man on a mission

 

« Merci, c’est vraiment gentil. » dit Isolde, après avoir hésité à prendre la main qu’on lui proposait. Sans doute la confiance ne régnait-elle pas encore tout à fait dans la pièce. Viktor ne s’y attarda pas, trop conscient du peu de temps qu’il avait pour retirer la balle et bander la plaie avant que leurs assaillants ne rappliquent. Lentement, la pince s’inséra dans la jambe de la jeune femme, fouillant sa chair avec autant de délicatesse que possible, jusqu’à ce qu’une extrémité ne rencontre l’objet offensant. Mais toute la douceur du monde ne pouvait anesthésier la douleur que la policière ressentait en cet instant, et elle le laissait clairement entendre. « Putain. Bordel de merde. Putain. » grognait-elle, au fur et à mesure que Viktor manipulait la balle dans sa jambe. Finalement ses pinces se refermèrent sur la balle, et il put commencer à la sortir au rythme des jurons de sa patiente. « Merde ! » s’exclama-t-elle soudain, assénant son poing sur le sol avec un fracas qui manqua de faire sursauter le médecin improvisé. « Adrénaline. » murmura-t-elle, tandis que Viktor finissait de retirer l’objet métallique de ses pinces. Il faillit laisser la balle au sol, mais réfléchit soudain aux conséquences. Isolde était policière et pro-mutante – ou du moins anti-Hunter – dans un commissariat qui ressemblait de plus en plus à la milice personnelle de Thaddeus. Si un de ses collègues trouvait la balle ensanglantée et faisait un test ADN, ils auraient tôt fait de remonter la trace et découvrir qu’une des leurs les avait ‘trahis’. Il ne donnait pas cher de la jeune femme après une telle révélation…

Aussi rangea-t-il la balle dans la veste de son blouson, se promettant de la faire tremper dans de la Javel dès que l’occasion se présenterait. Il confirma à Isolde ce qu’elle devait soupçonner, notamment qu’il avait fini l’opération improvisée. « D’accord. Merci. » Elle pinça les lèvres, ayant visiblement envie d’en rajouter davantage. Après quelques instants, le besoin de savoir eut raison de la méfiance. « Mon bébé, ça va aller hein ? La jambe c’est loin du ventre, ça n’aura aucune incidence, non ? » Viktor lui adressa son sourire le plus rassurant, celui qu’il réservait aux petites filles qui lui amenaient leurs chiens à la patte cassée, ou leurs chats qui avaient cru bon de manger un élastique. « Votre bébé n’a rien à craindre, comme vous dites, la blessure est bien loin du ventre… » dit-il, avant de rajouter, plus sérieux. « Mais allez tout de même voir l’obstétricienne quand vous aurez l’occasion. » C’est-à-dire quand ils seraient sortis d’ici, même si techniquement, ils auraient pu la déposer au bon étage en quelques minutes. En supposant que les Hunters aient miraculeusement débarrassés les lieux, abandonnant à la fois la membre d’Uprising et ses sauveurs – et il faudrait bien un miracle pour que cela soit arrivé, à son humble avis. Au même instant, Ellie choisit de remettre ce sujet sur le tapis. « Je veux pas ruiner la fête, mais ces hunters à la con sont probablement de l’autre côté de la porte à attendre qu’on essaie de sortir. »

Viktor acquiesça et annonça son intention de porter Elena tandis que sa petite amie soutiendrait la blonde blessée. Aussitôt dit qu’il souleva le corps frêle de leur collègue, la bénissant intérieurement de ne pas être très lourde. Le souvenir d’avoir porté Ellie dans le parking et d’avoir du la reposer après quelques minutes le narguait. Il pourrait aller plus loin, il le savait, et passer outre la douleur en se forçant. Seulement il redoutait déjà les conséquences de cet acte, et les risques qu’ils encouraient tous s’ils se faisaient surprendre – pas moyen qu’il puisse courir très loin entre la prothèse et son colis inanimé. Visiblement, la brune pensait à la même chose. « Si je porte Isolde et que tu portes Elena, comment on va s’y prendre ? » lui demanda Ellie. Ce dernier allait lui répondre quand elle se tourna vers Isolde, une idée brillant derrière son regard. « Le truc que vous avez fait au plancher, vous pourriez le refaire? » Ce ne fut qu’à cet instant que Viktor baissa les yeux et découvrit l’étendue de ce que sa patiente avait fait. Adrénaline, l’excuse était tout juste passable – dans d’autres circonstances peut-être l’aurait-il crue. Avant l’annonce de l’existence des mutants, certainement même. Mais dans les derniers mois, il avait vu suffisamment de choses impensables pour être beaucoup moins naïf. Viktor se sentit brièvement triste à l’idée qu’Isolde, même après ce qu’ils venaient de faire pour elle, ne leur fasse pas assez confiance pour leur avouer sa mutation. Mais il ne pouvait la blâmer, et ne dit rien, préférant se retourner vers Ellie. « Qu’est-ce que tu as en tête ? » demanda-t-il à sa petite amie, son regard allant de celle-ci, à Isolde, au sol fracassé.

