Tina fit jouer la clé dans la serrure de son petit pavillon, puis pénétra à l’intérieur. Elle laissa tomber son sac sur le guéridon de l’entrée sans plus s’en soucier, et alla s’affaler dans son fauteuil préféré en poussant un soupir de satisfaction. Un peu de tranquillité ! Les clients de la librairie avaient été insupportables, aujourd’hui. Plus encore que d’habitude, ils ne cessaient de piailler avec inquiétude sur l’actualité, et à plusieurs reprise, Tina avait du subir les jacassements de vieilles dames concernées par la rumeur qui courait en ville. Une bête serait en train d’errer aux alentours, d’après les racontars, et selon quelques mamies qui semblaient fort bien renseignées, la bête aurait déjà fait de gros dégâts et plusieurs victimes. Elles avaient donné pas mal de détails et y étaient allées de leurs propres spéculations sur l’origine de cette bête, allant même jusqu’à prononcer le mot "dégénéré" en secouant la tête avec affectation. Tina avait contenu difficilement sa langue en écoutant tous ces ragots, mais elle avait sèchement poussé les mamies vers la sortie quand elles en étaient venues à cracher sur les mutants tout entiers. Et elle n’avait pas décoléré du reste de la journée, fulminant à l’idée que les gens puissent prêter le moindre crédit aux rumeurs qui couraient en ville. Depuis qu’elle était à Radcliff, elle en avait déjà entendu tellement ! Certaines plus crédibles que d’autres, certaines s’étant avérées réelles, mais l’imagination des gens pour blâmer sans cesse les transmutants ne cessait jamais d’étonner Valentina. Mais elle était enfin seule, dans le silence de son salon, et elle comptait bien en profiter. Elle n’avait pas l’intention d’allumer la télé pour tomber sur les informations, qui tournaient bien souvent toujours autour du même sujet. Toujours les transmutants, et jamais en des termes très élogieux … A croire que tous ces gens cherchaient les ennuis, à remuer des drapeaux rouges de haine devant les yeux d’une population mutante de plus en plus agacée. Mais Tina avait à peine attrapé le roman qu’elle avait laissé ce matin sur la table basse, qu’elle se figea. Un bruit sourd avait retenti dans la pièce d’à côté. Immédiatement, et à son grand agacement, elle pensa à la bête que tout le monde évoquait à mi-voix en ville. Mais c’était ridicule … Pourtant, elle se leva d’un geste souple, sur ses gardes. Depuis des années, elle avait appris à se méfier des bruits inhabituels, même si ce n’était rien la plupart du temps. En deux enjambées silencieuses elle fut dans le couloir, et elle poussa la porte de la cuisine. Elle tomba nez à nez avec une fille blonde, et retint de justesse la rafale de pouvoir qu’elle avait failli lui envoyer. « Qu’est-ce que vous fichez chez moi ? » Demanda-t-elle d’un ton sec. La fille n’avait pas l’air menaçante, et Tina lui laissa une seconde le bénéfice du doute. Mais elle était prête à tirer avec son pouvoir, s’attendant à tout, même venant d’une fille à l’apparence aussi banale et inoffensive. Elle était trop bien placée pour savoir que l’apparence était souvent trompeuse.

Trop vouloir savoir, ça allait te rendre un peu cinglée au final, toute cette histoire, toute cette affaire. Dans ta chambre, sur ton lit, il y a pleins de documents qui traînent, des feuilles qui s'éparpillent sur l'étendu de ton lit alors que des larmes habitent tes yeux. Tu ne pleures pas, ce n'est pas ton genre, mais soudainement, tu as l'impression que ça, tout ça, c'est trop à gérer. Pourtant, c'est ce que tu voulais. Des réponses claires et précises. Des noms, des visages à mettre sur ceux qui sont responsables de ta présence dans ce monde. Ta mère, ton père. Jake, il a tout trouvé pour toi, même s'il a gardé les informations plus longtemps que nécessaire. Jake, tu le devines trop bien, il a peur de ce que tu peux faire maintenant que tu sais d'où tu viens, maintenant que tu sais à qui tu appartiens officiellement. Sauf que c'est plus compliqué que ça. Ta mère, elle a eu une fille avant toi. Plus vieille, bien plus vieille. Ta grande sœur, que Jake a dit en riant devant la photo d'une blonde qui travaille comme libraire. Valentina Sandrelli. Un nom qui résonne trop fort d'origines qui sont à moitié tiennes. Il y a des frissons qui te parcourent le dos quand tu penses à tout ça. Tu ne sanglotes pas, mais l'eau continue de couler sous tes yeux fatigués pendant quelques minutes encore, alors que tu essayes de faire un casse-tête de tous ses morceaux. Sans y penser plus longuement, tu sautes sous la douche, tâchant de faire partir les traces de cette faiblesse soudaine, de cette vulnérabilité qui ne te ressemble pas. Les idées semblent se faire plus clairs dans ta tête alors que l'eau coule le long de ton corps frêle, effaçant toutes les pensées indésirables de ton esprit. Tout ce qu'il reste de puissant