La jeune femme eut vite fait d'emballer les quelques affaires pour partir de chez elle.  Aucun événement grave. Juste quelques canalisations qui avaient décidé de l'inonder.  Et pas qu'à moitié.  Il pleuvait littéralement à l'intérieur même de l'appartement. Le genre de sinistre qui n'arrivait que dans les publicités pour prendre une assurance, sauf que visiblement, elle s'était bien trompée sur ce point. Les quelques gouttes du départ s'étaient très vite transformées en petit déluge. Elle avait tout juste eu le temps de  sauver ses quelques vêtements, son ordinateur et son portable. L'arme que son père lui avait donnée aussi. Même si elle ne s'en servait jamais en dehors de ses entraînements. Mais la brune ne pouvait pas se permettre de le laisser ici. Pas d'énormes bagages au final. Enfin, ce n'était pas comme si elle avait des masses d'affaires dans son appartement tout court. Pas de photos, ni de babioles. Ce qui se révélait comme un avantage dans cette situation. Au moins, elle n'avait rien de sentimental à déplorer.

Heureusement que Gray et Aspen avait accepté de l'héberger, d'ailleurs. Ce qui lui avait franchement réchauffé le coeur. La brune se mordit légèrement la lèvre devant la porte de l'appartement, prise d'un stress passager. Et si la rousse ne l'appréciait pas ? Si elle les dérangeait plus qu'autre chose ? Certes, elle savait que si cela représentait une nuisance on ne lui aurait pas fait une telle proposition. Mais elle ne pouvait s'empêcher de se ronger les sangs pour pas grand chose. Elle ravala ses doutes et sonna, avant de se retrouver très rapidement le nez face à un torse. La finnoise dut se dévisser le cou afin de pouvoir croiser ce regard sombre qu'elle connaissait si bien.

L'expression de Gray chassa ses craintes en à peine quelque secondes. Comme toujours. A croire que le géant était son calmant naturel. Celui qui faisait disparaître ses tracas en quelques battements de paupières.  L'image de l'homme déguisé en médicament flotta l'espace de quelques secondes dans son esprit avant qu'elle ne la chasse. Non, franchement, ça ne le mettrait pas en valeur ce genre d'accoutrement.

-Salut Gray. Ne t'inquiète pas, j'ai pu tout caser dans deux valises. J'avais pas beaucoup de choses à empaqueter et qui n'a pas pris l'eau de manière définitive. Puis le chauffeur de taxi a été sympa, il m'a pas fait payer les bagages.

L'homme avait peut être éprouvé une certaine compassion en la voyant avec son air à moitié perdu. Ca, elle n'avait pas osé le lui demandé. Cracher sur une petite réduction  ? Jamais. Surtout lorsqu'elle était aussi gentiment donnée. Elle aurait pu avoir sa propre voiture pourtant. L'assurance l'aurait remboursée, surtout qu'elle n'avait pas été responsable le jour ou la sienne avait fini à la casse. Elle avait toujours son permis . Mais depuis l'accident, elle  évitait de reprendre le volant. Pourquoi ? Ne serait-ce que le fait qu'elle n'ait plus un seul souvenir de ses leçons de conduite avaient de quoi la faire sagement reculer.  Le bus, c'était bien, aussi.

La brune le remercia avant d'entrer, découvrant pour la première fois l'endroit où elle logerait quelques temps. C'était nettement plus grand que son deux pièces. Nettement plus chaleureux aussi.  Son attention se porta presque directement sur la rousse.

-Bonjour, enchantée de faire ta connaissance. Encore merci de m'accueillir.

Le tutoiement prit le dessus directement. En même temps, la finnoise ne se voyait pas servir du „vous“ à une personne qui ne devait avoir que quelques années qu'elle, tout au plus. Même si ladite personne dégageait un charisme certain. Kaisa ne savait pas vraiment quoi dire d'autre. Enfin, elle avait surtout pas envie de s'emmêler et dire une bêtise qui pourrait offenser l'autre jeune femme. Alors, inconsciemment, elle adoptait le même comportement qu'avec son père. Une expression assez douce, un regard rempli de gratitude, un sourire avenant. Il ne manquait plus que les petites oreilles pour parfaire le tableau.

