(001), Petite fleur, c'est comme ça qu'il l'appelait. Qu'il la prénommait ce frère dont on tait maintenant le nom, ce frère dont on ne parle plus comme s'il n'existait plus. Wolfgang comme le compositeur, une idée à maman. Wolfie son frère ainé. L'enfant à la main verte, celui qui faisait pousser des roses qui venaient orner ses cheveux. Il savait pas Wolfie comme le monde était dangereux, comme le monde n'acceptait pas les gens comme lui. Personne ne le savait et quand cela a été le cas, il était trop tard... Se cacher, disparaitre dès qu'il laissait trop de traces. Dès qu'on les retrouvait. Elle en a connu du pays Liesel mais elle était heureuse. Trop jeune pour se rendre comptes des vrais dangers, trop jeunes pour faire assez attention. Et lui, il l'aimait trop, bien trop pour ne pas faire pousser des roses dans ses cheveux dès qu'elle pleurait, pour retenir ses pouvoirs. Danger dont l'enfant a pris conscience quand c'est le corps sans vie de son frère qu'elle tenait dans ses bras. Traumatisme total, perte de tout, perte de gout, en tout, en la vie, Liesel est morte ce jour-là et avec elle toutes traces de Wolfie. La petite n'a su cacher qu'une photo, la seule trace de son frère avec son collier qu'elle porte toujours autour du cou... Parce que ses parents voulaient s'assurer de pouvoir vivre, parce que quand la perte est grande, parfois tout oublier permet de survivre. Arabella se souvient des cris de sa mère, de son énervement, de son besoin de tout contrôler, de maintenir sa famille sur la rive... Elle se souvient de l'empressement de quitter l'Europe et tout souvenir d'une ancienne vie. Elle se souvient de tout ce qu'on lui a demandé d'apprendre, de tout ce qu'on lui a dit de faire différemment... Adaptation pour survivre mais cette perte ancrée au tréfonds de son être...(002), Avant Radcliff, tout ce que connaissait Billie c'était la fuite, toujours bouger, toujours voyager et si cela fut un apaisement pour ses parents, cela la laça bien rapidement. Parce qu'elle était cette enfant aux semelles de vent, parce qu'elle continuait de rêver de voyage et en même temps d'oubli, d'oubli dans la nouveauté. Alors, à leur insu, Billie, elle a acheté une carte du monde, une carte qui en secret à orner les murs de sa chambre durant des années... Elle en a parlé avec Milan des endroits qu'elle avait déjà vu, des endroits qu'elle rêvait de découvrir, elle les a notés, détaillés et maintenant, tout est enfermé dans une boite, dans son grenier, comme tous les souvenirs d'une vie qui n'est jamais arrivée... (003), Durant les onze premières années de sa vie, Liesel n'a connu que l'enseignement à domicile, les cours par correspondance. Une scolarité troublée, différente, bien loin du modèle scolaire qu'elle découvrit au sein de Radcliff... Le changement fut brutal et difficile, la petite fille peut habituée aux bancs de l'école ne tenait que peu en place. Certains professeurs mirent également en doute ses capacités intellectuelles devant les difficultés qu'elle pouvait rencontrer. Mais eux ne savaient pas qu'Arabella était une allemande, qu'elle ne parlait pas parfaitement la langue de Shakespeare. Que tout ce qu'elle voyait maintenant lui paraissait étrange, différent, qu'elle n'en avait que faire d'apprendre l'histoire d'un pays qui l'obligeait à être une autre. Ils la trouvaient isolante de ne jamais répondre quand ils l'interrogeaient mais comment pouvait-elle déjà par automatisme réagir à une identité qui n'était pas sienne ? De ce fait, Billie a toujours été une élève dans la moyenne, une élève qui bien qu'à l'apparence douce et secrète, pouvait par moment relever un caractère bien plus trempé. Billie ne compte pas les heures de retenues, les mots aux parents.... Mais pour ses semblables, elle était la beauté solitaire, bien trop inapprochable dans ses débuts. Elle ne voulait pas parler Arabella, elle ne voulait pas laisser le monde la connaitre, parce que tout n'était que mensonge... Mais elle plaisait, avec sa jolie chevelure, avec ses beaux yeux noisette renvoyant une sensation de perfection, un petit être qu'on aimait approcher autant qu'elle fuyait... (004), A la maison Arabella a connu une éducation stricte, sans doute plus que la moyenne des enfants. Ses parents tenant à s'assurer que leur petite vie paisible ne connaisse aucun remord. L'amour était présent mais empoissonné par les secrets du passé, par les mensonges. Parce que la gamine refusait d'utiliser les faux prénoms de ses parents une fois les portes de la maison franchie. Parce qu'elle désirait parler à nouveau allemand. Parce qu'elle voulait se souvenir là où eux désiraient tout oublier. Combat de chaque instant pour la faire rentrer dans les rangs, dans un moule qu'ils ont construits autour d'elle, pour elle, pour rendre le seul et unique enfant au-delà de tout soupçon. Billie se souvient des après-midis en pleur sur ses devoirs, des repas pris dans sa chambre parce qu'elle n'avait pas été calme. Le besoin de perfection, de simplicité, de rentrer dans le moule des Wolff venait de l'état même de Monsieur Wolff, celui-ci était un transmutant au pouvoir plus que modeste. Monsieur Wolff possède seulement une vision nocturne parfaite. Conscient du danger que sa seule existence fait courir sur sa famille, les parents n'en ont été que plus tatillons avec leur fille, pour rester comme tout le monde, pour ne pas éveiller le moindre soupçon, pour ne pas se remettre à courir... A l'heure