dans ta tête, c'est que tu dois en savoir plus sur cette Valentina, celle avec qui tu partages des gênes, mais par dessus-tout une ville. De savoir qu'elle était là tout ce temps, si près et pourtant si loin, ça te rempli de haine et de hargne envers cette famille qui considérait vouloir une fille, mais pas deux apparemment. Tu attaches tes cheveux et c'est sans y réfléchir à deux fois que tu te rends jusqu'à l'adresse que Jake t'a trouvé pour la jeune libraire. Il n'y a pas de voiture dans le parking et tu ne vois aucune lumière provenant de l'appartement, malgré l'heure avancée de la journée. C'est sans trop de difficulté que tu parviens à déjouer la serrure, comme tu as dû le faire des centaines de fois par le passé et tu entres dans l'appartement aux allures plutôt ordinaires. Tout te semble trop bien rangé dans l'appartement et tu dois te retenir de ne pas tout saccager, histoire de laisser dans l'environnement les marques que cette famille a laissé sur ton être. Tu te contentes de passer tes doigts sur les murs, les décorations, les photos de cette famille qui n'est pas tienne, mais encore. Tu es dans la cuisine lorsque tu entends la porte d'entrée s'ouvrir et tu te demandes vraiment à quoi tu as pensé en venant ici. Surprise, tu t'accroches dans l'une des chaises, témoignant trop rapidement de ta présence dans l'appartement. Tu essayes rapidement de voir s'il n'y aurait pas une autre sortie, mais tu n'as même pas le temps d'analyser la scène que tu te retrouves face à face avec une grande blonde, et tu sens ton coeur s'affoler dans ta poitrine. « Qu'est-ce que vous fichez chez moi? » Il n'y a pas de réponse rationnelle pour cette question, alors tu décides de la jouer franc jeu. Après tout, tu n'as rien à perdre. Elle risque d'appeler la police et tu vas passer la nuit au poste. Aussi bien qu'elle sache qui elle risque d'envoyer en dedans. « J'voulais voir l'appartement. Un peu plate, vraiment. C'est à se demander si on est vraiment sœurs. » Boom, comme ça. Sans aucune délicatesse, sans aucune préparation. Tout ce que tu veux, c'est de voir comment elle va réagir. Bien ou mal, tant qu'elle réagisse, c'est ce qui compte pour toi à l'instant. Tu es tout simplement incapable de voir plus loin que ça.

Valentina avait déjà vu des gens s’introduire chez elle par effraction, et on ne peut pas dire qu’ils avaient de bonnes intentions. A chaque fois, elle avait du défendre chèrement sa peau contre ces gens qu’elle connaissait de près ou de loin, et qui avaient tous une raison valable pour venir l’attendre chez elle pour lui trancher la gorge. Elle se méfiait donc, elle restait toujours sur ses gardes, même dans cette ville où elle était restée loin de ses magouilles passées. Elle savait que n’importe qui pouvait la retrouver, avec les bons indics. Mais cette fille en face d’elle, elle ne la connaissait pas. Jamais vue de sa vie. Cela ne l’enlevait pas automatiquement de la liste des dangers potentiels, mais cela pouvait la faire basculer sur celle des gens bien moins menaçants. Elle pouvait être entrée pour la voler, et avoir choisi son pavillon au hasard parmi tous ceux du lotissement. Si ce n’était que ça, Tina appellerait la police et l’histoire s’arrêterait là. Mais si la fille lui en voulait personnellement … Ce serait bien différent, et la police n’aurait pas son mot à dire. La mutante savait très bien se défendre toute seule. Elle resta donc sur ses gardes en attendant d’en savoir plus, et la réponse de l’intruse fusa rapidement. Tina plissa les yeux, un peu décontenancée par cette explication. Sœurs ? Elle ne comprenait pas. Cette fille devait bien voir qu’elles n’étaient pas sœurs, elles ne se connaissaient pas. « C’est un truc de famille ça, d’entrer chez les gens par effraction ? » Elle secoua légèrement la tête, la mine moqueuse. La famille de cette fille devait être bien frappée. Celle de Tina en tenait une bonne couche sur certains points, elle ne le niait pas, mais elle n’avait jamais vu qu’on entrait chez les gens juste pour visiter, même chez un membre de la même famille. La seule personne qui avait presque failli être de sa famille et qui était susceptible d’entrer chez elle ainsi, c’était Casey, mais il n’entrerait pas non plus pour visiter. Le jour où il viendrait, elle devrait se préparer à frapper, encore une fois. « Mais vous voyez bien que je ne suis pas votre sœur. » Lança-t-elle plus durement. Elle s’approcha de la fille pour la détailler du regard, cherchant à déterminer si elle lui avait volé quelque chose. « Qu’est-ce que vous faites chez moi ? Je veux une vraie réponse, cette fois. » Tina restait suspicieuse, ne croyant pas un instant à l’explication fumeuse de cette fille. Elle penchait de plus en plus pour une cambrioleuse inexpérimentée, qui n’avait pas su s’enfuir à temps, mais elle voulait s’en assurer.

