« Oh bordel... Fio', faut vraiment que je rentre chez moi, là. Je crois que la Bloody Mary après la Margarita, c'était vraiment, mais alors vraiment pas une bonne idée... » Merde. Mina n'y voyait plus très clair, des étoiles dansaient devant ses yeux et elle avait l'impression que le sol ondulait sous ses pieds. « Si je me pointe au boulot avec la gueule de bois demain, ton frère va me tuer... » Rentrer en titubant chez elle, elle s'en fichait bien. Sa mère était sans doute encore occupée avec ses potes d'Insurgency et à tous les coups son père allait la regarder sans trop quoi faire et juste lui dire d'aller se coucher. Et c'était d'ailleurs ce qu'elle avait l'intention de faire, rentrer et se coucher directement, sans même passer par la case démaquillage. Tant pis, elle se lèverait un peu plus tôt pour aller au boulot. Un bon anti-cernes et ses collègues ne devineraient même pas qu'elle avait fait la tournée des bars avec sa meilleure amie. Sortir avec Fiona, ça lui faisait du bien. Avec elle, c'était sans prise de tête, et elle savait qu'elle pouvait se plaindre des heures, Fiona ne lui dirait pas de la fermer. C'était bien, et c'était réciproque. Les deux rouquines se trouvaient souvent pour décompresser ensemble, et cette fois elle s'étaient dit qu'aller boire un verre ou deux – ou cinq – ne pourrait que leur faire du bien. Sauf que Margarita avait ramené ses copines Vodka et Tequila, et le contrôle de la situation leur avait légèrement échappé. « Fio', la prochaine fois que je prononce le mot vodka, sois un ange, frappe moi. » Mina prit une profonde inspiration et cligna des yeux – elle avait vraiment abusé, c'était certain, mais elle n'était pas malade, c'était déjà ça. Enfin, pas pour l'instant, mais une envie de vomir était bien vite arrivée. En plus, comme une conne, tout ce qu'elle avait mangé de la journée c'était un muffin gracieusement offert par Caleb, le frère de Fiona. Depuis que c'était l'Armageddon chez elle, Mina avait pris la fâcheuse habitude de sauter le petit-déjeuner, et parfois même le déjeuner. Et là, puisqu'elle n'était pas rentrée chez elle pour dîner avec Maman la Rebelle et Papa l'Amnésique, elle n'avait quasiment rien avalé. Alors forcément, mesdemoiselles Margarita, Tequila et Vodka avaient fait effet en un claquement de doigts. C'était bien, Mina était trop occupée à rire comme une idiote et à essayer de marcher droit pour se mettre à chialer. Bras dessus bras dessous, Fiona et elles avançaient dans la ruelle, rudement mais sûrement. Heureusement qu'elle n'habitait pas trop loin, sinon elles auraient eu besoin d'appeler un taxi – et ça, c'était carrément la honte. « Si tu veux rester à la maison, hein... Tu sais que j'ai toujours de la place pour toi dans mon lit... ! » En tout bien, tout honneur, évidemment hein. Fiona était canon, mais elle n'était pas son genre. Ce qui ne les empêchait pas de s'écrouler dans le même lit quand elles commençaient à voir double. D'un coup, il y eut un bruit de ferraille, ça venait de derrière une poubelle, et Mina avait sursauté si fort qu'elle avait manqué de s'étaler sur le trottoir. « Wow, c'était quoi ça ? T'as entendu, Fio' ? Tu crois que c'était un gros chat ? » Bah oui, un chat, forcément. C'était quand même pas comme si une créature humanoïde qui ressemblait à un loup-garou sous amphétamines alors sortir de derrière la benne, hein ? HEIN?! « Oh oh. »

« Oh bordel.. Fio', faut vraiment que je rentre chez moi, là. Je crois que la Bloody Mary après la Margarita, c'était vraiment, mais alors vraiment pas une bonne idée.. » Tu éclates de rire alors que le verre devant toi n'est pas encore complètement vide. Sérieusement, tu ne sais plus ce qu'il y avait dedans et même si tu y goûtes, t'es pas certaine de pouvoir dire parce que tes papilles gustatives sont complètement finies à l'heure actuelle. Et à en juger l'état de ton amie, les siennes non plus n'ont plus beaucoup de sensation à l'heure actuelle. Mais vous deux ensemble, vous vous en fichez, parce que lorsque l'on met Fiona et Mina dans la même phrase, dans la même soirée, dans la même beuverie, on se retrouve toujours avec une histoire pas possible. Tu es toute molle sur ton banc alors qu'en une seule et dernière gorgée, tu termines le verre à la substance inconnue devant toi. Tu échappes un hoquet alors que la rousse à côté de toi prévoit trop loin dans le futur pour tes capacités mentales actuelles. « Si je me pointe au boulot avec la gueule de bois demain, ton frère va me tuer.. » Tu ries encore un peu, parce que l'image mentale de ton frère devant la Mina qu'il y a devant toi, ça a clairement quelque chose d'amusant. « C'est pas si Mina, c'est quand tu vas rentrer au boulot demain. Parce que j'te jure, si tu feel moindrement comme moi, y'a aucune chance que tu vois claire d'ici les cinq heures qui reste avant qu'on commence à travailler. » Sur ton cellulaire, un lumineux 2h07 apparaît et tu en viens à te demander comment tu es censée être redevenue complètement à jeun entre maintenant et l'heure où tu devras à nouveau paraître comme une jeune femme responsable, une future médecin qui sait de quoi elle parle et ce qu'elle est supposée faire. Et comme tu ne sais pas, tu préfères nier la réalité. Parce que c'est tellement plus facile. « Et il est pas épeurant mon frère. Il jappe fort, mais il mord pas. » Encore une fois, ton rire remplit la place alors que tu es complètement hilare devant la comparaison de ton frère et d'un chien dangereux. Clairement, l'alcool dans ton système, ça n'a rien de gagnant pour ta personne.  « Fio', la prochaine fois que je prononce le mot vodka, sois un ange, frappe moi. » Ton regard se tourne vers ton amie qui semble avoir drôlement mal à la vie vu son état avancé, et sans trop réfléchir, tu l'as frappe. Elle te regarde avec un air indigné et de ton côté, tu ne peux pas t'empêcher de te mettre à pouffer de rire une fois de plus. Une vraie idiote sous l'alcool. « Quoi! Tu viens de le dire. VODKA! » Tu lèves ton verre vide alors que tu te lèves finalement, t'appuyant sur ton amie alors qu'elle en fait de même et vos pas sont hésitants alors que vous sortez finalement du bar où vous venez de passer de nombreuses heures. « Si tu veux rester à la maison, hein.. Tu sais que j'ai toujours de la place pour toi dans mon lit…!» Tu hoches positivement de la tête, parce que tu sais que si tu essayes de retourner chez toi toute seule dans ton état, tu risques de finir toute seule dans une ruelle, incapable de retrouver où tu restes. Tu es concentrée sur tes pas lorsqu'un bruit sourd se fait entendre dans la rue, te ramenant les deux pieds sur terre. Tu te tournes, mais le noir de la nuit et l'alcool semblent embrouillé ta vision. Tu aperçois une forme et plutôt que de te mettre à paniquer, ton premier réflexe est de sortir ton téléphone pour faire de la lumière. « Wow, c'était quoi ça? T'as entendu, Fio'? Tu crois que c'était un gros chat? » « La ferme, j'essaye de voir! » Tu continues avec ton téléphone de faire de la lumière, tu prends même une photo que tu essayes de zoomer maladroitement, alors que ton amie semble comprendre plus vite que toi ce qui se passe. « Oh oh. » « Regarde! J'pense que c'est.. tsé c'qu'on entend parlé dans les nouvelles? » Pendant quelques secondes, tout ce que tu as en tête, c'est de retrouver le nom de cette chose effrayante dont tout le monde parle tout le temps. Ça t'obsède, tu dois trouver le mot, alors que franchement, ça ne devrait pas être ta principale préoccupation. « Tsé, le truc. Le machin de Radcliff là. Tu sais de quoi je parle. » Le truc. C'était ce machin violent et sans aucune pitié. Et puis, tu allumes. Tu devrais pas rester là à prendre des putains de selfie. Tu devrais courir. Et courir vite. Et c'est ce que tu tentes de faire, ta main s'accrochant à celle de la rousse à tes côtés. « OH FUCK MINA. »

Mina Barnes versus Le Reste du Monde. Ça ferait un super titre d'autobiographie. Non parce que franchement, ce n'était plus le hasard qui l'emmerdait, c'était carrément un mauvais karma. Qu'est-ce qu'elle avait pu faire pour mériter ça ? Est-ce que dans une vie passée elle avait eu une chance d'empêcher l'Inquisition Espagnole et elle avait raté son coup ? Ou alors, elle avait abusé de la boisson plus qu'elle ne l'aurait cru, et elle avait carrément des hallucinations. C'était plutôt rassurant comme option, et mieux que l'autre – j'ai un monstre au cul et je suis trop bourrée pour courir droit. Enfin au moins, elle n'essayait pas de prendre des photos de ce qui pourrait potentiellement les bouffer, elle. « Mais... Mais Fio', t'es complètement conne ou quoi ? » Normalement, tout être humain avait un assez bon instinct de survie. Mais les parents des deux rouquines avaient dû oublier de cocher l'option à leur naissance, parce que pour une raison encore inconnue, elles ne s'étaient pas encore barrées en courant et en gueulant comme des gamines qui auraient vu une araignée. « C'est quoi ? Je pige que dalle à ce que tu racontes ! » Pourtant, Mina regardait les infos et lisait le journal ; mais là son cerveau était en mode veille et elle n'arrivait pas à faire le lien avec ce que lui disait l’Écossaise. Ses derniers neurones avaient été noyés par la Bloody Mary, rest in peace. Du coup, pendant que Fiona cherchait ses mots, Mina cherchait son cerveau. « Mais allez viens, on se tire... ! » Et là, d'un coup, Fiona active l'option lampe torche de son téléphone, qu'elle braque directement vers la chose. « Uh. » C'est con, comme réaction. Mais sur le coup, Mina a l'impression d'être en face d'un vilain tout droit sorti des comics qu'elle adore. Sauf que là, c'était la réalité, et elle avait moyennement envie de se faire bouffer. Il fallait courir – essayer – et vite. Alors quand Fiona s'accrocha à elle, Mina ne perdit pas une seconde pour l'entraîner à sa suite. Deux filles rousses qui couraient en zigzaguant dans les rues de Radcliff, ça paraissait presque normal, elles auraient fait pareil si elles étaient tombés sur des types louches. Mais pour le coup, Mina aurait préféré tomber sur de vrais êtres humains, avec lesquels on pouvait au moins tenter de négocier. Histoire de vérifier si le truc était toujours derrière elles, Mina tenta de jeter un regard par dessus son épaule. Sauf qu'ivre comme elle était, elle ne vit pas grand chose et manqua bien de se prendre un lampadaire en pleine gueule en se retournant. « RAH, FUCK ! » Mina avait trois humeurs : fuck this shit, fuck you et fuck me. Et là c'était un savant mélange des trois. Toujours accrochée à Fiona, Mina tourna dans une rue qu'elle connaissait bien, celle où il y avait sa salle de danse. Avec un peu de chance, le concierge aurait encore oublié de fermer la porte de la remise, et elles pourraient rentrer dans le bâtiment, se planquer, et appeler maman, papa et le grand frère à la rescousse. Ce serait plutôt une super coïncidence, non ? De toute évidence, c'était un non franc et sonore du destin, puisqu'en voulant ouvrir la fameuse porte, Mina s'écrasa dedans comme une mouche sur une baie vitrée. « MAIS POURQUOI CE SOIR, PUTAIN ?! CONCIERGE DE MEEERDE ! »

« Mais.. Mais Fio', t'es complètement conne ou quoi? » Ton téléphone toujours devant toi, la caméra ouverte et pointée vers la noirceur, là où le bruit a pris lieu, ton cerveau met quelques secondes à analyser ce que la jeune rousse à côté de toi vient de dire. C'est peut-être elle la plus jeune entre vous deux, mais bien souvent en soirée, tu es celle qui devient la plus immature et dans un moment comme celui-là, la plus innocente. Tu éclates de rire quand tu assimiles complètement ses paroles, te contentant de hocher de la tête alors que tu continues ton petit numéro sur ton téléphone, sans vraiment voir ce que tu es en train de faire. Soudainement, tu vois un peu mieux, et si tu reconnais cette chose que tu aperçois, tu ne comprends pas vraiment ce que ça représente de l'avoir là, devant toi, si près de vous. Tu ne reconnais plus le niveau de dangerosité associé à cette chose qui rôde les rues de cette ville aux mille malheurs. « C'est quoi? Je pige que dalle à ce que tu racontes! » Tu échappes un long soupir, soudainement découragée de votre stupidité mutuelle en cette nuit avancée et ton corps semble plus impatient que ta tête de se sauver de cette situation. Tu grouilles de la jambe alors que