-clyde & owen-

Are you gonna arrest me again?

Son service était terminé, enfin. Owen était libéré et surtout libre de s’arrêter dans un bar pour laisser le champ libre à sa si charmante personnalité. Non pas qu’il se retenait vraiment beaucoup durant son travail mais, il était tout de même moins désagréable, sauf avec certaines personnes. Non, en vérité, Owen était égal à lui-même en toutes circonstances. Rares étaient les gens avec qui il était réellement aimable et agréable, aussi rare que le nombre de gens proche de lui. Il était un solitaire, un célibataire endurci à la réputation d’ours mal léché que ce soit à New-York ou dans ce trou paumé. Le fait de ne pas être apprécié n’étant pas une nouveauté, il ne prit même pas la peine de s’arrêter pour jauger des regards. Il s’installa d’ailleurs tranquillement avant qu’on ne le dérange. Il haussa un sourcil, perplexe avant de remettre le nom et le visage ensemble. Quand il n’était pas en service, il se foutait bien de savoir à qui il avait à faire. Il n’était pas vraiment un flic jusqu’au bout des ongles ou du moins, pas pour tout. L’ordre, la loi et ce genre de conneries, très peu pour lui. Son truc à lui, c’était les vrais problèmes dont la justice n’avait souvent rien à foutre parce qu’il y avait pire, une couleur de peau mal vue ou du fric en jeu. La justice n’était pas si aveugle que ça et elle n’était certainement pas impartiale. Bref, si Clyde Sutherland voulait se bourrer la gueule et rentrer chez lui à quatre pattes, qu’il le fasse, ça n’était pas de son ressort de soir, ce serait peut-être même lui qu’on arrêterait en état d’ébriété, pour ce qu’il en savait.

- « Z’êtes pas le centre de l’univers Sutherland. Bourrez-vous la gueule si ça vous chante, j’suis pas en service et je suis là pour boire moi aussi. Si ça vous pose un problème, j’peux toujours appeler un collègue pour qu’il vous coffre, il y a sûrement un article de loi qui me permettrait d’vous mettre au trou jusqu’à demain et sans preuves. »

Ce qu’il ne ferait évidemment pas même si avec certaines espèces de la population, il n’hésiterait pas un seul instant. La justice, il la rendait sans l’avis de qui que ce soit. Si ça lui permettait de donner une leçon à certains, il ne s’en privait pas le moins du monde. Pour lui, Sutherland n’était qu’un dommage collatéral, la victime d’un système grippé, pas une menace. Tant qu’il ne prenait pas le volant en tout cas. Tant qu’à être plein comme une outre, autant qu’il le soit sans risquer de tuer personne. Voilà pourquoi il buvait près de chez lui, ça facilitait les choses pour rentrer quand il ne marchait plus très droit. Il finissait toujours par retrouver son immeuble et le trou de la serrure. La proximité avait du bon dans ce genre de cas et en lus, il était proche du travail, ce qui ne gâchait rien.

- « Faut que j’vous fasse une promesse écrite ou bien vous allez arrêtez de vociférer et me laisser picoler tranquille ? J’suis même disposer à vous payer un verre si vous la bouclez. Voyez l’étendue de ma générosité. »

Une attitude qui n’avait rien de professionnelle mais, encore une fois, il n’était pas en service et il se foutait donc pas mal de savoir que Sutherland allait rouler sous la table ce soir. Quant aux restes, il ne pouvait pas tout savoir. Il avait vu en vitesse que sa femme avait été tuée et que le dossier restait en rade mais, sans plus. Il ne s’était pas attardé là-dessus. Non seulement ça ne concernait pas l’ébriété sur la voie publique mais en plus, on ouvre pas un dossier qui appartient à quelqu’un pour le plaisir de foutre son nez dans des histoires qui ne regardaient que les concernés et il ne l’était pas, justement, concerné.

-clyde & owen-

Are you gonna arrest me again?

