Sujet: Aaron | For the first time in forever Mer 25 Mai 2016 - 22:10
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Moira & Aaron
Mon étui de violon dans une main et un sac dans l'autre, j'observais depuis deux bonnes minutes la façade du bâtiment qui me faisait face. Je n'avais pas peur d'y entrer pour ce que j'allais y trouver, bien au contraire, mais j'avais peur des questions que mon retour allait susciter. Officiellement, j'étais morte. Et enterrée. A Radcliff, peu de gens savaient qu'en réalité, je me portais comme un charme. Enfin... Physiquement j'étais entière, à l'intérieur c'était Hiroshima. Mais ça, nul n'avait besoin de le savoir. Derrière moi, dans la voiture qui m'avait déposée, je sentais peser sur moi le regard insistant de mon agent artistique, prêt à me sauter dessus pour me ramener chez Marius au moins mouvement de recul. Oh je savais très bien pourquoi il faisait ça ! Selon lui, je n'étais pas prête. La version officieuse, c'est qu'il détestait me voir me produire bénévolement de cette manière. « Pour une concertiste de ton niveau ça donne une mauvaise image ! », « Tu n'encourages pas la rétribution des musiciens ! » et gnagnagna... Qu'est que ça pouvait lui faire que j'ai envie de partager gratuitement ma passion avec des gamins moins chanceux ? Exiger deux cents dollars à de riches bourgeois pour un récital de violon ne m'avait jamais posé le moindre problème, mais là... C'était différent. Ce que je faisais me tenait à cœur, et c'est le sourire aux lèvres que j'entrais finalement dans l'orphelinat de Radcliff.
J'avais eu la chance de grandir entourée d'amour, avec un père et une mère soucieux de mon bien être, et un f... Un frère, oui... Un frère qui me haïssait mais bon. Passons, il valait mieux pour moi que je ne pense pas à Artur. Entre ces murs vivaient des enfants qui n'avaient pas eu la chance de grandir avec une famille, ou du moins pas au sens strict où on l'entendait. Depuis mon arrivée à Radcliff, j'avais mis un point d'honneur à venir jouer pour eux deux fois par mois, et avais même ramené mon tout premier violon pour apprendre les rudiments de l'instrument aux plus curieux. Mon dieu que ça m'avait manqué... Toutes ces petites bouilles aux joues rondes qui couraient dans les couloirs, ces petites frimousses heureuses qui gardaient le sourire en toutes circonstances... C'était une bouffée d'espoir et de bonne humeur qui m'envahissait à chaque fois que je mettais les pieds ici. J'avais toujours adoré les gamins, rêvé de fonder une famille, d'avoir quatre, cinq, six enfants, pourquoi pas ? Rêve idyllique avorté par la folie meurtrière d'un chasseur sans pitié.
Alors que je traversais le couloir pour gagner la grande salle de jeu où j'avais l'habitude de me produire, quelques enfants me regardaient avec des grands yeux, se demandant probablement qui j'étais. Certains ne m'avaient encore jamais vue, après tout... J'ignorais si on leur avait donné la version officielle de mon départ, d'ailleurs. Je posais mes affaires et commençais alors à sortir mon violon de son étui, quand des petits pas précipités et martelés sur le carrelage m'alertèrent.
« MOMOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO !!!! »
J'eus tout juste le temps de me retourner et de poser mon violon avant de réceptionner le petit bolide qui fonçait droit sur moi. Le hissant dans mes bras en riant avec lui, j'ébouriffais des bouclettes blondes.
« Alors, petit caïd ? Tu n'es pas parti jouer avec les autres ? »
« Si, mais Alice a dit que tu étais revenue, alors j'ai descendu touuuuuuuuus les escaliers en glissant sur la rampe, c'était rigolo ! Et paf ! Me voilà ! Je voulais être le premier à te voir, Momo ! »
Je me forçais à froncer les sourcils, dans une tentative ridicule d'avoir l'air réprobatrice.
« James... Tu sais bien que c'est interdit de faire ça... Si Aaron te voit faire, tu vas avoir des ennuis ! »
Son petit air penaud acheva ma vaine tentative d'intimidation, et je claquais un baiser affectueux sur sa joue.
« Mais je voulais te voir et tu m'as manqué et... Et t'étais où, tout ce temps ? Je venais voir tous les mercredis mais t'étais pas là... Et m'sieur Trager a dit que tu étais partie, mais moi je l'ai pas cru... Tu serais pas partie sans m'le dire, hin ? »
Un voile de tristesse vint assombrir mon visage, et je restais un moment silencieuse face à cette moue bougonne que me faisait la bambin.
« C'est... Compliqué. Je ne suis pas partie, j'ai eu des problèmes. C'est une longue histoire, elle n'est pas faite pour les petits garçons ! »
Comme je m'y attendais, j'eus droit à un froncement de nez et un torse bombé de fierté de la part du petit James.
« Mais je suis grand maintenant ! J'ai cinq ans depuis deux semaines, tu sais ! Bientôt je serai aussi grand que toi ! Et tu me raconteras, dis ? »
Riant à nouveau, je reposais le petit à terre.
« Promis ! Quand tu seras grand comme moi, je te dirai tout ! »
« Oh mais m'sieur Trager sait pas que tu es là ! Viens ! Il faut qu'on lui dise ! »
Je n'eus alors pas le loisir de protester car déjà, James me prenait par la main en me tirant vers la sortie. Laissant toutes mes affaires en plan, je le suivis, pliée en deux à cause de sa petite taille, en tentant de ne pas lui marcher sur les pieds. J'aurais voulu éviter ça... Ne pas avoir à expliquer pourquoi j'étais de retour alors que lui savait ce qui m'était arrivé. L'innocence des enfants, tout un programme ! Après une volée de marches et une courses effrénée dans les couloirs, James pénétra en trombe dans le bureau d'Aaron, sans même prendre la peine de frapper tant il était surexcité.
« M'sieur Trager ! M'sieur Trager, regardez ! Momo est revenue ! J'vous l'avais dis, qu'elle reviendrait ! »
L'air gêné, je me passais une main dans les cheveux en tentant d'avoir vaguement l'air naturel. Prend pas cet air con, Moira, souris, pète un coup ça ira mieux ! T'es censée être morte ? Pas grave ! La mort c'est pour les faibles, y a que les super héros qui meurent jamais ! Rien à faire, je n'arrivais pas à avoir l'air détendue. Alors, perdue et gênée, j'articulais d'une voix un peu trop aiguë.
« Bonjour... Vous... Allez bien ? Je ne sais pas si mon agent vous a prévenu de mon retour, je suis un peu distraite ces temps-ci... »
C'est ça... Joue donc la carte de la gourdasse, te manque plus que la blondeur et t'auras le tiercé gagnant...
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Sam 28 Mai 2016 - 23:35
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Il a le visage sévère. Les lèvres pincées. Et ce regard noir qui efface toute sa gentillesse habituelle. « Alors… Quentin, Solène, William, j’attends. » Lentement, il pose ses rétines sur chacun d’eux, prend le temps de les foudroyer du regard. Il n’a pas l’après midi devant lui, il faudrait que cette affaire soit réglée dans les heures à venir même, mais ils ne sont pas obligés de le savoir. Et raides, droits, nerveux devant lui, il sent que chaque seconde supplémentaire à les fixer ainsi a plus d’effets que le moindre haussement de ton. Assis à son bureau, Aaron pianote sur le bois dans une cascade sonore qui amplifie le silence. Un coup d’œil. Un soupir. S’il n’apprécie pas ce genre de silence et de refus de parler, il ne peut qu’apprécier aussi cette loyauté qui lie les trois pensionnaires, qui lie les trois adolescents face à lui. Une amitié comme peu d’autres, une amitié qui les guidera dans la vie, les consolidera, leur permettra d’offrir un front uni contre les problèmes… une amitié qu’il ne peut qu’encourager tant qu’elle les stimule et les pousse dans une bonne direction. Et c’est à lui de rectifier le tir au moindre dérapage, comme celui qui s’est produit la veille. Aaron est un homme doux, posé, qui aborde la violence sous toutes ses formes, qu’elle soit verbale ou physique. Jamais il ne frappera un enfant, jamais il ne frappera un adulte, jamais il ne frappera quiconque, que ce soit avec sa mutation ou avec ses gestes, que ce soit par ses réactions ou par ses mots. Sa limite, il commence à l’atteindre dans sa patience posée et glaciale, son intransigeance dans ce genre de situation et la colère qui gronde dans son regard et sa posture crispée. « C’est moi qui ai eu l’idée, monsieur le directeur. » Il hausse un sourcil. Solène ? Il se serait plutôt attendu à ce genre de sacrifice de la part de son William au grand cœur. « Je veux dire… » Elle entortille ses doigts nerveusement. « Tintin et Bill n’ont rien fait, ils… » La voix d’Aaron la coupe dans son anxiété, alors qu’il se lève tranquillement, contourne le bureau pour s’y adosser en croisant les bras sur sa poitrine. « Solène, à partir du moment où William et Quentin se sont dénoncés en même temps que toi, ils ont leur part de responsabilité. Mais ce n’est pas ça le problème : je ne veux pas savoir si vous avez effectivement volé de l’argent à Francis, je veux juste savoir pourquoi. » C’est à son tour de prendre la parole. « Est-ce que vous manquez d’argent ? Est-ce que vous manquez de quelque chose ? Etait-ce une mauvaise blague, une vengeance, de la méchanceté gratuite ? » Une question, un interlocuteur. Il ressent leur malaise dans ses tripes, leur culpabilité aussi. Conscience exacerbée de ce qu’ils traversent, sur un fond sonore d’anxiété. « Je suis déçu. » Un tonnerre de tristesse se dégage des trois adolescents pour lui torturer l’estomac. Il est le seul à percevoir ces lourdes basses que chacun émane, mais il les perçoit pour trois. Il doit se faire violence pour ne pas agir, pour rester inflexible. « Vous allez vous excuser auprès de Francis. Tous les trois. Pas besoin d’attendre ce soir pour le faire. Je veux aussi que vous m’écriez chacun séparément un petit texte expliquant sans mensonge… » Il insiste. « … sans faux-semblants les raisons de votre acte. A là, seulement là, je verrai pour votre punition. D’ici là, Solène, ce serait bien que tu épaules Madame Derson pour les devoirs des plus jeunes. William, est-ce que tu pourras aider aux cuisines ? Et Quentin, je compte sur toi pour être tous les matins avec John, et veiller à ce que tous les petits s’habillent sans problème. » Ce sont des punitions, formulées avec l’élégance d’une requête. Aaron n’aime pas l’idée d’imposer, il préfère les considérer comme des jeunes responsables et les faire participer au rythme de l’orphelinat. Après les excuses, les inévitables excuses.
Ecoutant les trois assentiments murmurés, demandant d’un regard ferme qu’ils parlent plus fort et en le regardant dans les yeux, l’attention d’Aaron est soudain attirée, tout comme celui des jeunes, vers l’extérieur du bureau, en direction d’une agitation. Rapidement, il fait le tour des livraisons, des activités, des venues, ne trouve rien qui puisse justifier tout ça. Tapant dans les mains pour clore la conversation. Il rompt le regard sévère du directeur pour offrir le sourire d’Aaron à ses trois protégés. « C’est compris ? Parfait, allez, filez et passez directement dans la chambre de Francis. » Il n’a aucun doute sur leur obéissance. Déjà que ça l’étonnait qu’ils se retrouvent un jour dans son bureau, surtout pour quelque chose d’aussi grave que du vol, il espère ne pas les perdre eux comme il est en train de perdre Celeste. Mais bon… il verra ça lorsqu’ils… « Quentin ? Tu veux me parler ? » L’adolescent est resté en retrait. Et mal à l’aise. Mais avant qu’il ne puisse lui dire quoique ce soit, une fusée entre en trombe dans le bureau et bondit dans ses bras. « M'sieur Trager ! M'sieur Trager, regardez ! Momo est revenue ! J'vous l'avais dis, qu'elle reviendrait ! »
Aaron fronce les sourcils, en tenant le petit corps potelé de James contre lui. « Momo ? » Se pourrait-il que… « Bonjour... Vous... Allez bien ? Je ne sais pas si mon agent vous a prévenu de mon retour, je suis un peu distraite ces temps-ci... » Un mélange étrange de sons, d’ondes et de pulsation se déverse dans la pièce, si rapide et si dense, si lourd et si lent, qu’Aaron ne sait pas quoi dire. Parce que au même rythme que son cœur, les propres basses qu’il émet s’allègent, s’accélèrent, s’emballent dans un signe évident… « Moira ? » L’incrédulité se mêle à la surprise, l’incompréhension à un… à une conviction que si la violoniste n’est pas morte, finalement, ce n’est pas pour autant qu’elle est aussi pétillante de vie qu’auparavant. Aaron fait une pichenette sur le nez de James qui éclate de rire, avant de le reposer à terre. « Entrez, Moira, entrez ! En effet, James, tu avais raison, petit caïd ! Il faut que je discute avec Moira, vous pouvez peut être nous laisser ? » Un regard bienveillant, Quentin s’empare de la main de James avec douceur pour lui murmurer à l’oreille quelque chose qui le fait éclater à nouveau de rire et ils sortent de la pièce non sans saluer la rousse et en fermant la porte.
Moira. « Ça alors, pour une surprise, c’est une sacrée surprise ! Installez-vous, vous voulez boire quelque chose ? » Il enjambe une pile de livres renversées, essaye de ramasser le courrier du jour éparpiller par terre, fait une pile, une énième pile, de publicité, de lettres de relance, de courriers administratifs, avec un petit sourire gêné. « Comme vous… tu… » Il ne sait plus vraiment comment s’adresser à elle, décontenancé par ce qui semble être une résurrection plutôt inattendue. « Bref, je suis toujours aussi désordonné, pardonne moi pour le bazar… » Il attrape sa veste pour libérer une chaise, la jette sur son propre siège. « C’est… je suis très heureux de te revoir, et les enfants le seront aussi, à n’en pas douter. La nouvelle de ta… » Il a fini par trancher en faveur du tutoiement. « La nouvelle de ton décès a attristé tout l’orphelinat. C’est un soulagement de savoir qu’au final, cette nouvelle était erronée. » Il lui fait à nouveau un sourire, se demandant s’il était réellement nécessaire de le dire. Se demandant aussi si la suite est nécessaire elle aussi et si… non, il ne tient pas. Sa mutation est omniprésente et avec elle, il ne peut faire abstraction de cette mélodie qui résonne dans la pièce. « Comment vas-tu, Moira ? »
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Dim 29 Mai 2016 - 18:39
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Si l'expression « comme un cheveu sur la soupe » était souvent utilisée, j'avais l'impression cette fois d'être le cheveu en question. Un loooong cheveu bien roux, bien voyant, pas discret du tout. Alors que James me traînait jusqu'au bureau du directeur, que j'aurais préféré éviter, deux petites têtes brunes en sortaient en vitesse avec des mines d'enterrement. Ça... Ça sentait la bêtise. Comment dire que j'avais l'intime conviction que ce n'était vraiment pas le bon moment pour importuner Aaron ? Et voilà que je me retrouvais dans son bureau, plus mal à l'aise encore que le jour de ma première audition, une main perdue dans mes cheveux à défaut de me ronger les ongles. Qu'aurais-je bien pu ronger de toute manière ? Une violoniste avec une manucure impeccable, ça ne s'était encore jamais vu ! James avait l'air si heureux, si excité à l'idée que je sois revenue... Il n'y a pas à dire, son enthousiasme me faisait chaud au cœur. Alors qu'Aaron m'invitait à m'installer, je me tournais vers le gamin qui semblait vouloir lui parler. Je ne me souvenais pas l'avoir jamais vu à l'orphelinat, mais ça ne m'empêchait pas de lui adresser un sourire gêné. Lorsque nous fûmes seuls, je croisais les bras et regardais le directeur se débattre avec sa paperasse et son bordel avec amusement.
« Vous les connaissez mieux que moi mais... A mon avis, le petit voulait vous avouer quelque chose... Je suis désolée pour l'intrusion, James ne m'a pas trop laissé le choix ! Vous avez toujours votre merveilleux thé glacé ? Avec cette chaleur, je ne dis pas non ! »
Je m'asseyais sur le siège qu'Aaron me désignait, après avoir retiré la pile de documents qui y était posé, et me crispais instinctivement quand la première question fusa. Bien qu'avortée, je l'avais vu venir, l'avait appréhendée, et n'étais pas certaine d'avoir envie d'y répondre. La dernière fois que j'avais évoqué mon... Accident, à défaut de dire assassinat, c'était avec Seth. Au bout de quelques phrases désordonnées, je m'étais mise à pleurer et paniquer. Si je n'avais aucune honte à me retrouver dans un tel état avec le calédonien, c'était différent avec Aaron. Je ne le connaissais pratiquement pas, et je n'avais pas spécialement envie qu'il me prenne pour une folle. Il devait déjà se demander pourquoi j'étais de retour, comment j'avais pu survivre, ce genre de connerie... Comment lui expliquer toute l'histoire sans faire de moi la victime, mon père et Alec les héros... Et Artur et mon assassin les bad guys... ? C'était ce que je voulais à tout prix éviter : être prise pour une victime, une frêle et délicate créature, une princesse ahurie qu'il faudrait sauver... Je ne voulais pas plus que mon frère soit vu comme le monstre de l'histoire, quand bien même l'était-il probablement au fond.
Le passage au tutoiement me surpris, et je me rappelais soudain que nous avions convenu que c'était mieux et moins solennel que le vouvoiement, la dernière fois que nous nous étions vu. J'esquissais un sourire en voyant le bazar sur mon bureau, me faisant la réflexion que ça, ça n'avait pas changé. Et quelque part... C'était touchant. Un type avec le cœur sur la main, dont la vie était entièrement dévolue aux enfants, tellement pris par autre chose qu'il en oubliait de ranger sa paperasse. Incapable de tenir en place tant la situation me mettait mal à l'aise, je me relevais et commençais à machinalement ramasser tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la pub. A force de vivre sous le même toit que Marius, qui ressemblait davantage à Taz couplé à Katrina en terme de rangement, j'avais pris l'habitude de tenter de ranger derrière ou du moins de ne pas laisser les jouets de Samuel traîner par terre. Passer à deux doigts de la mort m'avait suffit une fois, ce n'était pas réitérer l'expérience en glissant sur un cube.
« Oh ne t'en fais pas... Mon colocataire une est tornade humaine, le salon est dans un état déplorable en permanence ! »
Je continuais à empiler les publicités, redoutant d'avance ce qui allait suivre. La nouvelle avait attristée tout l'orphelinat... Et je n'en était pas fière. Moi la première, j'aurais hurlé à la figure du premier qui aurait osé me faire le coup du mort qui réapparaît comme une fleur un mois plus tard.
« J'ai eu de la chance... Enfin... Si on peut appeler ça de la chance... »
J'évitais son regard, son sourire... A peu près tout ce qui aurait pu me pousser à me livrer simplement pour me débarrasser de ce que j'avais sur le cœur. J'enfouissais ça au plus profond de moi, laissant la douleur et les souvenirs s'entremêler à mes tripes jusqu'à m'en donner la nausée. Si j'avais su que ma tristesse se lisait bien plus que sur mon visage pour un mutant tel que lui, je n'aurais même pas tenté de lui faire avaler des couleuvres. Je me figeais à sa dernière question, le regard rivé sur l'encart publicitaire d'une marque de tondeuse à gazon.
« … Tu t'en doutes, je réponds à cette question tous les deux jours, si ce n'est quotidiennement. Parfois j'ai envie de dire la vérité, mais c'est toujours un mensonge qui sort. »
Je poussais un soupir et revenais m'asseoir face à Aaron, me décidant enfin à affronter son regard.