ta bouche cherche encore et encore à se débarrasser du mot qui est pris au bout de ta langue, ce mot qui décrirait peut-être assez bien la situation pour faire comprendre à ton cerveau que tu dois réagir plus vite dès maintenant. « Mais allez viens, on se tire..! » Ton corps approuve, mais ta tête hésite alors que la lumière soudaine émanant de ton téléphone éclaircit bien plus que la sombre ruelle. « Uh. » « Ouais, uh. » Et puis soudainement, c'est la course contre la montre. Chacun de vos pas hésitants et maladroits, tentant de créer une distance acceptable entre vous et cette chose qui elle, n'est pas complètement amortie par l'alcool comme vous pouvez l'être. Toutefois, l'adrénaline se fait finalement ressentir dans ton léger corps frêle alors que ta course se fait de plus en plus droite jusqu'au studio de danse où ton amie te mène. Tu l'entends crier, mais tu es tellement concentrée sur ce que tu espères être votre destination finale. Ta respiration est haletante lorsque ton amie tente désespérément d'ouvrir cette porte qui clairement, nous s'ouvrira pas comme par magie devant vous. Il y a bien des trucs spéciaux qui se passent dans cette ville, mais jamais au grand jamais cela ne peut être en votre faveur, malheureusement. « MAIS POURQUOI CE SOIR, PUTAIN?! CONCIERGE DE MEEERDE! » « CRIS PAS SI FORT. » Ta voix est aussi forte que celle de ton amie, quoique tu n'as pas complètement conscience de ce qui est en train de se produire. Tu te tournes, pour apercevoir que la chose, ce truc dont tu n'es toujours pas en mesure de te souvenir du nom, il n'est pas loin. Pire encore, si vous ne vous remettez pas à courir dans l'immédiat, tu ne serais pas prête à parier sur votre survie. « FUCK L'ENCULÉ QUI M'A VACCINÉ. » Parce que ce serait tellement plus simple de pouvoir te téléporter et disparaître de cette situation oh combien déplaisante. Sans plus tarder, tu rattrapes la main de ta copine avant que la course contre la montre ne se remette en marche. « Dis-moi que tu connais une autre place près d'ici! » Tes mots sont saccadés alors que tu tentes de faire une phrase complète. Parler et courir, c'est vraiment deux tâches compliquées à accomplir en même temps. « Il va nous rattraper Mina merde! » Courir, courir. Encore courir. Du moins, c'est ce que tu faisais avant que tu ne t'enfarges dans tes pieds, t’étendant de tout ton long sur le trottoir, perdant le peu d'avance que vous aviez. « Fuck. » Et là, c'est vraiment le cas de le dire.

Spoiler:

Un plan B... Ça aurait vraiment été cool, un plan B. Sauf que Mina n'avait même pas eu de plan A, elle s'était contentée de se jeter sur la porte du studio en priant très fort pour qu'elle soit ouverte. Sauf que ça aurait été trop beau, trop facile. Et la première réaction de Mina, au lieu de s'atteler à la création d'un plan B avec ses neurones épargnés par l'alcool, elle rageait. Comme une idiote, comme une enfant, parce qu'elle en avait franchement marre de cet acharnement du destin. Le plus ironique, c'était qu'elle n'avait rien vu venir. Alors son putain de don de voyance, il pouvait bien aller se faire foutre ! « JE CRIE SI JE VEUX ! » De toute façon, la chose qui en avait après elle devait déjà savoir où elles étaient. Les deux rouquines n'avaient pas beaucoup d'avance, voire pas du tout. Furieuse, Mina envoya un grand coup de pied dans la porte blindée, ce qui évidemment ne servit strictement à rien, sinon à faire un boucan d'enfer. Eh, avec un peu de chance elles allaient réveiller tout le quartier et on viendrait les sauver ! Quelqu'un ? N'importe qui ? Superman peut-être ? Que dalle, ouais. C'était Radcliff, et à Radcliff c'était chacun sa merde. Mina regarda Fiona avec de grands yeux étonnés, comme si elle lui avait posé une question métaphysique, avant d'essayer de réfléchir, tout en s'éloignant en trottinant du studio, presque l'air de rien. « Euh... Euuh... Euuuh... AH ! Le bureau de ton frère, enfin le cabinet d'avocats quoi, c'est à une rue d'ici ! J'ai les clés ! Viens, faut qu'on se grouille si on veut pas se faire bouffer ! » Et c'était reparti pour le marathon de leur vie. Sauf que, comme dans un mauvais film d'horreur, Fiona s'étala de tout son long sur le trottoir. « Putain, Fio', t'abuses !! » Aussi éméchée qu'elle soit, pas question pour Mina d'abandonner son amie derrière elle, plutôt crever. Ça tombait bien, parce que c'était exactement ce qui risquait de lui arriver. Sans aucune délicatesse, Mina attrapa Fiona par les épaules et la releva brusquement, démontrant d'une force insoupçonnée, merci l'adrénaline. « Allez, vite, vite ! » Sans lâcher la main de Fiona, Mina se remit à courir, en se faisant violence pour ne pas regarder par dessus son épaule et risquer de trébucher à son tour. La rouquine courait comme elle n'avait jamais couru auparavant, et elle avait l'impression d'avoir décuvé d'un coup – c'était fou ce que le corps était capable de faire en situation d'urgence. Un drôle de grognement la fit hurler comme une enfant juste avant qu'elle ne freine devant l'entrée d'un immeuble, et très vite, Mina composa le code d'entrée du bâtiment, ouvrit la porte, jeta Fiona à l'intérieur, et la rejoignit après avoir claqué la porte derrière elles. Sauvées ? C'était bien connu, il en fallait davantage pour arrêter les monstres. « C'est au troisième, allez faut qu'on se bouge ! » Et pas question de prendre l'ascenseur, avec leur chance elles allaient rester coincées dedans. Quatre par quatre, Mina monta les escaliers, et c'est à bout de souffle qu'elle arriva devant la porte du cabinet. En respirant comme si elle allait cracher ses poumons sur le paillasson, elle sortit les clés de la poche de sa veste et ouvrit la porte plus vite qu'elle ne l'aurait jamais fait si elle avait été en retard pour le boulot. « Bordel, je crois que j'ai jamais ouvert cette porte aussi vite ! Vite, on va se planquer dans la réserve, on peut s'enfermer et c'est une pièce sans vitres ! Au fond, bouge ! » Et après ? Elles appelaient les secours et elles se mettaient à prier, non ? Ou alors elles attrapait la hache et l'extincteur et elles se transformaient en amazones pour sauver leurs fesses, c'était au choix.

