Radcliff n’était définitivement plus la ville qu’il avait connue. Certes, il avait toujours trouvé que son bled natal était rempli de connards, dans chaque recoin qu’il avait eu le déplaisir de côtoyer un jour – mais là, ça battait tous les records. C’n’était pas pour autant qu’il allait reconnaître que Castellanos avait eu raison, en disant qu’il ne savait à rien – qu’ils ne servaient à rien tous les deux, tant le maire avait pris le contrôle de l’endroit. Plutôt crever que d’accepter ça, et de reconnaître à sa coéquipière une once de bon sens ; elle en manquait cruellement, c’était tout c’qu’il pouvait dire à ce sujet. Si la paperasse était un truc qu’il exécrait plus que n’importe quoi d’autre dans l’univers tout entier, celle-ci s’avérait bien souvent fort instructive : et Thaddeus Lancaster et ses associés ne cachaient pas aussi bien leurs traces qu’ils ne le pensaient. Lentement mais sûrement – avec bien plus de patience que ce qu’il croyait posséder – Leinster avait épluché rapports, dossiers judiciaires et autres enquêtes policières pour remonter un certain nombre de filets intéressants. Lancaster était une araignée, et son réseau était une toile qu’il avait tissée au fil des années, sans doute. Ca n’changeait rien : Radcliff restait un p’tit bled d’un pays bien plus vaste que le réseau du maire, et si le bureau demandait des résultats, il les obtiendrait, coûte que coûte. Il avait connu des champs de guerre, traversé des conflits divers et variés, mené des enquêtes bien compliquées et risquées au sein du FBI, c’n’était pas aujourd’hui qu’il allait jeter l’éponge – bien au contraire, y’avait quelque chose là-dedans qui rendait tout… personnel. Loin de lui l’idée de reconnaître un quelconque attachement pour cet endroit, cette ville qu’il avait volontiers laissée derrière lui – si seulement il pouvait se casser à nouveau.

C’était donc là que son chemin l’avait mené ; le bâtiment ne payait pas de mine, en comparaison des grands buildings qui occupaient le centre actif et attractif de la capitale américaine. Et pourtant. Le cabinet Hughes & Reed devait déborder de pourris : l’idée était déjà profondément ancrée dans l’esprit de l’inspecteur, au moment où il passa les portes, pour se heurter à la première étape de sa visite. Une assistante, tout c’qu’il y avait de plus clichée, qui lui sourit et l’accueillit avec l’habituelle phrase obséquieuse que personne ne voulait entendre. « Agent Leinster. J’ai rendez-vous avec Monsieur Callahan. » ouais, Callahan le supérieur, pas besoin de poser d’autre question ou de prolonger ce face à face stupide. La bonne femme ne posa pas de problème, puisqu’elle l’escorta jusqu’au bureau de monsieur Callahan sans poser plus de question, lui demandant s’il voulait un rafraichissement pour patienter. Il lui refila le devoir d’aller lui trouver de l’eau gazeuse, histoire qu’elle ne lui colle pas au train : et la blonde referma la porte, l’abandonnant là, dans un bureau indécemment grand – surtout pour un endroit comme Radcliff – où le privilège transpirait de chaque pore des quatre murs qui l’entouraient. Un bureau bien rangé, qui ne laissait transparaître aucun signe traitre ; il savait déjà que Callahan, Lancaster et tous les noms de la même trempe qu’il avait vus apparaître dans ses dossiers, allaient être des ennemis prise de tête. Mais c’était bien pour ça qu’il faisait ce boulot ; et il savait déjà que le simple fait d’être ici faisait bouger les choses. Personne n’aimait sa présence à lui, ou à Letha dans le commissariat, et c’était sans doute pareil pour le maire et ses petits copains.