Comme si Owen allait véritablement s’emmerder à appeler le poste alors qu’il n’était pas en service ? Et puis quoi encore ? Il avait autre chose à foutre, comme par exemple boire, manger aussi un peu plus tard et puis roupiller du sommeil du bien heureux -façon de parler. Même la promesse écrite d’ailleurs, Sutherland pouvait se la carrer au cul. Il n’était pas le genre à faire des promesses qu’il ne tiendrait pas et en vérité, si le prof lui cassait un peu trop les couilles, il était bien capable de l’encastrer quitte à finir lui-même en cellule pour la nuit, ce serait ni la première, ni la dernière. Quoi qu’à Radcliff, peut-être bien si. Il avait quand même vaguement fait profil bas jusqu’à maintenant et puis avec le couvre feu et les hunters, c’était pas comme si il avait vraiment eu l’occasion de faire ce qu’il était en train de faire.
Pas plus emmerdé que ça par la tirade pessimiste de son voisin de bar, il commanda pour lui et laissa l’emmerdeur de service commander à son tour. Il ne croyait plus en la justice, en la capacité des flics ? Bien, lui non plus, ça tombait bien. Si Sutherland pensait qu’il allait défendre la cause, il se mettait le doigts dans l’oeil bien profond. Aussi, il haussa les épaules.

- « Qu’est-ce que vous voulez que j’vous dise ? Que j’vous file mon épaule pour chialer ? C’est pas le bureau des pleurs, ni celui des réclamations. La belle affaire que vous ayez pas confiance, qu’est-ce que vous voulez que ça me foute ? »

C’était peut-être pas vraiment le genre de choses qui donnait une bonne image des flics mais, après tout, dans cette ville, l’image de la police, on avait fait mieux. Puis, franchement, il était fatigué par ces conneries, il en avait déjà vu pas mal et à trente-sept ans, il en avait déjà marre alors qu’il n’était flic que depuis douze ans ou un peu moins si on comptait pas l’académie en version express. Le gars avait des raisons de chier sur les flics ? Triste pour lui mais, Owen ne se mettrait certainement pas la rate au court bouillon pour ça. Il avait d’autres occasions de le faire.
D’un regard de travers, il l’observa. Pourquoi il portait le badge ? Putain... comme s’il avait envie d’en parler. Mais soit. Pourquoi pas. C’était pas comme si l’information pouvait être utilisée contre lui. Quand à ce qu’il faisait chez les flics, ça par contre, il avait pas tout à fait le droit d’en parler donc, pour l’honnêteté, il repasserait. Il ferait de son mieux pour être proche de la vérité.

- « J’vais commencer par la fin. Ça m’apporte rien, ça fait partie de mon job ici alors j’le fais, c’est tout. Si vous faites chier les gens autour, j’vous coffre, vous décuvez, fin de l’histoire. J’porte le badge parce que des tarés fanatiques ont planté des avions en plein New York et que des gens sont morts et que dans ces morts, y avait mes parents. J’porte le badge parce que ma frangine avait déjà perdu ses parents et qu’elle s’est tirée parce qu’elle supportait pas d’avoir perdu ses parents une fois de plus. » Il alluma une cigarette sur laquelle il tira comme si c’était une bouée de sauvetage. « Tout ça pour dire que votre plus important ailleurs, carrez-vous le profondément dans le cul jusqu’à en chialer. J’suis au courant, avant d’atterrir dans ce trou, j’bossais ailleurs. J’essayais d’éviter que la merde inonde les rues, j’foutais des salopards en tôle et j’étais ravi ! Maintenant, j’joue à chat avec un tier de la population de la ville et j’essaie d’éviter que l’autre tier se fasse buter. Si j’fous des gens comme vous en dégrisement, c’pas par plaisir Sutherland, c’est pour vous éviter de blesser quelqu’un ou d’vous attirer plus d’emmerdes. Vot’ discours du : y a plus important à faire, bouffez-le et tapez-vous une indigestion avec. Fermez votre gueule et picolez. J’en ferai autant. »

S’il était en colère ? On pouvait dire ça. Il avait tout plaqué pour sa sœur. Il n’était pas en colère contre elle mais bien contre tous ces cons qui prétendaient tout mieux savoir que les autres sur la réalité du boulot. Ça jugeait à tout va sans savoir rien du passif du flic en face d’eux et puis ça s’étonnait de voir que derrière le badge, y avait un être humain avec des emmerdes et un passif.

