« T’as pensé à tes calbuts propres, le bleu ? » Le sourire moqueur naissait déjà sur le coin de ses lèvres, de la même manière que cette étincelle prenait de l’avantage dans le fond de ses yeux. Elle montait déjà à l’arrière de la benne, ses affaires bien ajustées alors qu’il la suivait de prêt. « J’pensais justement que t’allais m’filer tes petites culottes Woods. Il n’en ratait jamais une pour se rendre, c’était de cette manière là qu’ils avaient su développer une relation amicale. Si bien qu’ils paraissaient aux yeux de tous comme des inséparables voire même comme le couple qu’ils ne formeraient jamais. « J’savais que tu rêvais de finir ta vie en travlo, Nick !» Veronica se mettait à rire, rejoint quelques instants plus tard par son meilleur ami. Combien étaient-ils pour cette mission ? Une dizaine tout au plus, tous valdingués dans cette galère, tous désireux de protéger leurs pays mais pourtant tous éloignés de cette nation qui leur manquait. Le soleil cognait sur la ferraille, laissant ainsi quelques effluves de sueurs s’échapper de chacun des uniformes des soldats présents. Même elle faisait les frais de ces mauvaises conditions mais bon sang ce qu’elle pouvait aimer ça. L’adrénaline montait, de plus belle alors que l’étouffement n’en devenait que plus fort. Tout ceci était devenu une routine, aussi bien pour elle que pour les autres. Cette escouade n’était pas à ses débuts mais donnait plutôt l’impression d’être rôdée par le temps. Peut être même trop ? Ils ne faisaient même plus attention aux détails, passant le temps en racontant des blagues, ou en fredonnant des airs patriotiques qui finissaient bien souvent par des railleries bruyantes. « Z’avez vu la tronche de Kilmer ? » Les visages se tournaient un après l’autre vers le sujet en question. « T’as pas l’air dans ton assiette mec ! » Nick se relevait de sa place pour aller à côté de ce Kilmer, prêt à poser sa main sur son épaule en guise de compassion. Veronica leva les yeux au ciel, consciente que cet altruisme lui couterait un jour la peau, ils n’avaient pas le droit de l’être autant ici. « C’est pas la grande forme ouais, c’est encore un truc de la cantine qui passe pas. » Elle fronçait ses sourcils de cette façon habituelle dès qu’elle essayait de comprendre ce qu’il se passait. Car comme d’habitude dès que Nick posait la main sur quelqu’un souffrant, cette dernière paraissait comme guérie par magie dans les secondes qui suivaient. « Va ça va passer, l’air te f’ra du bien. » Son meilleur ami remontait sa main pour que cette dernière soit en contact avec la nuque du souffrant, peau contre peau, chaleur contre chaleur, et Kilmer donna l’impression de se sentir mieux. Woods resta silencieuse, perplexe quant à ce qu’elle venait de voir et Nick ne tarda pas à croiser son regard pour lui sourire de cette manière qui l’énervait. Il était fier de lui et elle était complètement ignare quant à la raison de ce ressenti. Puis le bruit se fit entendre. Ce son sourd pareil à une explosion, Veronica sentit son corps pousser vers l’arrière avant que le noir ne prenne le dessus sur la réalité. Des sifflements percés ses oreilles, sa tête lui faisait un mal de chien, son corps était inerte, incapable de se mouvoir à cause de la douleur. Cette douleur qui ne faisait que grandir encore et encore, qui l’empêchait d’ouvrir les yeux, qui lui brouillait la vue, qui lui faisait sentir un poids sur elle. La ferraille dans son dos était aussi brulante que le feu et elle ne pouvait pas bouger. « Bouge pas Ver’. » C’était ce qui lui avait semblé entendre alors qu’elle cherchait justement à s’extirper de cette position. Elle plissa plusieurs fois ses paupières, les fermant et les ouvrant de manière à ce que sa vue finisse par devenir plus nette, en vain… Elle ne distinguait que les formes du visage de Nick et ce même si il se trouvait couché sur elle et qu’il tenait son bras dans la main. Des sensations étranges la parcourent, tantôt lui laissant croire qu’elle était capable de se relever, tantôt encline à tourner de l’œil à la première seconde. Elle sentait le corps de son meilleur ami trembler sur le sien à moins qu’ils ne tremblent ensemble ? « J’suis dé… » Elle n’avait pu entendre la fin de sa phrase et encore moins lui répondre, l’ombre venait de prendre possession d’elle et la plongeait dans les méandres de l’incertain.