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La policière ne prétendit pas plus longtemps être une humaine lambda. « Ouais, j’peux refaire ça n’importe où, n’importe quand en fait. Mais s’ils sont devant la porte, la forcer nous enverra juste dans la gueule du loup. » Viktor opina silencieusement – la force brute pouvait être extrêmement utile, mais ils n’étaient pas en pleine scène d’action, là où simplement taper le plus fort leur suffirait pour se tirer d’affaires. « J’peux toujours défoncer le mur plutôt que la porte. Après, je suis pas dans le bâtiment alors, si c’est un mur porteur, on est dans la merde. » Lui n’avait aucune idée de ce qu’était un mur porteur, ni ce que cela faisait d’en détruire un – tout au plus avait-il remarqué que certaines explosions détruisaient une plus grande partie d’un bâtiment que d’autre, lorsqu’il était en Afghanistan. Mais il y avait de multiples explications à cela, et il n’allait certainement pas se hasarder à une théorie pour deviner si les murs les entourant étaient porteurs ou non. Faire comme dans les dessins animés et s’enfuir en cassant tous les murs jusqu’à la sortie était donc hors de question, ce qui n’était peut-être pas une mauvaise chose : ce genre de frasques attireraient sûrement l’attention des Hunters, plus encore qu’ils ne l’avaient fait pour l’instant. « Sinon y a les fenêtres. » Viktor jeta un regard vers les fenêtres. Impossible pour lui de passer par celles-ci avec sa carrure – et une femme enceinte prendrait trop de risques à vouloir s’y forcer. Isolde semblait avoir eue la même pensée, puisqu’elle rajouta : « Vous pourriez passer, mais nous … » Ellie regarda vers les fenêtres qu’on lui montrait, et vit que la blonde avait raison.

Elle ne répondit pas tout de suite, mais inspira un grand coup avant de se lancer : « D’accord. Voilà ce qu’on va faire. Vik, tu vas me pousser pour que je puisse sortir par la fenêtre. Je vais faire le tour par l’extérieur et re-entrer dans l’hôpital. J’aurai mon walkie, et quand j’aurai un visuel, je vous dirai ce qu’il en est. Avec un peu de chance, ils seront partis, bien que j’y compte pas vraiment. » Peu de chances que les Hunters aient abandonnée la traque aussi rapidement, en effet. Et quand bien même la majorité serait partie, il en resterait probablement un ou deux à patrouiller les couloirs en quête d’Elena et des rebelles. D’un autre côté, ils ne pouvaient rester cachés ici trop longtemps, entre la jeune femme inconsciente et l’autre blessée – la position n’était pas tenable. « Et ensuite… on verra. S’ils ne sont pas nombreux, je vais pouvoir dégager la voie. Sinon… il se peut que j’ai besoin de toi, Wonder Woman. » Malgré la tension de la situation, le surnom fit sourire Viktor. Mise à part une force surhumaine, Isolde avait très peu en commun avec l’héroïne de bandes dessinées dont Ellie parlait : le costume, d’une part, et les cheveux blonds comme les blés de l’autre. Wonder Woman incognito, peut-être. Blagues à part, le vétérinaire n’était pas entièrement convaincu par le plan que sa petite amie mettait en avant. Aussi son sourire fut-il rapidement remplacé par un froncement des sourcils, et un léger toussotement. « C’est pas le meilleur plan, mais c’est tout ce qu’on a. » dit Ellie, mettant fin à toutes les protestations de Viktor avant même qu’il n’ait eu le temps de les exprimer. Ce dernier soupira, n’ayant pas d’idées plus sûres à proposer. Avec de la chance Ellie passerait inaperçue, aucun des Hunters n’ayant eu le temps de l’identifier auprès de ses collègues.

« Très bien, allons-y. » dit-il, déposant doucement Elena sur le sol. Il s’approcha du mur et forma une accroche avec ses mains, de façon à ce qu’Ellie puisse poser le pied dedans pour se hisser au niveau des fenêtres. La soutenir tandis qu’elle se débattait contre le mécanisme ouvrant celles-ci fit gémir sa prothèse, mais il tint bon, et elle put finalement se glisser en dehors de la pièce. « Fais attention. » lui dit-il, recommandation inutile et pourtant si nécessaire. Lorsqu’elle eut disparut il se retourna vers Isolde, jetant un nouveau coup d’œil vers sa jambe blessée. « Vous ne vous sentez pas la tête légère, au moins ? » demanda-t-il. Il ne manquait plus que la perte de sang la fasse tourner de l’œil.

