ELIZABETHTOWN. RAEKEN MANSION. 11 Y.O. L'odeur de fumée la tirait lentement des bras de Morphée. La gamine ne comprenait pas trop ce qui était en train de se passer mais son rêve de jolis licornes se transformait lentement en cauchemar. Des flammes, des bruits d'explosion, des cris. L'enfant qui adorait jouer de rêves éveillés finit par ouvrir les yeux pour comprendre que c'était bien la réalité. Sa chambre était remplie de fumée noire, des flammes léchaient sa porte. Elle attendait son père hurler son prénom dans un lointain brouillard de bruits qui couvraient sa voix.

" Papa ? Papa ! "

L'enfant sauta hors du lit mais perdit pied. Sa tête tournait, elle ne comprenait pas trop quoi faire. La réalité n'arrivait pas à faire son chemin jusqu'à son cerveau embrumé par les effluves toxiques de la fumée. Elle se sentait suffoquer mais dans un dernier éclair de survie, elle jeta un coup d'oeil à la fenêtre. Fenêtre qui avait éclaté par la pression des flammes et par laquelle et se jeta sans hésitation, s'écorcha les pieds nus sur le verre. Ses petits os d'enfants craquèrent lorsqu'elle atterrit sur le sol froid mais déjà, elle s'élançait vers la forêt pour s'éloigner de la demeure en flammes qui lui faisait mal au coeur juste à regarder. Elle courait, courait toujours jusqu'à ce qu'elle s'effondre... vidée d'énergie, l'esprit trop confus pour continuer. Au loin, elle distinguait des cris toujours. Elle ne le réalisait pas mais à travers les cris, des coups de feu et bientôt, le silence le plus total...

Quand elle ouvrit les yeux, elle était dans un lit d'hôpital, ses grands-parents à ses côtés. Trop jeune, la fillette ne comprenait pas pourquoi ce n'était pas son père - ou sa mère - qu'elle voyait en ouvrant les yeux. Et elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait dans un hôpital jusqu'à ce que la douleur de ses chevilles ne la rappelle à la réalité. Elle gémit de douleur en essayant de bouger pour constater qu'elle était couverte de brûlures. Son grand-père remarqua tout de suite qu'elle se réveillait et s'approcha du lit. Son regard posé sur elle, la petite Lilith comprit qu'elle devait avoir une pitoyable mine et déjà, elle faisait disparaître les brûlures visibles sur ses bras pour ne pas inquiéter le vieil homme.

" Je n'ai rien, Papy. Regarde, je suis comme une poupée toute neuve. "

Ce dernier sembla soudain paniqué et d'une voix basse, intima l'enfant à retrouver son apparence normale et de cesser de jouer avec les rêves. La petite blonde ne comprenait pas ce qu'elle avait fait de mal et relâcha tout de suite l'illusion de cette peau impeccable pour voir réapparaître les stigmates des brûlures sur sa peau.

" Les gens normaux ne soignent pas en quelques nuits, ma chouette. Puis, c'est pas parce qu'on ne les voient plus qu'elles ne vont pas te faire mal. Tu ne dois plus utiliser ton pouvoir, tu m'entends. "

La jeune fille hocha la tête avec obéissance avant de réaliser une chose...

" Où est papa ? "

FRANCE. PARIS. 45 Y.O. Maintenant, elle avait tout perdu. D'abord sa famille dans les flammes, et maintenant Alec. Son tendre gamin qui n'avait eu de cesse de couvrir maladivement. Son mari, elle s'en fichait, c'était elle qui avait fait tomber l'échafaud à son cou. D'une consigne et il était mort. Elle n'avait jamais cru que cela entraînerait son fils aussi. Elle se rappelait encore le jour de sa naissance. Ses pleurs qu'elle s'était jurée d'apaiser pour le reste de sa vie. Maintenant, elle ne l’endenterait plus. Jamais. Rire comme pleurer. Même avec ce statut de morte qui lui collait à la peau, elle avait pris le soin de veiller sur lui à distance. Aller manger au même café que lui le matin, déguisée. L'illusion d'une charmante vieille dame aux airs sereins. Parfois, elle le saluait seulement pour entendre sa voix, alors même qu'il ignorait qui se cachait vraiment derrière ses rides. Maintenant, elle était loin de l'Amérique, loin de sa terre natale. En exil, veuve et mère éplorée. Qu'avait-elle fait pour mériter ce sort. Quelques prières et regards vers le ciel n'avaient pas suffit à comprendre. Même si les années s'écoulaient, il ne se passait pas un matin sans qu'elle n'essaie de se remémorer les sourires moqueurs de son fils alors que dans son ombre se profilait le danger d'un père aux associations douteuses. Elle n'avait jamais eu l'occasion de savoir quel était ce pouvoir qu'il portait, s'il était même mutant. Mais elle en était convaincue et elle avait eu raison de faire assassiner son mari. Cela n'aurait été qu'une question de temps et Lilith n'allait certainement pas laisser quoi que ce soit arriver à Alec. Alec. Elle jeta un coup d'oeil à son porte-feuille, la photo du jeune homme, encore adolescent qu'elle toujours dans une poche. Ce qu'elle donnerait pour le voir une dernière fois. Le regard rivé sur la petite photo, son verre d'alcool à la main, elle releva la tête quand elle sentit un homme s'asseoir à ses côtés.