« Ça pourrait aller mieux, mais ça pourrait être pire. Je suis en vie et... Et je m'en contenterais, le reste n'a pas d'importance. »
Oh si ça en avait. La culpabilité du survivant, c'était une chose qu'on avait trop tendance à négliger, à passer sous silence, préférant dire « tu as de la chance, tu es en vie ! »... Mais le traumatisme restait le même, surtout dans le cas d'une tentative de meurtre.
« Tu apprends à ces enfants à ne pas mentir alors... Je vais suivre leur exemple. Je ne pense pas être au mieux de ma forme, mais revenir ici pourra sûrement m'aider... Si tu es d'accord, bien sûr. »
Je jetais alors un regard aux photos punaisées aux murs, à ces visages souriant et baignés d'innocence qui me regardaient.
« Et toi, comment vas-tu ? Ce n'est pas trop dur, avec les petits ? Je suis étonnée que James soit encore là... Une bouille pareille... Si je n'étais pas seule et avec un travail qui m'oblige à bouger, je serais déjà en train de te faire des yeux de chien battu pour remplir les papiers d'adoption ! »
Changer de sujet, évoquer les gamins, la routine... N'importe quoi qui me permettrait de maintenir l'illusion en place. L'illusion selon laquelle je n'allais pas si mal que ça.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Sam 4 Juin 2016 - 11:55
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Moira & Aaron
Moira. Moira Kovalainen. L’incongruité de la situation lui saute aux yeux, comme pour mieux l’abasourdir et le sonner, comme pour mieux sauver la mise, aussi, des trois pensionnaires coupables de vol. Mais Moira… Dire que la nouvelle de son décès a dévasté Aaron ne serait qu’un doux affaiblissement de la réalité. Ce n’est pas seulement la nature pétillante de la violoniste qui lui a manqué, c’est aussi son rire, sa patience et son attention avec les enfants. C’est l’ensemble de ce qui faisait ses venues bénévoles pour ouvrir les orphelins à la beauté de la musique, beauté à laquelle il a toujours été sensible. Dire que l’annonce du décès de Moira a soufflé les jambes d’Aaron pour le faire s’écroule dans son fauteuil, ce ne serait dire qu’une partie de la réalité. Et la voir passer cette porte, à nouveau… Il n’est pas livide mais il n’en est pas loin, tant le tumulte de ses émotions et de ses sentiments se confond dans un concerto assourdissant à ses oreilles. Une musique désordonnée, chaotique, grave et pressante, une musique aux basses lentes et douloureusement graves. Moira ? L’incrédulité de sa voix se noie dans la peine que dégage la musicienne et Aaron ne tarde pas à faire sortir les deux pensionnaires pour mieux se retrouver seul avec l’Irlandaise. Une surprise… c’est le moins qu’il puisse dire. Une surprise, réjouissante il ne pourrait dire le contraire. Une surprise qu’il ne sait pas comment gérer, une douleur et une peine qu’il se retient à grand peine d’amoindrir autant pour la santé de la rousse que pour son équilibre à lui. Il n’est pas empathe mais il n’en est pas loin lorsqu’il s’avère être aussi sensible qu’à cette instant à ce que dégage son entourage. Qu’elle s’installe, le temps qu’il cherche à mettre un peu d’ordre dans ce chaos constant qui l’entoure. Qu’elle s’installe, et si elle souhaite boire quelque chose, qu’elle demande, qu’elle n’hésite pas à demander, qu’elle se mette à l’aise, surtout. Ses mains rassemblent maladroitement le courrier du jour tombé un peu plus tôt, il jette des coups d’œil fréquent en direction de Moira qui se tient encore debout, pour qu’elle ne pense pas qu’il est en train de l’oublier. Comment pourrait-il, en même temps. « Vous les connaissez mieux que moi mais... A mon avis, le petit voulait vous avouer quelque chose... Je suis désolée pour l'intrusion, James ne m'a pas trop laissé le choix ! Vous avez toujours votre merveilleux thé glacé ? Avec cette chaleur, je ne dis pas non ! » A la mention de Quentin toutefois, il cesse son pseudo rangement pour se redresser et regarder en direction de la porte. « Oh, ne vous en faites pas, il… il comprend que je ne le mets pas de côté, que notre discussion n’est pas oubliée, juste reportée de quelques heures. C’est un bon garçon, un peu perdu et déstabilisé mais… » Tout en parlant, il pose ce qui encombre ses mains quelque part, à un emplacement qu’il aurait oublié dans quelques heures, justement. « Du thé glacé ? Je dois en avoir une carafe pleine, attendez, je vous prépare ça. » Cette fois, ce sont des dossiers sortis la veille alors qu’il cherchait un certificat médical qu’il est obligé de décalé pour atteindre une tasse propre, sur l’étagère. Alors qu’il essuie le récipient avec un torchon propre miraculeusement trouvé dans l’opération, les pensées d’Aaron s’éparpillent en une question qu’il n’achève pas, avant de s’excuser pour le bazar. La tasse propre est posée sur le bureau, il tente de dégager une autre chaise, tente aussi de trouver ses mots, redécouvre un tutoiement qu’il avait oublié et qu’il a surtout mis de côté sans trop savoir pourquoi. Avant de s’empresse de voler des mains de Moira la publicité tombée à terre. « Oh non, laisse, je vais m’en occuper, ce n’est pas à toi de… » « Oh ne t'en fais pas... Mon colocataire est une tornade humaine, le salon est dans un état déplorable en permanence ! » Un petit rire, il murmure sans attendre un « S’il est aussi chaotique que moi, je te plains ! » non sans récupérer ses papiers et jeter un regard insistant et à Moira, et au fauteuil, comme pour faire passer un message. Ça le met bien trop mal à l’aise qu’elle se sente obligé de l’aider, il termine son rangement en empilant tous les papiers et en se promettant, comme toujours, de ne pas tarder cette fois à y mettre de l’ordre. S’asseyant sur le siège, la conversation s’impose, autant que les questions. Et cette curiosité qu’il hésite à qualifier de mal placée ou de justifiée. Peut être un peu des deux, il faut être lucide. « J'ai eu de la chance... Enfin... Si on peut appeler ça de la chance... » Le sourire d’Aaron disparait un instant, son inquiétude entre en phase avec les basses toujours aussi traînantes qui émanent de la violoniste. Comment vas-tu, Moira ? Il ne peut pas, il ne peut physiquement pas faire abstraction de cette détresse. Et s’il sait qu’il peut la faire taire d’un mouvement de main, il refuse de se borner à soigner les symptômes et pas le mal. « … Tu t'en doutes, je réponds à cette question tous les deux jours, si ce n'est quotidiennement. Parfois j'ai envie de dire la vérité, mais c'est toujours un mensonge qui sort. » D’un regard, il cherche à capter les pupilles de la rousse, avant de servir enfin ce thé glacé réclamé. « J’imagine… » fait-il, comme pour l’encourager à parler et lui faire comprendre qu’il écoute. Oh oui, il écoute. Se rend-elle compte que sa voix est une musique, qu’elle a un ton, un timbre mais qu’aux oreilles du directeur de l’orphelinat, elle a aussi une mélodie propre qui déverse en lui la détresse qu’elle cache ? « Ça pourrait aller mieux, mais ça pourrait être pire. Je suis en vie et... Et je m'en contenterais, le reste n'a pas d'importance. Tu apprends à ces enfants à ne pas mentir alors... Je vais suivre leur exemple. Je ne pense pas être au mieux de ma forme, mais revenir ici pourra sûrement m'aider... Si tu es d'accord, bien sûr. » Il laisse un peu de silence se poser entre eux, le temps de se rendre compte qu’elle oscille entre sincérité et mensonge, entre volonté farouche d’aller mieux et incertitude quant à son avenir. Non, Aaron n’est pas devin. Il a juste une sensibilité exacerbée par ses sens pleinement ouverts à ce et ceux qui l’entourent. Alors qu’elle regarde les différentes photos qui habillent les murs, le regard d’Aaron ne peut qu’être attiré par une photo de famille posée sur son bureau, avec Celeste et Maxim qu’il serre dans ses bras en leur montrant l’appareil photo. Elle commence à se faire vieille, comme photo ; elle date d’une époque où Celeste ne lui échappait pas comme maintenant, où l’orphelinat ne souffrait pas comme maintenant, ou lui-même n’avait pas l’impression de se perdre à son tour. Comme en écho à ses pensées, la voix de Moira revient, lui faisant relever la tête. « Et toi, comment vas-tu ? Ce n'est pas trop dur, avec les petits ? Je suis étonnée que James soit encore là... Une bouille pareille... Si je n'étais pas seule et avec un travail qui m'oblige à bouger, je serais déjà en train de te faire des yeux de chien battu pour remplir les papiers d'adoption ! »
Aussitôt, le visage d’Aaron se fait indécis, à mi-chemin entre un sourire calme et une légère tristesse. Comment va-t-il ? Il ne peut pas, il ne veut pas plutôt, écouter sa propre mélodie. Et elle ne peut pas l’entendre donc… il pousse la tasse dans la direction de Moira avant de boire une gorgée de la sienne, laissant dans un premier temps tremper ses lèvres avant d’en avaler un peu. « Il y a malheureusement bien plus d’orphelins que de couples prêts à adopter, prêts à faire les démarches pour adopter. Et les récents événements en ville n’aident pas vraiment à construire des foyers stables… mais bon, ils sont heureux, c’est le principal, et nous avons malgré tout de nombreuses adoptions. James retrouvera une famille, c’est certain. Comme tu le dis… avec une bouille pareille… » Il lui fait un clin d’œil, sourit raffermi sur ses lèvres. « Tu sais, malgré ton travail et ta situation, je n’hésiterai pas une seule seconde à te confier l’un de mes protégé, je sais qu’au moins, avec toi, il trouvera une mère et un foyer. » Voilà qui est une certitude à ses yeux. Oui, si elle envisageait de fonder un foyer… ce ne serait certainement pas lui qui lui mettrait des bâtons dans les roues. Il repose la tasse. « Non, la seule chose qui pourrait éventuellement hésiter… je ne veux pas te forcer à parler, Moira, mais tu ne dois pas faire diversion de la sorte. Enfin… je ne peux pas fermer les yeux sur le fait qu’il est évident que… qu’est ce qu’il t’est arrivé ? Comment puis-je t’aider, autrement qu’en t’ouvrant une porte qui ne t’a jamais été fermée. Les enfants seront ravis de te revoir, je crois que James te l’a déjà montré. » Il cède, il cède à la tentation. Sans savoir exactement comment il s’y prend, il donne un ton plus léger à la musique qui émane de Moira, un ton plus sautillant, il diminue sensiblement les basses pour accélérer les tons plus aigus. C’est instinctif, pour lui : il ne peut rien éliminer, il ne peut qu’harmoniser, égaliser, rehausser les tons pour soulager le cœur de la violoniste du poids qui l’empêcher de respirer. « Si tu veux en parler, je suis là, d’accord ? Si tu ne veux pas… et bien… » Il attrape son agenda, miraculeusement à portée de main. « On peut voir ensemble quand tu peux venir, si tu veux juste leur jouer quelque chose ou prendre un peu de temps pour leur faire gratter quelques cordes. Nous avons accueilli une petite Amance il y a quelques semaines, je pense qu’elle a l’oreille absolue, ce sera amusant de voir ça. » Il lui laisse une porte de sortie, bien sûr. Mais quelque part, il espère qu’elle ne l’empruntera pas. Du moins… pas tout de suite.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Dim 5 Juin 2016 - 11:23
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Moira & Aaron
Artur savait. Mon père également. En quelque sorte, tous les deux savaient ce que j'avais enduré deux mois plus tôt, puisqu'ils en avaient été témoins. Mais personne ne savait réellement ce que j'avais ressentit à ce moment-là. J'avais très brièvement abordé le sujet avec mon frère, qui l'avait balayé d'un regard glacial. Je m'étais murée dans le silence, dressant autour de moi une barrière de tristesse et de mélancolie que je pensais infranchissable. J'avais fait le choix d'étouffer ma peine avec des rires factices, de l'étrangler sans le moindre remord avec des sujets banals et sans intérêt. J'avais choisi de tourner le dos à toute cette histoire par peur, par incapacité à affronter la réalité... Jusqu'à ce que la douleur et l'angoisse finissent par prendre le dessus, grignotant une à une mes défenses, me retournant les entrailles et asséchant mon coeur à mesure que les jours passaient. Quelque part, j'avais l'espoir de n'être plus qu'une coquille vide d'ici peu, ne plus rien ressentir, tout inventer, du sourire à cet éclat qui jadis pétillait dans mon regard, pour ne plus avoir cette crevasse dans la poitrine qui ne cessait de s'agrandir de jour en jour. Deux mois que mes nuits étaient hantées par d'abominables fantômes, deux mois de calvaire que nous partagions ensemble avec Marius. Seulement, s'il était toujours présent pour me serrer dans ses bras à chaque cauchemar, je ne pouvais les lui décrire ni lui parler de tout ça. Parce que c'était notre accord, aussi ridicule soit-il. Ne pas parler de nos mésaventures, ignores la terreur pour se focaliser sur le positif.
Dans une telle situation, William me manquait plus que jamais. Il était le seule à qui j'avais pu tout dire, le meilleur comme le pire. Celui qui m'aurait pris dans ses bras en me jurant que plus jamais rien ne m'arriverait, celui qui aurait su trouver les mots justes, celui dont l'absence me tuait petit à petit sans que je puisse faire quoi que ce soit pour l'arrêter. Et au milieu de cet océan de tristesse demeurait une colère noire, sourde, dévastatrice... Une colère qui s'était exprimée face à Artur mais qui ne s'était pas tarie depuis. Elle aurait dû laisser place à la satisfaction, mais il n'y avait finalement que la culpabilité. A quoi bon lutter, finalement ? Pourquoi me lever le matin sinon pour me raccrocher à la seule chose qui me permettait de me vider l'esprit, à savoir mon violon ?
Eclairant soudain un paysage qui me semblait bien terne, la présence des enfants avait eu le mérite de m'arracher un véritable sourire attendrit. Il n'y avait pas de mot pour désigner le sentiment de joie intense que je pouvais ressentir à chaque fois que je voyais un sourire sur le visage d'un gamin. Alors que les deux petits quittaient la pièce en courant, je me tournais vers Aaron.
« Déstabilisé ? Que lui est-il arrivé ? »
Je le regardais alors s’affairer, amusée par le désordre qu'il semblait semer autour de lui. Et il prétendait ne pas avoir besoin d'aide ? Une secrétaire ne lui aurait pas fait de mal, pourtant ! Alors qu'il me débarrassait des publicités que j'avais dans les mains, je le gratifiais d'un sourire malicieux.
« Tu sais de quoi tu as besoin ? D'une assistante... Tu n'as jamais songé à proposer au plus vieux de t'aider ? Un genre de petit boulot pas trop méchant, et ça te soulagerait de toute cette... Paperasse envahissante ! »
Je le remerciais en prenant le verre qu'il me tendais et me décidais enfin à m'asseoir dans le fauteuil qu'il me désignait.
« Chaotique est un euphémisme dans son cas... Je dirais plutôt que lorsqu'il s'y met, c'est un... Ragnarök apocalyptique nucléaire. A peu de choses près. Je te rassure, tu n'es pas pire ! »
Ça aurait été bien trop facile si nous avions pu continuer sur un sujet aussi banal que le bordel et le rangement. Trop facile et inutile. Instinctivement, j'esquivais comme je pouvais ses questions, refusant d'avouer que j'allais mal tout en assurant que je n'allais pas si bien que ça. Bon sang j'aurais eu besoin d'un psy, en fait... Psy que j'aurais envoyé bouler en lui disant d'aller joyeusement copuler avec sa génitrice, et ce de façon bien plus vulgaire, mais passons. Je hochais simplement la tête lorsque Aaron me répondit, regardant avec attendrissement les photos punaisées aux murs. Mon sourire se fana immédiatement lorsque le sujet fâcheux refit surface. Un éclair d'agacement passa dans mon regard, tandis que je sentais monter en moi l'envie instinctivement de lui répliquer sèchement que non, je n'avais pas envie d'en parler. A qui que ce soit. Et encore moins à quelqu'un que je ne connaissais pas si bien que ça. Mais dans le même temps, de façon très subtile, je sentis une partie du poids qui m'empêchait de respirer depuis des semaines s'alléger un peu. Et cette infime partie d'angoisse qui s'envola m'aida à y voir plus clair.
Ce n'était pas de la curiosité mal placée, dans la voix d'Aaron. Simplement de la sollicitude, de l'altruisme, la volonté évidente de m'aider, d'une manière ou d'une autre. Donner sans attendre quoi que ce soit en retour... Et surtout pas le moindre jugement. De tous les facteurs humains à prendre en compte dans mon histoire, il ne connaissait que moi. La seule qu'il pouvait donc juger, c'était moi. Mais étais-je seulement capable d'aborder le sujet maintenant ? Ne risquais-je pas de craquer véritablement et de voir tous mes efforts pour me maintenir hors de l'eau s'envoler ? Alors que le silence s'était fait entre nous, Aaron m'offrit la porte de sortie rêvée pour ne pas aborder le sujet. J'aurais pu m'y engouffrer par facilité, rebondir uniquement sur la fin... Et manquer peut-être la seule occasion de j'aurais de trouver une oreille à qui conter le drama de ma vie.
« Je... » , commençais-je sans pour autant finir ma phrase.
Je reposais mon verre sur le bureau et baissais les yeux, cherchant par où commencer.
« Si on t'a rapporté que j'étais morte... Si on a mis un cercueil vide en terre, c'était pour que mon assassin croit avoir réussi son coup. »
Je serrais mes doigts contre le tissu fluide de son chemisier et déglutis une fois de plus.
« Il n'y a rien de bon, rien de positif dans cette histoire. Rien que je ne veuille évoquer... Rien que je ne pourrais effacer en n'en parlant pas pour autant. La vérité c'est que je suis morte pendant quelques secondes... Et j'ai le sentiment d'avoir laissé une part de moi là-bas... »
La peur m'enserrait déjà la trachée, et les larmes me montaient aux yeux par réflexe. Je rejetais la tête en arrière pour les empêcher de couler sur mon visage. Pourquoi lui raconter mon histoire à lui ? Pour l'assommer avec le récit tristement banal d'une mutante qui avait plus de chance que bien d'autres ?
« Tu es d'ici, tu dois savoir que, plus encore qu'ailleurs, cette ville est un nid de fous furieux qui traquent les mutants. Mon frère fait partie de ceux-là. Il y a quelques mois, il a assassiné une jeune fille simplement parce qu'elle était mutante. Quelques semaines plus tard, le frère de la fille s'est introduit chez moi et... Il... Il a voulu faire subir à Artur ce que lui avait subi en perdant sa soeur. Il m'a tiré deux balles dans les joues... Comme elle... Il m'a regardé me vider de mon sang... Comme elle... »
Chaque trémolo d'angoisse était maîtrisé, mais je ne cherchais plus à lutter contre les larmes qui coulaient, alors que le poids qui m'oppressait semblait petit à petit me quitter. Comme si je me délestais d'un peu de ma tristesse en parlant enfin.
« Mon frère est arrivé et... Ils se sont battu... Mon agresseur était un mutant lui aussi. Doté d'un don redoutable pour maîtrisé le métal. Je... C'est idiot, mais je sens encore la brûlure des balles lorsqu'un d'un de la main il les a déplacées de mes rotules à mes poumons... On ne voit pas sa vie défiler devant ses yeux à ce moment-là. On est seul, frigorifié, terrifié, impuissant... J'ai voulu le supplier d'arrêter mais je me noyais dans mon propre sang. Tout ce que j'ai pu faire, c'est compter les battements de mon cœur qui ne cessait de ralentir. Pas de violons ni de berceuse pour m'endormir, j'ai juste eu ce... Ce putain de roulement dans tambour dans mes oreilles. »
Je me décidais enfin à tourner les yeux vers Aaron, luttant contre les sanglots qui faisaient trembler mes épaules.