-J'espère que je ne vous dérange pas trop tous les deux...

Enjouée, Aspen l’était. Elle avait passé la matinée à préparer la chambre de sa future colocataire : elle avait changé les draps pour en mettre des propres et parfumés, elle avait débarrassé tous ses dossiers du bureau pour le laisser disponible, et elle avait même fait brûler une bougie pour qu’une odeur de vanille embaume la pièce. Elle n’avait que moyennement apprécié la solitude, les quelques semaines entre le départ d’Elspen et l’arrivé de Gray, aussi elle espérait que maintenant que la maison était remplie au maximum, elle allait le rester. Elle ne connaissait pas cette Kaisa, en tout cas pas personnellement, mais si elle avait les faveurs de leur très grand ami commun, alors ça lui allait. De toute façon, elle ne pourrait pas être pire que Rhaena, niveau colloc barjot, elle avait déjà atteint le summum. Et puis elle faisait confiance au bon gout du grand chauve allergique au soleil, cette fille devait être quelqu’un bien. De toute façon, si elle ne lui revenait pas, la demoiselle ne ferait pas long feu, c’était sur, mais Aspen était dans de bonnes dispositions, alors pour que Kai foire leur rencontre, il en faudrait beaucoup. Une fois la chambre nickel, elle referma la porte derrière elle, pile au moment où Grayman passait dans le couloir :

- Pourquoi, tu préfèrerais que je tire la tronche alors que notre futur scouby gang va être au complet ? Et puis froncer les sourcils ça marque la ride du lion, alors j’ai décidé d’arrêter.

Cela ne faisait qu’une semaine que le colosse s’était installé dans l’ancienne chambre d’Elspen, mais ils semblaient déjà avoir trouvé leur petite routine à tous les deux : Grayman dormait le jour, et s’activait la nuit, de telle sorte que lorsqu’Aspen sortait terriblement tard du travail, elle avait la certitude de retrouver un petit plat dans le frigo, prêt à être réchauffer, ou un plaid, ou n’importe quoi comme petite attention. Ça la touchait Aspen, vraiment, peut être parce que cela faisait un bail que quelqu’un ne s’était pas occupée d’elle, comme ça, sans rien demander en retour. Ça faisait du bien, et elle tâchait de lui rendre la pareille à sa manière, avec toute son exubérance et sa bonne humeur.

Quand la sonnette retentit dans tout l’appartement, Aspen laissa Gray accueillir la nouvelle venue : elle ne voulait pas intimider leur nouvelle colloc dès le début, alors autant la laisser d’abord découvrir le visage familier et rassurant de son ami. Légèrement en retrait, elle s’était adossée à l’encadrement de la porte, observant la toute petite brune et ses deux cartons sur le pas de sa porte. Décidément, elle ne comprendrait jamais comment certaines personnes pouvaient faire tenir toute sa vie dans deux cartons. Elle avait eu à louer un camion, elle, pour déménager. Les gens n’avaient ils donc pas de meubles ? plusieurs paires de chaussures ? des trucs volumineux, tout simplement ? Apparemment non, pas pour Kaisa. Bon, à sa décharge elle avait du partir de chez elle en catastrophe, alors peut-être avait-elle du laisser quelques-uns de ses biens derrière elle. Ou pas. Elle fit un petit signe de la main à Kai alors que celle-ci s’approchait vers elle, avec des yeux plein de reconnaissance et de douceur. Elle pouvait se détendre, la mini docteur, elle n’était pas un requin assoiffé de sang non plus, elle n’allait pas la manger toute crue :

- Salut Kaisa. Je suppose que Gray t’as déjà dit qui j’étais etc etc. Donc bref, je suis Aspen, la colloc maudite qui arrive pas à tenir une collocation plus de quelques mois, à force je vais croire que c’est de mon fait. Tu vas rapidement croiser Quinn, c’est mon chat, j’espère que tu n’es pas allergique !