Elle aurait du mourir… Elle aurait préféré être de l’autre côté plutôt que souffrir dès l’instant où des bips commençaient à la sortir de sa torpeur. La douleur n’en devenait que plus forte alors que petit à petit elle recouvrait ses sens. Son ouïe lui donnait l’impression que ses tympans étaient en train de saigner, son odorat lui, tendait à lui donner la nausée alors que les odeurs de brûlées se mêlaient à celles de formol ou de quelque chose dans ce genre là. Son goût était complètement absent alors que son touché lui, lui infligeait des maux dont elle n’aurait jamais cru soupçonner l’existence. Son dos en était la première victime, après le feu ardent voilà qu’elle se trouvait à présent contre le froid glacial d’une plaque d’hôpital. Sa respiration n’en devenait que plus difficile encore, l’obligeant à redresser légèrement son buste pour tenter de retrouver un semblant d’oxygène, mais une main l’obligea à rester stoïque. « Elle se réveille docteur. » Docteur ? Docteur ? Ou était-elle ? « Nick… » Dans son inconscient, la soldat était encore dans ce camion et appelait son meilleur ami. « Elle s’agite ! » « Ni… » La force lui manquait, surement à cause du tranquillisant qu’on venait tout juste de lui administrer. Pourtant, en s’endormant, il lui semblait revoir la silhouette de son meilleur ami penché sur elle, ce sourire qui l’énervait parce qu’il le rendait attachant, elle n’avait simplement pas encore compris qu’il lui disait au revoir. « J’veux pas de c’truc ! j’veux pas d’votre aide. Allez trouver quelqu’un d’autre pour apaiser v’tre conscience, foutez moi la paix. » Un fracas dû à la chute de béquilles contre un mur venait tout juste de résonner dans la chambre d’hopital qu’elle occupait depuis deux semaines. Deux interminables semaines durant lesquelles Veronica avait du faire face aux nouvelles de la perte de son meilleur ami, mais aussi à la fin de sa carrière à cause de son amputation. Beaucoup la considérait comme encore sous le choc de son traumatisme, en réalité, le soldat n’avait juste plus aucune raison de vivre. « Woods, on sait ce que tu … » « Ouais t’vas me dire que tu sais ce que c’est d’être sans ta jambe peut être ? Tu sais ce que ça fait d’être même pas capable d’aller pisser seule ? Tu sais ce que ça fait peut être de puer le rat mort parce que c’te merde est en train de suppurer ? Te donne pas bonne conscience et dégage. J’ai pas b’soin de vous tous. » Le deuil de son meilleur ami était bien plus douloureux que le reste en réalité. Mais la fierté et la témérité de la jeune femme ne voulaient pas démordre un seul instant. Elle préférait de loin la solitude, elle y trouvait là un recueil dans lequel elle trouvait du repos et grâce auquel elle apprenait petit à petit à se débrouiller seule. Elle en avait besoin. Pour elle mais surtout pour son meilleur ami. Ce n’était pas elle le héros, cela ne le serait jamais. Du temps, de la patience, de l’isolement, voilà comment elle pu obtenir son passe droit pour rentrer chez elle à Radcliff. Une ville emprunte de chaos tout comme son âme pouvait se révéler aussi sombre que les évènements récents de son chez elle.

Cela fait à présent un an et demi que Veronica est rentrée à Radcliff. Son caractère n’en est devenu que plus froid à mesure que son isolement a marqué son cœur. Ses sorties ne se font qu’en cas d’extrêmes nécessité, autrement dit quand elle en a marre d’appeler la pizzeria du coin ou lorsqu’elle se retrouver à court de cigarettes. La panique de la ville ne l’atteint pas. Du moins, elle préfère ne pas s’en mêler alors qu’elle-même donne l’impression d’être une morte vivante attendant simplement son tour. Sa prothèse lui fait un mal de chien, pourtant elle se force à faire quelques pas tous les jours pour essayer de trouver l’équilibre, son équilibre. Elle en a besoin pour avancer. Et malgré cette dépression, le courage persiste. Celui là même qui l’incita à ne pas appuyer sur la gâchette alors que le canon de son arme se trouvait dans sa bouche, celui là qui était encore présent au moment où elle avait vidé la bouteille et qu’elle remontait à la surface de sa baignoire pour retrouver de l’oxygène. Pourquoi ? Elle n’était que le fantôme d’elle-même et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de vouloir lutter… L’incompréhension se mêlait à ce désir d’en recoudre au moment où elle voyait le visage de son meilleur ami. « Tu me feras chier jusqu’au bout… » Son ton se voulait toujours énervé quand elle avait l’impression de le voir, elle lui en voulait dans le fond. Mais elle culpabilisait bien plus de cette incertitude qui l’habitait quant à savoir s’il lui avait donné le peu de restant de sa vie pour la sauver. C’était à lui de rester là, pas à elle et plus les informations traitaient de ces mutants plus Veronica prenait conscience de l’étendue des pouvoirs de son meilleur ami. C’était lui qui était promu à réaliser de grandes choses, son don aurait pu être le meilleur moyen pour aider son prochain et pourtant il s’était sacrifié bêtement pour elle… Pourquoi ? L’évidence commençait à peine à pointer le bout de son nez alors que petit à petit l’envie de l’honorer vint à prendre une place importante dans son âme. Si elle avait été soldat, un bon soldat, elle ne pouvait pas rester dans cet appartement miteux à se morfondre éternellement. Nick n’aurait jamais voulu cela et elle non plus. Son pays était le berceau même de sa création, ce pourquoi elle devait se battre, ce pourquoi ils s’étaient battus ensemble et c’est seule qu’elle devrait porter ce fardeau.

