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 the world at large ♣ (noeh&mel)

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MessageSujet: the world at large ♣ (noeh&mel)   the world at large ♣ (noeh&mel) Icon_minitimeJeu 7 Jan 2016 - 8:19

The World at Large
I like songs about drifters - books about the same. They both seem to make me feel a little less insane. Walked on off to another spot. I still haven't gotten anywhere that I want. Did I want love? Did I need to know? Why does it always feel like I'm caught in an undertow?  I know that starting over is not what life's about. But my thoughts were so loud I couldn't hear my mouth. My thoughts were so loud I couldn't hear my mouth. My thoughts were so loud.
Pour une nouvelle fois, tu sortais de ton rendez-vous avec le Dr. Drake. Pour une nouvelle fois, tu ne pouvais t’empêcher de penser que tu n’avais pas progressé. Que ces rencontres étaient inutiles, qu’elles te faisaient perdre ton temps. Qu’il y avait une meilleure façon d’atteindre ton but. Pourtant, tu savais que tu ne pouvais pas y arriver seule. Tu avais essayé de le faire, durant plusieurs mois, et le résultat était si malheureux qu’il ne méritait même pas d’être mentionné. Tu n’étais pas assez forte pour renouer avec ton fils sans aide. Cela était devenu pour toi une évidence que tu n’avais jamais voulu affirmer à voix haute, car cela te demanderait de réclamer de l’aide. Tu avais toujours tenté d’étouffer cette évidence à quelque part, loin de tes propres pensées, loin des perceptions des autres. Finalement, tu avais fini par t’écouter, tu avais marché sur ta fierté et tu avais oublié ton égo pour demander de l’aide. Tu avais renié cette aide, autant que tu le pouvais, mais le problème lorsque l’on implique quelqu’un dans ses problèmes, que l’on permet à quelqu’un d’entrer dans nos pensées et de nous comprendre un peu mieux, c’est qu’il est impossible de revenir en arrière. Le mal était fait. Tu pouvais repousser ton psychiatre autant que tu le voulais, tu pouvais t’enfermer dans ton silence, dans ton déni, dans ta culpabilité, mais il finirait toujours par trouver un moyen de te faire parler. Il finirait toujours par t’atteindre, soit parce que c’était son travail et que tu le payais pour qu’il s’immisce dans les tréfonds de tes pensées, mais aussi parce que c’était un homme altruiste qui ne pouvait pas s’empêcher de tenter de sauver le monde.

Tu ne pouvais pas être sauvée. Ton âme n’avait plus de rédemption possible et tes erreurs te rattrapaient toutes une par une. Et pourtant te voilà, tous les lundis, au bureau de ton psychiatre, à tenter de trouver les mots pour que ton fils puisse te pardonner. Tu te tenais devant cet homme que tu apprenais à connaître au fil des sessions, mais qui t’étais encore bien nébuleux, et tu te dénudais de la façon la plus intime qui soit. Tu lui ouvrais ton monde personnel, tes doutes, tes peurs, tu lui partageais la culpabilité qui te rongeait. Tu te trouvais pathétique et faible rien qu’à y penser, mais cet exercice était probablement le plus dur qu’il ne t’a jamais été donné d’effectuer. Oh, tu avais poussé ton corps au-delà des limites permises. Tu avais oublié la morale, l’éthique, le bien et le mal. Tu avais tué, tant et plus, sans remords. Tu avais perdu ton premier et seul amour, et tu avais senti la rage et la haine te consumer. Tes convictions avaient volé en éclats, tu es devenue une personne à part. Mais toutes ces émotions, tu les avais vécues dans une bulle que tu n’avais jamais ouverte à personne. Ta bulle. Ton espace personnel qui t’appartenait. Tu avais permis à Alexander d’y jeter un coup d’œil, mais même lui ne pouvait savoir l’étendue de tes pensées, et de tes problèmes. Même toi, parfois, tu l’ignorais, et cette thérapie que tu t’infligeais te permettait d’entrevoir des parties de toi dont tu ignorais l’existence. Peut-être était-ce pour le mieux. Personne ne tient à voir plus de Melissa Callahan, et tu ne pouvais que n’être d’accord avec cette conclusion.