Aspen, quand elle rencontrait quelqu’un, elle prenait tout l’espace, tout le temps de parole. D’ailleurs, elle n’avait pas laissé la nouvelle venue souffler qu’elle lui avait pris son carton des mains pour le refourguer à Grayman, au dessus de celui qu’il portait déjà :

- Tu lui mets dans sa chambre, s’il te plait ? J’vais lui faire faire le tour du propriétaire !

Le ton n’admettait aucune contradiction de la part de Gray, son sourire éclatant non plus, alors qu’elle ignorait délibérément la dernière question que la brune et prenait le poignet de Kaisa pour l’amener faire le tour des pièces. La maison était au format familiale, alors forcément, les volumes étaient décuplées : la cuisine ouverte et sur équipée était ouverte sur le grand salon où tronaient les deux canapés jaune canari, la salle de bain disposait d’une immense baignoire de d’une baignoire ainsi qu’une double vasque. Pour les chambres, Aspen passa rapidement par la sienne et celle de Grayman, encore chichement décorée, avant de donner à Kaisa la clé de la maison, mais aussi celle de sa chambre :

- Voilà ta demeure ! bon, c’est encore très neutre, j’ai pas pu y mettre grand-chose à part le lit, les rangements et le bureau, mais après ça te laissera le loisir de personnaliser à ta guise ! … ça te plait ?

Le fait qu'Aspen prenne en main la conversation ne la dérangea pas, bien au contraire. C'était bien aussi d'écouter, surtout lorsqu'on avait peur de dire une idiotie ou une blague pas drôle. Puis Kaisa avait toujours un peu de mal à démarrer les conversations les premières fois, après, ça allait très vite mieux. Enfin... La rousse avait l'air particulièrement joyeuse, de quoi l'aider à se détendre correctement. Ses épaules se relâchèrent imperceptiblement tandis qu'elle s'habituait à la présence de l'autre jeune femme.

-Non, je ne suis pas allergique.

Du moins, la dernière fois qu'elle avait cotoyé un chat ne lui avait pas posé de problème. Hormis le fait de perdre un peu de sa crédibilité. Mais elle n'était plus à ça près à ce niveau. Entre les félins et les enfants, y avait moyen de la faire gagatiser comme pas permis.

Elle eut tout juste le temps de croiser le regard de Gray et de lui souffler un petit merci,alors que ce dernier se retrouvait avec l'ensemble des cartons dans les bras, avant de se faire entraîner par Aspen pour le tour du propriétaire. Et autant dire que la demeure lui paraissait véritablement immense. Son ancien appartement était moins grand que le salon. Ca serait étrange les premiers temps, à n'en pas douter. Tout semblait arrangé avec soin pour que les invités se sentent à l'aise. De la décoration à la douce odeur de vanille, on ne pouvait que se détendre. Avoir l'impression de se retrouver dans un petit cocon tout confortable. Avec la présence de Gray et d'Aspen, elle aurait vite fait de se sentir bien. Surtout pour quelqu'un qui supportait plutôt mal l'isolement.

Elle marqua un léger temps d'arrêt devant sa chambre, tout de même étonnée face à l'espace qu'elle y trouvait. C'était clairement immense à ses yeux. On lui faisait un énorme cadeau là. Neutre... Et bien, heureusement que la Wolstenholme n'avait jamais vu l'intérieur de son ancien appartement qui se limitait au strict minimum et qui se révélait impersonnel au possible. Alors, autant dire que même si Aspen n'avait pas véritablement personnalisé la pièce, cette dernière lui paraissait bien plus chaleureuse que son petit deux pièces.

-Et c'est plus que ça même. C'est vraiment parfait.

Non pas d'exagération là-dedans. La brune avait la franche impression de se faire traiter comme une petite princesse. Bon, ses petits cartons ne rempliraient pas grand chose, pour sûr, mais elle aurait très vite fait de tout ranger.

La Finnoise tourna la tête vers Gray lorsqu'il les rejoignit, un sourire franc aux lèvres. Elle eut vite fait de remarquer le chat dans ses bras, trouvant la scène particulièrement adorable. L'espace de quelques secondes, elle eut la parfaite expression de l'abrutie heureuse.

-J'imagine bien. Puis, je pense que l'animation dans une maison, c'est plutôt réjouissant. Ca donne envie de rentrer le soir.