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« Nan, ça va. Merci. » lui répondit Isolde avec un léger sourire. Viktor le lui rendit, soulagé de savoir qu’elle n’allait pas s’évanouir en pleine tentative de sauvetage. Il faisait peut-être imposant, au premier abord, mais l’idée de devoir sortir de là Isolde et la jeune femme inconsciente tout en tentant de protéger Ellie des Hunters qui traînaient sûrement encore dans le coin ne lui paraissait pas un défi nécessaire à relever. Avant que son esprit ne puisse s’engager plus loin sur cette pensée, la policière commença à l’interroger : « Alors, pourquoi est-ce qu’un vétérinaire s’intéresse à cette fille ? Vous êtes de toute évidence pas avec les hunters, alors vous n’êtes pas là pour l’éliminer. » « Je vois pourquoi vous êtes détective. » répondit-il avec un nouveau sourire. Il était heureux de savoir qu’elle leur faisait désormais suffisamment confiance pour ne plus les soupçonner d’être des Hunters venus l’amadouer pour mieux la trahir. Ils n’étaient pas dans une situation où il aurait le temps de calmer la paranoïa de sa nouvelle camarade, et il avait vécu suffisamment d’expériences pour savoir que l’absence de confiance pouvait se révéler plus meurtrière qu’une attaque ennemie. Et si elle ne le foudroyait plus du regard, Isolde semblait désormais déterminée à en apprendre un peu plus sur son nouvel allié.

« Alors, soit vous jouez les justiciers pour votre propre compte, soit vous travaillez pour Uprising. » Elle le dévisagea longuement, cherchant une réponse dans ses traits. « Je dirais Uprising. J’ai jamais entendu parler de justiciers à leur compte à Radcliff. » « Il faut croire que ça paye mal… » plaisanta-t-il joyeusement sans plus élaborer. Elle avait beau paraître anti-Hunter, cela ne voulait pas pour autant dire qu’elle approuvait les agissements d’Uprising, et finir derrière les barreaux en révélant trop lui paraissait une façon bien stupide de finir cette mission. « Je suis surpris que vous soyez venue interroger quelqu’un seule, sans aucun de vos collègues pour assurer vos arrières. » dit-il à son tour, prêt à recadrer la conversation. Elle était peut-être détective, mais lui avait passé suffisamment de temps avec les types militaires et anciens policiers pour savoir comment les choses fonctionnaient habituellement. « Surtout vues les tensions qui courent en ce moment. » Les policiers de Radcliff n’étaient pas mieux protégés des violences de la ville que les civils, et il se doutait que se balader seul était peu recommandé par les supérieurs de la blonde. Si elle était venue seule tout de même, c’était soit qu’elle se croyait intouchable – et vue sa force incroyable, elle n’avait peut-être pas entièrement tort – soit qu’elle avait des choses à cacher à ses collègues. « Vik ! » craquela soudainement son walkie, et l’interpellé s’en saisit avidement. « Y’a deux types qui montent dans la garde dans le couloir. Je vais les neutraliser, et je pense qu’on pourra sortir avant que les autres arrivent. » « D’accord. » répondit-il, n’ayant pas vraiment le choix : l’idée qu’Ellie affronte deux Hunter seule ne lui plaisait pas du tout, mais qu’y pouvait-il ?

Le premier coup de feu retentit et le vétérinaire se retrouve instinctivement l’arme au poing, prêt à défoncer le mur à l’épaule s’il le fallait. Seulement aucun cri semblable à ceux d’Ellie ne lui parvint, et il commençait à espérer qu’elle avait réussi son coup sans le moindre problème lorsqu’il entendit un « Merde ! » qui lui glaça le sang. Le cran de sécurité de son arme se retira, et il adressa un regard en direction d’Isolde pour voir comment elle réagissait. Elle ne lui paraissait pas le genre de personne qui paniquerait au premier signe de violence, mais entre sa blessure et son bébé, il ne pouvait être sûr. Bon dieu, comment s’était-il retrouvé à devoir protéger sa petite amie, une inconnue inconsciente et une femme enceinte ? Ce n’était pas exactement un trio de demoiselles en détresse, mais instinctivement il se sentait responsable. « J’ai besoin d’aide! Trois mètres à gauche de la porte! » lui cria soudain son walkie, s’adressant clairement à Isolde. « Allez-y, je vous couvrirai. » dit-il à celle-ci, la voix parfaitement calme malgré la panique qui rageait contre ses années d’entraînement.

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