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 Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron

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MessageSujet: Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron   Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron Icon_minitimeMar 14 Juin 2016 - 6:05

Un… Deux… Elle soupire, lentement, et se contente de faire rouler ses yeux pour éviter une exaspération inutile. Trois… Quatre… Ses doigts toujours accrochés sur la porte du casier qu’elle possède à l’école, elle attend. Cinq… Six… L’ongle de son index tapote sur la porte métallique faisant raisonner un écho dans ce lieu vide à cette heure-ci. Sept… Huit… La lumière se rallume et Daria secoue la tête, ces coupures d’électricités intempestives, plus ou moins longues, commencent doucement à l’ennuyer. Profitant de ce retour à la normale, elle se dépêche d’attraper la liste qui se trouve dans son casier, celle qui comprend les noms des nouveaux élèves qu’elle va avoir et qui viennent de l’orphelinat. Organisée, contrairement à d’autres personnes, elle préfère avoir une liste précise pour être certaine de récupérer tous les dossiers une fois qu’elle sera arrivée au foyer. Ce n’est pas, non plus, un manque de confiance envers Aaron mais il n’est pas connu pour son sens de l’organisation alors autant s’assurer d’avoir tous les dossiers avant de se rendre compte, trop tard, qu’il en avait gardé un par mégarde, juste parce qu’il l’avait oublié dans une mauvaise pile de papiers. Daria enfonce sa liste de noms dans son sac et, clé en main, elle referme son casier avant de quitter le bâtiment.

Elle avait appelé Aaron plus tôt dans la journée pour lui demander si elle pouvait passer les dossiers dont elle avait besoin pour la rentrée. Ça c’était une vérité. Là où elle avait un peu menti c’était sur ses disponibilités, prétextant plusieurs choses à faire et, donc, une arrivée tardive. Daria lui avait laissé une porte de sortie, en lui disant qu’elle pouvait revenir le lendemain à une heure plus raisonnable mais non, il avait accepté l’heure tardive. Tout ça la tracasse un peu, elle trouve qu’il passe trop de temps là-bas. Être investi est une chose qu’elle peut très bien comprendre, qu’elle cautionne même, mais là ce n’est plus de l’investissement, c’est carrément de l’acharnement. Peut-être qu’elle s’inquiète trop, qu’elle se fait de fausses idées, elle est comme ça avec les gens qui lui sont importants : elle s’en fait toujours trop pour eux. Et le directeur de l’orphelinat est particulier aux yeux de Daria. Il est ce premier adulte qui ne fait pas que prendre son boulot comme un simple job, ce premier adulte qui l’a encouragé et l’a poussé à faire quelque chose, ce premier adulte qui plutôt que de la voir comme un simple nom dans un dossier – qu’il devait avoir perdu sous une montagne de papier – l’avait vu comme une personne. Bref, il était, et est encore, cette sorte de figure paternelle… Du moins, sans avoir de référence, c’est comme ça qu’elle imaginait un peu près le rôle d’un père.

Son regard se pose sur sa montre. 21h45, il n’est pas si tard que ça mais, bizarrement, malgré le fait que le couvre-feu soit levé Daria a du mal à sortir après une certaine heure. Probablement l’habitude. En même temps quitte à traverser un bout de la ville, autant le faire quand il y a encore un peu de monde dehors, surtout quand ce mois-ci s’annonce moins tranquille qu’août. Cela dit, elle n’est pas vraiment anxieuse par la situation, elle s’inquiète assez rarement pour elle. Merci à son pouvoir qu’elle trouve bien utile quand il s’agit de fuir une situation désastreuse.
Sans vraiment faire attention au temps qu’elle a mis, les mains enfouies dans les poches de sa veste, l’institutrice se retrouve devant les portes de l’orphelinat. Elle ne peut s’empêcher de s’arrêter, de les regarder et de sentir un léger sourire passer sur ses lèvres. Si un foyer doit rimer avec mauvaise expérience, ce n’est absolument pas le cas de celui-ci. Son directeur n’est sûrement pas étranger à ce sentiment. Faut dire que c’était la première fois qu’elle arrivait dans un lieu avec un nom, celui que Wade lui avait proposé à l’époque, et avec une personne qu’elle appelait son jumeau. Jeune, elle était arrivée ici en ayant déjà l’impression d’appartenir à une sorte de famille et Aaron avait renforcé ce sentiment par la suite. Non, vraiment, cet orphelinat ne rimait pas avec mauvais souvenirs.