Tu t’arrêtes à l’angle du corridor pour te servir un café insipide. Tu regardes le liquide clairement dilué s’écouler dans ton verre de carton, et tu soupires. Que fais-tu vraiment ici ? Tu n’as jamais cru en la thérapie. Parler de ses sentiments, parler tout court, voilà une drôle de façon de régler des problèmes. Tu étais de celles qui agissait. Alors pourquoi est-ce que tout était différent avec Noeh ? Tu n’avais pas pu agir. Tu n’avais pas pu aller le voir. Tu n’avais pu qu’y penser, très fort, sans que tes jambes t’obéissent. La peur t’avait clouée au sol les premières semaines, et puis la culpabilité, qui menaçait de t’étouffer. Pourquoi n’avais-tu pas pu suivre Alexander, la première journée qu’il était allé visité votre fils à son chevet ? Pourquoi avais-tu dû mentir, et dire que tu viendrais le lendemain ? Et pourquoi diable ne t’étais-tu pas pointée alors ? Peut-être était-ce pour cela que tu avais désespérément besoin du Dr. Drake, peut-être était-ce pour répondre à ces questions, pour que lorsque tu affronterais enfin ton fils, tu aurais des réponses à lui fournir. Tu avais tellement imaginé cette première rencontre qu’elle te paraissait désormais irréelle. Tu avais imaginé tant de scénarios, de la réconciliation à la pire des souffrances. Tu avais pensé à tout, du lieu à ce que tu dirais, de ses réponses à la façon dont il te regarderait. Tu savais que cette première rencontre ne se passerait pas bien, mais tu ne pouvais t’empêcher d’espérer, tu ne pouvais t’empêcher de te dire que les liens du sang finiraient toujours par triompher, et qu’à un certain point, vous réussiriez à atteindre une entente commune, un accord tacite, et qu’à partir de ce moment clé, tout s’arrangerait. Et pourtant, quelque part, tu étais consciente que cela n’était qu’une illusion. Tout ce dont tu pouvais être sûre, c’est que tu n’étais pas prête à le revoir. Pas encore. Le Dr. Drake et toi aviez encore beaucoup de chemin à parcourir avant que tu ne puisses enfin affronter ton regard sans chanceler, que tu puisses lui expliquer ce qu’il voudrait sûrement savoir, que tu agirais comme une mère digne de ce nom et non pas comme la mère que tu as été ces derniers mois.

Lorsque tu te retournes, café insipide en main, il est là.

Ton cœur s’arrête.

Tu ne sais plus comment respirer.

Tes yeux croisent les siens, et l’intensité de son regard te tue à petit feu.
acidbrain


Dernière édition par Melissa Callahan le Lun 18 Jan 2016 - 8:27, édité 1 fois
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Noeh Callahan
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MessageSujet: Re: the world at large ♣ (noeh&mel)   the world at large ♣ (noeh&mel) Icon_minitimeLun 11 Jan 2016 - 0:38