A Radcliff, il y avait des pourris à tous les coins de rue ; et il aurait été stupide de voir les choses autrement. A qui pouvait-il se fier, en foutant les pieds dans le cabinet d’avocats de la ville ? Personne, il le savait bien – personne en général, si ce n’est sa collègue de travail, elle aussi assignée sur ce bled de malheur. Ouais, ça ne faisait que rajouter à sa misère, que de savoir qu’il ne pouvait se fier qu’à Letha, avec laquelle il passait la plus grande partie de son temps à se prendre la tête. C’était bien pour ça qu’il était venu seul, cette fois-ci, optant pour l’option de faire un peu de boulot en solitaire ; ce n’était pourtant pas réglementaire – boarf, il n’avait pas spécialement l’intention de s’afficher comme une proie menacée par le surnombre de connards dans sa ville natale. Callahan en était un – la conviction brûla dans ses entrailles aussitôt qu’il posa un regard sur l’homme : de toute manière, tous les types plein aux as rien qu’en s’asseyant derrière un bureau, étaient des pourris d’une façon ou d’une autre. La force de l’expérience : dans une grande ville comme Washington ou un petit coin du Kentucky comme Radcliff, les choses étaient les mêmes. C’est donc un sourire tout aussi obséquieux que celui de son interlocuteur, que Leinster offrit en lui serrant la main. Quel accueil ; c’était à croire qu’on le prenait pour un crétin : après des années de terrain au milieu des pires enflures du monde moderne, il savait reconnaître ceux qui prétendaient mal – et bon dieu, les arnaqueurs de Radcliff manquaient grandement d’expérience. Qu’importe ; Mason savait déjà, dans son for intérieur, que tout ce qu’il réussirait à accomplir ici, serait de se coller des chasseurs au cul.

Un tueur en série dans les rues de Radcliff ? La remarque lui fit lâcher un ricanement, l’acte le plus naturel qu’il ait commis depuis qu’il avait mis les pieds à moins de cent mètres autour de cet endroit. Plutôt des dizaines de tueurs en série, qui se cachaient derrière des prétextes qui lui échappaient complètement. « Je ne suis pas de ce genre de bureau. » et probablement qu’il aurait dû l’être, s’il aurait voulu éviter ce genre de travail barbant qu’il faisait à l’instant précis. Mais non, il avait toujours préféré d’autres choses, comme l’antiterrorisme, le contre-espionnage – ou la criminalité financière. Et les officiels du bureau étaient si paniqués par les libertés que prenaient toutes les villes au coin du pays, qu’il savait d’ores et déjà qu’il bénéficiait d’une carte blanche pour faire tout ce qu’il voulait – à partir du moment où ça donnait des résultats. C’était bien pour ça qu’on l’avait choisi lui – on prétextait qu’il était l’enfant de la ville mais il était également de ces dégénérés que beaucoup avaient en désamour. « Je suis désolé que notre rencontre doive se faire comme ça. Mais j’ai bien peur que les activités de votre firme aient attiré l’attention du bureau. » dans la veste de son costard si chic, il fit mine de chercher le papier qu’il avait sous la main, encore une lettre officielle qu’on lui avait envoyée rapidement aussitôt qu’il l’avait demandée – comme quoi, le bureau était vraiment sur le qui-vive avec ces histoires à Radcliff. « Je vais avoir besoin des relevés de vos activités financières, tout ce qui passe par votre service comptabilité depuis les cinq dernières années. » et il posa le papier entre eux deux, observant son vis-à-vis ; certes, les nombres ce n’était pas ce qu’il appréciait le plus. Mais c’était là, que, généralement, débordaient des pistes qu’on avait du mal à masquer, quand on tentait de bidouiller avec la vérité. A quoi bon enquêter à travers des dossiers déjà falsifiés par la ville, hein ? « Je peux revenir avec un mandat, si ça pose problème. » et un nouveau sourire mielleux et faussement sympathique, pour appuyer sa phrase.

C’était un véritable bras de fer, un jeu de patience et d’à qui aurait le meilleur argument, qui se mettait en place ; Mason était habitué à avoir ce genre de contacts avec les gens autour de lui – il était au FBI depuis bien trop longtemps, maintenant, pour ne pas laisser son naturel méfiant déborder par chaque pores de son être. Il en avait côtoyé, des connards, dans les salles d’interrogatoire ; des arnaqueurs, des violeurs, des tueurs, Radcliff aujourd’hui, condensait un certain nombre d’enflures qui gouvernaient comme s’ils étaient les seuls à pouvoir dicter la vie ici-bas. Radcliff était pourtant toujours une ville du Kentucky. Le Kentucky, un état des Etats-Unis. Et il préférerait crever que de laisser son pays devenir cendres à cause de ceux qui jugeaient bon d’exterminer les uns et les autres pour une quelconque raison, sans avoir à faire face à la justice. La façon dont sa ville natale fonctionnait aujourd’hui, avait de quoi le foutre dans une humeur exécrable – il n’avait pas franchement envie de perdre son temps, qu’on le laisse donc foutre son nez où il voulait, et advienne que pourra. Il en était encore aux jours de bonne volonté, où il jouait de la loi et de ses principes pour avoir ce qu’il voulait : répondre à l’usage illicite des lois de ce pays de la même manière que le faisait Lancaster. Quelque part, il n’avait pas envie encore, que tous ces ennemis sachent qu’il était un de ces fameux dégénérés qu’ils détestaient avec tant d’ardeur. Le drame de la fête foraine, en revanche, n’aidait en rien – était-ce là donner de la légitimité à tous ceux qui disaient que les transmutants pouvaient être dangereux ? Sans aucun doute. Et c’était la dernière chose dont il avait besoin.