« Je n'ai pas eu peur de mourir... J'ai eu peur d'être seule... Peur que personne ne puisse sauver mon frère... Et je me sens totalement ridicule à te parler de tout ça. On se connait à peine et voilà que je me mets bêtement à pleurer en te bavant des histoires à faire chialer les grands mères le dimanche aprèm' devant la télé. Je ne sais pas pourquoi je me sens capable de t'en parler à toi... Peut-être parce je te fais assez confiance pour ne pas juger tous ceux qui ont eu leur rôle à jouer ce jour-là. Le fait est que contrairement à beaucoup d'autres, j'ai survécu... Je m'en sens coupable, moins légitime qu'un autre à avoir eu la vie sauve tout ça parce qu'un mutant bienveillant à donné de son don pour me sauver. »
J'essuyais d'un revers de main mon visage humide de larmes, me sentant plus bête que jamais.
« Je suis terrifiée, Aaron... Terrifiée par les ombres, les souvenirs, la douleur... J'ai peur de ne jamais la remonter, cette pente... Et tu dois me prendre pour une folle ou une dépressive, là. Je suis désolée de t'avoir imposé ça, j'aurais pas dû t'en parler... »
Je me tus, me sentant comme un geyser prêt à exploser. Et pourtant, quelque part, je me sentais mieux. Même si personne ne pourrait jamais ressentir exactement ce que j'avais ressenti à ce moment-là, quelqu'un partageait le souvenir que j'en avais. J'avais éludé certaines choses, comme l'implication de mon père que je préférais garder secrète, mais je me rendais compte qu'un récit d'une honnêteté aussi crue valait mieux qu'un long discours embellit de pathos et de psudo poésie romantique. La mort c'était moche, se faire tirer dessus ça n'avait rien d'héroïque, et la solitude de ce moment ça vous glaçait le sang. Point final, rien à ajouter.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Lun 6 Juin 2016 - 0:10
Første gang på lenge
Moira & Aaron
« Déstabilisé ? Que lui est-il arrivé ? » La question lui prouve que Moira n’a pas tant changé que ça, au fond. Celle qu’il a appris à connaître, celle qu’il a pleurée à l’annonce de son décès, celle qui venait enchanter les oreilles de ses petits protégés et qui ne semblait pas, loin de là même, être perdue au milieu de ces dizaines de petits qui piaillaient, hurlaient, chahutaient sans s’interrompre, cette jeune femme est toujours là. Et pour un homme, comme Aaron, qui entend les gens autant qu’il les voit, c’est rassurant d’avoir cette certitude. Si elle avait changé en profondeur, elle ne se serait pas intéressée comme ça aux propos d’Aaron sur Quentin. Si elle avait changé en profondeur, sa voix ne se serait pas infléchie d’une interrogation muette, que le directeur ne peut qu’associer à de l’inquiétude. « Oh, ne t’en fais pas, rien de grave, » s’empresse-t-il pourtant de rajouter, comme pour mieux, s’activer un peu partout pour rendre son bureau habitable à défaut de le rendre acceptable. … étant donné tout ce qu’il s’est passé ces derniers mois, les plus âgés de l’orphelinat sont plus que jamais en quête de repères, ils cherchent un sens à ce monde dans lequel ils évolueront, une fois adultes, sans soutien de la part de leurs parents. Et, bien sûr, ils ne peuvent pas s’empêcher de se demander ce qu’auraient fait, dit, pensé leurs parents à leur place… » Ses mouvements ralentissent, songeurs, avant de reprendre pour chasser ces préoccupations au moins pour les prochaines minutes. Parce que ce ne sont pas ses pensionnaires qui sont au cœur de la conversation, bien au contraire.
Certes, pour le moment, il troque le sujet de ses petits protégés pour basculer dans celui de son organisation plus chaotique, pour ne pas dire inexistante, mais ce n’est qu’un premier pas avant de se rabattre sur l’important. « Tu sais de quoi tu as besoin ? D'une assistante... Tu n'as jamais songé à proposer au plus vieux de t'aider ? Un genre de petit boulot pas trop méchant, et ça te soulagerait de toute cette... Paperasse envahissante ! » Aaron fronce les sourcils, coupé dans ses pensées par l’idée de la violoniste. Une assistante ? Proposer à l’un de ses plus âgés de… tout en lui arrachant des mains les publicités qu’elle devait s’être sentie obligée de ramasser pour l’aide – bon sang qu’il se faisait honte parfois – et surtout tout en tentant de s’asseoir et de mettre de l’ordre rapidement, Aaron se surprend à considérer l’idée… et à la rejeter aussitôt. « C’est une idée, j’y penserais… » répond-il pourtant, sachant très bien qu’il n’y pensera pas, sans trop savoir pourquoi il s’y refuse. Peut être parce qu’il sait qu’il n’aura pas les fonds pour rémunérer une potentielle assistance, peut être aussi parce qu’exploiter, dans un sens, un de ses pensionnaires ne l’enthousiasme en rien, peut être, enfin, parce que son chaos est la conséquence directe de la disparition de Chiara et que… il tend le verre rempli à sa vis-à-vis pour mieux cesser de penser. « Chaotique est un euphémisme dans son cas... Je dirais plutôt que lorsqu'il s'y met, c'est un... Ragnarök apocalyptique nucléaire. A peu de choses près. Je te rassure, tu n'es pas pire ! » Un éclat de rire, Aaron s’aperçut avec un temps de retard qu’il n’avait suffit à Moira que d’une phrase pour éclaircir ses pensées et les éloigner de Chiara, les éloigner de ses dettes, les éloigner de tout le reste pour l’aider à se reconcentrer sur ce qu’il se passe. « Ton colocataire m’a tout l’air d’un énergumène intéressant dans son genre. Pour être aussi chaotique que moi, c’est sûr que nous avons quelque chose d’autre en commun même si je ne sais pas quoi. Un signe astrologique, peut être ? » Le petit rire d’Aaron est discret et pourtant bien présent, destiné autant à chasser ses propres démons qu’à tenter de dissiper autour de Moira le Requiem qui tonne comme une ligne mélodique dont elle ne saurait se séparer.
De la chance. Peut-on dire avoir eu de la chance pour être à ce point… triste ? L’inquiétude d’Aaron enfle au fur et à mesure que les basses que dégagent le corps de Moira s’imposent à son esprit, comme pour le faire payer l’attention qu’il n’a pu qu’y porter. Ses questions, elle les esquive plus ou moins avec aisance. Elle tente même d’y répondre, par des biais détournés, pour mieux se leurrer et tenter de se convaincre elle-même que tout va bien. Mais… Mais Aaron ne peut détourner le regard tout comme il ne peut fermer son esprit, sa mutation, ses oreilles et sa nature à la détresse évidente de la jeune femme. Il ne peut pas la considérer comme l’une de ses protégées, il ne peut que la voire comme une adulte, comme une amie, comme une connaissance, mais ce n’est pas pour autant qu’il peut la laisser dans cet état. Indécis, il boit une gorgée de sa tasse le temps de poser et de choisir ses mots. De les peser, aussi. Et d’agencer dans son esprit les réponses qu’il va pouvoir apporter aux questions posées ou non par la violoniste. Et la tasse retouche le bureau dans un bruit de porcelaine. Il ne veut pas la forcer à parler, certainement pas, mais… mais il ne peut physiquement pas la laisser dans cet état, vraiment. C’est plus fort que lui, la tentation est trop grande, il veut qu’elle sache qu’elle peut lui en parler si elle le désire. Et déjà, sans qu’elle ne puisse s’en rendre compte, il laisse agir sa mutation et le contrôle qu’il en a pour diminuer la peine qu’elle ressent sans même en avoir véritablement conscience. La musique s’apaise, s’instille d’un peu de vitalité, s’allège pour laisser respirer Moira. Et le laisser respirer lui, aussi. « Je... » D’une main astrale, Aaron sent sa mutation se poser sur l’épaule de Moira pour continuer à mettre en sourdine la musique qu’elle envoie de partout. « Si on t'a rapporté que j'étais morte... Si on a mis un cercueil vide en terre, c'était pour que mon assassin croit avoir réussi son coup. » Son assassin. Pendant un instant, Aaron perd le contrôle, perd le contact, se sent blêmir et se retient de justesse, oui vraiment de justesse, de répéter le terme. « Il n'y a rien de bon, rien de positif dans cette histoire. Rien que je ne veuille évoquer... Rien que je ne pourrais effacer en n'en parlant pas pour autant. La vérité c'est que je suis morte pendant quelques secondes... Et j'ai le sentiment d'avoir laissé une part de moi là-bas... » Il déglutit, rien que d’y penser. Un nid de fous furieux, l’image est plus que bien choisie. Aaron ne peut s’empêcher de pâlir en l’écoutant lui raconter son histoire, sa mort, son agression. Le directeur de l’orphelinat est un homme pacifique, non-violent. Il ne conçoit pas que l’on puisse voir dans la violence et l’agression une solution, il ne conçoit même pas que ce puisse être une réponse à quoique ce soit. Pour un homme capable de comprendre la douleur, la peine, pour un homme capable de l’amplifier et de l’assourdir, il est tout simplement impensable que partager avec d’autres la tristesse qu’on endure ne fera que répéter encore et encore le même processus.
Aaron, donc, est non-violent. Pacifique. Il ne tolère aucune bagarre, aucune rixe dans son orphelinat. Mais s’il avait en face de lui le responsable de la mort de Moira à cet instant, sans nul doute qu’il lui mettrait cordialement son poing dans la figure avant de déployer les fragments les plus noirs de sa mutation pour mieux mettre minable le mutant qui s’est cru au dessus des lois. « Tout ce que j'ai pu faire, c'est compter les battements de mon cœur qui ne cessait de ralentir. Pas de violons ni de berceuse pour m'endormir, j'ai juste eu ce... Ce putain de roulement dans tambour dans mes oreilles. » Il vibre au même rythme qu’elle, il vibre au rythme de sa tristesse, sentant les vagues de douleur se loger dans ses tripes pour mieux lui transmettre leur complexité. Muet, il ne peut qu’écouter, il ne peut, même, que croiser son regard lorsqu’elle lève enfin les yeux vers lui. Le souffle coupé, il ne peut qu’écouter. « Je n'ai pas eu peur de mourir... J'ai eu peur d'être seule... Peur que personne ne puisse sauver mon frère... Et je me sens totalement ridicule à te parler de tout ça. » Un petit sourire naît à cette phrase, avec de légers remords d’avoir légèrement aidé les choses avec sa mutation. »On se connait à peine et voilà que je me mets bêtement à pleurer en te bavant des histoires à faire chialer les grands mères le dimanche aprèm' devant la télé. Je ne sais pas pourquoi je me sens capable de t'en parler à toi... Peut-être parce je te fais assez confiance pour ne pas juger tous ceux qui ont eu leur rôle à jouer ce jour-là. Le fait est que contrairement à beaucoup d'autres, j'ai survécu... Je m'en sens coupable, moins légitime qu'un autre à avoir eu la vie sauve tout ça parce qu'un mutant bienveillant à donné de son don pour me sauver. » Il secoue la tête, comme pour mieux appuyer le fait que… non, elle n’a pas à se sentir coupable. « Je suis terrifiée, Aaron... Terrifiée par les ombres, les souvenirs, la douleur... J'ai peur de ne jamais la remonter, cette pente... Et tu dois me prendre pour une folle ou une dépressive, là. Je suis désolée de t'avoir imposé ça, j'aurais pas dû t'en parler... » Si elle n’aurait pas dû lui en parler ? Aaron ne peut pas se retenir davantage, il se lève pour contourner son bureau, s’accroupir aux pieds de Moira et attraper ses mains. « Hé, oh, Moira… » Se relevant légèrement, il l’enveloppe de ses bras maladroits, se laissant guider plus par son instinct que par sa raison. Comme toujours. Il se recule, s’accroupit à nouveau pour qu’elle n’ait pas à lever la tête. « Regarde-moi. Déjà, tu as vécu un événement traumatisant. Oui, c’est logique, dit comme ça, mais il faut que tu comprennes que… les conséquences de ce traumatisme, que tu subis, sont tout à fait normal. » Il veut qu’elle comprenne, surtout, qu’elle n’a pas à se sentir coupable de ça. « C’est normal, tu m’entends ? C’est même normal de pleurer, c’est humain, tu m’entends ? » De son index, il va chasser une larme qui s’égare sur la joue de la violoniste. « Je ne peux… je ne peux pas te comprendre, je ne peux même pas imaginer ce que tu traverses, mais… mais tu n’es pas surhumaine, Moira. Tu es… tu es toi, avec toutes tes qualités, toutes tes défauts, ton unicité et si tu es terrifiée, c’est parce que là… » Sa main se pose sur le haut de sa poitrine, plus haut que son cœur bien évidemment parce qu’il n’oserait pas aller plus bas. « Tu as quelque chose qui bat, avec la régularité d’un métronome, et qui prouve sans cesse que tu es en vie. Tu n’es pas un robot. Si tu me disais en me regardant dans les yeux que tu n’as pas peur, là, je te prendrai pour une folle. » Il se redresse, pour prendre son inspiration. Et combattre une gêne brutale qui le saisit dans la poitrine. Un sourire, il essaye de le transmettre à Moira sans l’aide de sa mutation cette fois. « Je suis désolé, Moira, tu es définitivement saine d’esprit et je suis incapable de penser le contraire. »
Sans trop savoir où se mettre, il va chercher sa tasse, se réinstalle dans son siège sans pour autant y retrouver le confort présent précédemment. Ne pas laisser se réinstaller le silence, lui donner quelque chose en retour, quelque chose pour faire de cette discussion un échange équitable et non une extorsion d’informations. « Je ne peux pas te comprendre, je ne te ferais même pas l’affront de le prétendre, mais… je suis mort, moi aussi, lorsque j’ai perdu Chiara. Ce n’est en rien comparable, mais c’est ce que j’ai le plus proche de ce que tu traverses. Je me suis senti mourir en même temps qu’elle. Je me suis senti coupable de ne pas avoir été dans la voiture avec elle à ce moment, puis je me suis senti coupable de penser ça et d’imaginer un seul instant d’abandonner Celeste. Je me suis senti coupable de n’avoir rien pu faire pour la sauver, de lui survivre, que nos places ne puissent pas être échangées. Mais… mais nous n’y pouvons rien. La seule chose que l’on peut faire lorsque l’on traverse un deuil de ce genre, c’est d’avancer. Et de… » Un instant d’hésitation, Aaron se tait de justesse, encore une fois. Aller plus loin dans son discours lui fait peur. Et pourtant… « Je peux te confier un secret ? » Il reprend bien vite, de crainte qu’elle refuse qu’il continue de parler. « Tu vas aller mieux, Moira. Mais pour ça, il faut que tu acceptes de t’ouvrir. Vraiment. Et que tu ne refuses pas d’être heureuse. Que tu écoutes à nouveau ton cœur et que tu l’entendes non pas ralentir mais accélérer. Viens, viens autant de fois que tu veux dans cet orphelinat si la joie de vivre de ces enfants peut t’être transmise. » Le sourire d’Aaron est discret sur ses lèvres et pourtant bien présent. Même s’il disparait, l’ombre d’un sourire, l’ombre d’un murmure. « Ça marche avec moi du moins. » chuchote-t-il en détournant le regard vers la photo de sa femme et de sa fille.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Mar 7 Juin 2016 - 22:58
Første gang på lenge
Moira & Aaron
Je hochais la tête. Pauvres petits... Livrés à eux-mêmes, sans les repères d'une solide éducation parentale, sans un modèle à copier et seulement des règles à transgresser pour se donner l'impression d'exister. Combien de fois avais-je entendu cet imbuvable discours dans la bouche de certains ? « Ce gamin est insupportable ! Que font ses parents ? N'a-t-il donc aucune éducation ? » Il fallait être idiot pour ne pas comprendre qu'un enfant qui enchaîne ânerie sur ânerie jusqu'à mettre sa vie en danger ne le fait que pour une chose : le regard et l'attention de ses parents. Parce que que des réprimandes valaient toujours mieux que de l'ignorance, et parce que généralement, connerie rimait avec mal-être. Tous ces petits qu'Aaron hébergeait à l'orphelinat avaient une chose en commun : l'absence de leurs parents. Le malaise venait de là, de leur difficulté à trouver leur place dans un monde qui leur échappait... Et pas conséquent le besoin de faire entendre sa voix d'une manière ou d'une autre.
« Pauvre petits... Pas étonnant qu'ils soient perdus, quand on voit les horreurs qui se passent en ville... J'ai vécu à Chicago pendant plus de cinq ans et pourtant le taux de criminalité y est élevé... Mais ce n'est rien comparé à ce qui se passe ici... »
Un long frisson me parcouru l'échine tandis que j'essayais d'imaginer un enfant mutant, livré à lui-même à Radcliff. Il suffisait qu'il croise la route d'un fou comme Moren – même si Dieu merci il avait passé l'arme à gauche – Griske ou... Artur ? Mon frère aurait-il été capable de faire du mal à un enfant ? A une époque, j'aurais pu répondre catégoriquement non. A présent, je n'en étais plus certaine. Ce que je savais en revanche, c'est que le calme et la douceur d'Aaron avaient quelque chose d'apaisant... De cathartique. Je n'arrivais pas à imaginer quelque comme lui capable de la moindre violence, et j'étais rassurée de le savoir aux commandes d'un orphelinat. Avec lui, les enfants étaient à l'abri, bien plus qu'avec n'importe qui d'autre. Il devait lui en falloir, de la patience, pour gérer tous ces petits monstres ! Lorsqu'il fut question de Marius, j'éclatais de rire.
« Ah peut-être un signe astrologique, oui ! Ou peut-être vous êtes vous rencontrés dans une autre vie, qui sait ? Tu me diras, le point commun que vous pourriez avoir c'est d'être père... »
Je n'avais pas oublié Céleste, l'intrépide adolescente qu'Aaron peinait parfois plus à élever que ses petits pensionnaires. Une ado en quête de repères, ça ne devait pas être facile à gérer tous les jours non plus. Et puis les choses sérieuses commencèrent, et je sentais l'air me manquer à mesure que les sanglots me secouaient l'échine. Tant de souvenirs qui venaient me marteler l'esprit, des images que j'aurais voulu oublier qui s'imposaient à moi avec une netteté aveuglante, la peur, la terreur, même, le froid qui me mordais les entrailles... Et puis le silence. C'est insupportable silence qui avait semblé bourdonner à mes oreilles dans mes derniers instants, l'angoisse de n'avoir pu faire tout ce que je voulais de ma vie, des regrets futiles comme celui de n'avoir jamais survolé le Grand Canyon en montgolfière ou encore de ne plus pouvoir me rendre malade à force de manger des sucreries... Des choses toutes bêtes auxquelles j'avais pensé à ce moment-là et qui me revenaient en mémoire d'un seul coup. C'était difficile à décrire, mais pour rien au monde je n'aurais voulu que qui que ce soit voit les images que j'avais en tête.