Tu as le dossier dans les mains. Ce dossier avec toutes les informations qui prouvent que la blonde devant toi est bel et bien ta sœur, malgré l'air estomaqué qui habite son visage alors que tu lui balances cette information sans aucun préavis. Tu ne sais pas qu'est-ce que tu t'imaginais, mais clairement, c'est loin d'être à la hauteur de tes attentes démesurées. La famille, c'était un domaine qui t'était complètement inconnue. Tu ne sais pas comment gérer avec cette nouvelle information. Alors tu agis sans réfléchir, comme tu as tellement l'habitude de le faire. En te foutant complètement si ça vient foutre la merde dans la vie de quelqu'un d'autre ou non. Parce que de toute façon, tu es bien connue pour être égoïste. C'est une des premières leçons que tu as apprise dans cette putain de vie; ne penser qu'à toi. « C'est un truc de famille ça, d'entrer chez les gens par effraction? » Tu ne peux t'empêcher de rire, c'est qu'elle serait presque aussi baveuse que toi, ta nouvelle sœur. Ça te plairait presque, si elle ne semblait pas aussi coincée par le reste de ce que tu vois. « Faudrait que tu me le dises. Apparemment, t'es la seule famille que j'ai. » Tu le répètes encore, même si tu vois dans ce regard que ça l'agace de t'entendre répéter encore et encore ce qu'elle considère être des mensonges. Parce que contrairement à toi, elle n'a pas encore eu la preuve sous les yeux. Ces bouts de papiers qui prouvent que tu ne sors pas de nulle part au final. Que quelqu'un quelque part t'as eu, mais n'a pas voulu de toi, contrairement à cette autre blonde qui n'a pas connu le même sort misérable que toi. « Mais vous voyez bien que je ne suis pas votre sœur. » T'aurais goût de vomir face au vouvoiement que la jeune italienne utilise, cette marque qui est utilisée autant pour faire poli que pour montrer cette espèce de supériorité pour laquelle tu n'as absolument aucun respect. Alors pour le moment, tu te contentes simplement de l'ignorer et tu continues de te promener dans l'appartement, comme si tu étais chez toi ou encore chez une bonne amie, même si c'est loin d'être le cas. Après tout, qu'est-ce qu'elle peut faire? Te chasser de là? Appeler la police? Qu'elle le fasse. Elle ne tardera pas à découvrir qui est la plus maligne entre les deux. « Qu'est-ce que vous faites chez moi? Je veux une vraie réponse, cette fois. » « Je te l'ai déjà dit, je suis ta sœur. Mais on dirait que t'es complètement bouchée ou que tu ne veux pas m'entendre. » Un sourire se place sur tes lèvres alors que tes pas te mènent devant la grande blonde. Tu regardes attentivement son visage, à la recherche de ces ressemblances invisibles entre elle et toi. Mais tu veux croire que les papiers ne mentent pas. Ne serait-ce que pour une fois dans ta vie, avoir un semblant de point de repère. Même s'il est nul à chier. Nul à chier reste toujours mieux qu'inexistant, pas vrai? « Si tu ne me crois pas, regarde ça. Et j'me suis pas amusée à falsifier les papiers, j'ai autre chose à faire que ça. » Et tu le tends le document. Celui dans lequel on retrouve ton acte de naissance et le nom de la mère de la jeune femme sur la ligne du parent. Il y a aussi un autre document signé lorsque tu as été mise en adoption, adoption qui n'aura jamais eu lieu au bout de tout. Tu auras été éternellement une fille de l'orphelinat, une fille appartenant à l'état sans jamais personne vers qui se tourner en cas de besoin. « Et là, est-ce que tu me crois? » T'es baveuse, mais tu t'en fiches. Tant qu'à être là, autant lui faire voir quelle genre de personne tu es. Histoire de bien la charmer et tout ça.

Valentina ne voulait pas croire à cette histoire de sœur. Elle ne pouvait pas y croire, puisqu’elle n’a jamais eu de sœur. Elle aurait bien voulu, à une époque. Avoir une grande sœur qui lui aurait enseigné tout ce qu’il y avait à savoir de la vie, ou une petite sœur à considérer comme sa poupée et à mener par le bout du nez. Elle se serait sentie moins seule à la maison, elles auraient joué ensemble, grandi ensemble. Peut-être que Tina n’aurait pas quitté le foyer familial aussi vite si elle avait eu une sœur, ou même un frère sur qui veiller. Mais non, ça n’était pas arrivé. Elle avait grandi seule, avec son père qui l’aimait tant et sa mère qui ne supportait pas sa présence. Et maintenant cette fille venait prétendre qu’elles étaient sœurs. C’était vraiment une excuse minable pour justifier sa présence dans sa maison. Tina avait envie de s’énerver pour bien lui faire comprendre qu’elle n’était pas du genre de ceux qu’elle pouvait berner avec d’aussi minables mensonges. A une époque, elle n’aurait même pas hésité et l’intruse se tordrait de douleur sur le sol avant que Tina ne cherche à savoir ce qu’elle faisait là. Mais elle était plus sage maintenant … Plus modérée. Elle essayait, tout du moins, mais il ne faudrait pas que la petite blondinette la cherche trop longtemps. Parce qu’elle persévérait dans son histoire, l’effrontée ! Qu’est-ce que ça lui coûtait, d’avouer qu’elle était entrée pour voler ? Elle avait été prise sur le fait, et elle ne s’en sortirait pas. « Ca suffit, arrêtez de jouer à ce petit jeu stupide et dites-moi qui vous êtes. » Ordonna finalement Tina après que l’inconnue ait répété qu’elle était sa sœur. Elle commençait à perdre patience … Mais soudain, la fille lui tendit quelques feuilles, prétendant que cela contenait ses preuves. Avec méfiance, Tina attrapa les papiers et les parcourut rapidement. Elle n’avait aucune envie de s’y attarder et elle gardait un œil sur l’intruse, mais elle fut bien obligée de lire sérieusement le document quand elle reconnut le nom de sa mère. Sourcils froncés, elle découvrit que sa mère avait eu un enfant qu’elle avait abandonné à la naissance. Le malaise envahit la jeune femme, ce document lui rappelant bien trop douloureusement celui qu’elle avait signé quand elle avait laissé son propre bébé après avoir accouché. Elle leva les yeux vers la fille, puis les baissa encore sur le document. Elle n’avait jamais soupçonné que sa mère ait pu faire une chose pareille, jamais. Mais elle se souvenait, maintenant. Elle avait été enceinte, quand Tina avait une dizaine d’années. Il n’y avait que la petite fille pour s’en être réjouie, parce que son père n’avait jamais semblé heureux de la nouvelle, et sa mère avait pleuré presque tout le long de sa grossesse. Et puis elle avait perdu le bébé, presque à terme, et ça s’était fini là. Mais elle n’avait pas perdu le bébé. Elle l’avait tout simplement abandonné. « Père inconnu. Ca ne m’étonne même pas. » Marmonna Tina, sans s’adresser particulièrement à la jeune fille, mais plutôt à sa mère. Ca expliquait même pas mal de choses … Elle finit par tendre les documents à la fille, non sans avoir vérifié quelques petites choses avant. « Laura, alors. T’as pas eu d’autre idée pour me l’annoncer que d’entrer chez moi par effraction ? » Elle soupira et se passa une main lasse sur le visage. Elle ne cessait de penser au nourrisson qu’elle avait à peine tenu dans ses bras avant de le confier à l’infirmière, et qu’elle n’avait plus revu depuis. Ses angoisses familières lui étaient revenues en pleine face : mauvaise mère, incapable d’aimer, et cet enfant laissé à l’abandon … « Tu veux … Tu veux boire quelque chose ? J’ai besoin de réfléchir. Assieds-toi. » Si la proposition avait été prononcée plutôt aimablement, les derniers mots avaient claqué comme un ordre. Elle ouvrit le frigo, considéra la bouteille de vin entamée, mais opta pour le jus d’orange. Elle sortit deux verres et s’assit en face de Laura. Laura, comme c’était bizarre. Ca pouvait passer pour un nom italien, songea-t-elle une seconde avant de se souvenir qu’elle n’avait pas le sang italien de son père. « Je n’étais pas au courant. » Finit-elle par lâcher.