« A vrai dire, j’aimerais pouvoir repartir avec les dossiers maintenant. » un nouveau regard, franc, fiché droit dans les yeux de son interlocuteur avant de reprendre. « Je suis sûr que votre entreprise n’a rien à se reprocher. Votre responsable financier, en revanche – nous avons découvert qu’il possède un compte en banque aux îles Caïman. Vous savez ce que c’est, la fraude fiscale évidemment ? » pourri un jour, pourri toujours ; c’était une conviction qui était née en Mason aussitôt qu’il avait commencé l’armée. Ceux qui avaient pour volonté de nuire aux autres, ne s’arrêtaient pas avant d’avoir réussi, et ce, par tous les moyens possibles et imaginables. Ça avait beau être seulement Radcliff, petite ville de son état ; elle était pleine de connards qui avaient pris goût au jeu du plus fort. Et voilà que le FBI même tout fraîchement débarqué de Washington se trouvait en mesure de donner des preuves tangibles d’un acte illégal – certes, pas le fait de tremper dans les histoires du maire et de ses chasses frôlant le crime, mais quelque chose quand même. « Je suis sûr que votre comptable est très bien. Mais il va malheureusement falloir que nous entreprenions une enquête plus poussée sur vos employés. Vous n’avez pas de compte offshore, vous ? » si seulement ça n’avait pu être qu’une histoire de petits et de gros sous, de centaines de milliers de dollars qui s’envolaient comme ça, direction un lieu exotique pour y couler des jours heureux. C’était illégal ; et assez illégal pour faire débarquer le FBI.

Il y avait des choses, parfois, qui tombaient bien : le petit coup de pouce du hasard qui aidait définitivement une enquête. Les résultats d’une analyse scientifique quelconque, qui arrivaient pile au bon moment, un témoin qui se présentait exactement avant que les autorités ne plongent dans le désespoir. Un comptable qui n’en faisait qu’à sa tête. L’aubaine avait tant souri à Mason qu’il n’avait pu faire autrement que venir jusqu’ici avec ses petits papiers, ses preuves accablantes, et ses exigences. Il allait faire son possible ; le type en face de lui se montrait coopératif au possible – en apparences du moins. Il n’y avait pourtant plus désormais, de questions amusées qui flottaient dans l’air venant de lui : Callahan se contentait de répondre aux questions, parfois avec plus de sarcasme que nécessaire – le fameux avocat de Radcliff se retrouvait-il peu à peu repoussé dans ses retranchements ? Leinster ne comptait pas crier victoire trop vite. Malgré tout, l’expérience lui avait appris à ne pas lâcher le morceau si facilement – et les problèmes ici allaient bien plus loin que des simples histoires de gros sous, de finances frauduleuses et autres. M’enfin, ça vaudrait malgré tout au fameux comptable de se retrouver avec une enquête au cul : et donc, indirectement, au cabinet d’avocats lui-même de se retrouver avec cette même enquête au cul. Quel délicieux hasard.

