octobre 2007 ≈ bloomington (indiana).  « Qu'est ce que c'est que ça ? » souffla Veera, à peine le mutant eut-il passé la porte d'entrée. La belle s'approcha d'un pas léger, déposant un bref baiser sur les lèvres de son époux avant de lui adresser un regard mi-inquisiteur, mi-amusé. « Bonjour à toi aussi mon cœur. » Un sourire fier s'étira sur son visage malin. « Et ça, c'est un badge. » A l'autre bout de la pièce, Veera leva un sourcil. « Et pourquoi ce badge est attaché à à ta chemise ? » Le sourire de Jaime s'étala un peu plus, content de ce qu'il venait de faire, espérant que sa femme le serait aussi. « Pour pouvoir aller au travail tous les matins ! » Des rires gras s’échappèrent du canapé du salon, où Anatoly et Murphy était avachis ; Jaime lança en l'air son majeur, mais les deux mutants étaient dos à lui. En face de lui, Veera le fixait avec un sourire amusé, se retenant de rire elle aussi. « Tu as trouvé un boulot ? Avec un coquard comme ça ? » Mécaniquement, le mutant passa sa main sur visage, contournant son œil au beurre noir ; il avait l'habitude maintenant. Ce n'était rien comparé à la côte cassé qu'il avait écopé lors de son dernier combat. « C'est un ami à moi. Il avait besoin d'aide pour gérer sa boutique. Ça sera la nuit, mais ça sera toujours mieux qu'avant. » « Comment avant ? Tu arrêtes les matchs ? » Les deux mutants tournèrent leur tête en même temps, gratifiant Jaime d'un regard confus. Pour toute réponse, le boxeur baissa la tête, fixant avec regret ses poings encore enflés. Veera s'approcha vivement, déposant un baiser sur le front de Jaime, enveloppant son visage entre ses deux. Elle releva sa tête, plongeant son regard dans le sien. « Vraiment ? » Des années qu'elle insistait pour qu'il quitte se milieu dangereux, dernier héritage de sa vie d'avant. La boxe, il aimait ça plus que tout ; c'était sa passion, sa raison de vivre pendant longtemps. C'était grâce à ça qu'il avait survécu autant de temps. Mais pour elle, il était prêt à sacrifier ça. Jaime acquiesça doucement, et les lèvres de Veera vinrent s'écraser contre les siennes. Le mutant la serra dans ses bras, posant sa tête sur le haut de son crâne. « Je pouvais pas continuer comme ça Vee. Pas avec elle .. ou lui qui va arriver. » Un large sourire s'étira sur ses traits à l'idée de l'enfant qui déambulerait bientôt la maison familiale. Il était tombé amoureux de ce gamin à la seconde poù Veera avait appris la nouvelle, et il était préparé à tout. Il avait seulement, et pourtant le mutant avait déjà quasiment terminé la chambre où il logerait, se plongeant chaque soir dans des lectures studieuses de livre parentaux. « Tu nous a toujours pas dit qui serait le parrain d'ailleurs ! » souffla Murphy, brisant le silence qui s'était installé dans la pièce. « Ce petit merdeux, ou bien ton meilleur ami de toujours ? » Il pointa du doigt le mutant assis à ses côtés avec un air de dégoût qui lui valut un coup de poing dans l'épaule. « Vous croyez vraiment que je laisserait l'un de vous deux ordures être le parrain de mon gamin ? Vous rêvez ! » lança Jaime, un sourire malin sur son visage, le bras toujours autour de sa femme. Il eut tout juste le temps de se tourner, prennant le coussin envoyé par Anatoly en plein dans le dos, protégeant la mutante toujours dans ses bras. Un rire collectif se souleva dans la pièce, et le cœur de Jaime se serra. Il était heureux. Pour la première fois depuis des années, il était véritablement heureux. Le mutant avait trouvé la femme de sa vie, deux meilleurs amis et un enfant était sur la route ; sous ses yeux attendris, sa famille se dessinait. Cette famille dont il avait toujours rêvé. Elle n'était peut-être pas exactement à l'image de ce qu'il imaginait, loin de la traditionnelle famille américaine : il n'aurait jamais de mère, aimante, et d'un père pour lui apprendre à jouer au football. Jamais de petite sœur à protéger, ou de grands-parents chez qui passer les vacances. Malgré tout, il se contentait bien volontiers de ce qu'il avait. De Veera, du futur bébé, et des deux hors-la-loi qui squattait son salon même quand il n'était pas là. Car avec eux, Jaime avait enfin trouvé un semblant de stabilité ; il se sentait enfin accepté, et c'est tout ce qui importait.