Tu te prends pour quelque chose que tu n'es pas. Surtout devant les inconnus, ou encore ceux qui te font royalement chier, c'est-à-dire, au moins quatre-vingt-quinze pourcent de la population générale. Et c'est exactement ce que tu fais en ce moment, alors que tu regardes la jeune femme avec un tel dédain et un regard tellement hautain qu'on oublierait presque que c'est toi, la gamine un peu paumée qui vient de rentrer par effraction chez elle. Sauf que cette situation, si elle n'amuse pas ta grande sœur adorée, elle t'amuse toi, et ça, c'est tout ce qui compte pour toi. Ton propre et unique plaisir. Parce qu'on ne t'a jamais appris à te soucier des autres, jamais correctement du moins. « Ca suffit, arrêtez de jouer à ce petit jeu stupide et dites-moi qui vous êtes. » Tu échappes un rire. Un rire plein de jugement parce que vraiment, elle n'est pas très vite pour comprendre ce qui se passe assez clairement sous son nez. Alors tu en rajoutes une couche. Tu fais comme si tu étais mieux que tout le monde, mais particulièrement mieux qu'elle alors qu'au fond, toi comme elle, vous savez que des deux, c'est elle qui a eu le plus de chance dans toute cette histoire déplacée.« Laura Hardy, vingt-six ans, orpheline de naissance. La couleur de mes sous-vêtement avec ça? » Un autre sourire habite tes lèvres. T'es vraiment incroyable Hardy, de lui foutre ça en pleine gueule et t'imaginer qu'elle va bien réagir. En réalité, tu ne sais même pas à quoi à quoi tu t'attendais. Il est là, ton problème. Tu agis, et puis tu penses ensuite. Et clairement, ça ne te réussis pas. Pas du tout. Alors tu te contentes de lui rendre les dossiers, sans dire un mot. Pour qu'elle puisse voir. Pour qu'elle puisse comprendre et au final, pour qu'elle puisse accepter. Tu ne sais pas où ça va vous mener, tu es presque certaine que cette rencontre, ce sera votre seule et unique rencontre même. Mais pour l'instant, tu t'en fiches. Elle est là, tu es là, et y'a des secrets qui doivent sortir du sac. « Père inconnu. Ça ne m’étonne même pas. » Tu ne sais pas si elle te parle ou pas ou si elle réfléchit à haute voix, mais tu ne peux pas t'empêcher de te sentir interpeller par ce qu'elle vient de dire. Comme si ça confirmait bien des hypothèses qui avaient pu passer dans ton esprit dans les vingt-six dernières années de ta misérable vie. « C'est une femme comme ça, notre mère? Une petite salope? » Un sourire mesquin, plein de méchanceté gratuite. Elle ne sait vraiment pas sur qui elle est tombée, ta pauvre sœur.