« JE CRIE SI JE VEUX ! » Tu échappes un long soupir, même si vraiment, tu devrais te concentrer sur autre chose que la voix perçante de ton amie dans la rue. Tu ne peux t’empêcher d’espérer que quelqu’un quelque part sera dérangé par vos cris et votre course folle qu’ils vont finir par appeler la police, ou peut-être même vous offrir un refuge le temps que la menace passe. Sauf que ce n’est pas le cas, il n’y a que toi et Mina contre cette bête et franchement, vous n’avez pas beaucoup davantage vu la porte barrée qui vous fait face et la distance qui se restreint entre la bête et vous. Comme on dit, c’est bientôt game over si vous ne trouvez pas un nouveau plan très vite. « Euh.. Euuh.. Euuuh.. AH! Le bureau de ton frère, enfin le cabinet d’avocats quoi, c’est à une rue d’ici! J’ai les clés! Viens, faut qu’on se grouille si on veut pas se faire bouffer! » Tu hoches positivement de la tête, reprenant sans attendre plus longtemps cette course qui te fait souffrir plus que tu n’es prête à l’admettre. Tu n’es pas prête à dire que tu n’es pas en forme, mais clairement, tu n’es pas prête pour faire un marathon demain matin. Surtout si l’on considère la nouvelle donnée que tes pieds sont incapables de se mettre un en avant de l’autre sans te faire trébucher pour que tu te retrouves sur le sol telle une crêpe écrasée. « Putain, Fio’, t’abuses!! » Tu sens la panique qui grimpe, mais tu ne peux pas t’empêcher de regarder ta copine avec un air légèrement effronté, la colère se mêlant trop facilement avec le stress de la situation. « OUAIS GENRE, J’AI FAIS EXPRÈS! » Ta voix porte encore trop fort dans la nuit alors que la main fine de la jeune Barnes se prend dans la tienne, te forçant d’un coup sec à te relever alors qu’elle ne prend même pas la peine de regarder plus loin derrière quel avantage vous avez encore sur cette bête terrible. « Allez, vite, vite! » Ton corps est endolori par la chute, mais tu pousses ça loin dans ton esprit, concentrée sur tes jambes pour t’assurer qu’elles ne te refassent pas le coup de la crêpe. Vous arrivez rapidement au bureau d’avocat et tu sautilles sur place alors que la rousse à tes côtés se pressent pour débarrer la porte. Aussitôt rentrer dans le grand local, votre course recommence et cette fois-ci, un obstacle de taille se rajoute. « C’est au troisième, allez faut qu’on se bouge. » Tu tentes tant bien que mal de suivre ton amie alors qu’elle monte les escaliers en flèche, tes jambes endolories ralentissant le processus. « Aïe! » Une fois que vous êtes sur le bon étage, tu ne prends même pas la peine de vérifier où se trouve la bête que déjà, tu suis ton amie qui parle tout en marchant rapidement vers une direction qui semble très précise pour elle. « Bordel, je crois que j’ai jamais ouvert cette porte aussi vite! Vite, on va se planquer dans la réserve, on peut s’enfermer et c’est une pièce sans vitre! Au fond, bouge! » Tu marches rapidement encore, alors que la pièce dont la jeune femme parle se présente sous tes yeux et une fois à l’intérieur, la porte se ferme sur la noirceur de cette nuit qui n’a rien de ce qu’elle aurait dû être. « Tu crois qu’on a réussi à le semer? » Soudainement, tu songes à vérifier jusqu’à ce que tu comprennes que la noirceur de la pièce, elle est dû au fait qu’il n’y a pas de vitres. Pas de vitres veut aussi dire qu’il y a impossibilité de voir derrière la porte ce qui se passe. « Mina, merde! » Tu mets ta tête entre tes mains, réalisant soudainement la stupidité de ce qui se passe. Vraiment, c’est pire qu’un mauvais film d’horreur. « Fuck, c’est vraiment l’idée la plus stupide que tu aies jamais eu! Là, on peut même pas vérifier si on est sur le point de se faire trucider! » Tu lâches un grognement de rage alors que tu te mets à faire les cent pas dans cette petite pièce où tu as déjà l’impression de manquer d’air. Merde, merde, merde! « Bordel à quoi tu pensais? Moi, j’ouvre pas cette porte. T’imagines, le truc il a la super force de Caleb? Non, non, non! » Tu imagines les pires scénarios, ton esprit part partout. Tu attrapes ton portable pour créer un peu de lumière et tu te dis que ça pourrait justement être une bonne idée d’appeler ton superman de frère, même si tu sais au fond qu’il n’est plus superman et qu’il t’en voudrait sûrement d’être aussi conne. Sauf que tu ne peux pas l’appeler parce que bordel, t’as pas de réseau. Soirée de l’enfer, ouais. « Fuck, j’ai pas de réseau non plus. Par pitié Mina, dis-moi que t’as au moins une barre de réseau, au moins une barre. »

Mina adorait son boulot chez le frère de Fiona, vraiment. Mais elle n'était jamais entrée dans le cabinet aussi vite, et ça faisait des mois qu'elle y travaillait. Bon, en même temps, fallait aussi dire que c'était la première fois qu'elle se retrouvait poursuivie ne créature digne d'un film d'horreur. Et elle réfléchissait vite, très vite, plutôt motivée à utiliser ses neurones – de toute façon c'était ça ou finir en steak de premier choix. Et à seulement vingt ans, Mina se trouvait encore un peu jeune pour mourir, sa vie était certes assez pathétique ces derniers temps, mais ce n'était pas une raison. Quand on a touché le fond, on ne peut que remonter... ou commencer à creuser, au choix. « Tu veux pas arrêter de te plaindre deux secondes ? Si tu veux aller te planquer ailleurs, le bureau de ton frère c'est la première porte à gauche, si t'as de la chance tu pourras peut-être tabasser ce truc avec son exemplaire du Code Pénal ! » Merde à la fin ! Fallait bien qu'elles se planquent quelque part, elles n'allaient pas traverser Radcliff en courant, elles crèveraient d'épuisement avant que la chose leur mette la main dessus. Au moins aussi terrifiée qu'énervée, Mina claqua la porte et la verrouilla, avant de prendre une seconde pour reprendre son souffle. « Je pensais à pas mourir comme une conne, figure-toi ! Faut bien qu'on se planque quelque part, et une pièce sans fenêtre et avec une seule entrée, c'était notre meilleure option ! Au moins si Frankenstein défonce la porte, on le verra arriver et on pourra peut-être lui éclater la gueule ! » Bah oui, elle  voulait se cacher où, sous un bureau ? Dans la pénombre, Mina leva les yeux au ciel, avant de fouiller dans son sac pour trouver elle aussi son téléphone. « Bah ouais, moi j'ai du réseau. Je te l'avais bien dit que ton opérateur c'était de la merde. » Sans vraiment y réfléchir, elle donna son téléphone à son amie, afin qu'elle puisse appeler son frère, ou les secours, ou peut-être même le Pape – n'importe qui capable de les sortir de là. Pour le moment, Mina n'entendait pas le moindre son provenir de l'extérieur, mais ça ne voulait pas dire qu'elles étaient sorties d'affaire pour autant. Pendant une seconde, Mina songea à appeler ses parents, histoire de leur faire des adieux bien dramatiques du genre "je crois que je vais claquer, m'attendez pas pour dîner, bisous". « Fais-moi un peu de lumière, je sais qu'on a une hache quelque part. Au cas où y aurait un incendie un jour. Je crois que ton frère avait pas envisagé l'option attaque d'homme-loup-zombie. J'avoue que même moi je l'ai pas vue venir celle-là. Mutation de merde. » Mina lâcha un petit "HA !" victorieux quand elle mis la main sur la fameuse hache. « Putain, Fio', j'ai l'impression de sortir d'un film d'horreur débile. » Avec sa robe de soirée, ses escarpins et sa hache, elle avait l'air d'une héroïne du genre. Si elle avait osé, elle aurait pris un selfie. « Mais où est Batman quand on a besoin de lui ?! Ugh. Éclaire-moi, histoire que je te foute pas un coup parce que j'y voyais que dalle. Ce serait vraiment con, comme mort. Ah ah. » Morte de rire. Bientôt morte tout court, peut-être. N'empêche que, instinctivement, Mina s'était placée entre la porte et Fiona, prête à la défendre bec et ongles contre le truc qui en avait après elle. Si elle pouvait éviter de se la jouer warrior du samedi soir, ça l'arrangeait pas mal. Mais bon, au pire... #yolo.