Le jumeau Callahan adresse un dernier sourire amusé à l'infirmier, qui lui lance en retour un « à la prochaine », puis disparaît de son champ de vision au profit de celui du patient suivant. Une nouvelle séance est prévue dans quelques jours ; Noeh espère enfin réussir à passer le cap d'avancer de quelques pas tout seul, sans aucune aide, que ce soit celle d'une béquille ou celle des deux barres parallèles de l'équipement de la salle de rééducation. Il a besoin d'y arriver. Il a besoin de cette victoire qui prouvera à beaucoup qu'il peut passer au-dessus de tout ça, de cet accident et de cette mauvaise rencontre, bien que l'étudiant ait le sentiment que peu de personnes s'y intéressent encore. C'est ce qu'il veut, c'est ce qu'il préconise par son comportement insupportable : que les personnes qui faisaient partie de sa vie avant passent à autre chose, et même l'oublient si elles y arrivent. Même si Noeh les voit poursuivre leurs vies loin de lui, hors de la sienne, le pincement de son cœur ne signifie rien d'autre que le bonheur qu'il éprouve pour elles. Un raisonnement étrange mais qu'il cherche à mettre en avant pour ne plus faire souffrir personne. Ces derniers temps, il réalise d'ailleurs qu'il n'est pas le seul à vouloir faire bouger les choses. Sam la première, en lui avouant (par la force des choses, il faut bien l'avouer) sa mutation. Son père en le contraignant à porter un bracelet qui l'a empêché de penser à autre chose qu'aux mutants. Sa mère en faisant toujours son possible pour ne pas croiser sa route au manoir, ou en ville. Chacun fait trembler une partie de son existence à sa façon, mais au moins ils prouvent qu'ils n'en sont pas totalement absents. Ils « souffrent » de le voir dans cet état mais démontrent également une capacité à ne pas s'effacer pour de bon ; ce sont les seuls qui ont le droit à agir de cette façon. Noeh leur en sera reconnaissant un jour ; il l'espère du moins. Aujourd'hui, c'est encore trop difficile à envisager. Fort d'avoir récupéré sa béquille, l'étudiant prend la direction du pôle psychologie de l'hôpital. Une petite partie des lieux qu'il visite parfois, lorsqu'il se décide à rendre visite au Docteur Drake. Ou plutôt lorsqu'on le harcèle pour qu'il se rende à une énième séance dont il ne comprend pas l'utilité. Noeh a plus le sentiment se stagner que d'évoluer auprès du psychiatre, mais ce dernier prétend voir une différence depuis ses débuts, alors il préfère faire semblant de le croire plutôt que de parlementer durant des heures. Patience n'a jamais été le deuxième prénom de Noeh et ne le sera pour sûr jamais. Au bout d'une dizaine de minutes, l'ancien pianiste s'avance dans le long couloir où, au milieu de ce dernier, se trouve l'accueil. Pour la première fois, il vient annuler un rendez-vous car il a vraiment quelque chose de prévu au même moment. Pas besoin d'inventer une excuse idiote, Noeh se présente aujourd'hui (et c'est exceptionnel) avec quelque chose de concret. En d'autres termes : l'une de ses séances de rééducation a dû être déplacée, pour dans environ deux semaines, malheureusement au même horaire qu'une séance avec le Docteur Drake, alors malgré l'embarra de l'accueil de l'étage au-dessus, Noeh a soutenu qu'il n'y aurait aucun problème avec son psychiatre. Ce dernier peut tout de même comprendre qu'entre parler durant deux heures et travailler sur sa démarche ridicule, le pauvre patient qu'est le cadet Callahan n'a pas besoin de beaucoup de temps pour faire son choix. Aussi a-t-il servi un sourire immense à l'infirmière en charge de caser dans les services de l'hôpital le prochain rendez-vous pour sa rééducation et a-t-il même proposé de se rendre à l'accueil du Docteur Drake pour les prévenir lui-même du changement. Si ça n'est pas une marque de motivation évidente, Noeh ne sait pas ce que c'est. Une fois penché par-dessus le comptoir, l'ancien pianiste explique la raison de sa venue, convient d'un autre rendez-vous avec la charmante secrétaire et lui adresse un petit signe de la main militaire (malgré sa main droite mal fichue) avant de se reculer pour prendre le chemin de la sortie de l'hôpital. Après une heure et demi de rééducation assez éprouvante, tout son corps ne demande qu'une chose : une douche puis s'écrouler sur son lit. Sauf que le jumeau Callahan n'avait pas prévu d'apercevoir sa mère à l'autre bout du couloir une fois son attention détournée de la secrétaire. Noeh a d'abord dans l'idée de se barrer. Il pourrait détourner le regard, faire demi-tour et partir, faire presque genre qu'il ne vient pas d’apercevoir Melissa Callahan à l'autre bout du couloir. Ce serait plus simple. Il ne se sent pas la force de l'affronter aujourd'hui, alors que ça fait des mois qu'il doit s'habituer à son absence. Et c'est d'ailleurs ce que fait le cadet Callahan en premier : il s'appuie sur sa béquille et commence à engager son corps, éprouvé par les efforts physiques qu'il vient de faire, vers le bout de couloir d'où il vient d'arriver.  Tant pis s'il doit faire un détour jusqu'à trouver la prochaine sortie, s'il peut l'éviter en conséquence. Il évite de trop songer à ce que peut ressentir sa mère en le voyant la fuir de façon aussi évidente... puis il réalise qu'il s'en tape. Elle fait pareil. Elle le dénigre, elle se fout de savoir si les choses s'arrangent pour lui ou pas, elle l'oublie. Sa propre mère préfère l'ignorer plutôt que l'aider. Et ce constat fait faire machine-arrière à l'étudiant. Il repasse devant l'accueil du service sans plus adresser le moindre regard à l'hôtesse qui le regarde passer en fronçant les sourcils, et fait résonner le bruit agaçant de sa béquille le long de l'immense couloir jusqu'à ce qu'il puisse enfin se poster devant sa mère. Il la regarde d'en haut, vu qu'il a pris pas mal de centimètres durant l'adolescence, et que depuis il n'a jamais eu de cesse d'en jouer pour la faire râler. Mais aujourd'hui rien sur son visage ne laisse présager qu'il vient en paix aux côtés de sa mère, bien au contraire. « Qu'est-ce que tu fous là ?! », qu'il crache à son encontre. Pas un « bonjour », pas un « comment tu vas depuis la dernière fois ? », ni même aucune marque de sympathie de sa part. Ils donnent l'air de deux étrangers alors qu'ils partagent le même sang. Un air répugné passe sur les traits de l'ancien pianiste. Ce qu'elle peut être agaçante avec son petit air surpris, ses gestes figés ou encore ses réponses inexistantes. Vas-y, réponds maman, j'attends que ça. Mais la moindre réaction tarde et aiguise les nerfs déjà bien trop affûtés de l'étudiant, qui enchaîne sans parvenir à maîtriser sa rancœur. « A boire un café l'air de rien en plus, tu me dégoûtes. » Qu'est-ce qu'elle fiche là, d'ailleurs ? Elle n'a rien à faire ici. Il s'agit de Melissa Callahan, la grande, l'unique, celle qui n'a besoin de personne pour vivre, même pas de son fils pour continuer de mener une existence parfaite en tout point, ou pour en tout cas en distiller l'illusion aux yeux de tous. Malheureusement, ça ne fonctionne pas sur le pauvre Noeh. Il est juste le spectateur impuissant de la connerie de sa mère, de sa trouille monstre, de son dégoût envers sa personne, de son absence qui le blesse toujours un peu plus au fil des jours. Il a beau essayer de se persuader qu'il se fait des idées pour la moitié des choses qui viennent d'être avancées par sa propre parano, mais cette envie de garder une image intacte de sa mère a disparu depuis longtemps à présent. « C'est trop tard pour venir chialer sur mon lit de comateux. »
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MessageSujet: Re: the world at large ♣ (noeh&mel)   the world at large ♣ (noeh&mel) Icon_minitimeLun 18 Jan 2016 - 9:59