Vous continuez de vous dévisagez encore un peu, quelques secondes avant que tout ne devienne un peu plus clair pour tout le monde. Elle a compris, tu n'es pas là pour lui mentir en pleine face. Tu n'es pas là non plus pour voler la moindre de ses possessions. Tu t'en fiches complètement de ce qu'il y a dans cet appartement de toute façon. Il y a longtemps que le temps où tu devais voler pour survivre est révolu. « Laura, alors. T’as pas eu d’autre idée pour me l’annoncer que d’entrer chez moi par effraction ? » Tu hausses les épaules, complètement nonchalante. Parce que pour toi, de te faire prendre ou pas, de l'avoir fait légalement ou pas, ça n'a aucune importance, aucun impact. Ton monde n'est pas blanc ou noir comme la majorité des gens. Non, il y a longtemps que tu vis dans des tons de gris. Le bien, le mal? Same shit. « J'pensais pas que tu serais là. Et honnêtement, je m'en fiche un peu. J'sais même pas ce que je fais là. » Parce que tu n'as rien à lui donner et tu n'as rien de plus à lui apporter à sa petite vie de bonne fille plate. Alors tu commences déjà à partir, sans rien dire de plus. À te retourner sans la regarder, prendre la poudre d'escampette et prétendre que cette rencontre n'a jamais eu lieu. Sauf qu'elle ne semble pas prête à te laisser partir ainsi alors qu'elle reprend la parole, te prenant de court. « Tu veux … Tu veux boire quelque chose ? J’ai besoin de réfléchir. Assieds-toi. » Tu fronces des sourcils, parce que tu entends trop clairement l'ordre qui sonne dans sa voix. Et elle apprendra bien assez vite que personne ne te donne d'ordre. Personne. « Tu crois quoi là? Qu'on va boire le thé et faire connaissance? Contrairement à ce que tu sembles croire, je suis pas intéressée. Pas du tout. » Elle commence à marcher dans la cuisine alors que tu restes figée sur place, la regardant aller et venir. Tu hésites, et tu te surprends à le faire. Parce que tu n'es pas quelqu'un qui s'arrête pour réfléchir. Tu n'es pas quelqu'un qui prend le temps de peser le pour et le contre. Tu agis, et tant pis. Mais là, tu es prise au dépourvue. Et ce que tu dis, ça ne fonctionne plus avec ce que tu fais. Et ça, ça te fait presque peur. « Je n’étais pas au courant. » « Surprise. » Ton ton est ironique, tu aurais probablement mieux fait de fermer ta gueule. Mais encore, c'est bien gentil comparativement à ce qui va sortir par la suite de ta si jolie petite bouche. « Juste pour que tu saches, je veux rien. J'ai besoin de rien. Et je me fous de toi. Particulièrement de toi et de notre salope de mère. » Tu prends une pause, ne serait-ce que pour lui laisser le temps d'assimiler ce que tu viens de dire. Mais tu ne lui laisses pas le temps de répondre que tu en rajoutes une couche. Aucune pitié. « Je voulais juste savoir. J'étais curieuse. Mais ça m'est passé bien assez vite. Donc non, je ne vais pas m'asseoir et faire comme si tout ça ici était normal. »

Cette fille qui se disait sa sœur avait vraiment une grande gueule et la langue trop pendue. C’était la seule chose que Tina parvenait à tirer de cet échange venimeux, où la petite blonde en face d’elle semblait décidée à l’asticoter jusqu’au bout. Impolie, vulgaire, visiblement habituée à pousser les gens à bout … Et c’était ça, sa sœur ? Au moins Valentina était sûre d’une chose : la gamine n’avait jamais accepté d’être abandonnée, et elle voulait faire payer quelqu’un. Ce quelqu’un étant elle pour aujourd’hui. Tina ne comprenait pas encore pourquoi elle était venue chez elle directement, au lieu d’aller voir la principale responsable de sa situation, et ce fut d’autant moins clair quand la petite peste cracha une insulte à l’encours de leur mère. Tina lui lança un regard méprisant : elle avait beau n’avoir aucune affection pour sa mère, elle ne la considérait pas comme une salope. « C’est réducteur, mais si ça te soulage de l’imaginer comme ça, ne te gêne pas. » Lui lança-t-elle d’un ton cassant. Elle avait l’impression de se trouver en face d’un petit enfant pourri gâté, ce qui était assez étrange vu la situation. Elle doutait franchement que Laura ait été adoptée par une famille de ce type, parce que si ça avait été le cas, jamais elle ne serait venue l’enquiquiner à cause d’un abandon qui avait été à son avantage. Non, elle avait sans doute vécu dans des familles avec lesquelles elle ne s’était jamais sentie bien, ou alors elle avait été maltraitée – dans tous les cas, elle avait eu une enfance malheureuse et comptait le faire payer à Valentina. C’était pour ça qu’elle était entrée par effraction, sans doute. Malgré ce qu’elle disait, malgré cette fausse nonchalance, Tina était persuadée que Laura ne s’était pas pointée chez elle au hasard. « Oui, c’est ce que les gens civilisés font quand ils se rencontrent. » Fit-elle d’un ton ironique après que Laura ait violemment rejeté son invitation à boire un verre avec elle. « Pourquoi est-ce que tu serais venue jusque chez moi, si tu n’as même pas l’intention de parler ? Je ne suis pas ta mère, après tout. » Ajouta-t-elle sans se départir de son petit sourire moqueur. Il n’y avait pas que la petite blondinette qui sache se moquer de l’autre, et Tina ne comptait pas perdre plus de temps à s’énerver contre elle, elle avait compris que cela ne fonctionnerait pas. Et quand Laura précisa qu’elle n’attendait rien d’elle, Tina eut un rire bref. C’était une tentative tellement grossière pour la provoquer qu’elle ne parvenait même plus à s’en agacer. « Encore heureux, je n’ai pas l’intention de te donner quoi