Car ouais, peu importait qui dominait en ville, qui était le chef des caïds ici, la justice trouvait toujours un chemin ; elle transpirait par les pores des apparences, et finissait tôt ou tard par hurler à pleins poumons. Les mots de son vis-à-vis arrachèrent un ricanement ironique à l’agent, qui ne put s’empêcher de hausser les sourcils en signe d’amusement : « En effet, faut avouer que des activités illégales, ça fait toujours tâche. Surtout venant d’un cabinet censé défendre la justice. » défendait-il encore la justice elle-même, Callahan ? Simplement celle de Radcliff et de Lancaster sûrement. Pas celle du pays où ils se trouvaient, les fameux Etats-Unis qui avaient ratifié un traité donnant des droits aux transmutants, et nommant les chasseurs de terroristes bons à emprisonnés. Ouais, à l’extérieur des frontières de cette ville, Alexander Callahan atterrirait derrière les barreaux d’une cellule avant même d’avoir pu dire ouf et même l’avocat le plus brillant de l’univers n’pourrait l’en sortir avant trente bonnes années. « Ne vous en faites pas, c’est la procédure de faire un rapide check up de tous les employés d’un groupe soupçonné d’activités illicites. J’sais bien que vous n’avez rien à vous reprocher. » ici en tout cas, et avec ces apparences polies et obséquieuses. Mason ne mit pas longtemps pourtant, avant d’enchainer, se relevant, les épaules carrées pour se donner de la prestance. « Je vais quand même avoir besoin d’aller faire un tour du côté de votre secteur des finances. Surtout dans le bureau de votre fameux comptable… Monsieur… -peu importe son nom. » il laissa un vague suspens, sans se rasseoir, signe qu’il ne laissait pas le choix à Callahan de reculer, c’était ici et maintenant qu’ils feraient le tour des couloirs. « Evidemment, je vous demanderais d’être discret, il ne faudrait pas que notre suspect nous échappe avant la fin de l’enquête. » comme si c’était possible, avec cette stupide quarantaine qu’ils avaient mis autour de la ville. Peu importait ce qu’il trouverait ici aujourd’hui, ou ce pour quoi il était venu : le simple fait de se montrer, de faire agir une quelconque pression sur les nerfs de ses ennemis, était une satisfaction délicieuse en soi.

L’anarchie pure et dure semblait être l’élément dominant à Radcliff désormais : tous réglaient leurs comptes de la façon qu’ils jugeaient la plus opportune. Lancaster en explosant le crâne d’une transmutante soi-disant responsable de l’incendie des Hodgins, sans même lui offrir un procès digne de ce nom. Les chasseurs qui rendaient justice d’un coup de couteau – ou de n’importe quelle arme dangereuse qu’ils n’possédaient généralement pas légalement. Et quelques fous parmi ses semblables, qui s’disaient que faire sauter des bâtiments aux quatre coins de Radcliff, était l’meilleur moyen de faire entendre leur voix. Anarchie ; c’était bien l’mot en effet, à croire qu’ils étaient dans un pays du Moyen-Orient où les gens se sautaient à la gorge pour un oui ou pour un non – comme quoi, les américains n’avaient rien à dire à ceux qui géraient leurs conflits dans leurs propres pays. Il était grand temps que l’état vienne mettre son nez dans les histoires ténébreuses des habitants de Radcliff ; Mason avait tiré une bonne carte à la pioche hasardeuse de ses recherches désespérées : quel crétin, ce Lawson – probablement que celui-ci avait bien fait de s’garder un peu de monnaie de côté, parce qu’il était sûr que celui-ci allait se retrouver sans job d’ici peu. Et c’était tout ce que le Leinster attendait : il voulait voir les masques tomber, Callahan répondre d’une quelconque manière à la vérité que le FBI lui-même venait de lui amener. Oui, quand on était un gros pourri, voir un agent farfouiller dans ses affaires, c’n’était pas la meilleure option qui soit. Est-ce que le dénommé Lawson allait disparaître, comme ça, sans crier gare, avant d’être retrouvé mort au coin d’une rue ? Allait-il parvenir à quitter la ville d’une façon inexplicable ? Ou autre chose de plus inventif… ? Seuls les jours destinés à passer pourraient répondre à cette question – en attendait, les politesses semblaient couler moins facilement d’entre les lèvres du fier Alexander Callahan : ce qui était de bonne augure pour le transmutant.

Gagner du terrain le rendait plus conquérant encore – presque imprudent et excessif. Mason s’était déjà relevé de sa chaise, mettant un terme aux apparences obséquieuses pour se lancer dans les couloirs de l’entreprise. D’un coin à l’autre du décor autour de lui, l’agent laissa son regard naviguer ici et là, s’accrochant à tous les détails qui pouvaient capturer son attention. Il l’avait déjà fait à l’aller, mais ici ils semblaient assez prudents pour n’rien laisser paraître quand on se baladait simplement dans les couloirs. Calquant ses pas sur ceux de son si plaisant hôte, Mason affichait cet air professionnel et appréciateur. Ils arrivèrent enfin au bureau de Lawson en quelques foulées – celui-ci était parfaitement rangé ; au premier coup d’œil, il était évident que Lawson (comme tout le monde dans cette boîte) était bien plus maniaque que Mason lui-même. Il n’hésita pourtant aucunement à contourner le bureau, pour venir retourner tout ce qu’il y avait à retourner. « J’aurais besoin d’un accès à l’ordinateur. » ajouta-t-il simplement, sans laisser place à un s’il vous plait ou à quoique ce soit de cet acabit-là. « Depuis combien de temps est-ce que Monsieur Lawson travaille pour vous ? » lança-t-il, les mains chargées de paperasses auxquelles il ne se donnait pas vraiment la peine de comprendre quoique ce soit ; pas encore. Il allait falloir qu’il trouve un moyen de rapatrier les données lui-même plutôt que d’y envoyer les flics – ceux-ci étaient si pourris, que des éléments importants étaient voués à disparaître s’il baissait un tant soit peu la garde. Ouais, tous dans cette ville étaient corrompus – même l’homme juste en face du Leinster, celui-là même qui prétendait être si vertueux dans sa façon d’elle ; Mason en avait la conviction.