Surtout lorsque l'on n'aimait pas vraiment les silences pesants. Voir autant de vie et d'énergie avait quelque chose de rassurant à ses yeux. Ca l'apaisait. Elle espérait simplement qu'elle ne les réveilleraient pas avec ses terreurs nocturnes. Au pire, elle s'excuserait et irait se réfugier dans le lit de Gray, enfin, sauf si ça le dérangeait. Elle trouverait bien un moyen de se calmer pour ne pas que cela devienne un problème pour les autres.

Elle rentra dans la chambre pour ouvrir sa valise et sortir une boîte de chocolat, avant de se retourner vers eux d'une bonheur qui s'annonçait inébranlable pour la soirée. Bon, d'accord, c'était pas énorme, mais normalement, c'était le genre de petite attention qui faisait toujours plaisir.

-Je ne voulais pas arriver les mains vides, du coup, j'ai pris du chocolat. En espérant que tu aimes bien Aspen?

Bon, à vrai dire, elle ne connaissait personne qui n'aimait pas ça. Fallait juste croiser les doigts pour que la rousse n'y soit pas allergique.

A force, Aspen avait développé une certaine expérience d’agent immobilier et donnait avec un naturel désarmant toutes les informations nécessaires à Kaisa pour qu’elle sache être autonome dans la maison au plus vite : en moins de dix minutes, la jeune makinen savait où se trouvait chaque pièce, comment faire fonctionner le lave linge, mais aussi quel était le plaid préféré de Quinn ou encore quel serait l’étage qui lui serait réservé dans le frigo. C’était qu’elle était du genre pointue et un peu maniaque, la Wolstenholme, même si elle était de bonne composition : elle trouvait ça naturel que tout ne soit pas en bazar dans le frigo, et que chacun sache quel était son jour de lessive. Ça évitait les mauvaises surprises, et surtout de s’engueuler ensuite pour des broutilles parce qu’il ne reste plus de yaourts mixés à la fraise.

Finalement, elle ne laissa respirer Kaisa qu’une fois plantée devant sa chambre. Elle savoura l’air ébahie de cette dernière avec un peu de fierté personnelle : cette maison, elle l’avait organisé à son gout, un peu à son image aussi, alors quand elle voyait les étoiles dans les yeux de ses visiteurs, c’était un peu elle qu’on approuvait. Pour la chambre de Kai pourtant, elle n’avait pas pris beaucoup de risque : sa chambre était simplement chaleureuse et propre, ce qui était un peu la base, pour une chambre. Aspen se tourna vers Gray qui venait de les rejoindre, la chatte noire dans les bras : Quinn était tombée amoureuse du grand gaillard depuis qu’il était arrivée dans la colloc, tant et si bien que la jeune chatte faisait même des infidélités à sa maitresse certains soirs pour venir se lover contre le vacciné. Heureusement qu’Aspen n’était pas trop jalouse, alors qu’elle gratouillait le félin derrière les oreilles en souriant :

- Ecoute, je pense qu’on a fait le tour, elle devrait pas pouvoir se perdre. D’ailleurs, faudra penser à faire un nouveau double de la clé de la boite aux lettres, on en a que deux.

Son sourire s’élargit devant les compliments de Gray, mais aussi ceux de Kaisa : de l’animation, il y avait probablement pas mal quand elle était dans un endroit. Il fallait dire qu’elle devait être tellement pondérée et calme au travail qu’en général, quand elle rentrait chez elle, elle avait besoin de vie, de bruit, de musique, bref, elle avait besoin que ça bouge. Bon, ce n’était pas non plus la technoparade à chaque retour au foyer, mais elle aimait bien chantonner, discuter de sa journée avec Gray, préparer à manger à plusieurs… bref, le contact humain. Elle espérait que Kaisa n’était pas du genre trop farouche, parce qu’elle risquait d’être sur son dos dès qu’elle rentrerait de l’hopital. Il faudrait que Kai prenne le pli, mais globalement, les gens avaient peu de mal à s’accoutumer à l’omniprésence affectueuse de la Wolstenholme.