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I like songs about drifters - books about the same. They both seem to make me feel a little less insane. Walked on off to another spot. I still haven't gotten anywhere that I want. Did I want love? Did I need to know? Why does it always feel like I'm caught in an undertow?  I know that starting over is not what life's about. But my thoughts were so loud I couldn't hear my mouth. My thoughts were so loud I couldn't hear my mouth. My thoughts were so loud.
Il était là, juste sous tes yeux. Tu aurais pu tendre la main pour lui caresser la joue, mais tu es figée sur place. Tu n’arrives plus à bouger, tu n’arrives plus à respirer. Tu ne fais que le regarder, perdue, surprise, blessée. Tu l’entends parler, tu vois ses lèvres se mouvoir et ses mots te clouent encore plus sur place. Pas par leur contenu, car il fallait s’y attendre, mais par la façon dont ils ont été prononcés, par la douleur et la colère que tu y entends. Tu savais pertinemment bien que c’est ainsi que votre première rencontre depuis l’accident se déroulerait. Tu te l’étais rejouée constamment dans ta tête, du froncement de ses sourcils à la blancheur de tes jointures. Tu aurais dû savoir comment répondre aux questions qu’il te posait, car tu y avais réfléchi. Tu avais pris une décision sur comment aborder le sujet, sur quoi révéler immédiatement, sur le ton à prendre, sur les mots à choisir. Et pourtant, toutes ses heures à te préparer mentalement n’auront servi à rien. Face à lui, tu n’avais plus aucune prestance, aucune dignité, aucune carapace. Tu n’étais qu’une loque humaine, une coquille vide de sens, une âme en peine. Tu ne savais même plus comment t’adresser à ton fils. Avais-tu le droit de le regarder dans les yeux ? Pouvais-tu lui sourire ? Accepterait-il de te parler plus de trois minutes ? Toutes ces questions se bousculaient dans ton esprit et tu n’arrivais pas à y répondre. Tu n’étais que figée devant lui, avec ton petit café triste en main. Tu étais rarement à court de mots, et pourtant, tu n’arrivais même pas à ouvrir la bouche. Chaque mot qu’il prononce fait plus mal que le précédent, mais tu les encaisses sans broncher. Tu les mérites tous, chacun d’entre eux, jusqu’au dernier. Et encore, il aurait pu y aller bien plus fort et tu n’aurais même pas riposté. Il avait raison, et tu avais tort. Tu avais tort depuis plusieurs mois maintenant, et tu n’avais pas su comment aller le voir et demander son pardon. Peut-être était-ce même trop tard, maintenant, pour faire semblant qu’une réconciliation était possible.