« Tu veux pas arrêter de te plaindre deux secondes? Si tu veux aller te planquer ailleurs, le bureau de ton frère c’est la première porte à gauche, si t’as de la chance tu pourras peut-être tabasser ce truc avec un exemplaire du Code Pénal! » Tu ne peux t’empêcher de la dévisager, encore essoufflée de cette course contre la montre qui t’a complètement vidée. Tu sais qu’elle a raison, mais comme tu n’as aucune envie de lui dire, tu te contentes de lui faire une grimace et de l’insulter. Ta spécialité après tout. « Trop conne. T’es vraiment trop conne j’te dis. » Tu tournes en rond dans la petite pièce, à la recherche d’une issue, d’une idée à laquelle vous n’auriez pas encore penser pour vous sortir de ce pétrin gigantesque. Mais dans ton esprit, il n’y a que le vide. « Je pensais à pas mourir comme une conne, figure-toi! Faut bien qu’on se planque quelque part, et une pièce sans fenêtre et avec une seule entrée, c’était notre meilleure option! Au moins si Frankenstein défonce la porte, on le verra arriver et on pourra peut-être lui éclater la gueule! » Tu n’es pas complètement convaincue par la théorie de la rousse à tes côtés. Parce que tu ne comprends pas comment vous allez le voir arriver s’il n’y a pas de fenêtre. Mais surtout, comment vous êtes censées casser la gueule d’un espèce de zombie alors que vous – ou du moins toi – tenez encore à peine sur vos jambes. Plus le temps file, plus les chances de réussite de ce plan te semblent minces, voir impossible. « Je crois pas qu’on soit en mesure de faire éclater la gueule à qui que ce soit Mina. » Tu n’as même pas terminé ta phrase que déjà tu redoutes une claque en arrière de la tête ou quelque chose, le genre de marque d’affection que tes frères ont l’habitude de te donner lorsque tu dis n’importe quoi, habitude que la jeune Barnes a elle aussi l’habitude d’avoir avec toi depuis que vous vous connaissez. « Bah ouais, moi j’ai du réseau. Je te l’avais bien dit que ton opérateur c’était de la merde. » « Ouais c’est bon, merci pour tous tes précieux conseils Mina, j’m’en souviendrais de celle-là. » Ta voix est tout ce qu’il y a de plus sarcastique en ce moment, mais tu n’as pas vraiment de temps à perdre sur les commentaires peu pertinents de ta meilleure amie. Tu es déjà bien occupée à composer le numéro de ton frère, posant le portable contre ton oreille, chaque sonnerie étant la pire attente du monde jusqu’à ce que tu tombes sur le répondeur, ton pire ennemi du moment. Si on oublie la chose peu humaine de l’autre côté de la porte, évidemment. « Merde, Caleb, réponds! » Une fois le message laissé sur le répondeur, tu raccroches agressivement, tapant du pied sur le plancher, te sentant soudainement terriblement impuissante. L’idée te vient d’appeler le 911, mais tu n’as même pas le temps de composer le numéro que la jeune Barnes semble avoir un nouveau plan en tête. « Fais-moi un peu de lumière, je sais qu’on a une hache quelque part. Au cas où y aurait un incendie un jour. Je crois que ton frère avait pas envisagé l’option attaque d’homme-loup-zombie. J’avoue que même moi je l’ai pas vue venir celle-là. Mutation de merde. » Tu allumes la lampe de poche sur le portable de ton amie, tente de l’éclairer autant que tu peux alors la vision qui s’offre à toi est plus que ridicule, tellement que tu ne peux t’empêcher d’échapper un fou rire. Le stress et l’alcool, c’est clairement pas un mélange qui te réussi. « Putain, Fio’, j’ai l’impression de sortir d’un film d’horreur débile. » Entre deux rires, tu prends une photo de ton amie dans son moment de gloire le plus intense, et tu lui tends le portable pour qu’elle puisse admirer elle aussi cette vue incroyable. « T’as l’air aussi, regarde. » Tu ris encore parce que sérieusement, il ne reste que cela à faire. Rire et réaliser que les chances de vous en sauver désormais sont pratiquement nulles. Tu auras eu une belle vie. Ou presque. En majorité du moins. Sans grand amour et sans grande chance, mais hey. Au moins tu meurs pas toute seule. « Mais où est Batman quand on a besoin de lui?! Ugh. Éclaire-moi, histoire que je te foute pas un coup parce que j’y voyais que dalle. Ce serait vraiment con, comme moi. Ah ah. » Tu repointes le portable en la direction de ton amie qui semble être peu stable sur ses deux pieds avec la gigantesque hache dans les mains, et tu imagines de quoi pourrait avoir l’air cette scène vu par un spectateur. L’idée