Elle entre et prend doucement le chemin du bureau du directeur, elle sourit en se disant qu’elle pourrait presque y aller les yeux fermés sans le faire pour autant – on ne sait jamais, on n’est pas à l’abri d’un nouvel aménagement qui lui sauterait au visage. Des souvenirs, elle n’en manque pas dans cet endroit. Un peu comme si chaque bout de mur, de sol, chaque accroc sur une décoration lui rappelait quelque chose. Elle suppose que c’est l’impression que laisse une maison familiale. Elle prend son temps, flâne un peu, revoit l’ombre de Wade enfant courant dans les couloirs à la recherche d’une nouvelle connerie à faire et… Bien sûr, elle qui le suit sans se poser trop de questions. Un sourire nostalgique s’installe alors qu’elle arrive devant la porte qui renferme le bureau d’Aaron. A bien y réfléchir, elle avait sûrement fait quelques conneries, à l’époque, juste pour arriver ici et y avoir l’attention de l’homme qui dirigeait cet endroit. Juste une façon de s’assurer qu’on s’inquiétait de ce qu’elle faisait, qu’elle avait assez d’importance pour lui expliquer ce qui était bien ou non, seulement pour prouver que ce qu’elle faisait intéressait quelqu’un même si elle était trop jeune pour avoir conscience de ces raisons-là.

Daria frappe doucement, attend le temps qu’il faut une autorisation à travers la porte avant de pousser la poignée et de passer, d’abord, une tête. « Salut. Je ne te dérange pas ? » La jeune femme finit par entrer et referme derrière elle, avise l’état du bureau sans pour autant se montrer critique. Elle ne comprend pas comment il arrive à s’en sortir en étant aussi désorganisé, elle qui a besoin que tout soit à sa place. « Tu sais ? Un jour, si tu veux, je pourrais t’aider à ranger tout ce bor… Enfin, tout ça. » Le sourire et le ton est amusé, si c’est sa façon de faire après tout. Ce qui est drôle c’est de voir la manière dont elle s’interdit certain mot devant lui, comme un besoin de rester polie en toute circonstance. « Tu vas bien ? »

Ça n’a rien d’une question piège et ce n’est pas qu’une simple formalité. Ça l’intéresse réellement parce que, pour elle, cette venue n’est pas que professionnelle. Elle aurait du mal à entretenir des rapports allant que dans ce sens avec lui, estimant lui devoir beaucoup plus que son rôle d’institutrice venant chercher des dossiers.
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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron   Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron Icon_minitimeDim 26 Juin 2016 - 23:55