Tu ne voulais pas lui dire que tu étais en thérapie. Tu ne voyais pas en quoi cela réglerait tes problèmes que cette information se sache. Tu n’avais pas la force d’expliquer à ton fils pourquoi tu avais réussi à piler sur ton orgueil pour te rendre chez un psychiatre, mais que tu n’avais pas pu le faire pour aller le voir, lui. C’était inexplicable, en réalité. Toutes les pensées que tu avais eu ces derniers mois, toutes tes décisions et tes actions, tout ce que tu avais fait pour passer au travers de cette épreuve, rien de cela n’était rationnel. Tu avais perdu le sens des priorités, tu avais oublié ton devoir de mère, tu avais laissé la peur t’envahir, quelque chose que tu n’avais pas fait depuis des années, et cela avait réveillé en toi des sentiments que tu tentais de cacher et d’oublier depuis ton mariage. Tu t’étais plongé dans un cocon de déni, incapable de faire face à la réalité, de concevoir qu’il était possible que tu perdes l’amour de ta vie et ton fils à cause des mutants. Pour tenter de te préserver, pour tenter de refouler tes émotions, tu t’étais emmurée. Tu n'avais parlé à personne de tes tourments, tu avais fait semblant que l’accident de ton fils ne t’atteignait pas et que tu le gérais comme il le fallait, mais ne pas avoir de ses nouvelles te tuait un peu plus à chaque jour, et la culpabilité de ne pas aller le voir, d’être trop faible pour le voir dans cet état pitoyable finissait de t’achever. Tu n’étais plus l’ombre de toi-même, de cette femme forte qui n’avait besoin de rien ni de personne. Tu avais continué de vivre ta vie, étant toujours aussi agressive au travail et à la chasse aux mutants. Tu allais prendre un café avec des amies, tu magasinais toujours autant, tu t’es maintenue en forme, tu continuais de t’habiller chic. Tu avais maintenu les apparences si longtemps que tu avais oublié ce que c’était, se sentir en accord avec soi-même. Écrasée par la puissance de tes émotions, tu faisais semblant d’être toi, mais tu ne l’étais plus depuis longtemps. Tu n’étais que ce corps qui faisait semblant. Tu souriais pour maintenir les apparences, éviter les questions, continuer ta vie. Sauf que les sentiments que tu fuyais t’ont rattrapé, tes cauchemars sont revenus, et toutes les émotions que tu avais refoulées pour ton bien t’étouffaient. Tu ne pouvais plus vivre ainsi.

Tu ne pouvais plus vivre dans un monde dans lequel ton fils te déteste.

Tu décides néanmoins d’éluder sa question, toujours hésitante à lui révéler la véritable raison de ta présence dans l’hôpital. Tu ne voulais cependant pas lui mentir, persuadée que ce n’était pas la meilleure façon de renouer avec ton fils. « Je suis venue voir une connaissance. » Tu prononces ces mots et tu te rends rapidement compte à quel point ils ne font aucun sens. Comment pouvais-tu t’être déplacée pour une connaissance alors que tu n’avais pas daigné le faire pour ton fils ? Tu savais que c’était plus compliqué que cela, mais tu pouvais facilement voir comment Noeh pourrait ne pas très bien le prendre. « Je suis venue voir le Dr. Drake, » précises-tu finalement, après une courte pause. Peut-être était-ce mieux que la vérité soit enfin dévoilée, qu’il puisse te voir dans toute ta vulnérabilité. Qu’il te déteste tellement en cet instant que, dans un futur éloigné, il puisse être fatigué de porter toute cette haine et ce dégoût profond, et qu’il réussisse à trouver une part de lui qui a envie de renouer avec sa mère. Vous étiez si proches, pourtant, quelques mois auparavant. Il avait eu la vie que tu aurais aimé avoir quand tu étais jeune : il avait eu le choix. Tu détestais les mutants à un point tel que c’en était douloureux, mais en tant que mère, tu ne pouvais t’empêcher d’être heureuse que ton fils ait choisi la sécurité, même si être chasseuse était une grande partie de ce que tu étais, et que partager cet héritage avec tes enfants était un honneur pour toi. Ce qu’il y avait de plus frustrant dans toute cette affaire, c’est que Noeh n’avait jamais rien voulu savoir de vos pratiques extrêmes pour éradiquer le problème mutant, et pourtant c’est lui qui a le plus souffert des actions de ces monstres. Ils avaient réussi à l’atteindre, lui aussi. Et à chaque fois que tu y pensais, que tu tentais de visualiser tout ce qu’il avait vécu, ta haine enflait lentement en toi, s’insinuait dans tous les pores de ta peau et ne te quittait plus.