Mon récit achever, je n'arrivais plus à contenir les larmes qui coulaient sur mes joues... Je n'en avais plus vraiment envie de toute manière. Un poids immense s'était envolé de ma poitrine, m'aidant à respirer pour la première fois depuis plus de deux mois, mais avec lui, les vannes de mon chagrin se retrouvaient grandes ouvertes, sans rien pour les refermer. Je me sentais ridicule mais quelque part, pleurer me faisait du bien, m'aidait à y voir plus clair et me lavait de la fange dans laquelle je m'étais laissée couler pendant trop longtemps. La tête baissée, je sursautais légèrement en sentant les mains d'Aaron se refermer sur les miennes. Je relevais des yeux rougis par les larmes vers lui, serrant doucement mes doigts entre les siens. Puis, sans que j'ai à faire le moindre mouvement, il me pris dans ses bras. M'effondrant contre lui, incapable de conserver un semblant de dignité plus longtemps, j'éclatais en sanglots en agrippant sa chemise comme une naufragée à un rocher.
« Je suis morte de peur, Aaron... Je ferme les yeux pour mieux voir le visage de victimes imaginaires, je crains le sommeil et pourtant je suis épuisée... Normales ou non, je n'en peux plus de ces conséquences, je... Je n'arrive pas à aller mieux... »
L'évidence me frappa avec la violence d'une claque. J'avais beau tout tenter, je n'arrivais pas à aller mieux... Parce que je ne m'en donnais pas les moyens. Parce que je restais figée à cet instant précis, ce moment où je m'étais sentie partir, parce que je me refusais le droit d'avancer, par culpabilité, par peur... Essuyant mes larmes d'un revers de main tandis qu'il se dégageait, je soupirais un grand coup pour chasser le rythme saccadé de ma respiration. Je fermais simplement les yeux au contact apaisant de sa main contre ma joue, comptant mentalement chaque battement de cœur qui me rapprochait d'un rythme normal et non d'un sprint olympique. Je suivi du regard le mouvement de sa main, me demandant un instant ce qu'il avait l'intention de faire... Fichue habitude de côtoyer Seth et Marius, tiens ! Un léger rire secoua mes épaules tandis que je fouillais dans la poche de mon pantalon pour trouver un mouchoir.
« Il est légèrement déréglé, mon métronome... Il a un peu tendance à s'emballer, en ce moment. Je suis donc saine d'esprit, traumatisée et hyper émotive... Parfois je préférerais être un robot, simplement pour ne plus ressentir ce vide dans ma poitrine. J'imagine qu'il se comblera avec le temps mais... Pour l'instant c'est difficile. Merci, Aaron... »
Pour sa patience, sa douceur, ses mots... Il aurait aussi bien pu me secouer ou me demander d'arrêter de jouer la comédie, mais il avait su trouver les mots justes pour calmer ma panique. Penchant légèrement la tête sur le côté, je le regardais se relever et regagner sa place, un air gêné sur le visage. Esquissant un sourire, je tentais un peu d'humour.
« Je rêve où tu rougis ? Tu n'as pas l'habitude de réconforter les princesses en détresse ? »
Ma meilleure défense contre l’apitoiement et les larmes à n'en plus finir avait toujours été l'humour. Surmonter tout ça, résister à l'envie de me rouler en boule dans un coin, c'était tout ce qui comptait à présent. Seulement, je me mordais la lèvre en entendant Aaron évoquer Chiara. C'était une chose dont nous avions discuté, quelques mois auparavant, alors que la cécité et l'annonce de la mort de William m'avaient frappés de plein fouet. Comment vivre en ayant l'impression de perdre la moitié de son être, de ne plus trouver goût à quoi que ce soit ? Il avait évoqué Chiara, son absence, la difficulté à accepter son décès et élever Celeste sans elle, et je lui avait confié ma tristesse suite à la mort de mon fiancé, additionner à l'angoisse de sa disparition. Nous nous étions trouvé plus d'un point commun ce jour-là, à commencer par une blessure que nous avions beau panser et qui ne guérirait jamais totalement. C'était finalement face à Aaron que je me sentais le plus comprise, ou avec mon père, car tout deux savaient ce qu'on pouvait ressentir. Ce n'était pas le genre de chose que l'on pouvait appréhender, mais simplement prendre de plein fouet et subir. Ce n'était pas le genre de chose que l'on pouvait évoquer avec n'importe qui... Avec le temps, les regards plein de pitié me donnaient des envies de meurtre. Je secouais alors la tête.
« Ce n'est pas un affront, Aaron. Perdre un être cher c'est une douleur certes bien différente de se sentir mourir mais... Quelque part c'est pire. Parce qu'une fois mort, tu ne souffres plus. Perdre quelqu'un qu'on aime, c'est se condamner à avoir mal pour le restant de ses jours et... Et tu sais que je te comprends mieux que personne sur ce plan. Seulement... Tu as cette force que je n'ai pas. Tu arrives à avancer et j'aimerais en être capable moi aussi... Je... Comment fais-tu ? »
Je ne pouvais imaginer que l'on avances l'hypothèse de l'habitude dans cette histoire. Que l'on ait perdu un être cher la veille ou dix ans plus tôt, l'absence restait la même. Et je n'arrivais ni à avancer depuis ma rencontre avec Moren, ni depuis mon prétendu décès. S'il y avait bien une chose que j'admirais chez Aaron, c'était cette façon qu'il avait de garder la tête haute... A moins que ça ne soit pour masquer ce qu'il éprouvait réellement ? Deux types cassés, voilà ce que nous étions au fond. J'esquissais un pauvre sourire en me tournant vers la photo qu'il regardait. Aller mieux, voilà qui sonnait bien... Aller mieux oui mais pour qui ? Pour quoi ? Pour aller où ? Je ne savais pas à qui m'ouvrir de la sorte. Je lui en avais déjà beaucoup dis et gardais pourtant certaines choses pour moi. J'avais tout simplement perdu confiance en à peu près tout, à commencer par moi. Seulement Aaron avait raison. Il ne fallait pas que je me laisse abattre ni que j'accepte de me laisser m'enfoncer ainsi, il fallait que je me batte, même si j'ignorais avec quelles armes.
« Tu as raison... Je vais essayer de remonter la pente même si... Même si je ne sais pas trop à qui parler de tout ça. Tu es le premier à qui j'en parle aussi ouvertement, et tu as bien assez à faire avec les enfants pour ne pas en plus me servir de mur des lamentations. Tu parlais de dates, tout à l'heure... »
Ayant laissé mon sac et mon agenda un étage plus bas, je sortais mon téléphone et ouvrais le calendrier.
« Je suis toujours disponible un mercredi sur deux, si tu veux... A moins que tu ne préfères le vendredi ? J'imagine qu'ils ont tous école à ce moment-là... Comment s'appelle la petiote dont tu me parlais tout à l'heure ? Amance, c'est ça ? »
Ne restaient que mes yeux rougis par les larmes comme seuls vestiges de ma tristesse. Bien qu'un peu rauque, ma voix avait retrouvé plus de tonus qu'auparavant, et je m'imposais la ligne de conduite que m'avait dicté Aaron : avancer au lieu de stagner.
« Au fait comment va Celeste ? La dernière fois que je t'ai vu, tu semblais avoir des difficultés à lui courir après... »
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Dim 12 Juin 2016 - 23:18
Første gang på lenge
Moira & Aaron
« Pauvre petits... Pas étonnant qu'ils soient perdus, quand on voit les horreurs qui se passent en ville... J'ai vécu à Chicago pendant plus de cinq ans et pourtant le taux de criminalité y est élevé... Mais ce n'est rien comparé à ce qui se passe ici... » Ah ça… le taux de criminalité de Radcliff avait explosé drastiquement pendant les années de Thaddeus à la Mairie. Aaron est un homme pacifique, non-violent et tout ce qui s’en suit, mais il n’a jamais aimé l’ancien maire et autant le dire tout de suite : sa défaite a été fêtée dignement par les Trager. Quant à la situation en ville… Déjà que les orphelins sont des enfants dangereusement déstabilisés, qu’ils soient nés sous X ou qu’ils aient perdu leurs parents, lorsque des enfants découvrent non seulement une mutation mais qu’en plus leur vie est menacée… Aaron a eu à gérer de nombreuses mutations ces dernières années, il a eu à gérer des crises d’identité, notamment chez Quentin, il a eu à s’épuiser à la tâche en cherchant des solutions à des problèmes qui n’en finissaient plus. Ça oui, il n’est pas le moins du monde étonnant qu’ils soient perdus, le terme est plus qu’adapté à la situation. Mais avec Saddler pour prendre la succession, il faut bien avouer qu’Aaron espère que tout va finir par rentrer dans l’ordre progressivement. Histoire que tout cela, au moins, soit réglé une fois pour toute. Et qu’il puisse se concentrer sur… et bien sur le reste. Un soupir, la discussion s’écarte de Quentin, s’écarte des enfants pour tourner à nouveau autour de lui. Et de ce chaos qu’il répand bien malgré lui dans son bureau. Il est effarant de voir quelle vitesse le maigre rangement qu’il parvient à faire lorsqu’il en trouve le temps, rarement, disparait. S’il lui faut des heures pour libérer son bureau, une poignée de minutes lui suffit pour le faire à nouveau disparaitre sous un amas de papiers. Et là, il ne se fait pas d’illusion : d’ici quelques secondes à peine, les papiers qu’il vient de rassembler seront à nouveau dispersés, séparés ou éparpillés dans la pièce. Il n’a qu’à devoir en chercher un en particulier pour que l’inévitable se produise. Et de toute évidence, il n’est pas le seul dans les connaissances de Moira à posséder ce talent qui dépasse, et de loin, sa propre mutation. « Ah peut-être un signe astrologique, oui ! Ou peut-être vous êtes vous rencontrés dans une autre vie, qui sait ? Tu me diras, le point commun que vous pourriez avoir c'est d'être père... » Être père ? « Chaotique à mon image et père ? Ce doit être un courageux jeune homme… ou du moins, je plains sa copine, ou sa femme… » Un petit sourire, Aaron lutte pour se concentrer sur Moira et ne pas laisser ses pensées dériver dangereusement en direction de Chiara, celle qui parvenait sans qu’il n’ait jamais compris comment à contenir le chaos à une dimension raisonnable.
Il préfère se concentrer sur Moira. Sur ces ondes qu’elle disperse autour d’elle, sur sa détresse presque palpable, assourdissante, physique. Il ne peut l’ignorer, il ne peut que la pousser à parler, pour qu’elle s’épanche sur quelqu’un. On pourrait traiter Aaron de manipulateur, on pourrait même lui reprocher d’utiliser sa mutation sans l’accord des personnes, mais il est incapable de laisser les autres, et surtout pas une femme comme Moira, pétillante, pleine de vie, se leurrer à ce point sur son état. Elle dit qu’elle ne va pas bien, mais il le sait, le directeur de l’orphelinat, qu’elle ferme malgré tous les yeux sur ce qu’elle ressent. Et il doit l’en empêcher. D’une pensée, il atténue sa peine, il l’allège suffisamment pour qu’elle en sente la présence et qu’elle l’oublie le temps d’un soupir. Qu’elle puisse recommencer à respirer. Et elle commence à parler. Il a le souffle coupé, de l’entendre lui raconter de la sorte sa mort. Sa réelle mort. La colère se diffuse dans les muscles, se dissipe lorsque des larmes jaillissent en cascade aux paupières de la violoniste. Si elle n’aurait pas dû lui en parler ? En un soupir, Aaron est accroupi devant elle, attrapa sa main. En un soupir, il se relève pour la prendre dans ses bras. Maladroit. En un soupir, il sait quoi dire lorsqu’elle s’effondre en larmes. Qu’elle l’écoute, qu’elle l’écoute donc. Il faut qu’elle comprenne que tout ce qu’elle ressent est normal. Qu’il faut qu’elle en parle, aussi, même s’il garde cette pensée pour lui. Qu’elle… qu’elle est humaine, avec tout ce que cela implique, qu’elle est en vie, qu’elle a survécu, qu’elle… qu’elle est bien des choses, finalement, mais certainement pas une folle. « Je suis morte de peur, Aaron... Je ferme les yeux pour mieux voir le visage de victimes imaginaires, je crains le sommeil et pourtant je suis épuisée... Normales ou non, je n'en peux plus de ces conséquences, je... Je n'arrive pas à aller mieux... » Un frisson de détresse percute Aaron, rendu douloureux par la proximité. Plus ou moins inconsciemment, il laisse sa main tracer des cercles dans le dos de Moira, comme pour la détendre. Pour la détendre, plutôt. La rassurer. Sans s’en rendre compte, d’ailleurs, il reproduit les gestes qu’il peut avoir pour ses protégés les plus jeunes qui se réveillent dans des hurlements de leur cauchemar. Les gestes qu’il pouvait avoir lorsque Celeste avait de gros chagrins. Les gestes qu’il pouvait avoir pour Chiara, lorsqu’un coup dur les secouait tous les deux. Aaron s’écarte, dans une légère crispation.
Et il reprend, se raccroche à son discours, se concentre sur l’autre pour mieux s’oublier. Il chasse une larme de la joue de Moira, il veut la faire se concentrer sur les battements de son cœur. Seule certitude tangible qu’il peut lui offrir, une petite chose à laquelle prêter l’attention lorsque tout va mal. Il l’entend respirer, dans un sourire maladroit. « Il est légèrement déréglé, mon métronome... Il a un peu tendance à s'emballer, en ce moment. Je suis donc saine d'esprit, traumatisée et hyper émotive... Parfois je préférerais être un robot, simplement pour ne plus ressentir ce vide dans ma poitrine. J'imagine qu'il se comblera avec le temps mais... Pour l'instant c'est difficile. Merci, Aaron... » Un frisson, Aaron se recule, se redresse brusquement dans une gêne subite qu’il n’arrive pas totalement à expliquer. C’est ridicule. Il se relève, va chercher sa tasse dans un « N’envie pas les robots, ils ont bien d’autres problèmes j’en suis sûr. Et tu ne serais pas toi si tu n’étais qu’un amas de mécanique. Et ne me remercie pas, c’est… c’est normal, bien sûr. » Normal : ce n’est pas normal, c’est davantage que cela pour le directeur de l’orphelinat. C’est une évidence. « Je rêve où tu rougis ? Tu n'as pas l'habitude de réconforter les princesses en détresse ? » S’il rougit ? Un peu plus tôt, peut être que non, mais à présent qu’elle le dit, Aaron sent nettement ses joues le brûler dans une chaleur plus que gênée. S’il n’a pas l’habitude de réconforter les princesses ? « Disons que les princesses que je réconforte ont plus entre trois et douze ans et essayent toutes à un moment ou à un autre de m’arracher la promesse de se marier avec moi plus tard donc… » Le sourire d’Aaron veut tout dire, mais son malaise doit être lui aussi plus que porteur de sens. Donc… et bien donc, oui mais non, il n’a plus l’habitude de… de gérer des adultes de la sorte. Du moins, encore une fois, pas depuis… Chiara.
Il ne sait plus où se mettre, Aaron, donc il se réfugie dans le silence, la réflexion et finalement la confession. Pour mieux donner à Moira quelque chose en retour, que l’échange soit équitable. Chiara. Sa plus grande douleur, la seule qu’il puisse rapprocher de celle qu’a vécue Moira il y a peu de temps. La même que celle qu’a vécue Moira il y a quelques mois. Pendant un instant, alors que l’hésitation fait se taire Aaron, il se rend compte de ce que doit encaisser la violoniste. « Ce n'est pas un affront, Aaron. Perdre un être cher c'est une douleur certes bien différente de se sentir mourir mais... Quelque part c'est pire. Parce qu'une fois mort, tu ne souffres plus. Perdre quelqu'un qu'on aime, c'est se condamner à avoir mal pour le restant de ses jours et... Et tu sais que je te comprends mieux que personne sur ce plan. Seulement... Tu as cette force que je n'ai pas. Tu arrives à avancer et j'aimerais en être capable moi aussi... Je... Comment fais-tu ? » S’il a une force qu’elle n’a pas ? Un petit sourire, il ne sait pas quoi répondre. Comment fait-il ? Trop de questions, auxquelles il ne peut simplement pas répondre. Comme lui dire que non, il n’est pas aussi fort qu’elle semble le croire et que non, il ne parvient pas vraiment à avancer ? Comment lui dire que rien ne va de son côté mais que s’il encaisse lui aussi, ce n’est qu’en s’oublier et en se perdant dans le ressenti des autres pour ne plus entendre le sien ? Il ne sait pas quoi répondre, elle ne doit pas entendre son silence puisqu’elle poursuit. « Tu as raison... Je vais essayer de remonter la pente même si... Même si je ne sais pas trop à qui parler de tout ça. Tu es le premier à qui j'en parle aussi ouvertement, et tu as bien assez à faire avec les enfants pour ne pas en plus me servir de mur des lamentations. Tu parlais de dates, tout à l'heure... Je suis toujours disponible un mercredi sur deux, si tu veux... A moins que tu ne préfères le vendredi ? J'imagine qu'ils ont tous école à ce moment-là... Comment s'appelle la petiote dont tu me parlais tout à l'heure ? Amance, c'est ça ? » Perdu, décontenancé par le changement de conversation qu’il n’a pas anticipé, Aaron marque un temps d’arrêt, d’hésitation avant de se souvenir que… son agenda ? Il la voit sortir son portable, il a un temps de retard lorsqu’il soulève, encore et toujours, ses papiers pour mettre miraculeusement la main sur le sien. Sans trop savoir ce qu’il fait, il se perd dans ses pensées, ouvre machinalement ses affaires et parcourt les semaines à venir sans même prendre la peine de lire les jours. « Oui, oui, mercredi… vendredi… remarque avec la reprise des cours, il faut que… » Trop de questions, il n’a même pas répondu aux premières. Et son esprit aussi chaotique que son bureau n’arrive brutalement plus à se fixer. « Au fait comment va Celeste ? La dernière fois que je t'ai vu, tu semblais avoir des difficultés à lui courir après... » Et encore des questions, toujours des questions.
Il est heureux de voir resurgir chez Moira cette énergie qui la caractérise, cette vitalité qui l’anime et qui était en sommeil jusque là. Il en est très heureux, soulagé aussi mais… mais il ne l’a pas, pas tout de suite. Avoir été en contact avec la détresse de Moira, avoir parlé de Chiara… il est englué dans une léthargie comateuse à son tour, sans plus savoir à quelles questions il n’a pas répondu et surtout auxquelles il peut répondre. Ses doigts feuillettent machinalement son agenda, notent la date d’anniversaire de Celeste qui approche. « Tu sais, je ne… je ne fais pas vraiment. Je fais… illusion dans un sens. Mais les enfants, les enfants m’aident beaucoup. C’était notre rêve, tu sais, à Chiara et moi. » Elle doit le savoir, il doit déjà le lui avoir dit. « Je veux dire… ne me surestime pas, vraiment. Cette force que tu crois voir en moi, je la vois sans aucun doute en toi. Donc… » Il prend son inspiration. Elle a relevé la tête, ce n’est pas à lui de la lui faire baisser à nouveau, surtout pas. Il maintient en sommeil la tristesse de Moira, il la maintient atténuée, sans même s’en rendre compte. Il se lève, regroupant ses papiers par réflexe. « Si tu veux, je peux aller te présenter Amance, oui. Elle est vraiment toute nouvelle et un peu timide… » Pour ne pas dire tout à fait craintive. « Mais elle est adorable. Ses parents sont… ses parents sont des victimes de l’attentat de début juillet, j’essaye de la faire s’ouvrir mais… » Mais comme ils viennent de le dire et de le sous-entendre, il faut du temps, comme toujours, comme souvent. Inévitablement. « mais… je me suis dit que la musique pourrait être une solution. Et tu es arrivée. Tu me demandes comme je fais, voilà ma réponse, vraiment : je… je me concentre sur les autres. » Avec tous les défauts que cela implique. Un soupir, sans trop savoir pourquoi, il rajoute « Et je crois que je suis en train de le payer un peu avec Celeste. Elle est en pleine crise d’ado, donc j’ai un peu du mal à la gérer… mais ça lui passera. » Ca lui passera… il préfère se maintenir dans l’illusion pour ne pas regarder les choses dans les yeux. Ses pensées vont d’une question à l’autre sans se poser, plus dans un désordre constant que dans une hyperactivité. « Et tu sais, écouter, ça fait partie de mon travail. Ne t’excuse pas de parler si tu en as besoin, bien au contraire. Il faut parler de ce qui nous ronge, pour ne pas justement laisser nos pensées et nos terreurs prendre le contrôle. On a beau le répéter aux enfants, lorsqu’on devient adulte on a tendance à oublier que nous ne sommes pas invulnérables et que… tout le monde a besoin de se confier à quelqu’un d’autre… » Ce qui lui-même a tendance à oublier. Dangereusement. « Quoiqu’il en soit… hum… voilà. Mercredi et vendredi ? Et… tu veux que je te fasse faire un tour ? On s’est un peu agrandi, depuis… Depuis ta dernière venue. »
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Lun 4 Juil 2016 - 0:27
Første gang på lenge
Moira & Aaron
Parfois, j'aurais aimé être télépathe. Pour lire dans les pensées des gens qui m'entouraient, pour savoir ce qu'Aaron pensait de mon état pitoyable du moment – car il fallait bien admettre que j'étais loin d'avoir l'air fière de moi – mais surtout pour comprendre un peu mieux les mécanismes complexes de l'esprit de mon frère. Pas sûr que j'aurais aimé ce que j'y aurais lu, mais j'aurais au moins été fixée entre la réalité et ce qu'il voulait bien me dire. Pour le moment, et bien... Je me sentais totalement idiote. Du réconfort, Aaron devait probablement en apporter tous les jours, mais c'était à des enfants bien moins chanceux que moi. Quelque part à cet instant, je me sentais coupable de m'être emportée si facilement. Seulement voilà... J'ai craqué, sans chercher à lutter contre mes larmes, sans réelle volonté de garder tout ça pour moi. J'ai fais de lui le gardien de mon mal-être sans lui demander son avis, parce que... Parce que je n'en savais rien, finalement. J'étais incapable de dire pourquoi lui et pas quelqu'un d'autre, pourquoi lui et pas Marius, ou Seth, ou Malachi, ou Theodora... Ça n'avait aucun sens et je n'étais pas certaine d'avoir envie d'en donner.