Un hurlement. Aussitôt, Aaron est dans le couloir, quelques pas de plus, il trouve la chambre de Joshua et le prend dans ses bras pour calmer le petit bonhomme réveillé par un cauchemar. Pas de veilleuses, plus de veilleuses : une nouvelle coupure d’électricité et tous les couloirs sont dans le noir le plus complet. « Hé, oh, Joshua, c’est moi, c’est Aaron, calme toi… » Il a tenu à rester cette nuit, comme les précédentes, pour la simple raison qu’il ne peut plus faire confiance au réseau électrique et que laisser ses oisillons sans surveillance… S’il y a bien quelque chose qu’il déteste davantage que de ne pas voir Celeste pendant plus de deux jours, comme c’est le cas, c’est de laisser l’orphelinat aux mains des éducateurs et de rentrer se prélasser chez lui. Joshua dans les bras, avec un murmure continu et chantonné pour mieux le bercer, Aaron reste une bonne dizaine de minutes avant de se rendre compte que le petit n’est vraiment pas prêt à être laissé à nouveau dans le noir. Terreurs nocturnes, peur de l’obscurité particulièrement forte… il réinstalle le petit garçon de quatre ans et demi dans ses bras, descend à pas prudents les escaliers pour atteindre le rez-de-chaussée et surtout le salon où il se laisse tomber avec douceur, pour ne pas réveiller le petit qui est dans un demi-sommeil. Aaron ne sait même plus quelle heure il est : tard certainement, sans l’être de manière excessive. Ses yeux cherchent l’horloge, un peu plus de neuf heures et demi, ce qui explique l’absence de gamins dans le salon mais les bruits étouffés dans la salle de jeu, juste à l’étage au-dessus. Avec la rentrée qui approche, les éducateurs ont pris le parti de se montrer plus stricts sur les horaires d’extinction des feux, aidés par les coupures. Ce qui le laisse seul, et ce qui l’arrange un peu, aussi. Ses mains tracent des cercles dans le dos de Joshua, se fient à son expérience pour détecter à l’instant même le moment où le petit garçon quitte le demi-sommeil pour s’enfoncer dans les bras de Morphée, durablement. Il l’allonge sur le canapé, jette sur son petit corps une couverture et va dans une pièce adjacente se servir un verre. Juste un verre, pour se nettoyer les bronches comme il aime à le dire et le penser. Juste un verre. Il revient dans le salon, jette un coup d’œil à Joshua qui dort toujours, jette un coup d’œil, aussi, au tableau qui récapitule les présences des différents employés de l’orphelinat. Employés qu’il vient de payer avec des dettes qui viennent d’enfler encore un peu. Il cligne des yeux, comme pour faire disparaître ces pensées. Un mouvement dans son dos, c’est Sofiane, son bras droit. « Aaron ? Tu es encore là ? July m’a dit que tu étais allé voir Joshua… » Un index sur ses lèvres, Aaron désigne le canapé dans un petit sourire. S’il est encore là ? « Il s’est endormi mais je ne voulais pas le laisser seul le temps que l’électricité revienne… Tu pourras le ramener dans sa chambre ? » Il a beau savoir qu’il n’a même pas à poser la question, ça le rassure de le faire. Et l’acquiescement, ponctué d’une mise en garde contre l’heure tardive, de son bras droit enlève un poids de ses épaules. Aaron regarde son verre, vide, le tien à bout de doigts avant de se passer une main dans les cheveux. « Normalement, Daria doit passer dans les minutes à venir, je lui ai dit qu’elle pouvait, je vais l’attendre » Comme s’il a besoin de ça pour veiller, « Mais toi, si tout le monde est calme et dans sa chambre, n’hésite pas à aller te reposer, hein ! » Conseil superflu, à n’en pas douter, et surtout, Aaron sent qu’il tend le bâton pour se faire battre, vu son propre état de fatigue. Mais Sofiane n’ose rien dire et se contente de récupérer Joshua pour aller le recoucher, tandis qu’Aaron le suit quelques marches, avant de se réfugier dans son bureau où l’attend non seulement la paperasse mais une bouteille de scotch qu’il a commencée la veille. Un moyen presque plus efficace, à ses yeux, que le café pour le maintenir éveillé. Et lui changer les idées.

Assis à son bureau, il passe une poignée de minutes à faire un peu de rangement, avant d’ouvrir son ordinateur et de consulter ses mails, d’ouvrir quelques tableaux de comptes et les prévisions pour les prochains mois. Tout est dans le rouge, bien évidement. Absolument tout est dans le rouge, que ce soit les comptes de l’orphelinat, les siens, ceux supposés abriter des économies en cas d’intempérie. Les seuls comptent à être dans le vert, ce sont ceux de ses pensionnaires sur lesquels il a procuration, en tant que responsable légal de tous les mineurs de l’établissement. Guère approvisionnés pour la plupart, certains se démarquent par le capital laissé par des parents à leur décès. D’autres étaient dans le rouge, d’ailleurs, avant qu’Aaron puise autant dans ses propres fonds que dans ceux de l’établissement pour les mettre au vert.