- Du chocolat ? Soit tu es bien renseignée, soit tu as de très bons gouts…. En tout cas merci ! Hmm, allons dans le salon, on sera mieux que dans le couloir non ?

La boite de chocolats dans les mains, et un morceau déjà coincé entre les dents, elle donna un coup de tête en direction de la pièce de vie, sans s’arrêter au canapé, préférant la cuisine et le frigo, où attendaient quelques bouteilles de bières fraiches qu’elle tendit aux deux autres :

- Bon et bien, je suppose qu’on est au complet, donc trinquons à notre toute nouvelle colloque ! qu’elle soit plein de bons diners, de fun et pitié, pas de drama. Ah, et oui, interdit de me lacher pendant au moins un an,vous êtes coincés ici, voilà !

Elle trinqua avec chacun d’entre eux, avant de se reconcentrer sur Kai :

- Bon du coup Kaisa, dis moi tout : tu es interne en médecin c’est ça ? tu es arrivée à Radcliff il y a longtemps ? Comment tu as rencontré l’énergumène ici présent ? je veux tout savoir !

-Elle est magnifique.

Elle remercia le géant, tout en s’abaissant pour caresser affectueusement Quinn. Les animaux… Une grande histoire d’amour. Avec eux, il n’y avait jamais de faux-semblants ni de mensonges. Et surtout, beaucoup de tendresse à revendre.

-Coincée avec toi et Gray pendant un an ? Et bien, je pense que c’est le genre de piège dans lequel j’accepterais de tomber tous les jours.

Cela ressemblait plus à un paradis qu’une prison. Un petit havre de paix. Le genre d’endroit où elle se sentirait en sécurité, entourée. Aimée. Elle remercia Aspen en acceptant la bière qu’elle lui tendait.

-Oui, je suis interne à l’hôpital. Avec la joie des gardes et des horaires qui peuvent se décaler.

Pourtant, cela ne l’empêchait pas d’aimer ce qu’elle faisait. Ce qu’elle apprenait. Si la brune ne savait plus la raison qui l’avait poussé dans cette voie il y a quelques année, elle en bénissait le ciel à présent. D’autant plus avec les derniers événements. A croire que toutes les personnes chères à son coeur s’étaient découvertes un goût prononcé pour le danger dès la naissance.  

-Ca fait un peu plus de deux ans que je suis arrivée à Radcliff. Et toi ? Tu travailles dans quelle branche ?

La brune voulait en apprendre plus sur sa future colocataire. Son entrain faisait plaisir à voir, achevant de la détendre et d’effacer les dernières incertitudes. Gray avait visé juste, la finnoise ne résisterait pas à l’aura de la Wostenholme.

-Je ne pourrais malheureusement pas te donner beaucoup de détails croustillants. J’ai eu un accident il y  a un an, à peu près, et depuis, je n’ai presque aucun souvenirs d’avant.

Douce ironie, elle qui se retrouvait doté d’une mémoire eidétique. Enfin, elle avait appris à passer outre. Du moins, à peu près. Qu’elle s’énerve ou non, la brune n’aurait aucun contrôle sur le retour de ses souvenirs. Ils reviendraient à leur rythme. A la vitesse d’une limace sous somnifère. Une constatation amère, mais qu’elle avait finit par accepter.

-Mais au niveau des retrouvailles, on peut très clairement dire que Gray m’a éviter de refaire un tour à l’hôpital. Et que depuis, on ne se lâche plus vraiment. Du moins, il est obligée de me supporter.

Le sourire ne quittait pas ses lèvres alors qu’elle jetait un petit regard à son meilleur ami. Parce Cette complicité la sauvait, parce qu’il était sûrement l’ancre la plus sûre de son existence. Celui vers qui elle se tournait inlassablement, sans se poser de questions. C’était Gray qui lui offrait sa stabilité, plus encore que Rafael. En contreparti, la petite brune agissait presque comme une petite maman avec lui, que cela soit pour l’écouter, le soigner ou même lui remettre les idées en place. Le tout en grimpant sur une chaise pour pouvoir le regarder dans les yeux sans se dévisser le cou. On repasserait pour la crédibilité. Sauf qu’elle avait ses arguments pour le ramener sur le droit chemin et le stopper, même s’il rentrait dans une colère sombre, aussi minuscule puisse-t-elle être face à lui.