actuelle, Monsieur Wolff ne prend pas le nh24, il se considère en effet davantage comme un humain qu'un transmutant. Sa fille n'est d'ailleurs pas au courant de la propre mutation de son père. (005), Pour contrer le caractère rebelle et solitaire d'Arabella sa mère décida de l'inscrire à la danse. Si pour sa première leçon, l'enfant y alla avec des pieds de plombs, la jeune fille y trouva bien vite sa plus belle échappatoire. Le seul endroit dans cette ville où elle se sentait à sa place où aucun mot n'avait besoin de sortir de ses lèvres, où elle ne devait pas feindre d'être une autre, où elle retrouvait même un peu de Liesel. Billie se mit rapidement à enchainer les cours, les danses différentes, à vouloir professeur toujours et encore plus. Ce qui, au départ était une décision maternelle devint bien vite un problème devant l'engouement de l'adolescente. Billie voulait être danseuse, parcourir le monde, Billie voulait de tout cela mais en aucun cas ses parents qui ne considéraient la danse que comme une passion futile, un moyen de se détendre mais en aucun cas un métier acceptable pour leur seul enfant. Si aujourd'hui ses rêves d'adolescence lui paraissent lointains, la jeune femme continue de danser, elle s'est même fait installer un petit espace d'entrainement dans son habitation. Le mercredi-après midi ainsi que le samedi, elle donne même des cours à de jeunes enfants. Et si dans la rue, il est rare qu'elle adresse un seul mot, au sein de son espace privilégié, c'est une Billie plus ouverte et accueillante qui vous attendra. (006), Liesel, Areballa, Billie, trois prénoms pour un même être, comme autant de couches qui la composent. D'un regard extérieur la demoiselle parait paisible douce, calme, accueillante et docile. Une apparence qui n'a jamais été aussi trompeuse qu'en sa compagnie. A l'intérieur de son être brûle un feu, le feu du mensonge, le feu du manque de vérité, du manque de vie. Un feu qui renferme une grande fragilité, une grande fêlure cachée sous un caractère bien trempé. Mêlé à tout cela arrivait son incapacité à se lier à autrui, à se sociabiliser. Parce que dans son coeur de petite fille, elle ne pouvait croire que tout resterait de la sorte, qu'elle ne partirait pas encore. Parce que les premières années de sa vie n'ont pas été portées vers l'amitié... Mais ce qui révéla vraiment son feu intérieur ce fut Milan. Milan et son gout pour l'exagération, Milan et son manque de limites, de repères. Un manque qui également devenu sien, qui est devenu son besoin. Pour faire taire ses fragilités, Billie s'est mise à vouloir se sentir à nouveau vivante. Avec Milan, elle le trouvait, dans des excursions dangereuses, dans cette mise en danger qui s'accompagnait de blessures et bêtises. Mais elle était bien, rien qu'un instant, elle retrouvait des ailes, un peu du bonheur de Liesel, un peu de vie. Et si elle se faisait gronder et si on la punissait, l'adolescente s'en moquait, parce que tout cela était son unique moyen de retrouver la vie, de se sentir vivante. Le danger devenait une drogue, une drogue dans laquelle elle s'enfermait avec plaisir en compagnie de Milan. Une drogue qui a cessé tout effet quand il est parti. Son départ, détruisit ce troisième cercle, cette manière de garder un semblant de vie. Il ne laissa sur son passage que tristesse et rancune... Mais surtout, son départ réveilla sa mutation, dans cette détresse qui devenait de plus en plus grande. Son départ l'a transformée en bombe à retardement, en créature à fleur de peau tentant de ne rien montrer. Elle mourrait à petit feu Billie, à tenter de maitriser sa vie qui perdait en lambeau. A cacher son pouvoir aux yeux de tous, à cacher son coeur brisé, à cacher son manque de vie.... (007), Billie n'a plus rien à voir avec l'adolescente d'autrefois, fragilisée par la découverte de ses pouvoirs, la jeune femme a accepté de s'enfermer dans un moule qui n'était pas le sien, dans l'idée de ses parents. Parce qu'elle se devait de garder le contrôle, parce que chaque émotion pouvait avoir des conséquences catastrophiques. Billie en a oublié de vivre, en a oublié son feu intérieur pour devenir une plante mourante, une plante dans un magasin de fleurs, un être à moitié là, à moitié absent. Billie est remplie de regrets, des regrets de sa vie d'avant, de ce qu'elle est devenue, des regrets qu'elle a enfermés à double tour pour tenter de survivre, pour tenter de vivre tout de même. Après le départ de Milan, Billie a passé des mois à l'entendre, à se persuader de son retour avant de rentrer dans un moule. Ils ont commencé à l'apprécier Billie, à venir près d'elle et elle, elle a commencé à faire comme si. A laisser son visage se parer d'un sourire alors qu'elle ne voulait que pleurer. A devenir une parmi d'autre... (008), Les seules fleurs qui ornent son jardin sont des roses blanches, les mêmes roses que lui faisait son frère. Elle en prend grand soin et n'en vend nullement dans son magasin. C'est un petit plaisir à elle, c'est sa petite dose de liberté dans son univers sans doute trop codifié.(009), La conversation après le sexe est quelque chose qu’elle a en horreur, Billie préfère s’en aller, elle ne supporte pas de vivre avec quelqu’un, pas depuis qu’il est sorti de sa vie. (010), Parfois, quand elle a envie de se changer les idées, elle part au loin, elle part dans leur lieu d'autrefois et elle y passe un moment pour aller mieux, pour continuer de mentir au monde entier...