Tout ce que je savais, c'est que cette peur qui me dévorait les entrailles depuis des mois ne semblait pas décidée à me laisser en paix, et que le contact d'Aaron m'aidait à ne pas me laisser couler. Chaque jour, je craignais d'ouvrir mon téléphone et d'apprendre la mort d'un de mes proches, j'avais peur de mettre le nez dehors et de me faire attaquer... Tout en étant consciente que je pouvais tout aussi bien glisser dans la douche et me fracasser le crâne un matin. Un psy aurait probablement eu beaucoup de choses à dire là-dessus... A commencer par le fait que je laissais ma peur guider mes pas et dicter mon existence. Je grimaçais, peu convaincue. Si j'avais été un robot, je n'aurais pas été l'émotive, la sanguine, la sensible Moira. Ça m'aurait épargné bien des emmerdes, même si je n'étais pas certaine que le look Terminator m'aille vraiment. J'avais même été tentée pendant un temps de supplier Malachi de faire taire ce trop plein d'émotions qui m'abrutissait, dans un genre plus radical !
« Ils ont sûrement d'autres problèmes, comme les articulations qui rouillent et le processeur qui déconne, mais au moins ils ne se mettant pas dans des états aussi pitoyables », bougonnais-je.
Plutôt que de m'éterniser sur le sujet, je préférais taquiner Aaron et ses joues roses, qui ne tardèrent pas à prendre carrément une teinte cramoisie qui m'arracha un petit rire.
« Qui te dit que je ne vais pas te faire des yeux de chaton triste en te faisant promettre de m'épouser un jour ? Mais bon... Je sais bien que c'est peine perdue, je ne peux pas rivaliser avec toutes les princesses qui m'ont devancées ! » Ajoutais-je avec un clin d’œil malicieux.
Ah ça, des prétendantes il avait dû en avoir ! Des gamines éperdues d'admiration qui se voyaient déjà épouser le parfait prince charmant... Je ne connaissais pas assez Aaron pour les contredire, mais quelque chose me disait qu'il devait forcément avoir des défauts prompts à les refroidir. Au moins, ce petit moment d'insouciance m'avait permis de chasser un peu de mon esprit la douleur qui me martelait le crâne. Naïve, je pensais simplement que le réconfort d'Aaron avait tout fait, inconsciente du pouvoir merveilleux dont il disposait avec sa mutation. Un pouvoir dangereux, car s'il m'était bénéfique, je me savais suffisamment au bout du rouleau pour en vouloir encore et encore, jusqu'à finir par être droguée à sa présence. Dans le genre glauque et un monomaniaque, je plaçais la barre haute. Seulement rapidement, les sujets plus sérieux revinrent sur le tapis, me balançant en pleine figure ma détresse et cette faiblesse que je haïssais de toutes mes forces. Songeant cette fois à William, je sentis mon cœur se serrer de douleur et ma voix se faire plus hésitante. Il me manquait de plus en plus chaque jour, et je me fis alors la réflexion que, quelque part, lui et Aaron se ressemblaient. Dans cet altruisme, cette volonté d'aider son prochain, cette douceur dans les mots et une capacité à comprendre l'humain que je n'avais jamais eu et n'aurais jamais. Et parce que la ressemblance me frappa, je détournais les yeux, grimaçant sous cette douleur sournoise qui me transperça les entrailles. Comment faisait-il après toutes ces années ? Avait-il un remède miracle, une solution ? Ou souffrait-il en silence, incapable d'avancer et de construire quoi que ce soit par peur à la fois du passé et de l'avenir ? Chaque soir, je m'endormais avec la peur au ventre, celle de me réveiller seule et hantée par de vieux fantômes des décennies plus tard. Cette vie-là, de solitude et d'abandon, je n'en voulais pas. Quelque part, je me savais dépendante de la présence d'autrui, comme un petit animal perdu en quête d'affection. Pitoyable... Elle était loin, la Moira des premières années après la majorité, celle qui avait hurlé au monde entier son indépendance.
Incapable de rester plus longtemps figée sur le sujet, je sautais du coq à l'âne, me raccrochant comme je pouvais à des choses plus futiles et heureuses. Aaron eut l'air un peu perturbé par ce soudain revirement et j'esquissais un petit sourire gêné.
« Désolée, je... Je n'ai pas la force de parler plus longtemps de tout ça... Je déteste m’apitoyer, ça ne fait que remuer le couteau dans la plaie... »
Pourtant, Aaron me répondit de bonne grâce, tandis que je me mordillais la lèvre, penaude. Quelque part, je me sentais un peu coupable de remuer le couteau dans la plaie avec lui aussi. Je me souvenais d'une conversation que nous avions eue, dans laquelle il m'avait avoué qu'il rêvait d'avoir une grande famille, avec Chiara, et nous nous étions retrouvés sur ce point. Deux paumés évoquant les rêves du passé, persuadés qu'ils ne pourraient plus jamais se réaliser. C'était le genre de chose dont je ne discutais pas avec grand monde, en général. Et de toute manière, avec qui aurais-je pu ? Marius ? La bonne blague, il avait deux petits sur les bras ! Relevant les yeux pour les plonger dans les siens avec une expression penaude sur le visage, je repris.
« Je suis désolée, Aaron, je n'aurais pas dû te demander ça. Je n'ai pas le sentiment de te surestimer, tu sais... C'est peut-être un peu toi qui est trop humble ! »
Lorsqu'il se leva, je soupirais imperceptiblement. Ce mouvement mettait fin à notre conversation, nous amenant à un tout autre sujet plus... Positif, quelque part. Si la pauvre petite devait souffrir de l'absence de ses parents, j'étais soulagée de la savoir entre de bonnes mains avec Aaron. Hochant la tête, je posais doucement ma main sur son bras dans un geste réconfortant.
« Tu es vraiment quelqu'un de bien, Aaron... Tu penses à ton prochain avant de penser à toi, c'est une qualité qui se fait de plus en plus rare. Cette petite... Amance, j'imagine qu'elle subit le contrecoup du choc... Elle était présente sur les lieux, quand c'est arrivé ? »
Je récupérais alors mon téléphone et m'approchais de la porte.
« La musique fait de véritables miracles sur les personnes victimes de troubles ou de chocs post-traumatiques. Tu penses qu'il serait possible que je puisse la voir de temps en temps seule à seule ? Ce serait peut-être plus simple pour elle de s'ouvrir un peu si elle n'est pas entourée d'une ribambelle de petiots hyperactifs ! »
Je me sentais plus légère, comme soulagée d'un poids, chose qui ne m'était pas arrivée depuis des mois et qui me rendait soudain plus euphorique. J'esquissais un sourire en chassant les derniers vestiges de larmes sur mes joues et ajoutais.
« C'est une ado, elle est en quête de repères... Crois-moi j'y suis passée, toutes les nanas sont incompréhensibles à cet âge ! Ce qu'elle a vécu, la plupart des jeunes de son âge ne le connaissent pas... Laisse-lui du temps, ça lui passera, tu verras ! »
Avant que nous ne quittions la pièce, Aaron ajouta quelques mots qui achevèrent de le placer tout en haut de la catégorie des types biens. A des années lumière de Moren, et à mi chemin d'Artur. Parce que j'avais encore du mal à mettre mon adorable psychopathe de petit frère dans la catégorie des ordures de première ordre. Dans un élan de gratitude, je m'approchais de lui, me hissais sur la pointe des pieds – abruti de grande perche – et déposais un affectueux baiser sur sa joue.
« Merci, Aaron... Tu as peut-être le sentiment de ne pas avoir fait grand chose, mais pour moi tu as fais bien plus en quelques minutes que la plupart des mes proches en plusieurs mois. Déjà tu ne m'as pas prise pour une folle ! Et tu as cette capacité à écouter et comprendre les choses qu'on ne trouve pas souvent. Mets-moi des limites ou je pourrais bien te prendre pour mon psy ! »
Avec un clin d’œil je retournais prêt de la porte et quittais la pièce, Aaron sur mes talons... En évitant soigneusement de faire un commentaire sur ses joues cramoisies et en me mordant les miennes pour ne pas rire. Je slalomais alors entre les bambins qui couraient dans les couloirs, manquant de percuter une petite fille à la recherche d'une cachette pour une partie de cache-cache. Autant de vie et d'enthousiasme, c'était le meilleur remède qui soit contre la baisse de moral !
« Mercredi et vendredi, oui... Je te préviendrai lorsque j'aurai des concerts, d'autant qu'avec la réouverture de la ville, je vais pouvoir retourner faire des sessions dans d'autres villes. Tu dis que vous vous êtes agrandit, c'est à cause de ça l’échafaudage dehors ? Une visite ne sera finalement pas un luxe, j'ai l'impression d'être perdue ! »
J'espérais aussi qu'Aaron me présenterait Amance, que nous puissions avoir un premier contact d'entrée de jeu, et surtout pour que je puisse mettre un visage sur cet atypique prénom.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Dim 17 Juil 2016 - 22:13
Første gang på lenge
Moira & Aaron
Aaron a eu conscience extrêmement tôt qu’il était un mutant. Plus que cela, il a compris dès les premières démonstrations de son pouvoir de quoi il relevait. Les émotions humaines. Une constante autour de lui, tourbillonnante, sonore, un bruit de fond, un bruit diffus qu’il était le seul à percevoir dans son entourage malgré les mutations de ses parents et celle de sa sœur aînée. Les émotions humaines. Indomptables, mouvantes, elles se renouvellent sans cesse, refusent de s’apaiser et n’obéissent à aucune loi, se laissant juste guider sur un courant invisible en se confinant à une logique qui leur est propre, si intrinsèquement liée à la nature de l’homme qu’en les étudiant plus précisément, on ne peut que tendre vers une empathie aussi simple qu’entière. Alors il ne conçoit même pas que l’on puisse vivre sans les entendre, sans les ressentir. Des robots, des boites métalliques sans la moindre âme… quelque part, c’est le cauchemar d’Aaron qui ne serait pas capable de s’ouvrir à eux s’ils existaient vraiment. Et ne pas pouvoir s’ouvrir à quelqu’un et l’écouter… pour un mutant comme Aaron, cela revient à devenir sourd. Ce qui n’est pas envisageable. Les robots, donc, ne sont en rien des choses à envier. « Ils ont sûrement d'autres problèmes, comme les articulations qui rouillent et le processeur qui déconne, mais au moins ils ne se mettant pas dans des états aussi pitoyables » Il secoue la tête, laissant tomber ce qu’il considère comme un combat inutile, illusoire et certainement pas pertinent pour le moment. Il préfère bien plus la remettre sur pied et tenter de lui apporter un minimum de soutien, au prix de crédibilité. Et d’un rougissement qu’il pourrait estimer ridicule s’il n’en avait pas à ce point l’habitude. « Qui te dit que je ne vais pas te faire des yeux de chaton triste en te faisant promettre de m'épouser un jour ? Mais bon... Je sais bien que c'est peine perdue, je ne peux pas rivaliser avec toutes les princesses qui m'ont devancées ! » Un sourire qui se veut complice, il sent ses joues le brûler davantage lorsqu’il est bien obligé de se rendre compte que Moira est une femme accomplie, presque de son âge, au contraire des petites princesses qu’il console tous les jours. « C’est cruel de se moquer de moi sur ce sujet, Moira… » se défend-il comme il peut, avant de prendre son inspiration.
Il ne sait plus vraiment où se mettre, le directeur. Il ne sait pas trop sur quel pied danser, il préfère se réfugier dans le silence, il préfère se raccrocher à ce qu’il sait faire, revenir sur un terrain connu, quitte à confier à Moira sa propre expérience pour éclairer son chemin, à elle. Perdre des êtres chers, l’être cher, même, le seul, l’unique à n’en pas douter, voilà qui les rapproche tous les deux depuis le début. La discussion oscille dangereusement entre les sujets plus que sensibles et des questions badines, entre la porte de sortie que constitue Amance et ce besoin de parler qui leur est commun à tous les deux. Et ce, même si Aaron est loin d’en être réellement conscient. Son deuil, il l’a fait, lentement, progressivement, difficilement même, mais il l’a fait. En revanche, ce qu’il n’a jamais eu le cran de faire, ça a été de passer à autre chose définitivement. Il en est incapable, Chiara s’imposant à son esprit comme la seule, et toute autre approche comme un affront. Chiara qu’il retrouve chaque jour un peu plus en Celeste, de sa mutation à ses éclats de voix en passant par les traits de son visage et ses fins cheveux noirs. Comment fait il pour avancer ? Il préfère finalement répondre à cette question précédemment laissée de côté plutôt que de commencer à parler de sa fille qu’il peine à comprendre. « Je suis désolée, Aaron, je n'aurais pas dû te demander ça. Je n'ai pas le sentiment de te surestimer, tu sais... C'est peut-être un peu toi qui es trop humble ! » Trop humble ? Il a un petit rire, amusé par l’idée d’une humilité exacerbée chez lui. Oh, non, certainement pas, il ne faut pas qu’elle se leurre, ses défauts sont multiples et s’il reconnait sans peine ne pas souffrir d’arrogance, ce n’est pas pour autant qu’il n’y en est pas la victime. Quoiqu’il en soit… il préfère changer de sujet. Encore. Pour plutôt revenir à cette pauvre Amance, magnifique prétexte. Il se lève, il regroupe même ses papiers. Si Aaron est un homme désordonné, c’est simplement parce qu’il a un esprit aussi chaotique que son bureau, ce n’est en rien un manque de bonne volonté, bien au contraire. C’est plutôt un manque de temps, un manque de calme, un manque de repos. Son esprit survolté est malmené par des pensées disparates qui le poussent à commencer une dizaine de choses en même temps et ainsi à disséminer ses papiers à chaque fois qu’il passe d’une chose à une autre. Le bras de Moira qui se pose sur le sien ralentit un peu son agitation. « Tu es vraiment quelqu'un de bien, Aaron... Tu penses à ton prochain avant de penser à toi, c'est une qualité qui se fait de plus en plus rare. Cette petite... Amance, j'imagine qu'elle subit le contrecoup du choc... Elle était présente sur les lieux, quand c'est arrivé ? » Il se contente d’acquiescer dans un soupir, ne s’attardant pas sur le drame vécu par bien trop d’enfants et de familles. Quelques pas, il la rejoint au niveau de la porte. « La musique fait de véritables miracles sur les personnes victimes de troubles ou de chocs post-traumatiques. Tu penses qu'il serait possible que je puisse la voir de temps en temps seule à seule ? Ce serait peut-être plus simple pour elle de s'ouvrir un peu si elle n'est pas entourée d'une ribambelle de petiots hyperactifs ! » Le sourire sur les lèvres de Moira chasse ses larmes, la mélodie de ses émotions s’accélère peu à peu et se fait plus pimpante, comme apaisée et allégée d’un poids. Il le sent, dans ses tripes, il l’entend, cette mélodie qui se détache du bruit ambiant parce qu’il s’y intéresse inconsciemment, et il retient encore un peu l’immense peine qu’il a étouffée chez elle. « Oui, bien sûr que tu pourras la voir seule à seule, timide comme elle est, je n’imaginais pas les choses autrement. Peut être faire une première prise de contact maintenant, ou quand tu pourras, et si elle est d’accord, des… hum… cours particuliers ? Tu me diras combien tu factures tes cours ? » Une petite voix lui demande si cette dépense supplémentaire est réellement indispensable, il préfère l’étouffer sans plus tarder. Les enfants d’abord, le reste ensuite.
« C'est une ado, elle est en quête de repères... Crois-moi j'y suis passée, toutes les nanas sont incompréhensibles à cet âge ! Ce qu'elle a vécu, la plupart des jeunes de son âge ne le connaissent pas... Laisse-lui du temps, ça lui passera, tu verras ! » Pendant un instant, il pense qu’elle parle d’Amance et s’apprête à la reprendre sur l’âge de la petite, avant de comprendre que… « Disons que je me pensais un peu plus apte à gérer une adolescente, vu le métier que je fais et la formation et j’ai eu. Mais visiblement, lorsque ce sont les nôtres, on est tout aussi perdu que des jeunes parents… » C’est ce qu’il se dit. Ca lui passera, c’est ce qu’il se dit aussi. Et c’est ce qu’il dit aux policiers lorsqu’il va la chercher au poste, où aux enseignants lorsqu’ils s’étonnent du comportement de la petite Trager. Ca lui passera. Un déni aveugle si évident qu’on pourrait se demander comme Aaron arrive à s’y obstiner.