Un mouvement de souris, une gorgée, le directeur se force à revenir aux pages principales de son énorme tableau. Un coup d’œil à sa montre, on approche les dix heures du soir. Vu le rythme qu’il affiche, il n’en aura pas fini avant une heure du matin à première vue. Contrairement à la bouteille dans laquelle il pioche pourtant avec modération. Ses doigts s’agitent sur le clavier, sur une calculatrice, griffonnent sur un cahier de brouillon et se perdent dans sa barbe, il ne voit plus le temps passer et se contente d’un bonne nuit sans relever la tête lorsque un à un, les éducateurs quittent l’établissement ou vont dans leurs appartements. Sofiane passe rapidement, dépose un dossier sur la chaise. Dix heures dix, il n’y a plus que les pensionnaires qui dorment ou lisent tranquillement, et un silence reposant. La porte du bureau est entrouverte, comme pour ne pas filtrer les sons. Mais sa concentration est telle, au final, qu’Aaron sursaute lorsqu’on frappe sur le montant en bois. Daria ? Déjà ? « Oui ? » La voix d’Aaron, loin d’être endormie, se contente d’être curieuse. Avant qu’un large sourire illumine son visage. « Salut. Je ne te dérange pas ? » Il secoue la tête, ferme son ordinateur et retourne ses feuilles de brouillon par précaution. Daria. L’une de ses plus vieilles pensionnaires, l’une de ceux avec qui il a gardé un contact plus que privilégié. « Tu sais ? Un jour, si tu veux, je pourrais t’aider à ranger tout ce bor… Enfin, tout ça. Tu vas bien ? » Un sourire, il repense immédiatement à Moira, venue quelques semaines plus tôt, qui lui a fait la même remarque. « Mais qu’est ce que vous avez tous en ce moment ? » Son sourire transforme sa question qui pourrait paraître agacée en amusement. « Ca va bien, et toi ? » S’il va bien ? Il ne sait pas vraiment si c’est la vérité mais c’est ce qu’il souhaite donc… et bien donc les deux choses se mêlent, tout va pour le mieux. « La rentrée se prépare bien ? Raconte moi tout ! » Il se lève et tout en parlant, il regarde son bureau, et les chaises qui lui servent de dessertes à défaut d’avoir suffisamment de place sur le grand plan de travail, à la recherche des dossiers qu’il doit lui donner et qu’il est certain d’avoir préparés la veille. Ou dans l’après midi. « Attends… je sais où ils sont… je t’ai fait un tas, il faut juste que… » Machinalement, ses doigts glissent vers le verre… et s’en écartent immédiatement. Ces dossiers… il sait qu’ils sont dans son bureau. Mais où ?

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MessageSujet: Re: Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron   Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron Icon_minitimeLun 27 Juin 2016 - 8:23

