C'est quand on découvre un proche mourir que l'on se souvient des souvenirs insignifiants. C'est lorsque j'entends un appel, que je m'attends au pire. Je déboule dans le hall de l'hôpital, la peur au ventre et les yeux globuleux. Je me jette sur le comptoir de l'accueil, harcèle la réceptionniste qui ne comprend rien à mes mots affolés, mais elle entendit juste et m'indiqua les urgences. Je cours. Les portes mettent un temps fou à s'ouvrir devant moi. Je les pousse, comme si cela aide. Je déboule, je trébuche mais me rattrape. Je le vois, le premier brancard. Inanimé. Mes larmes montent aux joues et j'ai du mal à respirer. Je cours le rejoindre mais on m’intercepte. J'insulte. Je maudis le corps médical, comme si c'était de leur faute. Je m’effondre, dans les bras de cette infirmière inconnue.

C'est alors, dans le noir de mes larmes qui inondent mes pupilles, que je me souviens de notre dernière rencontre. La maison est propre, elle sent la vanille, un parfum que j’apprécie. Je sors de la cuisine, un tablier sur la taille. Il rentre du travail, une serviette en cuir dans la main. Je m'essuie les mains farineuses sur ce tablier et lui souris quand il déchausse ses pieds. Je m'appuie contre l'arche de l'entrée, le fixant d'un regard tendre et aimant. « Bienvenue à la maison, mon cher mari. » Je me marre de ma phrase, digne des femmes aux foyer des années 40. Il lève son visage sur le mien et hausse un sourcil avant d'en rire aussi. Je le laisse passer l'arche pour qu'il dépose son manteau sur le crochet approprié. « Comment c'était ? Le boulot. » Je ronronne presque en venant nouer mes bras autour de son cou. Plus petite que lui, j'aime lever mon menton pour regarder ses iris. « Physique, comme d'habitude. » Je fais une grimace avant de répondre d'un air plus coquin : « Tu veux un massage ? » Il rigole et m'embrasse d'un chaste baiser sur les lèvres. Alors que j'allais intensifier cela, son téléphone retentit et en regardant l'appelant, il s'éloigne de moi doucement. Il s'isole et je reste, là, complètement dans le silence et l'ombre de mon mari. Il raccroche au bout de quelques secondes. Son regard est noir, énervé, sûrement par l'appel. « Ca va pas ? » Il secoue la tête en remettant son blouson sur le dos. « On me demande encore. » Je grimace. Mon mari travaille comme représentant en assurances, et je ne comprend pas pourquoi on e demande autant après les heures de boulot. « Tu rentreras pour dîner ? » Il opine et embrasse mon front avant de reprendre sa route vers l'extérieur.

Le voici, maintenant, allongé sur un brancard, blanc comme un linge, inanimé. Sa blessure m'est inconnue mais la police est présente et j'entends des bribes de conversations dans ma douleur. Un mutant en est la cause. Un mutant a tué ce qui m'étais cher en ce monde.