Bref, dans tous les cas, Aaron ne veut pas s’attarder sur le sujet, il ne veut surtout pas embêter Moira avec cela, la violoniste est loin d’en avoir besoin. Bien au contraire, c’est plutôt à lui de l’écouter et non à elle de l’entendre s’épancher sur son épaule. Il préfère lorsque les choses sont dans ce sens là, il en est plus familier et bien plus à son aise. Tout le contraire de cette paralysie qui le surprend lorsque, hissée sur la pointe des pieds, Moira dépose un baiser affectueux sur ses joues, dans une attitude aussi charmante qu’inattendue et décomplexée et… charmante ? Bien évidemment, la rousse est charmante. Adorable. Quelqu’un qu’il est chanceux, extrêmement chanceux de connaître, chose dont il ne peut que se rendre compte avec son retour miraculeux. Le temps qu’il sache comment réagir, elle a déjà récidivé dans les compliments, accentuant ses joues cramoisies, et son regard gêné, et elle s’est même enfuie dans le couloir. « … Mets-moi des limites ou je pourrais bien te prendre pour mon psy ! » Un petit sourire, il ne sait plus vraiment où se mettre. Si les plus jeunes de ses pensionnaires le voyaient, à cet instant, il ne faut pas douter qu’il subirait des remarques amusées pendant des semaines, connaissant autant leur franc parler que leurs capacités d’observation. Mais ils ne sont pas là, merci bien, et Aaron reprend vie contenance. Ou essaye, du moins. « Je prends note, mais pour une patiente aussi adorable que toi, je veux bien lire des bouquins de psychologie. » Il lui fait un clin d’œil, timide, avant de renchérir sur les horaires dont ils ont convenu. « Mercredi et vendredi, oui... Je te préviendrai lorsque j'aurai des concerts, d'autant qu'avec la réouverture de la ville, je vais pouvoir retourner faire des sessions dans d'autres villes. Tu dis que vous vous êtes agrandis, c'est à cause de ça l’échafaudage dehors ? Une visite ne sera finalement pas un luxe, j'ai l'impression d'être perdue ! » Un éclat de rire, il la rejoint, fermant la porte de son bureau derrière lui en ne se contenant que d’un tour de clé, par principe. « Parfait, c’est vrai qu’avec la fermeture de la ville, tu as dû annuler un certain nombre d’intervention… ton agent doit en être bien ennuyé. » Ses pas les conduisent du côté de l’escalier central qui descend vers le rez-de-chaussée, par réflexe. « Alors l’échafaudage, c’est principalement pour un ravalement de façade et placer des doubles vitrages sur les vitres des chambres et pièce qui donnent sur la rue. Si tu te souviens bien, le rez de chaussée, c’est l’accueil, un des bureaux pour les éducateurs, le salon et les cuisines. Au premier, j’ai voulu mettre une bibliothèque à disposition, et une salle de jeux attenante à la salle de télévision. Il me semble que tu n’as pas du voir la bibliothèque refaite, on a dû isoler tout un mur qui prenait l’eau. Après, l’étage des filles et celui des garçons n’a pas changé, mon bureau non plus. L’agrandissement s’est surtout fait sur le bâtiment d’à côté, où il y a désormais le réfectoire, il était là où se trouve maintenant le salon en bas. Et on est en train d’aménager des chambres en plus, pour les petits. J’aimerais vraiment arriver à dissocier un bâtiment pour les dix – dix-huit ans, et un bâtiment pour les plus jeunes, leurs rythmes de vie ne sont pas du tout les mêmes. » Il s’interrompt pour prendre une petite dans les bras, qui vient de lui sauter dessus, et aussi pour reprendre sa respiration. Il parle peut être trop, non ? Il se mordille la lèvre en déposant un bisou dans les cheveux d’Agathe, avant de la laisser dégringoler et de s’accroupir en lui retenant la main. « Agathe, ma puce, tu sais où est Amance ? » Le regard de la petite blonde va d’Aaron à Moira en passant par ses chaussures. « Elle a fait une bêtise ? » « Misère, non ! Je voudrais juste la voir. » La petite fronce les sourcils. « La dame, elle veut l’adopter ? » Un sourire naît à la commissure des lèvres d’Aaron, son doigt tape le nez de la petite curieuse. « Occupe-toi de répondre à ma question. Et non, Moira n’est pas là pour adopter. » Il la voit froncer les sourcils derechef, puisant dans sa patience substantielle pour ne pas hâter de réponse. « Amance, elle est avec Sophie, elle épluche les patates. » Elle se mord la lèvre. « Moira, c’est la madame qui joue des cordes ? » Cette fois, c’est un éclat de rire qui franchit les lèvres d’Aaron alors qu’il se relève en ébouriffant les cheveux de la petite de cinq ans et demi. « Elle joue du violon, mais oui, c’est elle. Merci Agathe, Sophie sait où tu es ? » « Oui monsieur » fait elle avant de partir en courant pour échapper à un entretien plus approfondi. Aussitôt, Aaron se tourne vers Moira. « C’est comme tu veux, si tu veux aller la voir maintenant, on peut tout à fait. Elle est de l’âge d’Agathe, légèrement plus âgée. Elle devrait rentrer au CP cette année mais j’attends de voir avant de la remettre dans un cadre scolaire, si elle s’intègre bien. » Et en parlant de cours, Aaron s’aperçoit brutalement qu’il a fait un magistral raccourci. « Oh… misère… je viens de me rendre compte que j’ai involontairement associé venir jouer et donner des cours, mais tu es très certainement surqualifiée pour donner des cours à des petits comme ça. Si tu as un nom d’un professeur de violon, je m’en contenterai, hein, il n’y a pas de souci. »
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Sam 23 Juil 2016 - 23:34
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Moira & Aaron
« C’est cruel de se moquer de moi sur ce sujet, Moira… »
Sans chercher à me défendre de quoi que ce soit, j'éclatais de rire, un sourire fendant mon visage. Malgré mes yeux rougit par les larmes et une peine qui me pesait toujours sur le cœur, ces quelques instants d'insouciance ravivait un peu de bonne humeur en moi. J'avais oublié à quel point la propension à rougir d'Aaron pouvait me donner envie de lui tirer les joues avec une moue attendrie. Depuis mon accident, j'avais tendance à reconsidérer les gens qui ne croisais qu'occasionnellement, ou ceux qui n'étaient que des connaissances dont je savais peu de choses. Je voyais aussi mes amitiés sous un autre angle... J'avais eu une seconde chance, et j'entendais bien en profiter au maximum, et ça commençait par apprendre à mieux connaître des personnes que j'aurais regretté si j'étais vraiment morte. Aaron faisait partie de cette catégorie de personne. Quelqu'un à qui j'avais pensé après coup, me disant que j'aurais aimé mieux le connaître pour sa douceur, sa patience et sa passion... Parce qu'il faisait partie de ces gens qui auraient rendu le monde meilleur s'ils avaient été les seuls à peupler la planète. Je me rendais à présent compte à quel point remettre les pieds dans cet orphelinat me rendait heureuse. J'avais certes toujours autant de peine pour ces enfants en quête de parents, mais j'étais rassurée de les savoir en sécurité, bien entourés, de les voir s'épanouir dans un cadre de quiétude, avec des règles qui les maintenaient loin des limites à ne pas franchir. Chaque enfant qui courait autour de nous était un instant de bonheur que je saisissais au vol pour m'en nourrir et supporter ce qui m'accablait au quotidien. Je n'avais pas envie de partir. Comme si, quelque part, mon esprit avait saisit que quelque chose chez Aaron, une mutation qui m'empêchait de replonger dans l'immédiat. Je hochais alors la tête, approuvant l'idée de donner des cours particuliers à la petite Amance. Mais... Les facturer ? Je haussais un sourcil, interloquée. A aucun moment je n'avais songé à faire payer mes cours. A vrai dire, je n'avais jamais exigé beaucoup de mon métier sur le plan pécunier. Tout ce dont j'avais besoin, c'était d'un toit sur la tête, du beurre dans mes épinards et de la colophane pour mon violon. Le reste c'était du superflu, de l'accessoire... Je gagnais très bien ma vie en étant soliste, en vendant des disques et en remplissant des théâtres et opéras parmi les plus coûteux du pays. Alors vraiment, je n'avais pas besoin d'aller vampiriser un établissement aussi fragile qu'un orphelinat pour m'enrichir plus encore. Ce temps que je comptais accorder à la petite, je voulais qu'il vienne de moi, sans rien d'autre en retour qu'un sourire, de l'intérêt, pourquoi pas quelques mots ? Faire plaisir à une enfant meurtrie par la vie m'emplissait bien plus de joie que celle de m'enrichir. Une liasse de billets, c'était comme la froideur d'un cadavre, la passion partagée, ça c'était un enjeu.
Alors je ne répliquais rien, préférant laisser passer ça que de devoir justifier mon choix. Je préférais encore le rassurer quant à l'attitude de Celeste qui, visiblement, lui donnait du fil à retordre. Si je comprenais l'attitude de la jeune fille pour avoir été moi-même une ado, je lui aurais volontiers fait remarquer que si elle comptait finir sa vie derrière les barreaux, elle était bien partie. Voyant à quel point il semblait soucieux vis à vis de Celeste et plutôt lassé par la situation, je n'insistais pas. Après tout, s'il éprouvait le besoin de venir me parler des derniers exploits de sa fille, j'étais prête à l'écouter, s'il voulait passer à autre chose et bien... Et bien il finirait avec le visage écarlate parce qu'un simple baiser sur la joue venait de le faire brutalement changer de couleur, ce qui me fit rire à nouveau. Depuis l'enfance, j'étais tactile, câline et toujours plus prompte à prendre les gens dans mes bras ou les embrasser qu'à garder mes distances. Avec des gens comme Aspen, ou Marius ou encore Seth – quoi que Seth, étant donné ce que nous avions vécu ensemble c'était encore autre chose – ça semblait normalement, évident. Avec d'autres, je pouvais comprendre que ça paraisse bizarre. Je m'apprêtais à lui dire que je n'avais pas voulu le gêner, lorsqu'il me répliqua avec malice quelque chose qui me laissa sans voix. Ok, cette fois c'est moi qui sentais le rouge me monter aux joues. Et ça ne me ressemblait pas, car je rougissais assez rarement. Wait, Momo... Tu serais pas en train de considérer le fait que ça te fait de l'effet, qu'il te dise que tu es adorable ? Eh bah si. Si si, ces quelques mots et cette sollicitude teintés d'humour me firent presque perdre le fil de la discussion. Cette fois, je ne trouvais rien à répliquer, gênée que j'étais. Je préférais renchérir sur ce sujet bien plus bateau qu'étaient mes jours d'intervention à l'orphelinat. Au moins avec ça, pas de joues rouges, pas de gêne ! Non mais... Je le suivis à l'extérieur du bureau pour visiter cet orphelinat dont j'avais maintes fois arpenté les couloirs mais qui me semblait soudain totalement inconnu. Je grimaçais avant de répondre.
« Ne m'en parle pas... Il était dans tous ses états quand il appris qu'il me fallait une tonne de paperasse à chaque sortie de la ville.. Et j'ai bien cru qu'il allait me faire un infarctus quand il a su que pour des raisons de sécurité il fallait que je passe pour... Morte... Il m'a programmé un agenda de ministre pour les prochains mois, ça ne va pas être triste ! »
Je passais une main dans les cheveux, déjà fatiguée à l'idée de passer des journées entières dans l'avion, dans le train ou en voiture. Lorsque mon agent m'avait montré l'allure de mon programme de saison pour rattraper la dernière, j'avais pâlis et cru à une blague. Mais il avait l'air si sérieux à ce moment-là que je n'avais pas osé rire, finalement. Réouverture des portes de Radcliff rimait avec concerts, masterclass, festivals de musique classique, enregistrements, créations... J'aimais plus que tout mon boulot, mais je tenais quand même à rester en vie. L'avantage, c'est que j'allais pouvoir enfin revoir autre chose que le Kentucky, revoir Chicago, New-York, Sacramento... Il n'y aurait pas eu Marius, Theodora et les autres, j'aurais peut-être même plié bagages pour aller m'installer ailleurs. S'il n'y avait pas eu Artur... Un voile de tristesse assombri mon regard, et je me forçais à me concentrer de nouveau sur ce que me disait Aaron, tandis que nous descendions les escaliers. Je regardais autour de moi, hochant la tête lorsque je reconnaissais quelque chose, me faisant plus attentive lorsque je me sentais perdue. Tout avait l'air de s'agrandir, de prendre de l'ampleur... J'étais évidemment impressionnée par tout ce travail formidable et, il fallait bien le reconnaître, admirative.
« Wouaw ! C'est impressionnant ! Mais ça a dû vous coûter une fortune de faire tout ça ! Le bâtiment en avait besoin... L'humidité en hiver, c'est la fiesta pour les pneumonies. Mais avec un bâtiment de plus à gérer, tu vas avoir besoin d'engager plus de personnel, non ? J'aimerais bien voir la bibliothèque tout à l'heure, oui... »
Mais alors que nous discutions, un petit bolide se précipita sur Aaron, qui eu tout juste le temps de se baisser pour la prendre dans ses bras. Avec un regard attendri, je regarde la petite fille au boucles blondes me dévisager puis regarder Aaron, se demandant si elle devait garder ses informations secrètes ou non. Lorsqu'elle demanda si j'avais l'intention d'adopter Amance, le tout avec une petite moue renfrognée, je me sentais craquer. A cet instant, si j'avais dû en adopter une, ç'aurait été elle, sans hésiter ! L'innocence des enfants avait quelque chose de merveilleux que je regrettais amèrement d'avoir perdu. Une féerie que chaque adulte aurait dû chercher à conserver, dans l'espoir fou de ne pas mettre trop vite au placard le Peter Pan qui sommeillait en chacun de nous. Que d'innocence dans un si petit corps... Je pouffais de rire en l'entendant babiller, me retenant de répondre que je ne jouais pas des cordes mais du crincrin. D'un coup de pied mental bien placé, je virais le Marius sauvage qui semblait vouloir prendre le contrôle pour raconter des bêtises et me contentais de rester en retrait, silencieuse. Lorsque la petite fut repartie, je la regardais avec un sourire de gateuse.
« Cette petite est adorable... C'est fou cette cohésion qu'il peut y avoir entre eux, ils ont l'air de se méfier des potentiels adoptants... C'est bien qu'il soit aussi soudés. »
Issus de familles différentes mais plus fidèles les uns aux autres que des frères et sœurs. Pouvais-je en dire de même du mien ? Plus vraiment... J'avais, de mes propres mains, brisé le lien qui nous unissait. Et à nouveau, songer à Artur me vrilla l'estomac. Bon sang... Il fallait que je me sorte cette culpabilité de la tête avant qu'elle ne m'envahisse de trop ! J'allais alors répondre à la requête d'Aaron, lorsque celui-ci se figea, l'air soudain gêné et alarmé. J'écarquillais les yeux, surprise... Et l'écoutais me déballer tout un tas d'inepties sans queue ni tête. Cette fois, mon visage se ferma et mon regard se fit plus dur. Je ne me pensais pas surqualifiée pour quoi que ce soit, et encore moins pour enseigner le violon à des enfants. Au contraire, j'avais toujours considéré l'enseignement comme une étape essentiel à la réussite d'une carrière de musicien. Je ne me sentais pas vraiment vexée seulement... J'avais l'impression d'être mise dans la même case que les divas, celles qui se pensaient trop bien pour partager leur savoir et leurs connaissances. Je détestais les petites cases à peu près autant que je haïssais le combat qui faisait rage entre les pianistes et les violonistes pour savoir lesquels faisaient de meilleurs solistes. Malgré moi, ma réponse fut un peu sèche.
« Je ne suis surqualifié pour rien du tout, Aaron. Et je ne comptais pas te donner le nom d'un autre professeur de violon. »
Consciente d'avoir l'air un peu froide, je soupirais et me passais une main dans les cheveux avant d'esquisser un sourire.
« Tu sais, il n'y a pas plus beau pour un musicien que le partage, et ce partage passe aussi pas la transmission d'un savoir. Certains musiciens ont horreur de donner des cours, d'autres considèrent tout simplement que leur savoir est trop précieux pour être partagé. Je ne fais pas partie de ceux-là. A mon avis, sans partage on perd tout et on coure le risque de voir les connaissances s'étendre... Tu sais, j'ai appris le violon avec une très grande soliste russe, une femme que j'admire encore énormément aujourd'hui et sans qui je n'aurais probablement jamais pu devenir musicienne. »
J'avançais de quelques pas, sans but réel, simplement pour me dégourdir les jambes.
« Si je peux donner à Amance l'envie de faire du violon, ou n'importe quel autre instrument, si je peux simplement la sensibiliser à la musique, ça sera bien plus gratifiant pour moi que de voir quelqu'un d'autre le faire à ma place, tu comprends ? Quand à mes honoraires... Tu n'as qu'à te dire que j'ai malencontreusement égaré mes grilles tarifaires, et que par conséquent ça sera happy hour pour tout le monde ! Enfin happy hour... J'me comprends... Chez moi ça veut dire bière à volonté, mais on ne va pas faire picoler des enfants... Bref... Je m'égare... »
Joli, bravo Moira... Elle est ratée, ta tentative d'humour.
« Bref. Les cours que je donnerai à Amance et mes interventions, je ne veux pas que tu les payes. Considère ça comme un cadeau de ma part, du bénévolat, ce que tu veux. Je ne veux pas d'argent en échange, simplement du temps pour partager ma passion avec eux. »
Et à ce sujet, je me savais inflexible. Il pouvait toujours tenter de discuter, glisser un chèque dans mon sac à chaque intervention de ma part, je me tenais prête à les lui renvoyer avec de jolis dessins de lapin made by Marius en bonus.
« Oh j'y pense ! Avant que nous allions voir la petite, je vais aller récupérer mes affaires que j'ai laissé dans le salon. »
Nous n'en étions plus très loin, et je m'empressais de rassembler partitions et bazar pour les rangers dans mon grand sac fourre tout. Je détendis les crins de l'archet, le rangeais précautionneusement dans sa housse, et posais religieusement le violon dans son étui. C'était presque comme un rituel, chaque fois que je le rangeais, j'en parcourais la surface du bout des doigts. Le vernis s'écaillait par endroits à cause de son grand âge, le monde s'assombrissait d'année en année, mais le son n'en était que plus riche. J'ignorais qui avait eu cet instrument dans les mains avant moi, mais il avait dû connaître de nombreux propriétaires, en bientôt deux siècles.
« C'est William qui me l'avait offert... », murmurais-je sans m'en rendre compte.
Soudain gênée, je refermais la boîte et m'assurais d'avoir tout pris avec moi.
« Tu sais, je suis persuadée que tout ça va aider Amance. Quand j'étais gamine j'ai joué avec des éprouvettes et un tas de solutions bizarres dans les labos où bossaient mes parents. Oui oui, la connerie d'une gamine. Je me suis intoxiquée avec les vapeurs et je me suis endommagée les cordes vocales. Résultat, je ne pouvais plus sortir le moindre son ! Alors pour m'occuper, mes parents m'ont payé des cours de violon, et c'est ce qui m'a permis de ne pas me renfermer. J'ai appris à m'exprimer autrement que par les mots pour surmonter le traumatisme... Alors... Si la petite est sensible à la musique, je suis persuadée que ça l'aidera. »
Un sourire plein de détermination se peignit sur mon visage tandis que je hissais mon sac sur mon épaule et saisissais mon étui à violon de l'autre main. Quelque part, je me reconnaissais en cette petite, pour des raisons cependant bien différentes.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Jeu 4 Aoû 2016 - 22:30
Første gang på lenge
Moira & Aaron
Le rire de Moira a quelque chose de rafraîchissant. De communicatif. Aaron n’est pas empathe, loin de là, il se contente d’être motiopathe et cela lui suffit déjà amplement, mais… mais à être environné de lourdes basses et de rythmes rappelant des requiems, il doit bien admettre qu’il peut facilement se laisser influencer par ce qui l’environne. Et les trilles limpides qui s’échappent de la gorge de Moira et de tout son être… le directeur sourit à son tour, alors même qu’il tentait de se défendre. La surprise des retrouvailles passées, la douleur de la discussion concernant la disparition, dans le sens euphémistique du terme, encaissée et atténuée, il est à présent temps selon Aaron non pas de passer à autre chose mais de choisir judicieusement un autre sujet de conversation afin de couvrir des sujets plus légers, dans un sens, et surtout moins sensible. Il est temps de prouver à Moira que la vie continue malgré tout, que les battements de son coeur et son rire sont bels et bien présents et que la musique sera toujours là pour guider ses pas. Même si, de ça, elle en a déjà conscience, presque autant que ce motiopathe musical qu’est le directeur de l’orphelinat.