-Par contre, je peux te dire que les pirojkis sont un argument très convaincant, lorsqu’il s’agit de Gray. Et tout plein de petites choses de ce genre.

Même s’il lui manquait une bonne partie de leur histoire commune, les anecdotes, elles, ne manquaient pas. Cocasses comme plus sérieuses. Ses yeux pétillèrent de malice, un sourire mutin accompagnant ses paroles. Le vacciné serait bien entouré avec les deux jeunes femmes, à n’en pas douter.

-Et vous deux ? Comment vous êtes vous connus ?

Plusieurs questions lui brûlaient les lèvres. La curiosité était un terrible défaut, disait on. Et Kai n’y avait pas échappé, loin de là. Surtout quand il s’agissait du géant.

Même si ils ne se connaissaient pas depuis très longtemps, Aspen savait que Greyman avait un goût sur, et notamment dans ces fréquentations : la preuve, cette jeune finnoise qu'elle connaissait à peine, et pourtant elle la trouvait déjà adorable. Elle avait une espèce de douceur, de candeur qui collait généralement bien au caractère fort et enjoué de la Wolstenholme. En même temps, quand on avait en face de soi quelqu'un d'aussi sociable qu'Aspen, il fallait vraiment y mettre du sien pour lui faire une mauvaise impression. Installée dans son gros fauteuil jaune, la Wolstenholme écoutait les explications de sa nouvelle colocataire avec attention : comme Grey, elle allait vivre en décalé, avec ses gardes et autres obligations professionnelles. Ce n'était ni un mal, ni un bien, ils allaient finir par trouver leur rythme de croisière. Et puis au moins, ils n'allaient pas se battre pour la salle de bain, le matin.

- Hum, et bien, faudra se faire un planning pour réussir à se voir les week end au moins alors. Mais en tout cas, on aura des trucs à se raconter au diner, et ça c'est chouette ! Je suis à Radcliff depuis, hum, toujours. Born and raised, comme on dit. Je suis architecte en bâtiment, en superstructures plus particulièrement. Je fais des gros œuvres, des ponts, des immeubles, je dessine des parcs de temps en temps … Ce genre de choses !

Elle fronça légèrement les sourcils quand Kaisa lui expliqua son problème d'amnésie. C'était terrible, quand même, quand on y réfléchissait bien. Elle s'imaginait ne se souvenir que de cette dernière année... et cela lui colla un frisson sur l'échine. Non, les deux dernières années de sa vie n'était pas forcément les plus intéressantes, ni les plus épanouissantes, si on mettait de coté son travail. Elle ne pouvait que compatir avec la jeune femme, sans trop savoir ce qu'elle pouvait bien lui dire ? Je suis désolée ? J'espère que ça va passer ? Bonne question. Elle prit une gorgée de sa boisson, avant de tenter une autre accroche :

- et bien si tu es en manque de souvenirs, on s'en construire de nouveaux, en top niveau, tu verras ! Et si en plus tu cuisines... ça va être juste mémorable !

Ainsi, ils s'étaient rencontrés dans des circonstances étranges, elle et Gray... à croire que c'était devenu la normalité, à Radcliff. Un sourire rusé s'étira sur les lèvres peintes de la jeune femme, alors que son regard coulait vers son très très grand ami.

- Alors, voyons … Il y a quelques mois, on s'est rencontrés dans un bar, et je l'ai abordé. J'étais seule, je m'ennuyais, on venait de me poser un lapin, et il était assis tout seul dans un coin, alors forcément... je suis allée le voir. On a discuté, et de fil en aiguille, je l'ai ramené chez moi, dans mon ancien appartement et …. Roh, ne rougis pas ! On a fini par passer la nuit à discuter, parce que c'était ce dont on avait besoin, finalement. On a parlé de nos histoires de cœur toutes pourries, et on s'est endormi. Et depuis, et bien, il a fréquenté mon ancienne colloc, celle qui a disparu dans la nature avant qu'il vienne emménager avec moi, et Tadammmm. Maintenant tu es là. Et c'est plutôt cool.