que ce soit. Et ta mère ne te donnera rien non plus, la pauvre est complètement sur la paille. » Mais elle doutait que Laura ait réellement eut l’intention de demander de l’argent ou quoi que ce soit d’autre, elle semblait beaucoup trop fière pour ça. Mais est-ce qu’elle disait vrai, quand elle avançait que seule une vague curiosité l’avait poussée à venir rencontrer Tina ? Si c’était le cas … C’était presque triste. Triste de ne pas assumer sa curiosité, triste de ne pas pouvoir accepter de discuter plus longtemps. Elle était beaucoup trop hargneuse pour son propre bien. « Tu es aussi paumée que ta mère, tu auras au moins pris ça de son caractère. Je sais pas, j’ai pas envie, je veux savoir, mais je m’en fous, tu m’intéresses pas … Tu parles exactement comme elle. Mais … si ça peut te faire le moindre bien, sache que t’aurais pas été mieux lotie si t’avais grandi avec elle. D’aussi loin que je me souvienne, elle était dépressive et incapable de s’occuper d’un enfant. » Tina n’avait pas l’intention de la rassurer ou de la réconforter, elle avait lâché ces informations avec une froideur méthodique, énonçant uniquement des faits. Elle n’avait pas été heureuse de grandir avec une mère pareille, et ça aurait été la même chose pour Laura. « Tu veux son adresse ? T’as bien du la trouver, si tu as réussi à avoir la mienne, mais je ne voudrais pas que tu loupes le plaisir de la rencontrer. »

« C’est réducteur, mais si ça te soulage de l’imaginer comme ça, ne te gêne pas. » Tu regrettes les mots aussitôt que tu les as dis. Parce que ce n’est pas une discussion dans laquelle tu as envie de t’aventurer. Pas avec elle, pas maintenant. Jamais en fait. Tu ne veux pas parler de cette femme, tu ne veux pas en savoir davantage, tu voudrais pouvoir oublier complètement ce qui t’a poussé à venir ici. À te poser des questions. À aller trop loin, beaucoup trop loin. « Je l’imagine pas. » Soudainement, tu es plus froide. Plus sèche. Ta patience diminue seconde après seconde. Tu veux partir, tu dois partir. Ne pas aller trop loin, ne pas faire de conneries, malgré cette rage qui monte en toi, comme une seconde nature. T’es prisonnière, prise au piège. Et le pire dans tout ça, c’est que c’est de ta faute. Et seulement de la tienne. « Oui, c’est ce que les gens civilisés font quand ils se rencontrent. » Tu as un petit rire sarcastique à cette remarque. Parce que d’aussi loin que tu te souviennes, tu n’as jamais vraiment été très civilisé. Vivant toujours un peu comme bon te semble, ne respectant que la moitié des règles et des conventions. Tu imagines que ça vient avec un manque flagrant d’encadrement. Oh well. « Bah malheureusement pour toi, y’a jamais eu personne assez longtemps dans ma vie pour me civiliser comme du monde. Quel dommage! » Tu lui offres un autre de tes sourires sarcastiques et tu ne peux t’empêcher de te mettre à taper du pieds, l’impatience te gagnant toujours un peu plus après chaque réplique partagée. Tu dois sortir d’ici, tu dois absolument sortir d’ici. « Pourquoi est-ce que tu serais venue jusque chez moi, si tu n’as même pas l’intention de parler ? Je ne suis pas ta mère, après tout. » Tu lâches un long soupir tout en roulant des yeux, comme si ça allait vraiment mener à quelque chose de tenter d’analyser chacun de tes gestes, chacune de tes intentions. Et une fois de plus, tu te dois de lui rappeler cette règle d’or que tu t’es promise. Ce que tu ne dois pas oublier. Tu n’es pas une des leurs. Tu ne le seras jamais. Tu ne veux pas d’association, aucune. « J’en ai pas de mère. J’étais curieuse mais l’envie m’est passée bien assez vite. Thanks to you. » Tu ne veux pas en apprendre davantage pour la simple et bonne raison que tu ne veux rien devoir à personne. Tu as assez de Jake a géré dans ta vie de fous, tu ne peux pas te permettre de te mettre dans une situation où tu es vulnérable, où l’on peut se jouer de toi et de ce que tu es, ou plutôt de ce que tu n’es pas.

« Encore heureux, je n’ai pas l’intention de te donner quoi que ce soit. Et ta mère ne te donnera rien non plus, la pauvre est complètement sur la paille. » Tes poings se serrent un peu plus contre toi, et tu dois les enfoncer dans tes hanches pour ne pas simplement lui en coller une entre les deux yeux. Les mots ta mère te font grincer des dents et tu en viens vraiment à te demander si elle t’écoute, la blondinette qui te fait face. « Mais t’es conne ou quoi? Je t’ai dis que je veux rien et que je n’ai pas de mère. » Et tu le vois venir, le bordel. Tu peux même le sentir, le contrôle qui t’échappe. Ta respiration qui se fait de plus en plus rapide, ton coeur qui pompe, tes lèvres qui se pincent, ne serait-ce que pour tenter de retenir cet excèdent qui ne demande qu’à sortir. « Tu es aussi paumée que ta mère, tu auras au moins pris ça de son caractère. Je sais pas, j’ai pas envie, je veux savoir, mais je m’en fous, tu m’intéresses pas …Tu parles exactement comme elle. Mais … si ça peut te faire le moindre bien, sache que t’aurais pas été mieux lotie si t’avais grandi avec elle. D’aussi loin que je me souvienne, elle était dépressive et incapable de s’occuper d’un enfant. » Tu avances vers elle, ton visage plus sérieux que jamais. Tu ne fais plus ta comique, tu ne fais plus ta fendante. Tu veux oublier. Faire comme si tu n’avais jamais entendu. Tu ne veux aucune association à cette femme. Aucune. « Retire ce que tu viens de dire. » Tu ne laisses même pas le temps à la jeune femme d’ouvrir la bouche que ta voix se fait entendre à nouveau