« Je sais qu’il est trop tard. » Tu voudrais lui dire que tu l’aimes, que tu es si soulagée qu’il aille bien, que tu es affreusement désolée, que tu voudrais faire plus. Tu voudrais lui dire que tu as toujours été fière de dire qu’il était ton fils, que lui et Salomé sont les plus grandes réussites de ta vie, que tu ne peux être heureuse sans eux. Tu voudrais lui dire que tu as été faible, que tes démons t’ont rattrapée, que tu pensais être plus forte que cela, que ta vie n’était qu’une illusion. Plus que tout, tu voudrais le prendre dans tes bras et lui dire que tout irait pour le mieux. Pourtant, tu restais encore immobile, tes mains autour de ton café dont tu n’avais encore pas pris une seule gorgée. « Noeh, je… » Tu avais toujours été maladroite avec les mots lorsqu’il s’agissait de tes enfants. Tes parents n’avaient pas été un modèle pour toi, et tu avais toujours eu de la difficulté leur prouver ton amour qui, lui, était bien réel. Tu te retrouvais démunie devant le regard accusateur de ton fils. Tu n’arrivais pas à savoir ce qui lui ferait le plus de bien. Tu savais que rien de ce que tu ne dirais améliorerait ta situation, mais tu refusais de penser que tu pouvais l’empirer. « Je te demande pardon. »

Avec un peu de chance, tu t’étais gagnée quelques minutes supplémentaires en sa présence, avant qu’il ne disparaisse de ta vie de nouveau pour les prochains mois. Tu le regardais intensément, tentant d’imprimer dans ta tête sa posture, voyant pour la première fois les dommages réalisés par le mutant. Sa jambe invalide. Sa main recroquevillée. Tu le savais, bien sûr, mais ton cœur se serre, ton cœur se brise pour ton fils. Tu vois bien qu’il ne pourra plus jouer du piano, du moins dans l’immédiat, et cela doit le faire atrocement souffrir. Connaissant ton fils, il ne voudra pas de ta compassion ni de ta pitié, et tu te contrôles pour ne pas prendre sa main dans la tienne et lui dire, encore une fois, que tu étais désolée.

Tu le lui répéteras pour le restant de ses jours, s’il le faut.
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MessageSujet: Re: the world at large ♣ (noeh&mel)   the world at large ♣ (noeh&mel) Icon_minitimeSam 23 Jan 2016 - 0:17