Le goût prononcé pour la justice revint à retrouver une place importante dans son caractère. Veronica parvenait à reprendre petit à petit foi en elle et en ses capacités physiques. Tant est si bien qu’elle recommença à établir un entraînement qui visait à muscler ses bras, son dos, ses abdominaux et sa jambe encore valide. La course n’était pas une option mais une priorité et même si elle chutait, elle trouvait assez de force pour se redresser et repartir en titubant. Sa prothèse lui entamait le moignon, suppurait parfois aussi, saignait, mais pourtant elle savait au fond d’elle qu’il fallait qu’elle atteigne son objectif. Elle n’avait pu sauver Nick, mais elle sauverait les autres. Comment ? Elle ne le savait pas encore, cependant elle préférait tout de même entretenir son corps de manière à pouvoir se défendre en cas de besoin. Et en parallèle à cela, elle se rendit dans un refuge pour en ressortir avec un berger allemand. Le goût de la vie paraissait reprendre de ses droits petit à petit, ou du moins, elle lui donnait l’impression qu’elle était dans l’obligation de lui accorder une nouvelle chance, pour Nick. D’ailleurs, ce chiot qui la suivait dans toutes les étapes avait le même nom que feu son meilleur ami. Les psychologues y trouvaient là une erreur, tant le deuil qu’elle ne parvenait à réaliser se dévoiler comme omniprésent dans son existence, mais très franchement, qu’est ce que cela pouvait bien leur faire ? Est-ce qu’ils étaient à sa place ? Est-ce qu’ils pouvaient comprendre les divers sentiments qui l’obnubilaient nuit et jour ? Non. Selon Veronica, personne ne serait jamais à même de pouvoir comprendre et ce qu’importe les expériences passées. Elle préférait de loin s’enfermer là dedans, plutôt que laisser une chance aux autres. Au moins, elle ne souffrirait plus de la perte d’un proche puisqu’elle n’en avait pas. Son courage revenait et c’était là tout ce qui lui importait, car grâce à lui son ambition reprenait de ses droits dans le même temps que son esprit méthodique parvenait à déceler des failles dans les attaques qui faisaient rage dans la ville. Il y avait toujours des failles et si elle n’avait pas fait attention aux détails la dernière fois, voilà qu’à partir de maintenant elle préférait examiner toutes les preuves pour ne plus laisser le hasard s’immiscer dans sa vie. Souvent, il lui arrivait de s’installer devant sa télévision, les coudes appuyés contre ses cuisses, le regard perdu vers cet écran qui lui montrait des scènes apocalyptiques. Beaucoup de meurtres, bien trop de victimes, alors que le chaos se présentait comme l’unique solution à ce problème. En était-il véritablement un ? La crainte inspirait les plus ambitieux pour s’élever grâce au désarroi des plus faibles. Il n’était pas nécessaire d’être une experte en la matière pour s’en rendre compte. Et l’injustice qui s’en dégageait ne cessait d’éveiller la colère de l’ancien soldat, qui se réfugiait alors dans de nouvelles séances d’entraînements plus intenses dans le but de rejoindre le rang des Uprising.