- « Une autre question ? »

-clyde & owen-

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Contractant la mâchoire, s’énervant progressivement, Owen jeta au Sutherland un regard des plus équivoque. Il en avait ras le cul d’entendre ce genre de discours de merde, ras le cul de prendre dans la gueule pour des connards de flics réellement corrompus qui n’avaient jamais fait leur boulot. Il inspira profondément, agrippant le comptoir pour éviter d’en coller une à ce type qu’il ne pouvait déjà plus sentir alors qu’il avait posé son cul depuis à peine quelques minutes. Il avait écouté ce qu’il lui avait dit ou bien il avait pissé dans un violon ? Il fit craquer sa nuque, inspirant encore une fois. Il avait tout intérêt à rester zen. Il finit par laisser tomber et le saisir par le col de chemise, se tenant excessivement près du visage du prof.

- « Alors écoute-moi bien monsieur le citoyen modèle. Ton coup de gueule contre la police du coin, tu vas le pousser auprès de quelqu’un d’autre. J’suis là depuis quelques semaines seulement et j’nage dans la merde. » Il le rapprocha encore de lui, collant presque sa bouche à son oreille. « J’sais pas ce que la police du coin a fait ou pas fait mais viens pas me casser les couilles parce que t’as une sale expérience, t’es pas le seul mon vieux. Mieux, essaie d’imaginer à quoi ça ressemble de se faire muter d’un job qu’on connait, qu’on sait faire, où on sait que ce qu’on fait sauvera des vies, des dizaines voire des centaines même si on risque sa peau en permanence, dans un poste pourri quand le maire du moment à déployer une brigade pour buter les gens comme toi. »

Il le relâcha sans aucune douceur, le repoussant au passage. Si en plus il voulait se la jouer maître zen, ils n’avaient pas fini de se foutre en rogne.

- « Et toi, on t’a jamais appris à foutre la paix aux gens ? » Plus de vous et quoi que ce soit de ce genre depuis un moment mais ça commençait à le faire enrager. « Tu m’emmerdes, tu m’reproches de pas faire mon job, tu r’mets en cause mon engagement sans rien savoir et j’dois le prendre bien ? Tout ça parce que j’t’ai arrêté pour trouble à l’ordre public ? Et tu m’demandes de me détendre et de respirer ? »

Avec une rage certaine, il grogna presque. Tout le monde avait vu tomber ces putains de tours, tout le monde. Ça n’aidait pas pour autant à faire comprendre ceux qui n’y avaient perdu personne ce que l’on pouvait ressentir. D’autres gens avaient perdu des proches dans d’autres circonstances mais ça n’avait rien avoir. La situation, l’horreur de ce qui était arrivé…

- « J’ai pas besoin de votre compassion. »

Ce qui était on ne peut plus vrai. Au moins, il était repassé à un mode de communication dit poli. Owen n’avait rien contre Sutherland en particulier. Il en avait juste marre qu’on lui chie impunément sur la gueule en pensant que ça passerait parce qu’un flic avait une image particulière dans l’esprit des gens. Sauf qu’Owen n’était pas le flic qu’on voyait patrouiller en uniforme, il n’était pas le flic qu’on envoyait normalement coller des procès, ou faire des patrouilles. S’il faisait les deux derniers points, c’était à cause des affaires internes qui continuaient à le faire chier. Il était un flic de terrain, il n’était pas taillé pour avoir ce genre de patience, il n’avait pas été formé pour ça. Il avait été formé pour vivre sous d’autres identités, passer pour un coupable et un criminel. Espérer qu’il s’adapte à un boulot de flic standard sans problème, c’était s’imaginer avoir vu la vierge. Dans la conscience populaire, il n’y avait qu’un type de flic et il ne collait pas du tout à ce profil, en aucun point.

- « Vous voulez toujours boire ou vous allez continuer à me faire chier indéfiniment jusqu’à ce que je change de bar ? »

Franchement, il n’avait aucune envie de se retrouver un bar, c’était près de chez lui et il n’avait pas besoin de s’en faire pour rentrer, même ivre mort. Il avait tellement fait le trajet qu’il pouvait rentrer même dans un brouillard très épais et ouvrir sa porte pour s’étaler sur son lit et récupérer avant d’aller bosser. Des années à la DEA, ça aidait à développer des aptitudes insoupçonnées.