    Une bouteille, un verre… Elle les voit, sans même s’attarder dessus pour ne pas jouer les moralisatrices, pour faire comme si elle n’avait rien vu. Après tout, il est tard et il a bien le droit de se détendre un peu, non ? Question qui la pousse à se demander si tout le monde fait comme elle. Est-ce que les gens lui trouvent toujours un tas d’excuses pour ne rien avoir à lui dire, pour se décharger d’une réflexion compliquée à lui faire ou d’une conversation compliquée à avoir ? Elle aimerait pouvoir dire quelque chose de léger, l’air de rien, mais pourtant plein de sens pour comprendre comment cette bouteille est arrivée dans ce bureau mais… Mais elle ne trouve rien à dire parce qu’elle n’est pas certaine que ce soit son rôle, parce qu’elle n’est pas sa mère et qu’elle n’a pas d’autorité sur lui. C’est lui l’adulte. C’est bête, elle a beau avoir grandi, être partie, avoir son boulot et son appartement, Daria a toujours l’impression d’être une gamine quand elle se retrouve face à lui. Elle ne sait pas si c’est elle qui se trouve des excuses pour ne pas aborder le sujet ou si elle ne se sent vraiment pas de le faire. A bien y réfléchir, c’est assez égoïste comme façon de penser : fermer les yeux pour ne pas avoir de conversations qui pourraient mettre une relation à mal ! Elle se doit de mettre le sujet sur la table, parce que ce n’est pas dans son caractère de fermer les yeux quand il s’agit de personnes qui lui sont proches. Parce qu’elle s’en voudrait si un jour – sans qu’elle ne le souhaite – Aaron en vient à louper une marche, avec un enfant dans les bras, à cause d’un manque de réflexe. Parce qu’elle a beau se dire que c’est son problème à lui, en réalité ça va bien finir par impacter d’autres personnes si ce n’est pas déjà le cas. Daria sait qu’elle doit dire quelque chose et pourtant… Et pourtant elle se tait sur ce sujet, en se disant que c’était peut-être ponctuel, que le journée était plus compliquée que les autres, que… En fait, elle ne sait absolument pas comment aborder les choses et préfère ne rien dire et ne rien voir dans l’immédiat.

    «Mais qu’est-ce que vous avez tous en ce moment ? » Daria laisse ses préoccupations de côté, bien trop contente de pouvoir s’en débarrasser un petit moment. Un sourire traverse ses lèvres dans un haussement d’épaules amusé. « On doit tous être des maniaques avec un besoin compulsif de tout ranger. » Elle plisse légèrement les yeux et prend un faux air de théoricienne du complot. « Peut-être même qu’on a été envoyé dans ton entourage pour une expérience, pour voir qui de toi ou de nous allait lâcher l’affaire en premier. » Une sorte de nouvelle télé-réalité en manque d’idée qui balancerait des maniaques contre des bordéliques et attendrait de voir qui s’ouvre les veines en premier… Parait que c’est bon pour l’audimat. Heureusement que ça ne reste que de l’humour et qu’ils n’en sont pas encore à ce stade. «Ca va bien, et toi ? » Elle reprend un semblant de sérieux mais garde son sourire pour hocher la tête et dire que tout allait bien. Tout allait toujours bien, c’était un principe de vie, en tout cas de le laisser paraitre. Les gens avaient bien trop d’ennuis à son goût pour avoir, en plus, à se soucier des siens. Et puis, elle n’avait pas une bouteille d’alcool sur son bureau en faisant cours alors c’est que ça allait mieux que lui.

    «La rentrée se prépare bien ? Raconte-moi tout ! » Elle pense à ses dossiers pour l’année, ceux rangés et étiquetés comme il le faut. Oui, la rentrée se prépare bien mieux de son côté mais c’est parce qu’elle avait besoin que tout soit ordonné. « Les prénoms des enfants donnent un peu l’impression d’être devant la liste des États : Dakota, Texas, Tennessee, Indiana… » Elle hausse doucement les épaules. « J’attends patiemment le jour où je vais avoir des jumeaux aux prénoms de New et York et je pense que ma carrière sera comblée. » Ce qui, bien sûr, reste à prendre au second degré. « Des fois je me dis que je devrais les mélanger aux enfants qui sont nés quand la mode était aux fruits. » Prune, Cerise et ainsi de suite. « Ça pourrait donner de bonnes activités ludiques. » Allez les enfants, aujourd’hui, les fruits s’associent à l’état qui est susceptible d’en produire en plus grande quantité selon sa zone géographique et son climat…Bon, elle n’allait pas faire cela avec des maternelles mais au moins l’idée a le don de la faire sourire. « Sérieusement, pour le moment ça va, je ne stress pas trop. Mais ça aura tout le temps d’arriver quand il se passera des choses que je n’ai pas prévu, les enfants ont cette formidable capacité à nous mettre devant des situations improbables. » Mais là, elle ne lui apprend rien. Dans ce domaine, Aaron a bien plus d’expérience qu’elle.