Amance. Une petite orpheline, une nouvelle orpheline qu’il a recueilli avec tant d’autres après les attentats de juillet, précipitant de ce fait de nombreux travaux de réaménagement qu’il avait originellement prévus d’étaler dans le temps, afin d’en amoindrir le coût financier. Mais avec la quarantaine tout juste levée, les dizaines de morts en plus des crimes perpétrés par les Hunter, la démographie de l’établissement a augmenté brutalement et avec elle… les différents enfants à accompagner et gérer. Sans compter l’apparition des mutants, les dossiers médicaux auxquels il a accès et qui le renseignent sur les enfants à accompagner en priorité. Comme Amance. Qu’ils vont voir. Aaron se sent d’autant plus concerné par la petite qu’il déteste ne pas savoir comment agir et qu’il reporte sur chacun de ses pensionnaires l’attitude qu’il a actuellement du mal à avoir avec Celeste. Sa question quant à la facturation des cours reste sans réponse, mais Aaron ne s’en offusque pas. Il n’en a guère le temps de toute façon, puisque la discussion a déjà dérivé en direction de Celeste, justement, et avec elle… les complications qui s’en suivent. Ca lui passera, en voilà un leitmotiv efficace, ça lui passera, c’est une réponse qui, en soit, semble convenir à Moira. Fort heureusement, d’ailleurs, puisque vraiment, il risque plus de l’embêter qu’autre chose à s’épancher sur le sujet, d’autant plus qu’il n’en a guère envie.
Rouge de ces lèvres posés sur sa joue dans un remerciement, rouge aussi des remarques de Moira, rouge encore il balbutie une petite riposte pour ne pas trop se laisser malmener par la vitalité et la spontanéité de la violoniste. Qui rougit à son tour, sous le sourire goguenard d’Aaron. Sa riposte a touché, voire coulé la rousse, il se retient de justesse de s’excuser ou d’enfoncer le clou, préfère renchérir sur les horaires qu’elle confirme sans plus tarder. Et les voilà dans le couloir, porte du bureau fermée, Aaron compatissant avec l’agent artistique de Moira, pour ces derniers mois de quarantaine agrémentés de sa disparition, bon sang qu’il déteste ce mot. « Ne m'en parle pas... Il était dans tous ses états quand il appris qu'il me fallait une tonne de paperasse à chaque sortie de la ville.. Et j'ai bien cru qu'il allait me faire un infarctus quand il a su que pour des raisons de sécurité il fallait que je passe pour... Morte... Il m'a programmé un agenda de ministre pour les prochains mois, ça ne va pas être triste ! » Un sourire, c’est cette fois avec Moira qu’il compatit, tapotant son épaule dans un sourire malicieux. Agenda de ministre, peut être, mais s’il se souvient bien, Moira n’est jamais plus heureuse qu’avec un violon en main et un archet entre les mains donc… le mutant ne se fait pas le moindre souci à ce propos et préfère enchaîner sur une visite virtuelle et rapide des lieux, s’attardant sur les trop nombreux changements de ces derniers mois. L’escalier se déroule sous leurs pieds, les étages se présentent, les travaux aussi. « Wouaw ! C'est impressionnant ! Mais ça a dû vous coûter une fortune de faire tout ça ! » Aaron contient avec peine une grimace à ce propos. « Le bâtiment en avait besoin... L'humidité en hiver, c'est la fiesta pour les pneumonies. Mais avec un bâtiment de plus à gérer, tu vas avoir besoin d'engager plus de personnel, non ? J'aimerais bien voir la bibliothèque tout à l'heure, oui... » Et une nouvelle grimace, lorsqu’elle parle de personnel, s’additionne aux pensées d’Aaron, déjà soucieuses et inquiètes quant aux mois à venir. Les comptes ne sont pas les meilleurs, les travaux, même indispensables, n’ont pas été les bienvenus et engager plus de personnel signifie en toute logique payer davantage d’intervenants… ce qu’Aaron sait ne pas être capable de faire. Travailler plus, travailler davantage de son côté pour endosser à nouveau la casquette d’éducateur en plus de celles de père et de directeur, de conseiller et de surveillant, de comptable et de négociateur… il se sait capable de le faire. la seule question est jusqu’à quand mais il refuse de se la poser et Agathe lui offre une diversion plus qu’efficace pour ne pas avoir à répondre quoique ce soit à Moira.
Amance est avec Sophie, première information, Agathe est tout à fait en train d’échapper à la corvée d’épluchage de pommes de terre, deuxième information, Moira fond devant cette petite sautillante, troisième information qu’Aaron ne manque pas de remarquer dans un petit sourire lorsqu’il libère la petite et la suit du regard. « Cette petite est adorable... C'est fou cette cohésion qu'il peut y avoir entre eux, ils ont l'air de se méfier des potentiels adoptants... C'est bien qu'il soit aussi soudés. » Cohésion… la moue d’Aaron est dubitative. « Oh, ne te fais pas avoir par son joli minois, je ne pense pas qu’il y ait la moindre cohésion là dedans, juste peut être un peu de jalousie… et la crainte de ne pas être adoptée à son tour. Les enfants balancent le plus souvent entre la joie de voir l’un de leurs amis retrouver une famille et la hantise que ça ne leur arrive jamais, c’est souvent ce qu’il y a de plus délicat à gérer… » Mais… mais peut être que tout cela n’intéresse en rien Moira. Peut être voire sûrement. Aaron fronce les sourcils, enchaîne sans plus tarder. Ils peuvent donc tout à fait voir Amance, si elle le désire. Et… et le raccourci qu’il a fait sans s’en apercevoir le met soudainement mal à l’aise. Ses excuses balbutient, déstabilisé d’autant plus que le visage de Moira se ferme et que sa musique se tend, devient plus crissante et stressante, comme pour véhiculer un peu de tension. « Je ne suis surqualifié pour rien du tout, Aaron. Et je ne comptais pas te donner le nom d'un autre professeur de violon. » Aaron se redresse, piqué au vif par cette réponse sèche qui le percute. « Moira, je... » Il ne voulait en rien être blessant, qu’elle en soit sûre, c’est juste que… « Tu sais, il n'y a pas plus beau pour un musicien que le partage, et ce partage passe aussi par la transmission d'un savoir. Certains musiciens ont horreur de donner des cours, d'autres considèrent tout simplement que leur savoir est trop précieux pour être partagé. Je ne fais pas partie de ceux-là. A mon avis, sans partage on perd tout et on coure le risque de voir les connaissances s'étendre... Tu sais, j'ai appris le violon avec une très grande soliste russe, une femme que j'admire encore énormément aujourd'hui et sans qui je n'aurais probablement jamais pu devenir musicienne. » Il hoche la tête, comprenant sans problème ce qu’elle dit puisque cela ne peut que faire écho à sa propre vocation. Transmission d’un savoir, partage, ce sont en soi les mots clés de son propre travail puisqu’il transmet des valeurs et partage son temps entre différents enfants qui n’ont pas eu la chance d’avoir une famille ou qui ne l’ont plus. Leurs pas les mènent vers le rez-de-chaussée, Aaron indique d’un mouvement de bras le couloir à emprunter pour rejoindre le bâtiment attenant et ainsi les cuisines et le réfectoire. « Si je peux donner à Amance l'envie de faire du violon, ou n'importe quel autre instrument, si je peux simplement la sensibiliser à la musique, ça sera bien plus gratifiant pour moi que de voir quelqu'un d'autre le faire à ma place, tu comprends ? Quand à mes honoraires... Tu n'as qu'à te dire que j'ai malencontreusement égaré mes grilles tarifaires, et que par conséquent ça sera happy hour pour tout le monde ! Enfin happy hour... J'me comprends... Chez moi ça veut dire bière à volonté, mais on ne va pas faire picoler des enfants... Bref... Je m'égare... » Aaron s’immobilise, ignorant la tentative d’humour de Moira pour se concentrer sur le reste. « Pardon ? » Comment ça, elle ne veut pas qu’il la paye pour tous les cours et interventions qu’ils sont en train de planifier ? Si la voix de Moira hurle l’inflexibilité à ce sujet, le raidissement perceptible d’Aaron, visible au niveau de ses épaules, est éloquetn lui aussi. « [...] Je ne veux pas d'argent en échange, simplement du temps pour partager ma passion avec eux. » Aaron fronce les sourcils, encore. Peu convaincu pour ne pas dire pas du tout. Si le compte en banque de l’établissement hurle de soulagement, sa conscience, elle… sa conscience a bien du mal à accepter de bénéficier gratuitement de tels prestations, surtout de la part d’une professionnelle aussi talentueuse que Moira. En revanche, il n’a pas le coeur à s’opposer dès à présent à la volonté de la violoniste. Et préfère la laisser aller récupérer ses affaires sans se lancer dans un débat qu’il pressent particulièrement houleux et stérile.
Il garde une certaine distance avec elle, lorsqu’elle prend soin de l’archet, du violon, de cet instrument précieux. Il garde une distance qu’il veut respectueuse, en profite pour interpeller un éducateur et se renseigner sur toutes sortes de choses, non sans surveiller Moira du coin de l’oeil, revenant à elle dès qu’elle semble avoir fini. C’est de justesse qu’il capte un flottement dans la musique de Moira, sa tonalité s’attristant dans un murmure. « C'est William qui me l'avait offert... » D’une main compatissante, il lui presse l’épaule, sans y penser, comme un prolongement de sa motiopathie qui, déjà, s’est occupée de la peine de la violoniste. Sans qu’il ne le veuille spécialement, plus par réflexe. « Tu sais, je suis persuadée que tout ça va aider Amance. Quand j'étais gamine j'ai joué avec des éprouvettes et un tas de solutions bizarres dans les labos où bossaient mes parents. Oui oui, la connerie d'une gamine. Je me suis intoxiquée avec les vapeurs et je me suis endommagée les cordes vocales. Résultat, je ne pouvais plus sortir le moindre son ! Alors pour m'occuper, mes parents m'ont payé des cours de violon, et c'est ce qui m'a permis de ne pas me renfermer. J'ai appris à m'exprimer autrement que par les mots pour surmonter le traumatisme... Alors... Si la petite est sensible à la musique, je suis persuadée que ça l'aidera. » Un sourire, Aaron tente de s’imaginer Moira muette mais sans le moindre succès. Il doit bien admettre que cela lui paraît pour le moins… surréaliste, du moins de ce qu’il connaît de la jeune femme. « Ainsi c’est grâce à un accident que tu as découvert le violon ? Et bien, peut être que d’un mal naît forcément un bien. Je t’avoue que cela ne me dérangerait pas le moins du monde qu’Amance se découvre une quelconque passion qui puisse la faire se remettre des derniers événements… » Ah ça… non, ça ne le dérangerait pas le moins du monde… Un sourire déride une nouvelle fois son visage, mais un sourire légèrement triste. Qui inspire et puise dans celui de Moira de quoi chasser les idées noires qui pourraient en profiter pour s’installer.
« Je suis prête ! En avant, mauvaise troupe ! » Il se secoue. « Ah ? Et bien voilà qui est parfait ! C’est par ici. » Il se glisse dans un couloir, débouche dans un autre et les mène vers le réfectoire et la cuisine dans laquelle il passe la tête une fraction de seconde. « Sophie, je peux t’emprunter Amance une poignée de minutes s’il te plait ? » Bien sûr que Sophie ne va pas refuser, on ne refuse rien au directeur, voilà ce dont Aaron a parfois l’impression, mais il préfère demander, c’est toujours plus poli. Et il garde l’espoir qu’on lui dise non aussi, parfois. Dans tous les cas, Amance saute de sa chaise, va se laver les mains et les essuie bien consciencieusement sur son tee-shirt avant de lever ses grands yeux en direction d’Aaron. « Je peux te présenter quelqu’un ? » La voilà qui fronce les sourcils, avant d’acquiescer timidement, tendant la tête sur le côté pour voir Moira. D’une pression sur l’épaule, Aaron l’invite à sortir de la cuisine, tout de même, et désigne d’un geste de la main un petit salon à quelques pas de là, encore en travaux mais malgré tout habitable. La porte refermée, il recueille une Amance perdue dans ses jambes qui regarde Moira avec un air suspicieux. Ah ça… Aaron ne pourra pas dire qu’il n’a pas prévenu Moira… Il s’accroupit, pour se mettre au niveau de la petiot. « Est-ce que tu aimes la musique, Amance ? » La voilà qui acquiesce, encore, toujours silencieusement, mais avec énergie. « Est-ce que tu aimes bien le violon ? » Cette fois elle se mordille la lèvre. Avant d’acquiescer. Un peu. Sans savoir où se mettre. « Tu vois, Moira est une amie à moi qui joue du violon, et très bien. Et elle serait d’accord pour t’apprendre à en jouer un peu, si tu veux. Crois moi, elle n’est pas méchante. » Cette fois, Amance ouvre la bouche, comme pour parler, mais semble se raviser. Ce qui est déjà plus que tout ce qu’il a pu obtenir depuis son arrivée ici, voilà qui est certain. D’un coup d’oeil, il essaye de faire signe à Moira qu’elle peut parler aussi, alors même qu’il s’asseoit et récupère Amance sur ses genoux. « Tu lui dis bonjour ? » La petite se pelotonne contre lui. Il s’est peut être un peu trop avancé, pour le coup, et… « Bonjour. » La voix fluette d’Amance lui échappe de justesse. « Vous êtes jolie. » Un large sourire s’impose sur le visage d’Aaron. Qui ne peut qu’être d’accord, à bien y penser.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Dim 28 Aoû 2016 - 20:32
Første gang på lenge
Moira & Aaron
Mon agent... Un type sympa qui me suivait depuis des années sans faiblir, subissant mes envies de voyage et mon incapacité à dire non à un concert même avec une grippe et de la fièvre, un second père, quelque part, un ami également... Dire que je lui faisait confiance était un euphémisme, c'était probablement la personne à qui je faisais le plus confiance après mon frère. Enfin... Ca c'était avant... Mais il valait mieux que je ne m'attarde pas là dessus. Pour le moment, mon agent était surtout blasé par mon karma de chat noir et m'avait demandé plus d'une fois si j'avais des actions chez une entreprise de pompes funèbres, pour frôler aussi souvent la mort. Ce qui était certain, c'est qu'il avait fait la tête lorsque je lui avais annoncé que je voulait retourner à l'orphelinat pour y travailler... Bénévolement. Comme si j'allais faire financer ma carrière sur le dos d'enfants meurtris par la malchance... Pire, comme si j'étais capable de demander à un type aussi généreux qu'Aaron de me payer.
Alors que la petite fille qui lui était rentré dedans repartait en courant, je haussais un sourcil devant l'incrédulité d'Aaron, avant de finalement hocher la tête. La crainte de ne pas être adopté, de ne pas avoir droit à une vie de famille normale, ce devait être abominable. Je n'osais imaginer ce petit bout de jeune fille de tout juste huit ans, se demandant pourquoi une autre et pas elle, pourquoi sa petite voisine serait choisie et pas elle. Pas étonnant que certains orphelins soient aussi amers.
« Je comprends ce que tu veux dire, oui... Certains pensionnaires sont là depuis longtemps ? Si ça ne tenait qu'à moi, je les adopterais tous... Mais je doute que mon colocataire soit très emballé ! »
C'est qu'il était déjà deux fois père, le Marius ! Et je résistais depuis des jours à lui demander pour quand serait le prochain... J'avais bien conscience que ce n'était pas franchement le moment de lui demander ça, même pour plaisanter. Mais alors lui ramener toute une ribambelle de gamins... Bizarrement, je doutais que ça l'enthousiasme beaucoup, le Caesar ! Mais déjà, le sujet de mes honoraires revint sur le tapis, et je me sentie obligée de me montrer plus ferme. Non seulement je ne voulais pas qu'il envisage de me payer, mais il était hors de question que je donne à un quelconque prof de violon l'occasion de donner des cours à la petite Amance que j'avais hâte de rencontrer. Comme le disait souvent mon père, j'avais mon petit caractère, et mieux valait ne pas me contrarier ! Fort heureusement, Aaron sembla trop décontenancé pour dire quoi que ce soit. Parfait ! S'il s'avisait de remettre le sujet sur le tapis, je l'attendais au tournant !
Pour le moment, il fallait surtout que je récupère mes affaires, avant qu'un petit malin ne se décide à planquer mon archet ou mes clés d'appartement. Et puis sans violon, comment convaincre la petite ? Alors que je rangeais l'instrument avec une déférence qui tenait presque de la maniaquerie, le sentis la main d'Aaron presser légèrement mon épaule, me redonnant soudainement le courage de ne pas laisser les idées noires m'envahir. Je l'aimais, ce violon, c'était le plus bel instrument que j'ai eu entre les mains depuis le Stradivarius qu'un riche mécène m'avait confié alors que je n'avais que dix sept ans. Il avait un son incomparable, un toucher agréable, mais c'était aussi tout ce qu'il me restait de William, et je ne pouvais nier que le tenir entre mes mains m'arrachait toujours une grimace de douleur. J'avais beau prétendre le contraire, je n'étais toujours pas parvenue à tourner la page, et je commençais à me demander si j'en serais un jour capable... Il était loin le temps où je me serais sentie capable d'abattre son meurtrier sans le moindre remord... Envolée l'époque où plus rien ne semblait m'atteindre car je ne laissais personne m'approcher plus d'un ou deux jours. La glace avait fondue, et ne restait plus maintenant qu'une carcasse terrifiée incapable de se relever pour avancer. J'avais l'impression de me contenter de la condition de rampant et plus j'en prenais conscience, plus j'étais en colère après moi-même.
La remarque d'Aaron me ramena à la réalité, et j'esquissais un sourire. J'avais volontairement oublié de lui préciser que l'incident qui m'avait coûté la voix pendant des mois avait aussi réveillé ma mutation. Et qu'avec elle, tous les problèmes qui me tombaient maintenant que le coin du pif. A commencer par Artur, toujours Artur, encore Artur... Artur qui m'aurait poussée à me jeter par la fenêtre d'un regard triste, Artur qui me faisait douter de tout, Artur, Artur, Artur... Qui s'il apprenait un jour que son hyperacousie était due à ma mutation, ne manquerait pas de venir me chantonner son refrain entêtant sur la dangerosité des mutants. Et c'était là tout l'aspect sournois de mon frère : avec de bons arguments, il serait parvenu à me convaincre de me vacciner définitivement, si ça pouvait me permettre de le retrouver tel qu'il était auparavant. Me forçant à garder le sourire, je glissais quelques mots à Aaron.
« Si je peux lui permettre de remonter la pente avec quelques notes de musique, j'en serai ravie ! »
Ne plus songer à tout ce qui me tracassait, profiter de la présence apaisante d'Aaron et songer à la petite bouille d'ange qui m'attendait, c'était tout ce sur quoi je devais me focaliser. Mes affaires dans les mains, je suivis Aaron qui avait l'air tout aussi perdu dans ses pensées que moi. Nous gagnâmes la cuisine où une femme et une petite fille s'affairaient en silence à éplucher des pommes de terre. Bon sang que ça avait changé ! Dans mes souvenirs, cette pièce était plus petite, mais peut-être était-ce ma mémoire qui me jouait des tours. Je ne pu m'empêcher de sourire en voyant la petite sauter de sa chaise pour aller se laver les mains... Et les essuyer sur son t-shirt déjà tâché. C'était plus fort que moi, je me sentais fondre devant tant d'innocence. Suspicieuse, la fillette me regarda un moment, se demandant si c'était une bonne idée ou non de suivre le directeur et une inconnue un peu bizarre. Après tout... Qui lui disait que je n'étais pas là pour l'arracher au peu de stabilité qu'elle était parvenue à retrouver depuis qu'elle était à l'orphelinat ? Agitant la main dans sa direction, j'articulais silencieusement un bonjour enjoué, mais qui sembla lui faire plus peur qu'autre chose. Peinée, je n'ajoutais rien et me contentais de suivre Aaron jusqu'au petit salon qu'il venait de désigner d'un geste de la main. Tandis qu'il demandait à la fillette si elle aimait la musique, je posais mes affaires et m'asseyais sur un gros pouf, fixant Amance avec un sourire des plus gâteux. Pas un mot, mais des signes de tête qui valaient tous les discours du monde. Si elle aimait la musique, alors nous étions faites pour nous entendre ! Lorsque la petite fut assise sur les genoux d'Aaron, je haussais les sourcils, ne m'attendant pas à l'entendre parler.