Ce que Noeh donnerait pour pouvoir la secouer. Juste pour essayer de la sortir de cette torpeur qui semble la maintenir prisonnière. Heureusement, il garde encore un peu de self-control. Ou alors c'est juste parce qu'il ne peut pas initier ce genre de gestes empressés : d'une part à cause de ses jambes bancales, d'une autre parce que sa main droite qui meurt d'envie de la réveiller ne peut plus se déplier. Melissa Callahan est une petite chanceuse dans son genre. Toutefois, elle l'est peut-être pour ça, mais elle est aussi car elle reste tout de même la cible privilégiée de l'agressivité de son propre gamin. Il n'y a vraiment qu'avec elle qu'il expérimente ce besoin de balancer tout ce qui lui passe par la tête de plus négatif, jusqu'à ce qu'elle puisse deviner que derrière ce malaise qu'elle peut ressentir, il ne se cache rien de plus que la culpabilité normale, logique, qu'elle doit éprouver vu le silence radio qu'elle inflige à l'ancien pianiste depuis son réveil. Secouant la tête, Noeh la penche un instant en arrière dans un soupir méprisant. Une fois qu'il repose son regard droit dans celui de sa mère, il lui adresse son plus beau sourire de petit con. Dans le genre moqueur et arrogant, on ne fait pas mieux. « Tu trouves pas ça un peu simple ? », qu'il rétorque d'un ton brusque. « T'oses pas me regarder en face durant des mois et là tu prétends venir voir mon psy ? » Ce qu'il peut la trouver pitoyable. Puis pourquoi est-ce qu'elle viendrait voir Drake ? Si ce n'est peut-être pour se plaindre de lui ; et encore, si elle a envie de s'engager sur ce terrain avec lui, elle a très bien choisi la personne à qui en parler, vu que Noeh ne se gêne généralement pas pour étaler à son psychiatre les mille et une façons trouvées par sa génitrice pour ne pas croiser sa route. Non, pour le coup, l'étudiant applaudit ce choix judicieux. Enfin, applaudit, c'est vite dit. « T'es complètement fêlée. » Une fois de plus, en présence de sa mère, les déjà maigres barrières du cadet Callahan s'effondrent. Il ne mesure plus la portée de ses paroles et il préfère laisser ce genre de choses sortir plutôt que de les garder bien en place à l'intérieur. Après tout, ça peut aussi se résumer à ça, une discussion mère/fils, pas vrai ? Disons que chez les Callahan ça peut se dérouler de la sorte. Les répliques de sa mère tournent en boucle dans son esprit et l'étudiant sent que toutes les petites cicatrices internets, laissées ici et là par les actes ou absences d'une mère qui préfère se planquer derrière son café plutôt que de l'affronter, se réouvrent. Il souffre de la voir là, en face de lui, presque incapable de lui décocher deux mots d'une voix à peu près assurée. Dans ses souvenirs, c'était pas si compliqué pour elle ; en théorie, elle maîtrise même très bien. Mais pas avec lui. L'un comme l'autre s'autorisent un traitement de faveur des plus déstabilisants. Prenant appuis sur sa béquille, Noeh continue de l'observer de son regard perçant. Il la maudit de toutes ses forces pour oser rester encore plantée là, et pour ne toujours pas avoir fui, comme à sa grand habitude. « Tu vois, je pensais que papa était le pire des deux, mais je me suis rendu compte que non. T'es vraiment la seule en qui j'avais le plus confiance et je t'ai même pas vu à mon réveil. » Finalement, il se dit que c'est peut-être mieux qu'elle perdure ici encore un peu. Juste le temps pour lui de suivre les quelques conseils de Drake, et de faire un premier pas vers elle. Puisqu'apparemment, en plus d'être le blessé dans l'histoire, il doit être celui qui initie des retrouvailles dignes de ce nom, autant se lancer. L'occasion a été offerte sur un plateau d'argent, à lui d'en faire bon profit. Cependant, le regard lointain que lui accorde sa mère l'oblige à recouvrer bien vite cette carapace érigée à son encontre depuis son réveil. Ca semble plus fort qu'elle, et la réponse en conséquence est aussi plus forte que lui. « Je te demande pardon », qu'il répète avec dédain. « C'est quoi le problème ? Je te fais peur ? Je te rebute ?  »  L'ancien pianiste cherche la réponse dans le comportement de sa mère ; la plus petite parcelle suffira. Dans son esprit, il n'en a même pas besoin. Il a bien compris depuis longtemps que sa mère le déteste. Elle est effrayée de l'image qu'il renvoie, de ce souvenir qu'il traîne dans ce physique devenu bien différent de l'ancien, de ce fils qu'elle ne reconnaît sans doute plus. Sauf que c'est la même chose pour lui. Depuis des mois, il a le sentiment de ne plus voir le même gars dans le miroir de la salle de bain mais ce n'est pas pour autant qu'il a décidé de tout abandonner. Il y a souvent songé, bien trop de fois, mais par chance il est parvenu à se remettre un peu sur pied pour commencer à prendre sa revanche.  Heureusement qu'il n'a pas dû attendre que sa mère décide de le soutenir pour débuter sa remise sur pied. Dans quel état serait-il aujourd'hui sinon ? Excellente question. « Quoique, excuse-moi, c'est vrai que t'avais pas encore pu vraiment voir mes petits trophées. Vas-y, profite. Vu que tu m'évites comme la peste, ça doit te faire bizarre. Tu me remets d'ailleurs, Melissa, ou pas du tout ? » Sa main droite vient flâner devant les traits de son visage en plusieurs cercles. On sait jamais, peut-être que Madame Callahan est en train de croire à une hallucination ou au miracle, vu le style de la maison. Mais non. Et son cadet est bien décidé à lui prouver que c'est pas en se masquant la moitié du visage derrière son café froid qu'elle se débarrassera de lui.
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