de ton corps découpé en deux, par la hache ou par le monstre, juste là sous la main pour que ton frère vienne te ramasser. Une belle façon de commencer la semaine! « J’suis certaine que mon frangin va apprécier de ramasser mon corps ici ce matin. Que ce soit toi ou le monstre, je suis certaine d’y penser donc bon.» Tu es encore partie sur un fou rire, un rire maintenant teint de cette négativité et de ce pessimisme qui ne te lâche plus. Et tu te dis que la police peut toujours être une option. « J’vais appeler la police. » Tu viens de terminer de composer le numéro lorsque des gros coups se font entendre contre la porte, et tu ne réalises même pas que tu es désormais en ligne avec les services d’urgence lorsque la porte s’affaisse sous les nombreux coups donnés. Sans y réfléchir, tu te jettes par terre, derrière ton amie et la hache, incapable de penser à une meilleure idée. « FUCK. ON VA MOURIR. MINA ON VA MOURIR. »

Mina prenait de grandes inspirations, espérant naïvement que contrôler sa respiration l'aiderait à se calmer. Mais elle tremblait et son cœur battait à tout rompre ; elle était morte de peur et toutes les plaisanteries du monde ne réussiraient pas à le cacher. Ce n'était pas ainsi qu'elle avait imaginé sa fin de soirée, encore moins la fin de sa vie. Elle avait beau avoir une existence légèrement compliquée, elle n'avait pas envie de mourir pour autant, et certainement pas dans la remise de son lieu de travail, encore à moitié ivre. Si elle mourrait maintenant, qui allait prendre soin de son père ? Non, ce n'était pas juste, elle ne pouvait pas crever comme ça ! Et Fiona ne méritait pas de mourir non plus, elles allaient s'en sortir, elles devaient s'en sortir. « Putain, Fio', pourquoi tu te marres ? C'est vraiment pas drôle... ! » Sauf que, quand Fiona lui montra la photo qu'elle avait prise avec son téléphone, Mina éclata d'un petit rire nerveux. Elle avait vraiment l'air de sortir d'un mauvais film, sauf qu'il s'agissait malheureusement de la réalité. « Arrête. Personne ne va ramasser nos cadavres demain matin, parce qu'on va pas mourir. Hors de question. J'ai pas souffert toute ma vie pour y passer comme une conne, merde ! » Sous la peur, la colère bouillonnait. Mina était furieuse, furieuse que ce genre de chose lui tombe dessus – encore. Un peu de répit, était-ce vraiment trop demander ? Tout ce qu'elle avait voulu, c'était passer une bonne soirée en compagnie de sa meilleure amie, pour oublier que sa vie était un cauchemar sans fin. Elle ne méritait pas de mourir pour ça, elle était folle de rage et prête à en découdre avec tout ce qui pourrait passer par la porte. Si elle devait vraiment y passer, elle ne claquerait pas sans s'être battue comme une bête sauvage. « Ouais, t'as raison, appelle les flics. Dis leur de se bouger ! » La police de Radcliff n'était pas vraiment réputée pour son efficacité, mais c'était le moment ou jamais pour espérer un miracle. Mina sursauta quand Fiona hurla, alors que la porte commençait à se tordre sous les coups de la créature. Le cœur de la rouquine loupa un battement, alors qu'elle lançait un regard désespéré à son amie. « Debout, Fiona, debout !! On va s'en sortir, je te le promets ! » Mina lâcha brusquement la hache et se précipita vers la photocopieuse pour la pousser devant la porte, pour tenter de ralentir la progression de ce qui se trouvait derrière. « Ça va aller, ça va aller, ça va aller... » Si elle se répétait suffisamment de fois, peut-être parviendrait-elle à se convaincre elle-même. « Aide moi à pousser la commode sous le plafond, juste là. » D'un doigt, Mina désigna le conduit d'aération. Elles n'auraient qu'à retirer la plaque et elles pourraient se faufiler à l'intérieur et avec un peu de chance, s'échapper avant d'être réduite en miettes. Le meuble placé au bon endroit, Mina fit signe à Fiona de lui passer une caisse en carton pleine de dossiers, de laquelle elles pourraient s'aider pour grimper dans le conduit. « Vas-y, passe en premier. Dirige-toi tout de suite vers la gauche, et tout droit, je sais que ça mène jusqu'au bureau du concierge. Et de là, on pourra sortir. Vas-y, Fio', allez ! » Aussi terrifiée qu'elle puisse être, Mina n'avait pas l'intention de laisser son amie derrière elle. Si l'une d'elle devait mourir, autant que ce soit elle. Elle pourrait vivre avec beaucoup de choses sur la conscience, mais pas avec la mort de Fiona Munroe.  