    « Et toi ? Comment ça s’annonce ? Tu faisais les comptes ? » On ne peut pas lui demander de passer à côté de cette série de chiffre griffonnée sur une feuille. Le fait qu’elle ne soit pas sous un tas d’autres feuilles laisse penser que ça vient d’être fait. Daria n’a pas poussé sa curiosité jusqu’à regarder les chiffres écris dessus, elle suppose que lui poser la question suffit à avoir une réponse sur l’état des comptes… Peut-être même que ça expliquerait la bouteille près de l’ordinateur. Elle espère même que le fait qu’il soit concentré sur le fait de chercher un dossier le pousse à répondre plus spontanément. « C’est pour ça que tu restes aussi tard ? » Une question qui se veut innocente, posée de manière presque légère, sans aucune conséquence. En réalité, Daria essaye de comprendre ce qui se passe dans la vie d’Aaron, pour savoir si elle peut l’aider d’une manière ou d’une autre. Loin d’être complètement stupide ou aveugle, elle sait que quelque chose ne va pas mais reste incapable de poser la question de front. Elle a besoin d’élément, de savoir, de comprendre, pour l’aider à appréhender les choses et savoir comment s’y prendre sans avoir l’air intrusive, chiante ou donner l’impression de se mêler de ce qui ne la regarde pas.



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Aaron Trager
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MessageSujet: Re: Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron   Le dossier là, sous tout ce bordel - Aaron Icon_minitimeDim 3 Juil 2016 - 13:02



Ouvrir le fichier, sortir les tickets de caisse, toutes les marques de dépenses effectuées dans le mois, dans la semaine, celles à venir et les dettes à éponger, se servir un verre et le vider, crayonner sur u cahier des chiffres, des nombres, des séquences et des formes abstraites qui s’arrondissent au fil de ses pensées : tout cela, Aaron a fini par apprendre à le faire machinalement. Ses réflexions et ses doutes, il les calfeutre dans un coin de son esprit pour ne se concentrer que sur les mathématiques et les prévisions pour les mois à venir, pour mettre de côté les considérations humaines et ne voir que des nombres étalés sur un écran, étalés sur une feuille, inscrits au carbone au bout de la pointe rêche d’un crayon taillé pour l’occasion. Un à un les éducateurs sont partis pour le laisser à l’écoute des différents mouvements dans l’établissement. Il leur fait confiance, tout comme il a confiance en ses jeunes pour ne pas trop déraper. L’heure tardive, qui l’est davantage encore lorsqu’on sait qu’il est debout depuis six heures et demi, il n’y fait plus vraiment attention. Ce n’est que lorsque des coups discrets à la porte troublent le silence qu’il relève la tête et sourit à l’intention de Daria. Bien sûr qu’elle ne le dérange pas, elle ne le dérange jamais. Personne ne le dérange jamais, si on fait attention à ce qu’il dit constamment. Au pire, on se contente de le distraire mais il n’en voudra jamais à quiconque pour cela. Son sourire s’accentue tandis qu’il ferme son ordinateur et retourne hâtivement ses feuilles de brouillon. Ranger son bureau ? Il faut croire que c’est une mode que de lui conseiller d’accepter de l’aide pour accomplir cette tâche digne des tonneaux des Danaïdes. « On doit tous être des maniaques avec un besoin compulsif de tout ranger. » Sur le même ton, il s’entend répondre dans la foulée un « Je veux bien te croire » amusé. « Peut-être même qu’on a été envoyé dans ton entourage pour une expérience, pour voir qui de toi ou de nous allait lâcher l’affaire en premier. » Il plisse les yeux en miroir, rentrant dans le jeu sur le ton le plus sérieux du monde. « Une expérience, tiens donc ? Fais attention, Daria, je risquerais de percevoir ça comme un défi, et tu me connais, je ne suis jamais contre ce genre de petite… mise à l’épreuve ? » Il s’est levé à l’entrée de Daria, déjà parce qu’il n’est jamais tout à fait à l’aise à l’idée de rester assis face à une personne debout, ensuite parce que c’est l’occasion pour lui de se dégourdir les jambes. Enfin… et bien enfin, il faut bien cela s’il veut remettre la main sur les dossiers qu’il doit confier à son ancienne pensionnaire et qui sont, somme toute, le cœur de la visite de cette dernière. Ses questions s’enchaînent sans trop tarder, au rythme de ses recherches et de son intérêt, bien réel il ne faut pas en douter, pour la santé de l’institutrice.