« Bonjour, Amance ! » dis-je d'une voix aussi calme et posée que je le pouvais.
Sa seconde remarque m'arracha un léger rire, et je me retins de justesse de ne pas lui ébouriffer les cheveux pour ne pas la brusquer. Si la franchise et la timidité de la petite avaient le don de m'émouvoir, je ne pouvais m'empêcher de songer à tout ce qu'elle avait perdu pendant le dernier attentat à la mairie. Quelle cruauté d'avoir arraché à une si jeune enfant ses parents...
« Tu es toute belle, toi aussi ! Alors... Tu connais un peu le violon ? »
De nouveau silencieuse, la petite haussa les épaules, mais je perçus une lueur de curiosité dans son regard. Je posais alors mon étui à violon sur mes genoux, sorti l'instrument... Mais ne le réaccordais pas, volontairement. Si elle avait une aussi bonne oreille que le disait Aaron, elle ne mettrait pas de temps à se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Je posais l'instrument entre mon menton et mon épaule, tendis les crins de l'archet, et pris un moment pour réfléchir à ce que j'allais lui jouer. Je doutais qu'une enfant de six ans connaisse Paganini ou Tchaïkovski, aussi je tentais un petit air de Mozart très connu.
« Est-ce que tu connais ça ? » Demandais-je en faisant courir l'archer sur les cordes.
La petite fronça les sourcils, tandis que je luttais pour ne pas m'arrêter et accorder cette corde de mi, décidément trop basse. Au bout de quelques instants, la fillette secoua la tête avec un air penaud.
« Ce n'est pas grave, j'en au d'autres en réserve ! Est-ce que ça, ça te dit quelque chose ? »
Je tentais alors de me souvenir de la chanson du génie d'Aladdin... Certes, c'était mon enfance et pas celle d'une fillette de six ans, mais avec un peu de chance ça lui parlerait mieux qu'un vieux fossile comme Mozart ! Il ne fallu pas vingt secondes à la petite pour hocher vigoureusement la tête, l'air radieux. Je la surpris même à murmurer les paroles... Avant de froncer les sourcils à nouveau. Elle se tourna vers Aaron avec un regard interrogateur, qui descendit de ses genoux et s'approcha timidement de moi. Je la laissais faire, lui présentant l'instrument qui semblait l'intriguer, tout en faisant attention à ce qu'elle ne l'abîme pas. Amance tendit sa petite main en direction des cordes et les pinça doucement, jusqu'à effleurer la corde la plus aiguë.
« Celle-là elle sonne bizarre... Pas comme les autres », dit-elle avec un petit air contrarié.
Amusée, je relevais la tête vers Aaron.
« Tu avais raison... Elle a une oreille formidable... », puis je baissais les yeux vers la petite. « Cette corde-là, c'est un mi. Normalement. Elle est trop basse, mais regarde... »
Je tournais légèrement l'une des chevilles et invitais la petite à pincer la corde de nouveau.
« C'est mieux comme ça, non ? »
La fillette hocha la tête et m'accorda même un sourire. Je serais d'ailleurs volontiers restée là toute la journée à lui apprendre ce que je savais de ce merveilleux instrument, mais on frappa à la porte du salon, et la jeune cuisinière que nous avions croisé un peu plus tôt passa la tête à travers l’entrebâillement.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Dim 4 Sep 2016 - 13:41
Første gang på lenge
Moira & Aaron
Il a un sourire indulgent, Aaron, lorsqu’il suit du regard une Agathe qui préfère filer bien vite plutôt que de se risquer à un interrogatoire en règle du directeur. Il a un sourire indulgent, mais aussi attentif et affectueux. Chacun de ses pensionnaires, indépendamment de leurs origines, de leur histoire, de leurs caractères, il a le défaut de les aimer presque comme ses propres enfants, d’être capable de se démener comme s’ils étaient le fruit de sa chair. Et au-dessus, il y a Wade et Daria, qui ont une place toute particulière. Et au-dessus, dans une affection toute privilégiée, il y a Maxim, ce garçon qui aurait pu sans le moindre problème devenir son fils si adopter, pour le directeur de l’orphelinat, n’avait pas pu être aussi problématique. Et, survolant l’ensemble sans que quiconque puisse s’en approcher, il y a Celeste. La limite entre l’affection qu’il porte à Celeste et Maxim et entre celles pour tous ses autres pensionnaires est si fine qu’elle en est imperceptible. Toujours présente malgré les années, malgré la chute progressive de toute frontière entre sa vie et son travail, elle s’étiole de manière perfide au fur et à mesure que Celeste lui échappe, que les dettes s’accumulent, que la pression s’impose et qu’il s’immerge jusqu’à s’en noyer dans tout l’administratif et les préoccupations de l’orphelinat pur ne pas avoir à relever la tête. Tout cela, il le voit et il y pense lorsqu’il regarde Agathe s’éloigner, tout en rectifiant dans un froncement de sourcil ce que lui dit Moira. Il y a de la cohésion, oui, très certainement, mais, et, il ne faut pas être dupe, il y a certainement aussi une certaine jalousie dans l’inquiétude de la petite orpheline. L’attente, l’espoir d’être un jour adoptée et la crainte de l’être, le souvenir de ses parents lorsqu’on les a connus, la peur de voir ses souvenirs disparaître aussi… « Je comprends ce que tu veux dire, oui... Certains pensionnaires sont là depuis longtemps ? Si ça ne tenait qu'à moi, je les adopterais tous... Mais je doute que mon colocataire soit très emballé ! » Pendant un instant, il réfléchit, alors qu’ils se remettent en marche, cette fois en direction des cuisines. « C’est assez compliqué de répondre à cette question… les plus jeunes, les très petits, sont le plus souvent confiés à des familles d’accueil parce que malgré tous nos efforts, on ne saurait leur accorder toute l’attention qu’ils ont besoin. Plus ils sont grands, plus ils sont difficiles à gérer dans des familles d’accueil et… et c’est cruel à dire, moins ils ont de chance d’être adoptés. La plupart de mes pensionnaires les plus anciens n’habitent ici à plein temps que depuis six, sept ans. Avant ça, ils étaient promenés de famille d’accueil en famille d’accueil. Avant la quarantaine, ça n’a plus été possible et donc… » Et donc ça ne doit certainement toujours pas l’intéresser. Lancer Aaron sur le sujet de l’orphelinat est en général une très mauvaise idée puisqu’il est capable d’en parler pendant des heures, puis d’embrayer sur une présentation exhaustive ou peu s’en faut de tous ses pensionnaires, sans exception. Même ceux qui viennent d’arriver. Ce n’est pas qu’il apprend leur dossier par cœur, c’est qu’il met toute son énergie à remplacer pour les cent-trente-quatre enfants la figure parentale qui leur manque, la famille qui leur a été arrachée ou qui les a abandonnés.
Dans tous les cas, Aaron se doute bien, ou du moins présuppose, que si Moira est violoniste et non directrice d’orphelinat, c’est peut être parce que parler de ce genre de chose à longueur de journée n’est pas vraiment sa passion. Le violon, en revanche… et ces cours qu’elle donnerait à Amance, et… leur facturation. Qu’elle refuse avec un ton si péremptoire qu’Aaron laisse le sujet à l’abandon pour le moment, sans pour autant accepter la gratuité de ce genre de service. Si encore on parlait d’interventions anecdotiques, il pourrait s’y faire mais là… il est davantage question de cours, et de cours réguliers, fréquents et structurés. Arrivés dans le hall, il attend patiemment qu’elle récupère toutes ses affaires, qu’elle range, même, son violon, sur lequel il pose un regard songeur. William. Son fiancé, décédé, tout comme sa Chiara. Sans même avoir besoin d’y penser, Aaron apaise la mélodie intérieure de Moira. Il ne tue en rien sa peine, il se contente de la rendre plus supportable, et renchérit lorsqu’elle fait par de sa propre expérience du caractère thérapeutique de la musique. Chose dont il ne doute pas un seul instant, lui plus que quiconque. « Si je peux lui permettre de remonter la pente avec quelques notes de musique, j'en serai ravie ! » Son sourire est franc et sincère lorsqu’il conclut d’un « Alors voilà qui est parfait ! »
Amance est assise sur ses genoux, comme partagée entre de la curiosité et une méfiance naturelle envers Moira. Il ne lui a pas fallu longtemps, à Aaron, pour présenter les deux filles. Moira, Amance, Amance, Moira, la musique se pose comme une évidence. Et maintenant que les présentations sont faites, il sait qu’il doit se taire et laisser la petite fille apprivoiser la violoniste. « Bonjour, Amance ! » Il le sait, il le sait très bien pourtant, mais il en a la confirmation dès qu’elle prend la parole : Moira est faite pour être entourée d’enfants. Et il maudit celui qui l’a privée d’un mariage, d’une famille, d’une vie à laquelle lui il a eu droit, même temporairement. La voix fluette d’Amance est spontanée, claire et innocente, à l’image de ses yeux écarquillés. Vous êtes jolie. Aaron s’en amuse, tout en confirmant mentalement les dires de sa petite protégée. « Tu es toute belle, toi aussi ! Alors... Tu connais un peu le violon ? » Il sourit mais tout en lui clame l’attention. Elle hausse les épaules, Amance, recroquevillée dans sa timidité. Et une nouvelle fois partagée entre ça et sa curiosité. Non sans une curiosité similaire, Aaron voit Moira sortir le violon de son étui, le caler sous son menton et commencer à jouer un air. « Est-ce que tu connais ça ? »Aussitôt, Aaron fronce les sourcils et il sent Amance se crisper. Il n’a peut être pas l’oreille absolue, son oreille relative lui chuchote que quelque chose sonne faux. « Ce n'est pas grave, j'en ai d'autres en réserve ! Est-ce que ça, ça te dit quelque chose ? »
Il sourit, Aaron, en reconnaissant approximativement l’air. Il faudra qu’il demande à Amance d’où il vient, puisque comme elle ne tarde pas à murmurer des paroles, il suppose qu’elle est bien plus au fait qu’il ne l’est lui-même. Il pourra aussi demander à Celeste, s’il parvient à mémoriser l’air et à le lui chantonner s’il la croise ce soir. S’il la croise. Mieux vaut questionner Amance… dans tous les cas, il est sorti de ses réflexions par Amance qui se tortille pour le regarder, une interrogation au bord des lèvres. « C’est pas à moi qu’il faut demander, ma puce. C’est à Moira » l’encourage-t-il dans un sourire. Elle descend de ses genoux pour s’approcher de Moira, avec timidité. Mais détermination. « Celle-là elle sonne bizarre... Pas comme les autres » Il pourrait rire de l’air contrarié d’Amance s’il n’avait pas peur de la vexer. « Tu avais raison... Elle a une oreille formidable... Cette corde-là, c'est un mi. Normalement. Elle est trop basse, mais regarde... C'est mieux comme ça, non ? » Il a calé ses coudes sur ses genoux, joint ses mains pour y poser son menton, attentif non plus à ce que peut dire Moira, mais à la dynamique qui se crée entre elle et Amance. Sans savoir si c’est l’expérience, l’instinct ou les conséquences de sa mutation qui peut voir les différentes alchimies possibles entre les personnes selon leur façon d’être et de ressentir, Aaron ne se trompe que rarement lorsqu’il s’agit d’humain. Et là, il a comme l’impression qu’il a une nouvelle fois vu juste en pensant immédiatement à Amance lorsque Moira est arrivée dans son bureau, un peu plus tôt.
Le problème, c’est que s’il ne se trompe que rarement sur le plan de l’humain, Aaron a encore quelques progrès à faire du côté des timings, comme le prouvent quelques coups à la porte, qui ne tarde pas à s’ouvrir sur la cuisinière. « Monsieur ? Le dîner va être prêt... » Arf… Une moue dépitée et surtout désolée trace son chemin sur son visage. Il se lève, se passant une main dans les cheveux. « Merci Sophie. Est-ce que tu peux aller voir Sofiane qu’il batte le rappel des troupes ? Oh… » Il faudrait qu’il cesse de penser, parfois, sans quoi il est voué à peupler toujours plus ses prises de parole de oh lorsqu’il se souvient soudainement de quelque chose. « Est-ce que l’on pourra se voir, après manger, à propos de l’aide, là, que vous m’avez réclamé ? » Le regard que lui lance Sophie est éloquent : ce n’est peut être pas le moment de parler de ça, parce qu’il a encore une invitée dans la pièce, et une invitée qu’il ne doit pas ignorer non plus. « Enfin oui, on verra après. Merci Sophie. Amance, je suis désolé ma puce, mais Moira reviendra te parler de tout ça bientôt… si tu en as envie, bien sûr ! » Elle n’a pas besoin de répondre, la petite, le sourire qui remplace sa déception parle pour elle et elle file entre leurs jambes pour suivre Sophie en direction du réfectoire. Il est un peu mal à l’aise, Aaron, laissé seul avec Moira. « Je suis désolé, je n’avais pas vu l’heure, c’était peut être pas le meilleur moment pour vous présenter l’une à l’autre… Tu en penses quoi, du coup ? Elle a une bonne oreille et j’ai l’impression qu’elle était déjà captivée… elle est mignonne, non ? Pas très bavarde, en général, là, elle était vraiment à son aise. Tu as quelque chose avec les enfants, c’est indéniable. Et… » Et peut être parle-t-il trop ? Sûrement. « Je ne vais pas trop pouvoir m’attarder, c’est important que je sois là pour le dîner. » Plus important que d’être avec sa propre fille ? « Dans tous les cas, je suis vraiment heureux, très heureux de t’avoir revue. Passe quand tu veux. Si tu as besoin de souffler, de parler… souviens-toi que tu es humaine, et que c’est normal d’avoir besoin de… de souffler tout simplement. » Des conseils qu’il devrait parfois appliquer à lui-même. Il a un pli soucieux sur le front lorsqu’il rajoute un « Ca va aller ? » dans une inquiétude sincère.
Sujet: Re: Aaron | For the first time in forever Mer 28 Sep 2016 - 22:04
Første gang på lenge
Moira & Aaron
A mesure qu'Aaron m'expliquait la dure réalité de la vie à l'orphelinat, je sentais une colère sourde enfler en moi. C'était injuste ! Pourquoi les enfants devaient-ils être présentés comme des bêtes de foires à des parents qui les choisiraient pour un critère physique ou leur âge ? Qui était-on pour choisir le petit qui aurait les yeux bleus par simple préférence esthétique ? Pourquoi les plus vieux devaient-ils dire adieu à leurs chances d'être adoptés ? J'avais l'impression de me revoir dans le refuge pour animaux où j'avais adopté mes chats : « je veux un chaton, ils sont plus mignon ! Je ne veux pas de celui-ci, il boite ! » Je trouvais cela écœurant pour les animaux et purement révoltant chez les humains. Des enfants abandonnés à leur sort, sans repaire, qui parfois n'avaient pas eu la chance de connaître leurs parents... ils avaient besoin de stabilité et d'affection, pas de jugement de ce genre. La société entière me révoltait, et j'avais parfois l'impression de hurler sans pour autant réussir à me faire entendre.
« C'est injuste... Les enfants devraient avoir la même chance... Je ne comprends pas pourquoi un enfant de six ou sept ans aurait moins besoin d'une famille qu'un tout petit... »
Et cette affirmation fut d'autant plus appuyée qu'Amance était un véritable petit ange tombé du ciel. Une petite fille aux boucles brunes et aux grands yeux gris pétillant d'une curiosité enfantine absolument adorable. Ça me brisait le cœur de me dire que la pauvre enfant avait vu sa vie basculer du jour au lendemain avec la mort de ses parents. Et malgré tout ce qu'elle avait dû traverser, malgré la timidité, la méfiance et le malaise, elle était attentive à ce que je faisais, lorsque je sortis mon violon de son étui. Elle avait l'oreille tendue, lorsque je commençais à jouer quelques notes, retenant à grand peine une grimace à cause de cette fichue corde de mi mal accordée. Un sourire fendit mon visage, et la mélancolie laissa place à une joie franche. Elle avait véritablement un don, une oreille remarquable qu'il aurait été dommage de ne pas travailler !
Oreille que je lui aurait volontiers fais travailler, si l'heure n'avait pas été aussi avancée. A vrai dire, je n'avais pas vu les minutes défiler et m'étonnais moi-même que ce soit déjà l'heure du repas ! Maintenant que j'y pensais, je commençais à avoir faim... Pendant qu'Aaron était occupé à discuter avec la cuisinière, je sortis un petit cube de colophane qui sembla fasciner Amance et le lui tendit. Je lui montrais alors comment le frotter sur l'archet, sans quoi il n'aurait pas produit le moindre son sur les cordes. Elle me demanda aussi à quoi servait le support que je posais entre mon épaule l'instrument, mais Aaron nous interrompit avant que j'ai le temps de répondre. Sans demander son reste, la fillette nous gratifia d'un large sourire et se précipita vers le réfectoire. Après avoir rangé mes affaires, je me levais et posais gentiment la main sur le bras d'Aaron.
« Ne t'inquiète pas, je ne l'avais pas vu non plus... A vrai dire, je ne compte pas mes heures, quand je viens ici. »
Mais voilà qu'il parlait, parlait, parlait... Sans me laisser le temps de répondre à ses questions. J'éclatais de rire et et penchais la tête sur le côté.
« Elle est adorable, vraiment ! Et je pense qu'il y a là un talent en devenir... Du moins elle en a l'oreille. Le violon est un instrument ingrat, qui nécessite énormément de rigueur et de finesse d'oreille, je pense que si elle y met du sien, elle n'aura aucune difficulté à progresser. Et... Il faut dire que nous avons grandit un peu seuls, mon frère et moi, alors j'ai appris très jeune à m'occuper de lui, j'imagine que ça doit aider... »
Un sourire mélancolique se peignit sur mes lèvres. J'adorais les enfants, leur innocence, leur spontanéité, leur maladresse et leur vitalité. Ils avaient cette fraîcheur que les adultes perdaient en grandissant, je m'en sentais parfois plus proche que des gens de mon âge.
« Je suis ravie de t'avoir revu, moi aussi ! Et je... Merci, Aaron. Pour être honnête, je ne sais pas si parler changerait grand chose, pour le moment je... Je dirais que je n'ai pas les mots pour exprimer tout ça. »
Une bien triste réalité dont je me serais passée, étrangement... Me forçant à sourire avec plus de franchise et de joie, je lâchais quelques mots de plus qui ne parvinrent même pas à me convaincre.
« Tout va très bien, comme toujours ! »
Une bise échangée, un au revoir, un signe de la main, et je me retrouvais dehors, pianotant sur mon téléphone pour appeler un taxi et rentrer chez moi. A peine avais-je quitté les lieux que je me sentais soudain envie d'une mélancolie et d'une tristesse que je supportaient de moins en moins. Probablement une fin de journée qui avait un goût amer, de moment de complicité avorté... N'ayant pas connaissance de la nature d'Aaron, j'ignorais que c'était en réalité sa présence et sa mutation qui m'avaient aidé à remonter à la surface pour la première fois en quatre mois... Même si ce moment n'avait dure que quelques heures, c'était une véritable bouffée d'air frais, et je sentais déjà l'oxygèe me manquer à nouveau.