" Votre fils ? Il a de la chance d'avoir une beauté comme vous pour mère. "

Sourire enjôleur, dents d'un blanc qui donnait mal aux yeux, Lilith s'étouffa presque à sa réplique tout droit sortie d'un livre de drague ou elle ne savait pas quoi. D'un soupir de dégoût, elle se leva sans même rien ajouter à cela, le regard exaspéré qu'elle lui lançait suffit à passer le message. Ouais, son fils. Le seul homme dans sa vie, et même mort, cet inconnu pouvait bien rêver s'il croyait s'infiltrer d'une quelconque manière entre ses draps ou le remplacer un jour. Enchaînée au passé, elle n'avait certainement pas besoin d'un homme pour la consoler. De personne en fait. Elle avala son verre d'un trait et le posa sur le bar avant de quitter l'endroit et retourner à son appartement. Seule. Comme toujours. Elle s'installa dans son lit, et avant de fermer la lumière, elle lança dans une murmure destiné à elle-même.

" Bon anniversaire, Alec. " Son coeur se serra avant de s'endormir. Il aurait vingt-quatre ans aujourd'hui...

RADCLIFF. INSURGENCY BASE. 55 Y.O. Il était dans cette cellule. Là, juste sous son nez. La dame faisait les cents pas... du moins mentalement car de l'extérieur, elle ne montrait aucunement le malaise qui la rongeait. Que ce serait-il passé si elle n'avait pas eu raison de le croire mutant. Alec. Son fils. Mutant qui se régénère... et Chasseur. Cette simple idée faisait vibrer son corps entier d'une rage sourde. Comment les chemins avaient-ils pu les séparer ainsi ? comment en étaient-ils arrivés là ? Sans ce pouvoir qu'elle lui avait transmis, ceux qu'elle appelait alliés l'aurait tué car il faisait partie de ceux qu'elle s'acharnait maintenant à combattre. Elle l'avait vu. Les images de la fête foraine ancrées dans ses rétines comme un parasite. Dix ans plus tôt, elle se serait déjà jetée sur son fils pour le serrer contre son coeur, remercier ce tendre Dieu qui lui avait permis de le retrouver sain et sauf. Maintenant, elle n'était plus certaine de rien. Hésitante, ce qu'elle n'avait jamais été avant.

Jamais elle n'aurait imaginé son fils en vie et maintenant, elle était déchirée de voir ce qu'il était devenu sans elle. Sans elle pour le guider. Des membres d'Insurgency passaient à quelques intervalles. Ils jetaient un coup d'oeil à la cellule de ce monstrueux Lynch qu'ils ne pouvaient que blesser sans jamais tuer et repartaient en lançant quelques insultes en l'air. La mère serrait les dents et prenait son mal en patience. Comment procéder ? Il était hors de question qu'elle le laisse moisir entre ses barreaux. Pas après tout ce qu'elle avait fait pour le protéger des Chasseurs, de son propre père. De tous ceux qui pourraient un jour lui vouloir du mal. Maintenant il faisait partie de l'ennemi. C'était ce que tous les autres autour d'elle disait mais ça ne changeait rien à cet instinct de mère qui n'était jamais mort avec elle. Du moins, avec la mascarade de sa mort. Elle retournait sans arrêt ses pensées quand la nouvelle tomba. Il avait disparu. Il n'était plus dans sa cellule ! Lilith avait accouru pour constater qu'en effet, Alec n'était plus là. Il s'était enfui ? Impossible, la Raeken en était convaincue, même lui n'était pas assez débrouillard pour s'en tirer aussi facilement. Pas avec tous les précautions que le groupe prenait. Mais alors que tout le monde autour d'elle rageait, un soulagement la submergeait. De courte durée car elle savait une chose. Elle allait devoir le confronter. Maintenant qu'elle le savait vivant, elle ne laisserait pas s'enfoncer davantage dans cette vie qu'il avait adopté sans elle.