La rentrée des classes est toujours un moment d’intense activité lorsque l’on gère des enfants, que ce soit du côté des éducateurs comme Aaron ou des professeurs comme Daria. Nouvelles têtes, nouvelles classes, nouvelles administrations et nouveaux papiers, la nouveauté ne se cantonne même pas aux nouveaux arrivants mais s’appliquent aussi aux retrouvailles après l’été, lorsqu’untel a mué, un autre est parti un mois dans un pays étranger et à foule de choses à raconter ou encore que la petite puce du dernier rang s’est découvert un attrait tout particulier pour le leadership pendant les vacances estivales. Les doigts d’Aaron ne cessent de s’activer sur les piles de paperasse, ne les quittent que pour effleurer son verre, l’abandonner et remonter dans son menton en signe d’intense réflexion. Et en même temps, son attention ne faiblit pas et il sourit à l’énumération de prénoms. « Les prénoms des enfants donnent un peu l’impression d’être devant la liste des États : Dakota, Texas, Tennessee, Indiana… J’attends patiemment le jour où je vais avoir des jumeaux aux prénoms de New et York et je pense que ma carrière sera comblée. » A cette image, Aaron ne tient pas et éclate de rire, puisant largement dans la l’incongruité d’une telle situation et la joie de vivre de Daria pour contaminer sa propre morosité. La mélode rapide et enjouée qui s’échappe de la rousse a le mérite de déteindre sur sa propre musique, audible seulement par ses oreilles mutées. Et s’il ne peut ignorer les notes un peu plus sombres qui dénotent, il le sait intuitivement, une certaine inquiétude. « Des fois je me dis que je devrais les mélanger aux enfants qui sont nés quand la mode était aux fruits. Ça pourrait donner de bonnes activités ludiques. » Les yeux plissés, à moitié fermés, Aaron rit à cette seulement image, profitant allégrement de cet instant pour se détendre. Le pire étant que, confronté régulièrement à des noms d’enfants justement, il ne peut que savoir à quel point les remarques de Daria sont exactes et fondées. Ses mains se posent sur les épaules de la jeune femme, avec un large sourire aux lèvres. « Daria, tu es toujours aussi parfaite. Institutrice jusqu’au bout des ongles,… tu es merveilleuse. » Bien plus léger, il reprend ses recherches, claquant même des doigts comme pour réfléchir plus rapidement et remonter plus facilement le cours de sa mémoire. « Sérieusement, pour le moment ça va, je ne stresse pas trop. Mais ça aura tout le temps d’arriver quand il se passera des choses que je n’ai pas prévu, les enfants ont cette formidable capacité à nous mettre devant des situations improbables. » Là encore, il ne peut qu’admettre qu’elle est bien dans le vrai, il en a chaque année, chaque jour même, la preuve depuis qu’il évolue au contact d’enfants et d’adolescents, voire de pré-adultes. « Ah, les enfants… lorsqu’on fait des métiers comme le tien ou le mien, on sait qu’on ne tombera jamais dans une quelconque routine et qu’ils trouveront toujours quelque chose pour mieux nous surprendre. Mais je ne me fais pas de souci pour toi, tu as tout ce qu’il faut pour réagir à toutes les situations, même les plus… inattendues. En même temps, tu as grandi avec Wade donc… tu es parée pour tout ! » Un clin d’œil, il profite de sa recherche pour soupirer devant de la pub qu’il n’a même pas encore cherché à ouvrir.

