Edith s'acharne sur le fond de son sac. Ils sont forcément là, quelque part... Elle est persuadée de les avoir fourrés dans son sac à main avant de partir au boulot. Elle fait toujours comme ça. Pour elle, on ne change pas les bonnes vieilles habitudes. Si la jeune Holloway est certaine d'avoir mis ces médicaments dans ce foutu sac en bordel, ils doivent y être. C'est une obligation. C'est juste incontestable. Les traits concentrés de son visage se dérident soudain. Cessant ses presque fouilles archéologiques, la jeune femme peut enfin poser aussi sèchement qu'à son habitude la petite boîte orange sur la table devant elle. Elle sait qu'elle est en retard, qu'Anton va encore lui faire des reproches, mais elle sait aussi qu'elle entendra dix fois plus si elle ne prend pas ces conneries pour tenir debout. On pourrait croire à une mauvaise blague sur une addiction, mais il n'en est rien. Edith sait que si elle n'avale pas à intervalle régulière les prescriptions faites par l'hôpital, le vaccin supposé parer sa mutation continuera à lui jouer de mauvais tours. Et ce n'est pas ce qu'elle souhaite ; loin de là. Attrapant son verre d'eau, Holloway s'empresse d'avaler un comprimé avant de ranger la boîte dans son sac, de se saisir de sa veste en cuir et de quitter son lieu de travail, non sans adresser un dernier au revoir à ses collègues encore présents pour quelques (longues) heures. A peine a-t-elle le temps de recevoir un semblant de réponse qu'elle presse déjà le pas sur le bitume. Un coup d'oeil à sa montre lui indique qu'elle est vraiment en mauvaise posture. La ponctualité semble être un élément crucial dans la philosophie de vie d'un chasseur. Un principe qui échappe carrément à la blonde, mais qu'elle se doit de prendre en compte pour préparer sa défense face à un Anton qui, elle le sait d'avance, sera sur le nerfs à peine ser-t-elle arrivée. Une vingtaine de minutes plus tard, la serveuse prend une grande bouffée d'air frais, avant de pousser la porte de la salle où elle doit retrouver son petit-ami. L'endroit ne change pas. Une sorte de salle de sport un peu abandonnée, où Edith a déjà aperçu quelques personnes, principalement des connaissances d'Anton vu les bribes de conversation qu'elle a parfois réussi à surprendre. Rien de plus, rien de moins. Toutefois, ce sont quatre murs qui lui donnent toujours la même impression : celle d'être prise au piège. La couleur blafarde des murs ne lui inspire aucune confiance, l'odeur des combats qui s'imprime toujours plus dans l'atmosphère lui donne envie de rendre les repas de plusieurs semaines combinées. En somme : la blonde déteste cette salle. Elle se plie aux autre volontés d'un Anton qui ne veut que son bien, ce qu'elle entend et comprend parfaitement, et fait donc de son mieux durant les 'entraînements' pour quitter au plus vite cet enfer. Malheureusement, son métabolisme en décide souvent autrement et semble vouloir la faire passer pour plus mauvaise qu'elle n'est. Ou bien elle est véritablement la pire attaquante du monde. Tout du moins en ce qui concerne la chasse, la maniement de l'arme la plus sommaire ou toute autre capacité innée que démontre Anton au jour le jour. Lorsqu'on songe à sa récente inscription à des cours de boxe, on comprend aisément d'où elle tient sa facilité à se remettre debout instinctivement après une chute ou encore pourquoi ses appuis sont assurés même dans les pires instants. Après tout, il faut bien qu'elle se dégote une ou deux qualités à travers le brouillard. « Anton ? », appelle Edith en poussant la porte pour de bon. Aucune réponse ne lui parvient. Serrant les lèvres, la jolie serveuse s'empresse de s'avancer vers l'un des bancs à sa droite, dépose son sac à main dessus et se démène pour sortir sa tenue de ce dernier le plus vite possible. « Je suis un peu en retard, je suis désolée, j'ai eu un contre-temps au bar... », qu'elle explique toujours d'une voix forte, afin qu'Anton, d'où il se cache ou même attend, puisse l'entendre. Edith se sent infantilisé à l'extrême dans ce genre de moments, mais elle sait ne pas avoir le choix. Si elle donne l'impression de sous-estimer tout ce qu'ils font, elle s'en voudra et perdra la confiance précieuse qu'Anton lui porte. Ce qui est tout, sauf dans l'idée qu'elle se fait des choses. Ayant terminé de s'habiller prestement, la blonde se retourne enfin tout en s'affairant à regrouper sa chevelure en une queue de cheval haute. Juste avant qu'elle ne soit obligée de stopper son geste en pleine action. « Matthias ? », murmure-t-elle alors que son regard reste planté dans celui du chasseur qui la terrorise depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne et qui, pour sûr, fait bien au moins deux voire trois têtes de plus qu'elle. L'assurance naturelle qui la caractérise d'habitude semble s'amenuiser dans le même temps que ses épaules perdent de la hauteur. Le cœur battant, Edith ne réussit à pas ajouter le moindre mot. Le choc, sans doute. Elle s'attendait à voir tout le monde dans cette salle un jour, sauf lui. Surtout pas lui. Ce n'est pas qu'il la terrifie, mais un peu. Beaucoup même. L'aîné de la famille Callahan possède une aura à faire frémir n'importe qui. Elle la première. Depuis quand se trouve-t-il là ? Depuis quand l'observe-t-il sans sourciller ? Inspirant avec le plus de calme possible, la jeune femme détache ses yeux grisonnants de ce visage captivant qu'il peut avoir, avant d'observer les arrières du chasseur. Ses mains terminent dans le même temps leur dessein de maintenir ses cheveux en place. « Qu'est-ce que tu fais là ? Où est Anton ? », tente-t-elle de prononcer d'un ton monotone. Si Matthias commence à deviner (même si c'est déjà plus qu'évident) qu'elle n'est pas du tout à l'aise en sa présence, elle est foutue. Reprenant contenance comme elle le peut, la serveuse se met à secouer la tête. Elle cherche la meilleure issue et devine qu'il s'agit de la porte par laquelle elle vient d'arriver. N'y tenant plus, ses jambes se mettent à reculer d'elles-mêmes avant que son corps entier ne se détourne du monstre. Attrapant d'un geste vif son sac, Edith se met en marche vers la porte tout en évitant de jeter un coup d'oeil au chasseur derrière elle. « Je ne vais pas accepter ces conneries, je te jure que si tu m'appro- », assure-t-elle, tout en déposant une main sur la poignée de la porte métallique. Cette même porte sur laquelle l'aîné Callahan vient d'écraser une paume puissante qu'elle ne pourrait sans doute pas contrer même dans ses plus beaux rêves. Fronçant le nez, Edith serre les dents. Anton va payer, elle s'en fait la promesse. « Bien », assène-t-elle, laissant tomber son sac à ses pieds. « Très bien. » La serveuse relève un regard féroce dans celui du chasseur, avant de s'éloigner. Frustrée, elle préfère néanmoins éviter de se tenir trop près de façon prolongée de l'homme. Edith pense déjà connaître beaucoup trop de choses à son sujet qui justifient amplement son désir de s'extirper de son aura malfaisante, et elle n'a pas non plus l'intention de faire copain-copine avec ce dernier. Alors autant mettre un peu de distance de sécurité, ce sera mieux pour tout le monde. « Qu'est-ce qu'Anton t'a demandé ? », argue-t-elle d'un ton sec, arquant un sourcil mauvais, saupoudrant le tout de deux prunelles sauvages qui viennent percuter les siennes, sombres.