« Putain, Fio’, pourquoi tu te marres? C’est vraiment pas drôle… » Et pourtant, tu ne peux pas t’en empêcher. Tu ne sais plus quoi faire d’autres. Les solutions à votre problème semblent de plus en plus impossibles et t’es sur le point de lâcher prise. Sur le point de dire et puis tant pis, ça doit être mon heure. Mais clairement, ta meilleure amie n’est pas prête à faire pareille, malgré son rire nerveux lorsque tu lui montres la selfie que tu viens de prendre d’elle. « Tu préfères que j’pleure peut-être? J’aime mieux mourir de rire, si tu vois ce que j’veux dire. » Tu rigoles à ta propre blague et c’est un peu à ce moment que tu comprends que t’es encore un peu pompette, malgré l’adrénaline et la peur qui te fait faire un peu n’importe quoi depuis tantôt. Et soudainement, tu te mets à exagérer. Tu dis tellement n’importe quoi que ça fait presque du sens toutes ces conneries. « Arrête. Personne ne va ramasser nos cadavres demain matin, parce qu’on va pas mourir. Hors de question. J’ai pas souffert toute ma vie pour y passer comme une conne, merde! » C’est à ton tour d’échapper un rire nerveux alors que tout ce que tu retiens de ce que ta meilleure amie vient de dire, c’est comment elle a souffert toute sa vie, comme si tes dernières années n’avaient pas été aussi de la grosse merde en canne. Non mais franchement! « Parce qu’évidemment, ce qui se passe maintenant, ça ne concerne que toi. OF COURSE. » T’es en train de partir une chicane sur pas grand-chose et tu le sais, mais c’est le stress qui parle et puis après tout, si t’es pour mourir, tu peux bien en profiter pour te plaindre une dernière fois. Tu prends le portable que ta meilleure amie te tend, et tu désespères quand tu réalises que ton frère ne répondra pas. Que pour la putain de fois où tu as besoin qu’il joue les super-héros, he’s nowhere to be found. Tu ne peux t’empêcher de le maudire et de ruminer contre le téléphone alors que tu essayes de penser à une autre personne que tu peux déranger pour venir vous sauver la vie à une heure pareille. La police. Ça pourrait être une idée au moins de les avertir que la chose est là, pas loin. Sur le point de vous dévorez toute crue, ouais. « Ouais, t’as raison, appelle les flics. Dis leur de se bouger. » Et c’est ce que tu fais, dans une voix rapide et maladroite, pleine de bégaiement, chose qui ne te ressemble pas du tout, toi qui est normalement si sûre de toi-même, toujours prête avec une réplique sanglante. Clairement, le mélange d’alcool et de peur ne te faisait pas. Tu es encore au bout du fil avec la police lorsque la chose commence à se frayer un passage, la porte cédant peu à peu aux nombreux coups et la panique s’empare de toi. Tu cries si fort alors que tu te jettes au sol, incapable de te contrôler plus longtemps. Le téléphone tombe en un bruit sourd et tu entends la police qui demande si vous êtes encore là, mais tu ne reprends pas le portable. T’es qu’une épave sur le sol, bonne à rien. « Debout, Fiona, debout!! On va s’en sortir, je te le promets! » Tu ne l’as crois pas, tu ne l’as crois plus. Tu ne sais pas quoi faire. Tu ne sais plus quoi penser. T’es figée sur place, complètement tétanisée. « J’peux pas bouger, j’peux pas bouger. » Tu entends les coups qui se font de plus en plus forts contre la porte, mais la seule chose sur laquelle tu arrives encore à te concentrer, c’est ta respiration haletante et les battements trop rapides de ton coeur. De son côté, Mina bouge ici et là, mais c’est à peine si tu es consciente de ce qu’elle fait. T’es inutile, une nuisance plus qu’une aide. Pauvre Mina. « Ça va aller, ça va aller, ça va aller.. » Tu hoches négativement de la tête, encore et encore, incapable de t’arrêter. Tu te concentres sur ta respiration que tu tentes de calmer, sans grand succès. Un peu plus et tu vas te mettre à voir ta misérable vie te défiler sous les yeux si tu ne fais rien. « Aide moi à pousser la commode sous le plafond, juste là. » Elle veut que tu l’aides. Elle a besoin que tu l’aides. Tu dois absolument te lever, mais tes jambes ne répondent plus au commande de ton cerveau. Tu ne réponds plus de rien. « Je sais pas, je sais pas.. » Et puis soudainement, comme ça, tu n’as plus le choix. Mina te tire et tu dois te lever et tu pousses la commode pour pouvoir vous permettre de sortir, de vous enfuir. La porte n’est bientôt plus qu’un souvenir du passé lorsque la rousse dépose un carton de dossier sur la commode et tout semble aller trop vite mais tu fais de ton mieux pour ne pas tout simplement te relaisser tomber sur le sol. « Vas-y, passe en premier. Dirige-toi tout de suite vers la gauche, et tout droit, je sais que ça mène jusqu’au bureau du concierge. Et de là, on pourra sortir. Vas-y, Fio’, allez! » Tu te tournes vers elle, mais elle ne te donne pas le choix. Tu es déjà debout sur le carton de dossier a tassé la planche couvrant le conduit. « Attends