dans l’appartement, beaucoup plus fort. « RETIRE-LE TOUT DE SUITE. » Tu dois te rappeler de respirer par le nez alors que la distance entre elle et toi se fait de plus en plus diminué. Clairement, elle ne sait pas à qui elle a affaire puisqu’elle continue encore et encore de parler, sans se rendre compte de la menace qui vient de prendre place devant elle. «  Tu veux son adresse ? T’as bien du la trouver, si tu as réussi à avoir la mienne, mais je ne voudrais pas que tu loupes le plaisir de la rencontrer. » Tu n’y penses même pas que tes mains viennent de se refermer autour de son cou et tu l’as soulève contre le mur, ses pieds ne touchant momentanément plus le sol. Les prochains mots sont sifflés entre tes dents, avec toute cette hargne et cette rage qui te caractérisent si bien. « La prochaine fois que tu parles de cette femme comme étant ma mère, je t’arrache les yeux. Et c’est pas parce qu’on a un lien de sang que je vais me gêner, tu piges? » Sans aucune délicatesse, tu l’as laisse retrouver le sol. Tu n’en as pas l’air comme ça, mais tu es beaucoup plus que seulement ton apparence. Et souvent, les gens l’apprennent à leurs dépend. La jeune femme ne fera pas exception à cette règle « Alors maintenant, on va faire comme si de rien était, comme si j’étais jamais venue, je vais reprendre ma vie et tu vas reprendre ta routine minable, ça te va comme ça? »

Spoiler:

Laura n’aimait pas l’idée d’avoir une mère. Tina venait enfin de le comprendre, en voyant les réactions à chacune de ses phrases. Elle avait peut-être eu la curiosité de chercher sa famille biologique, mais elle n’avait pas envie d’avoir une famille, finalement. Et rien que le fait de mettre un visage ou des noms sur des gens qu’elle avait haï de façon tout à fait anonyme tout le long de sa vie, cela ne lui plaisait pas. Tina pouvait presque la comprendre, cette petite boule de nerfs à la chevelure blonde qui lui faisait face et qui tapait du pied comme un enfant boudeur. La comprendre, mais pas compatir. De toute façon, Laura ne voulait aucune compassion. Elle ne voulait rien, c’était bien assez clair comme ça. Malheureusement pour elle, Tina avait la dent tout aussi dure. Et elle n’aimait pas qu’on entre chez elle par effraction, pour ensuite avoir presque l’impression que c’était de sa faute si la pauvre petite Laura se trouvait ici. « Oui bon, j’ai bien compris le coup de la pauvre orpheline qui n’a pas eu d’éducation. Une lettre aurait suffi pour obtenir ma compassion, tu sais. » Fit-elle avec un sourire narquois, certaine que Laura détesterait rien que l’idée d’une quelconque compassion envers elle. Ca aurait pu continuer à être drôle, de la provoquer toujours plus en évoquant leur mère, en lançant des petites piques innocentes qui sous-entendaient tout ce que Laura ne voulait surtout pas entendre. Tina ne savait pas ce qu’elle cherchait à faire en poussant le bouchon ainsi, si ce n’est de s’amuser un peu aux dépends de sa sœur. Laura semblait vouloir partir de toute façon, alors Tina pensait que cela serait vite terminé. Une provocation de trop et la petite blondinette quitterait la maison en claquant la porte derrière elle, peut-être même en l’insultant une dernière fois, et l’affaire serait close. Mais Tina avait peut-être un peu sous-estimé la susceptibilité de la demoiselle. Elle ne sut pas quel mot avait été celui de trop, mais soudain Laura sembla entrer dans une fureur noire. Très amusée, Valentina n’avait pas l’intention de retirer ses paroles – après tout elle n’avait dit que la vérité. Mais elle ne s’attendait pas à ce que Laura l’attrape violemment par le col et la soulève de terre, la plaquant contre le mur dans un geste bien trop familier à Tina. Elle l’avait déjà vécu plusieurs fois, cette scène. Des menaces comme ça, elle en avait déjà eu, plus souvent par des gros baraqués que par de frêles petites blondes, mais elle savait que l’apparence n’était rien. Elle enregistra tout ça sans même s’en rendre compte, son visage soudain redevenu très sérieux alors qu’elle essayait de reprendre sa respiration, les pieds à quelques centimètres du sol. Quand la jeune fille la laissa retomber, elle se courba légèrement et inspira profondément, elle se massa rapidement le cou d’une main … Et elle attrapa le couteau de cuisine sur le comptoir. D’un geste vif, elle plaqua Laura contre la table en lui tordant le bras derrière le dos d’une main, tandis que de l’autre elle lui enfonça la pointe du couteau sur la gorge. Elle sentit la résistance de la peau et y imprima juste assez de pression pour ne pas entailler sa chair – mais si la gamine faisait un geste brusque, elle se viderait de son sang comme un porc à l’abattoir. « Ca me va parfaitement. » Siffla-t-elle entre ses dents serrées. « Et tu sais quoi ? La prochaine fois que tu rentres chez moi, je te décapite. C’est compris ? » Elle appuya un tout petit peu plus sur le cou de Laura, jusqu’à ce qu’une minuscule perle de sang apparaisse à la pointe du couteau. Laura était peut-être une dure à cuire, mais elle ne savait pas à qui elle s’était frottée. « Franchement, ton lien du sang, j’en ai rien à foutre. Je t’ai rien demandé, et je n’aime pas qu’on vienne me menacer chez moi, parce qu’une gamine capricieuse a décidé qu’elle n’aime pas entendre ce que je lui dis. Si tu veux pas entendre parler de ta mère, ne viens pas réclamer. » Elle lâcha alors Laura et écarta le couteau, mais sans le baisser, gardant la menace bien visible. « Si tu dégageais maintenant ? Je crois qu’on a plus rien à se dire. C’était un plaisir de te rencontrer. »

