réveiller auprès de quelqu’un, ce n’était pas la première fois. Me réveiller au côté d’un homme, tous les deux nus comme des vers, ça, c’était nouveau et complètement flippant. « Sam…. Tu ne vas pas le croire… » En parler à mon meilleur ami alors que le mec était encore endormi dans le lit à côté de moi était carrément moyen, mais c’était totalement moi. Après avoir bien rigolé avec mon pote, je m’excusais auprès de mon amant d’une nuit, totalement perturbé par le fait que j’avais maintenant l’alcool gay, de toute évidence. D’habitude, je me réveillais auprès d’une jolie fille et je m’amusais souvent à garder son numéro de téléphone, histoire de… Enfin on ne sait jamais. Henrik avait raison sur un point, côté sentimental je me comportais souvent comme un gosse qui ne voulait pas s’engager. Mais parce que j’imagine encore aujourd’hui que lorsque ce sera la bonne, je le saurais tout de suite. La semaine suivante, je rappelais mon pote, mais pour quelque chose de bien plus flippant. « J’ai trouvé des seringues chez moi… Une tonne de fioles pour le vaccin, Sam ! Putain, qu’est-ce qui se passe ? Tu crois que mes blancs ne sont pas que des blancs ?... » Deux jours plus tard, j’avais la réponse… Je me réveillais brutalement devant mon écran d’ordinateur. J’avais sous les yeux une conversation entre deux hunters et à en croire mon ordinateur, je m’appelais James et tuait des mutants ou les vaccinais en les repérant grâce à un réseau de hunters. Putain, c’est quoi cette merde ? Pensais-je sur le moment avant de prendre conscience à force, que quelque chose ou quelqu’un avait pris la place de ma mutation. Mon cerveau venait de combler ses trous.

Aide-moi. Je t’en supplie aide-moi. Mais le médecin de la famille ne pouvait pas grand-chose. Il pensait exactement comme moi, c’était un effet secondaire de la mutation et James lui avait parlé. Serrant les poings, je lui demandais un traitement pour tuer cette sorte de tumeur qui prenait place dans ma tête. Impossible selon lui, les effets secondaires des vaccinations sont tous imprévisible. Dans mon cas, ce n’était pas un dédoublement de la personnalité ordinaire. C’était autre chose. Autre chose que je ne pouvais pas tuer.

Henrik aurait été définitivement moins con. Je voulais tuer ce… truc, coûte que coûte. Je m’internais de mon plein gré, espérant que James se manifeste. Ce crevard n’est jamais venu, jamais, de chez jamais. J’ai alors essayé de le provoquer, je voulais le forcer à se montrer alors que les médecins me prenaient pour un simulateur en manque d’affection. Je me cognais la tête alors contre un mur, jusqu’à frôler le malaise. Je tapais mes poings jusqu’à ce qu’ils soient en sang. Alors il me donnait des médocs, mais pas ceux que je voulais. Je sortais deux mois après de ce foutu hôpital avant que les trous noirs ne reprennent, de façon de plus en plus intensive. Je recevais les sms de ses amants d’un soir, les messages d’incompréhensions de mes propres amantes et je n’en pouvais définitivement plus. Cette guerre, je m’en cognais, le bien, le mal, c’étaient des conneries. Mais cette foutue dissociation de la personnalité avait décidé de rejoindre en plus des hunters. Il était temps de mettre sa fierté de côté et d’appeler Henrik. Sans réponses. Deux semaines plus tard. Toujours sans réponses.

Le dernier rempart à ma folie était encore Kaisa. Je ne connaissais pas vraiment cet homme qui prenait ma place, mais en général, ce genre de personnalité ne s’en prend pas aux personnes que la vraie personnalité aime. Elle était ma dernière chance de me débarrasser de mon parasite. De ce que j’avais pu comprendre de James… Il était pareil que l’homme qui m’avait vacciné, ou presque, sauf qu’il devait vacciner parce qu’on nous avait pris notre mutation. Non, en fait, je ne le comprenais vraiment pas. Ce qui était sûr, c’est qu’il avait choisi de s’allier à ceux qu’il pensait être les futurs gagnants et il me répugnait. Même si, il fallait l’avouer, fermer les yeux de la même façon que moi n’était pas forcément la solution à adopter. Mais je me fichais pas mal de ce qui pouvait se passer. Seul mon problème comptait actuellement. Mon problème et protéger Kaisa. L’absence de réponse de Henrik m’inquiétait. En décembre 2015, je décidais donc d’emménager à mon tour dans cette petite ville qu’était Radcliff. Pire encore, je m’alliais une nouvelle fois au démon et contactais l’homme qui m’avait vacciné pour rejoindre son entreprise qu’il avait décidé de déménager aussi ici. J’espérais qu’au contact de l’homme qui m’avait fait du mal, James n’aurait plus de raisons d’exister. Mais ma logique était peut-être erronée.

Je mis du temps avant de trouver ce visage doux qu’était devenue une belle jeune femme. Je n’eus pourtant pas l’occasion de l’approcher quand en croisant mon regard, je compris : elle ne me reconnaissait pas. Kaisa ne se souvenait plus de moi et j’ignorais encore tout de ce qui lui était arrivé. Mon cœur manqua un battement, pensant que si James voulait la manipuler, il en aurait peut-être l’occasion. Il fallait qu’elle se souvienne de moi, il fallait que je puisse la protéger et qu’elle parvienne à réparer ce qui s’était brisé en moi.