Mina, attends. » Mais elle te fait signe d’y aller alors tu te concentres sur ce que tu as à faire, te retrouvant rapidement dans le conduit. Il fait noir, mais tu avances le plus rapidement possible, te cognant ici et là à l’occasion, t’arrachant des jurons. « Shit. Ouch. » Tu ne sais pas tu mets combien de temps tu mets avant de sortir du conduit, mais lorsque tu le fais, tu es à l’opposée du bureau donc la chose n’est pas prête de vous attrapez. Tu attends que Mina soit sortie à son tour avant d’attraper sa main et de te remettre à courir vers la sortie, presser de quitter ce bâtiment de malheur. Une fois à l’extérieur, tu t’arrêtes quelques secondes, le temps de réaliser tout ce qui vient de se passer. « On est sorties. Fuck Mina, on est sorties. » Tu échappes un énième rire nerveux et sans y réfléchir davantage, tu te remets à courir, ta main toujours liée à celle de ta meilleure amie. « Viens, on est à quelques rues seulement de chez Caleb. » Tu ne sais pas encore comment tu vas lui expliquer le bordel dans son bureau, mais ça n’a pas vraiment d’importance. Fuck, vous êtes en vie! « Grouille ton cul avant que la chose réalise qu’on lui a filé entre les doigts, merde! »

L'idée de Mina était soit brillante, soit complètement stupide. Mais face à l'urgence de la situation, il fallait agir, et agir vite. Et puisque les neurones de Fiona ne lui permettaient plus de raisonner, la responsabilité de les sauver lui revenait. Elle s'en serait bien passée, merci bien, mais puisqu'elle n'avait pas le choix, elle allait faire de son mieux pour qu'elles s'en sortent vivantes. Entières, c'était voir un peu loin et être ultra optimistes, alors Mina ne visait que le vivantes. « J'attends rien du tout, monte et dépêche-toi ! » Les coups donnés contre la porte secouaient leur barricade de fortune, et elle ne savait pas si elles tiendraient encore longtemps. Il fallait qu'elles se dépêchent de filer, et avec un peu de chance la créature ne comprendrait pas tout de suite où elles étaient passées. Fiona ayant disparu à l'intérieur du conduit, Mina grimpa à son tour sur la commode et la caisse en carton. Comme si cela pourrait aider à retarder le monstre, elle replaça la grille du conduit d'aération après être entrée dedans, et elle commença à ramper à la suite de Fiona, lui indiquant à quel endroit tourner lorsqu'il le fallait. Elle eut l'impression que leur petite expédition à travers les conduits dura une éternité, mais la bonne nouvelle c'était qu'elle n'entendait plus la créature. Une bonne nouvelle qui n'en était peut-être pas une, après tout comment savoir si la chose n'était pas capable de les traquer silencieusement ? Mina laissa échapper un grognement lorsqu'elles sortirent enfin du conduit, et laissa Fiona l'attraper par la main avant de se diriger vers la sortie du bâtiment. Avec un peu de chance, la créature n'aurait pas retourné tout le cabinet pour les retrouver, sinon ses patrons risquaient de ne pas apprécier... Mais bon, hein, quand il s'agissait d'une question de vie ou de mort, on ne faisait pas franchement attention au mobilier. « Ouais, ouais, on est sorties... Je ferai la danse de la joie quand je serai certaine qu'on se fera pas bouffer quand même, hein ! » Mina était essoufflée, fatiguée, et elle en avait franchement marre de cette course poursuite contre un truc qui semblait être sorti d'un mauvais film d'horreur. Laissant échapper un ugh frustré, elle se remit à courir, et cette fois-ci ce fut elle qui suivit Fiona, ne se rappelant pas des rues à prendre pour arriver jusqu'à l'appartement de son frère. « Fiona, ta gueule ! » Elle courait aussi vite que possible, aussi vite qu'elle même, alors ce n'était pas la peine de lui dire de se bouger ! Elle faisait ce qu'elle pouvait, elle n'avait pas plus envie qu'elle de se faire dévorer ou déchiqueter, ou les deux à la fois. Les deux fuyardes finirent par arriver au pied de l'immeuble de Caleb, et tandis que Fiona composait le code pour entrer dans le hall, Mina regardait partout autour d'elle, craignant de voir surgir le monstre de nulle part. Quand la porte s'ouvrit enfin, elle poussa Fiona à l'intérieur de l'immeuble avec bien peu de délicatesse, et elles se réfugièrent ensuite dans l'ascenseur. Mina avait l'impression qu'elle allait cracher ses poumons, et peut-être n'était-ce pas loin de la vérité. « Okay... Okay... Je crois que je vais juste m'effondrer sur le canapé de ton frère, ou sur son tapis, rien à foutre... Et on va le laisser appeler la police et lui expliquer le truc inexplicable qui vient de nous arriver, hein... » Mina secoua la tête. Son cerveau avait fait tout ce qu'il pouvait pour les garder en vie jusque là, mais là elle n'en pouvait plus. Fiona ferait ce qu'elle voudrait, son frère aussi, mais elle, elle allait juste s'écrouler, pleurer un bon coup, et probablement dormir pendant au moins vingt-quatre heures. Elle l'avait bien mérité.