Spoiler:

Tu avais prise une mauvaise décision. Une fois de plus, tu t’étais foutue les pieds dans les plats. Une fois de plus, tu avais cherché à courir après les ennuis. Et une fois de plus, tu en payerais le prix, d’une manière ou d’une autre. Tu tentes de demeurer calme. Tu tentes de demeurer paisible. Tu serres tes poings contre tes hanches, tu te rappelles constamment que tu n’es pas venue pour faire la guerre. Mais comme trop souvent, tu oublies aussi. Tu laisses les paroles de la blonde devant toi devenir des attaques personnelles. Et plus tu en rajoutes, plus elle le fait. Elle sait jouer le jeu mieux que tu ne l’aurais imaginé. Peut-être que c’est quelque chose de famille, après tout. « Oui bon, j’ai bien compris le coup de la pauvre orpheline qui n’a pas eu d’éducation. Une lettre aurait suffi pour obtenir ma compassion, tu sais. » Tu échappes un rire mesquin, le tout accompagné d’un sourire mauvais sur le bout de tes lèvres. Tu vas craquer tu le sais. Peut-être qu’elle le voit aussi, par la façon dont ton visage est soudainement devenu plus sombre, tes lèvres tremblantes malgré le sourire, tes jointures blanches tellement tu serres des poings trop fort. La chasseuse en toi, elle pourrait s’occuper d’elle en deux temps trois mouvements. La chasseuse en toi, elle pourrait te débarrasser de cette famille que tu n’as jamais eu, celle qui ne t’a jamais cherché, de cette famille qui ne t’a jamais voulu. Mais tu ne pourrais pas t’expliquer pourquoi, mais quelque chose t’en empêche. Une petite voix que tu ignores si fort, mais qui est là quand même. À te rappeler que finalement, au plus profond de toi, tu n’as personne d’autre. Que tu ne partages rien avec personne dans ta vie. Sauf avec elle. Un lien de sang. Un petit quelque chose de plus. Ce quelque chose qui t’empêche donc de la tuer sans aucun remord, comme tu le ferais avec n’importe qui. Alors tu prends une grande respiration, avant que ta voix ne fasse entendre à nouveau dans la cuisine de l’appartement. « Je passerais le message à la prochaine bâtarde de ta mère. » Et soudainement, you snap. Tes doigs serrent trop fortement contre son cou, alors qu’elle continue de te regarder et tu es surprise de voir qu’elle ne semble pas plus apeurée que ça par ton geste. La colère t’habite en entier lorsque ses pieds viennent finalement retrouver le sol, et t’es prête à faire demi-tour et partir sans un mot de plus lorsque ta tête cogne fortement contre la table de la cuisine, ton bras dans ton dos, tordu par ta sœur alors que son poids sur toi rende ta respiration soudainement plus difficile. Tu peux aussi sentir une lame sur ta gorge, t’empêchant de faire le moindre mouvement pour tenter de te libérer de cette marque d’affection de ton aînée. « Ca me va parfaitement. » Tu ne bouges pas, te concentrant pleinement sur ta respiration. La chasseuse soudainement chassée. Ce serait presque humiliant si ce n’était pas aussi déchirant, même si tu ne le laisserais pas savoir. Après tout, t’es la reine du je me fous de tout Laura, pas vrai? Cette rencontre avec Valentina, ce n’est qu’une chose de plus à rajouter à la liste déjà trop longue des trucs dont tu dois te foutre.« Et tu sais quoi ? La prochaine fois que tu rentres chez moi, je te décapite. C’est compris ? » Tu sens la lame qui s’enfonce un peu plus dans ta gorge et tu t’efforces de rester immobile jusqu’à ce qu’elle enlève la lame de sur ta peau. Ta voix n’est qu’un murmure, mais tu sais qu’avec la proximité, elle peut parfaitement t’entendre. « Génial. » Tu voudrais pouvoir la repousser, mais tu sais qu’avec le couteau encore si proche, c’est trop dangereux pour toi de vouloir reprendre l’avantage. Le mieux dans la situation, c’est de la laisser croire qu’elle a gagner et ne jamais revenir. De toute façon, il n’y a rien pour toi ici, clairement. « Franchement, ton lien du sang, j’en ai rien à foutre. Je t’ai rien demandé, et je n’aime pas qu’on vienne me menacer chez moi, parce qu’une gamine capricieuse a décidé qu’elle n’aime pas entendre ce que je lui dis. Si tu veux pas entendre parler de ta mère, ne viens pas réclamer. » Tu demeures silencieuse alors que la pression diminue, son corps s’éloignant finalement du tien, et lorsque tu te tournes pour lui faire face, elle te regarde toujours, le couteau levé, prête à s’en servir. Si ce n’est pas de ça, tu lui cracherais au visage. Mais apparemment, t’as moindrement de bonnes manières. Qui aurait crû? « Si tu dégageais maintenant ? Je crois qu’on a plus rien à se dire. C’était un plaisir de te rencontrer. » Tu l’as regarde encore pendant quelques secondes sans bouger, analysant chacun de ses traits, mémorisant chacune des parties de son visage. Tu ne sais pas trop pourquoi tu le fais. Peut-être pour voir plus tard, dans ta tête, si quelque chose te raccroche à elle, physiquement parlant. Peut-être parce que malgré la haine, malgré la guerre, malgré vos caractères, t’as besoin de te rattacher à quelque chose, sans qu’elle ne soit obligée de le savoir. Et quand tu as terminé ta peinture mentale, tu te retournes, sans un sourire, sans un geste et tu traverses la cuisine pour te rendre à la porte. Ce n’est qu’une fois la porte ouverte, un pied déjà dans le passage que tu te retournes et que tu l’envoies chier, une dernière fois. « Va te faire foutre. » Un denier souvenir et comme ça, la porte se referme derrière toi et tu te retrouves une fois de plus devant un monde où absolument rien ne fait de sens.