« Si j’accepte votre proposition, z’avez intérêt à pas rentrer dans ma tête pour me manipuler. » Droite face à Sheldon Smith, Veronica le toisait du regard avec une froideur sans pareille, désireuse de trouver dans le fond de ses yeux une vérité quant à la condition qu’elle mettait en évidence pour rejoindre ses rangs. Il était resté de marbre, la fixant de cette même manière pour lui faire comprendre qu’il n’était pas doté de mauvaises intentions mais qu’au contraire il avait su voir le potentiel en elle. Des mois s’étaient écoulés depuis qu’elle avait rejoint son groupe et voilà qu’il lui proposait de jouer un rôle plus important au sein de ce dernier. Pourquoi ? Veronica n’était pas de celles qui posaient des questions existentielles, elle était bien plus dans l’action. « Une semaine et je vous donne ma réponse. » Il hochait simplement la tête en guise d’affirmation avant qu’elle ne tourne les talons la première et qu’elle appelle Nick pour prendre du recul. Les jours qui suivirent cette proposition lui furent à la fois difficiles mais tout autant marqués par une évidence bien nette. Elle désirait plus que tout rétablir la justice néanmoins sa condition veillait à lui rappeler qu’elle n’était ni surhumaine comme certains et encore moins encline à se protéger seule face aux pouvoirs d’autres. Pourquoi l’avoir choisi elle dans ce cas ? Elle finit par se convaincre que seul son passé avait été le motif recevable pour une telle promotion. L’organisation était son domaine, dans le même temps que le courage et la foi en son prochain n’en devenaient que plus palpables avec le temps. Son meilleur ami aurait surement accepté de remplir un tel rôle. Et c’est grâce à cette pensée qu’elle finit par serrer la main du chef de groupe une semaine plus tard, prête à relever les fonctions qu’on lui attribuait en tant que chef de terrain pour ce groupe de soutien des mutants. La justice serait rendue, Veronica faisait déjà le serment de s’y appliquer avec ferveur et le plus de logique possible dans ses actions. Les missions se mirent en place, les alliances se firent entre Uprising et l’autre groupe rebelle, Insurgency. Tous œuvrèrent pour la protection des mutants et pourtant les atrocités perduraient malgré leurs bonnes volontés. L’avenir de tous était en proie au danger et à la méfiance des uns et des autres, pourtant il ne fallait pas qu’ils perdent espoir. Parfaite inconnue pour la plupart des Hunters, Veronica souhaita participer à cette mission d’infiltration propice quant au recueil des informations qui découleraient de cette dernière. Néanmoins, son rang tendit à mettre un frein à ses désirs primaires, car il suffisait simplement que l’un des membres de ce groupe en vienne à s’infiltrer chez eux pour prendre conscience de qui elle était. Voilà pourquoi, ne désirant pas mettre à mal cette mission, l’ancien soldat se contenta donc de tenir sa place au sein du groupe des Uprising, prête à élaborer une défense quant aux protégés envoyés sur le terrain. Ses actions n’en demeurent plus qu’insistantes alors que les informations permirent d’élaborer quelques unes des atteintes visant à protéger le plus de concitoyens. Veronica participa d’ailleurs à plusieurs missions, révélant ainsi de sa dextre et de son caractère parfois trop violent concernant ses ennemis. Néanmoins, malgré les peines, malgré les doutes, malgré les douleurs elle persista à garder intact ce but qui la maintenait en vie : protéger le plus possible les mutants, leur permettre d’avoir une vie sereine et encline à leur bonheur, une vie qu’elle n’aurait jamais. D’ailleurs, peut être qu’elle se projetait trop dans cela, et qu’il s’agissait de son moyen d’oublier son passé. Certainement d’ailleurs, mais au moins elle restait au service de sa patrie.

Noël et toutes les conneries qui en découlent… Cette période n’a jamais été la préférée de Woods, pourtant elle tente de faire un effort. La neige était même au rendez-vous cette année. Un évènement notoire dont elle est sûre qu’il est le fruit d’un petit malin qui a simplement voulu apporter un peu de joie dans la ville. L’espoir renaît parfois. Et la jeune femme s’était même surprise à sourire en courant le long du parc avec Nick à ses côtés. Peut être qu’une infime part de leurs travaux arrivait enfin à trouver de l’écho. Ou pas… Quelque jour plus tard la nouvelle du meurtre de cette pauvre femme vint à renfrogner le regard hostile du soldat alors que la conclusion quant à l’identité du meurtrier ne pouvait être plus évidente. Les Hunters avaient encore frappés. Pis encore de nouvelles factions commençaient à émerger d’on ne savait trop où et prétendaient rendre une justice que les Uprising s’efforçaient de faire dans le calme et la bonne entente. Serait-ce le début d’une mise à mal de ce groupe ? Les despotes étaient-ils réellement enclin à la justice ou n’exprimaient-ils qu’une volonté de se venger et donc de s’identifier aux groupes des Hunters ? A moins que cela ne soit qu’une mesquinerie de plus des chasseurs, désireux de mettre à mal les Uprising ? Les questions fusent dans l’esprit de Veronica alors que les regroupements au sein du QG ne font qu’accroître afin d’étudier les moindres aspects de tout ceci. Menace ou aide ? Apaisement ou calme avant la tempête ? Une chose est sûre, l’agent ne restera pas tapie dans l’ombre et cherchera des réponses à ses questions. Il en va de la vie d’innocents, de la protection des mutants, mais surtout de sa revanche personnelle quant à cette vie qui ne lui a fait aucun cadeau.

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