« Et toi ? Comment ça s’annonce ? Tu faisais les comptes ? » L’activité d’Aaron s’interrompt brusquement. Une bouffée d’angoisse lui monte instantanément à la gorge, il rassemble ses papiers d’un seul geste dans une grande inspiration. « Oui, exactement, oh, rien de passionnant, mais il faut bien y passer lorsqu’on gère une telle structure. » Il pose la main à plat sur les feuilles dans un large sourire. Forcé cette fois. Il n’est jamais contre un peu de curiosité mais… mais ses comptes sont un sujet plus que sensibles. « C’est pour ça que tu restes aussi tard ? » Si les premières questions ont eu un effet radical sur Aaron, cette dernière le laisse plus… circonspect sur le sous-entendu. Parce qu’il y a un sous-entendu, non ? Rester aussi tard ? Aaron fronce les sourcils, jette un coup d’œil à sa montre. Dix heures pleinement passées. « Non, pas spécialement, c’est… » Exceptionnel ? Est-il vraiment capable de mentir à Daria en la regardant dans les yeux, alors que c’est lui-même qui lui a appris la valeur de l’honnêteté ? « C’est juste qu’avec les coupures d’électricité, je préfère être sur place jusqu’à ce que tous s’endorment. » Oui, il sait très bien que les éducateurs qu’il paie sont aussi là pour ça. Mais… mais on n’est jamais mieux servi que par soi-même et il ne veut pas imposer un surplus de travail à d’autres que lui-même. Et rester à l’orphelinat lui permet aussi de fermer plus facilement les yeux sur l’attitude de Celeste. Dont c’est bientôt l’anniversaire. Bien. Ses doigts effleurent le verre. « Et au moins, c’est une période de la journée où tout est calme, ça a quelque chose d’agréable de ne pas les entendre courir de partout et d’avoir un peu de silence rien que pour soi. » Petit sourire de connivence, Aaron serait bien incapable de savoir s’il cherche à lui répondre simplement ou aussi à la rassurer. « Oh, mais je ne t’ai pas demandé, je te sers quelque chose à boire ? Apparemment, et pourtant je te promets que j’ai tout préparé dans la journée, les dossiers refusent d’être coopératifs… ça risque de prendre quelques minutes pour que je mette la main dessus. J’en ai… une douzaine en primaire cette année, c’est bien ça ? Et moins d’une dizaine en maternelle, si je compte bien. Plus… il fallait que je voie avec toi, on a eu une petite nouvelle il y a une poignée de jour. Sephora, quatre ans. Est-ce que tu penses pouvoir te débrouiller pour l’avoir dans ta classe, je serais rassuré qu’elle soit entre de bonnes mains. Elle… » Une hésitation. « C’est une toute jeune mutante, et même si sa mutation est encore inoffensive, elle génère des tremblements lorsqu’elle est angoissée… » Une moue soucieuse. « Ce qui est assez impressionnant les premières fois. » Il pourrait s’en occuper plus particulièrement, mais il faut bien qu’il l’admette, une fois encore : il ne peut pas être partout. Et parmi les nouveaux orphelins qu’il a accueillis en son sein ces derniers mois, il y a une proportion grandissante de mutants, remercions là les Hunters. Le temps qu’ils retrouvent des membres des familles pour récupérer la tutelle, Aaron doit composer avec des enfants choquées, traumatisées, instables émotionnellement et malgré ses propres capacités, il ne peut clairement pas avoir les yeux partout. A son grand, très grand regret. Et il est obligé, aussi, de… faire des choix. Guidés, certains, par sa propre lâcheté. D’une petite voix, ses lèvres suivent le cours de ses pensées et il s’entend prononcer sur un ton bas un « Tu as pu voir Celeste récemment ? » qu’il veut badin.

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