Tout n’était qu’une question de fierté, de savant calcul pour une entrée en matière remarquée : contrairement à Letha qui demeurait silencieuse, discrète, distante comme un rapace qui observait de loin la scène, Mason s’était jeté en plein dedans aussitôt avait-il mis les pieds en ville. Depuis combien de temps était-il à Radcliff, hein ? Réellement, quelques heures à peine, et il venait tout juste se faire un chemin faussement poli à travers les locaux des bureaux de Callahan, offrant des accusations dont il n’avait cure pour faire poudre aux yeux. Après tout, l’avocat s’il était vraiment du côté de la loi, devait se sentir profondément trahi par les activités illégales de son comptable – hein ? Toute la compagnie pouvait dangereusement en pâtir, comme ça, d’un claquement de doigts : et ce serait le cas, s’ils s’étaient retrouvés dans une ville autre que Radcliff. Ici, le maire aurait tôt fait de mettre son nez dans les affaires de l’entreprise, et les choses deviendraient drastiquement plus compliquées, pour une histoire de gros sous dont le FBI n’avait rien à faire. En marchant ici-bas, arpentant les couloirs comme s’il cherchait la moindre petite preuve d’arnaque financière, Mason n’faisait que fracturer les apparences, histoire de trouver une faille par laquelle se glisser lentement mais sûrement. Il fallait du temps, d’la patience, d’ces choses dont il ne regorgeait pas particulièrement – ça lui ressemblait plus de foncer tête baissée et de réparer les pots cassés avec la hiérarchie plus tard : mais ici, il avait déjà appris de sa coéquipière rousse, que mieux valait toujours regarder par-dessus son épaule.

Ce qu’il faisait, et ce que son vis-à-vis faisait de manière on ne peut plus évidente : les réticences de Callahan ne tardèrent pas à les rattraper, arrachant un sourire sardonique aux lèvres de l’agent. Bien entendu qu’il aurait besoin d’un mandat pour prendre l’ordinateur – y’aurait pourtant eu des gens un tout petit peu plus malins, qui auraient décidé de coopérer jusqu’au bout. Encore fallait-ils qu’ils n’aient vraiment rien à cacher, c’qu’y n’était définitivement pas le cas de cet endroit. « Okay. » répondit-il dans un haussement d’épaules si nonchalant qu’il n’pouvait pas ne pas être provocateur à souhait. Enfin, Mason abandonna son observation des lieux pour se concentrer sur l’avocat à quelques pas de là. « J’reviendrai demain, avec le mandat. En attendant, vous n’devez pas le toucher, ce serait dommage que des preuves disparaissent. » et toujours la même ironie, la fausse politesse qu’ils s’balançaient inlassablement en pleine tête depuis l’instant où ils s’étaient rencontrés – un moyen comme un autre de lancer les hostilités. « Je vous demanderais aussi de vous tenir à notre disposition – et de ne pas quitter la ville – pour toute la durée de l’enquête. Comme on dit, on n’est jamais trop prudent. » car si officiellement, la quarantaine autour de Radcliff s’appliquait à tout le monde il fallait être bien naïf pour s’imaginer que ce soit le cas dans la réalité. Non, nooon, et Mason détesterait l’idée d’voir sa proie lui échapper. C’qu’il voulait, c’était revoir cette veine saillante sur le front du chasseur, la tension palpable partout autour d’eux. Le jeu ne faisait que commencer, mais Leinster connaissait déjà chacune des règles de celui-ci. Dans un signe de tête, il s’écarta. « Je saurais trouver mon chemin vers la sortie – pas d’souci. » et sans autre forme de procès, il quitta le bureau, imprimant l’endroit dans sa tête en un dernier regard.