décembre 2009 ≈ michigan city (michigan). « Tu dois me promettre Jaime. Promet-moi que tu resteras loin des ennuis. » Le mutant avait sagement acquiescé, lui arrachant un dernier baiser avant de se faire tirer en arrière par les deux policier. Et il avait essayé de tenir sa promesse, il avait vraiment essayé. Pourtant, ça n'avait pas duré longtemps ; l'univers carcéral était dur, et impitoyable. Jaime n'avait pas eu le choix. Pour se faire respecter, il avait dû s'imposer. Allongé sur la banquette métallique, le jeune Buchanan fixait silencieusement le plafond de la cellule d'isolement. Il y avait été envoyé après avoir rompu sa promesse, après avoir été provoqué par un autre détenu. Jaime n'avait jamais été un homme réfléchi, bien au contraire ; il brillait par son impulsivité, et il n'avait pas pu résister aux menaces de son adversaire. Adversaire qui regretta bien vite sa décision, puisque l'ancien boxeur l'envoya directement à l'hôpital, une poignée de dents en moins, et une mâchoire disloquée. Un traitement suffisant pour passer la semaine qui suivant en isolement, au soulagement de Jaime qui commençait à étouffer avec ces autres hors-la-loi. Au moins, ici, il pouvait s'entendre penser. Il pouvait s'allonger calmement, et se plonger dans ses souvenirs. S'évader, même seulement pas la pensée, et retrouver sa famille. Il s'imaginait, dans les bras de Veera, ou serrant sa fille contre lui. Partageant une bière avec ses meilleurs amis, fêtant la réussite d'un de leur coup. A cette pensée, son cœur se serra ; car après tout, c'était à cause de ça qu'il était là. Il n'en voulait pas à Murphy et Anatoly, c'était tout naturellement qu'ils avaient pris la fuite en entendant la police ; pourtant, il ne pouvait s'empêcher de se sentir frustré par cette incarcération. Tout s'était déroulé si bien jusqu'à présent. Les rois du cambriolage, c'étaient eux. Durant des années, ils avaient mis à sac les bijouteries et les banques de la région, alliant leurs forces et leur pouvoir pour s'en tirer sans problèmes. Avec l'adaptabilité de Jaime, l'intangibilité de Murphy et les visions du futur proche d'Anatoly, le trio était instoppable. Ils avaient pendant de longues années été le cauchemar de la police, ne laissant aucune trace, véritable casse-tête pour les inspecteurs. Puis le funeste jour, où Anatoly ne vu pas assez tôt l'arrivée des policiers. Il fuit, laissant Jaime et Murphy à l'intérieur, encerclés. Pas un problème pour l’intangible qui coupa à travers les murs, mais Jaime se retrouva pris au piège. Trois mois qu'il a élu domicile dans l'établissement pénitencier de Michigan City, et finalement il s'est trouvé un place. S'imposant en se montrant discret et solitaire le plus souvent, ou en usant de ses poings. Veera lui rendait souvent visite, amenant avec elle la jeune Mara qui grandissait sous les yeux émus. Ses deux frères vinrent aussi lui remonter le moral ; il ne leur en voulait pas. A quoi aurait-il servit qu'ils purgent leur peine avec lui ? Au lieu de ça, ils prenaient soin de sa fille, et de sa femme, veillant qu'elles ne manquent de rien. Cinq ans, ce n'était pas si long. Comparé à certains de ses nouveaux camarades, sa sentence se volatiliserait en un battement de cils. Avec l'aide de sa famille, il aurait pu tenir, sans ciller, la tête haute. Pourtant, neuf mois après son arrivée, tout dégénéra. « Je m'en vais, Jay. Avec Mara, on redescend chez mes parents. » Les yeux ébahis de Jaime ne semblait pas vouloir comprendre. « Comment ça tu t'en vas Vee ? Qu'est ce qui se passe. » Elle avait les yeux brillant, elle retenait ses larmes pour ne pas affoler Mara. Veera, elle avait toujours été comme ça ; incroyablement forte, souvent plus que Jaime dont la gorge se serra déjà. « Ils sont venu nous menacer. Ils savent. » La belle n'eut même pas besoin de préciser qui Ils étaient. Le mutant savait. « Ils s'en sont pris à Mara, putain ! » souffla-t-elle, la voix tremblante, encore secouée par cette visite si spéciale. La vision s'attarda dans l'esprit de Jaime, qui se retint de ne pas frapper contre le premier venu pour se défouler.  « Ils vont payer Vee. A la minute où je franchis les portes de cette putain de prison, j'irais leur faire payer. » siffla-t-il entre ses dents, le souffle court, les poings serrés. Ici, il ne pouvait rien faire. Impuissant. Et ça le rendait malade, de ne pas pouvoir protéger sa propre famille.  « On ne peut rien faire contre eux, c'est une cause perdue. Ils sont partout ! » « Je te promet, je vous protégerais. En attendant, va te réfugier chez Murphy, il prendra soin de vous. » « C'est trop tard mon cœur ! J'ai pris ma décision. » Sa voix flancha, et une larme solitaire coula le long de sa joue.  La mâchoire de Jaime se crispa, et le mutant dû fermer les yeux un instant pour reprendre son calme.  « Va. Je vous rejoindrais à ma sortie. » La main de Veera trouva celle de son époux, ignorant les règles strictes des visites du pénitencier.  « Je t'aime Vee. Je vous aime toutes les deux, si fort. » Jaime attrappa sa fille pour la serrer dans ses bras, aussi fort qu'il le pouvait ; au diable les règles, s'il devait écoper de quelques jours en isolement, cela valait le coup. Les larmes vinrent s'écraser contre les joues du mutant alors que Mara se réfugiait entre ses bras musclés. « Tu dois être forte ma puce, tu me promets ? Tu vas tellement me manquer. » Il déposa un baiser sur son front, et finalement un garde vint les séparer, le reconduisant de force vers l'entrée de la prison. Il eut à peine le temps de trouver le regard de la belle, et de chuchoter Courage avant que le porte se referme devant lui, entrainant avec elle celles qu'il aimait plus que tout au monde.

novembre 2015 ≈ radcliff (kentucky). « Mon dieu, je pensais pas que c'était possible, mais t'as encore plus une sale gueule qu'avant la prison ! » Jaime esquissa un sourire ; son meilleur ami n'avait même pas pris la peine de la saluer. Au lieu de le frapper, comme il l'aurait fait en temps normal comme réponse à cette insulte, le mutant se jeta dans les bras de Murphy. Une étreinte sincère, deux ans qu'ils ne s'étaient pas revu. Pas depuis qu'une bande de chasseur avait ôté la vie au troisième membre de la bande. Un coup dur pour Jaime, toujours bloqué, impuissant, dans cette foutu prison. Murphy était venu lui annoncer, les yeux encore humides. Et le cœur de Jaime s'était brisé encore un peu plus. Depuis son arrestation, sa vie semblait lui filer entre les doigts, le bonheur fragile qu'il avait réussit à créer s'évaporait petit à petit. Un enfer pour le jeune Buchanan, coincé derrière les barreaux. Mais maintenant qu'il était libre, le mutant était bien décidé à retrouver sa vie d'avant, à se battre pour retrouver sa vie d'avant. Il s'écarta de son ami, l'invitant à entrer dans la chambre décrépie du motel où il avait élu domicile. Après la mort d'Anatoly, Murphy avait parcouru le pays en quête d'un peu de réconfort, agissant seul, privé du reste de sa bande. A sa sortie de prison, les deux mutants survivants s'étaient donné rendez-bous à Radcliff, là où Veera et sa fille avaient trouvé refuge depuis trois ans. Le silence s'imposa dans la pièce, glaçant, étranger ; durant ses cinq ans de prison, Jaime avait perdu l'habitude de faire la conversation. Entre autre. Il avait laissé tellement de choses derrière lui pendant son incarcération qu'il avait peur qu'on ne le reconnaisse pas. Mais la grande gueule de son meilleur ami tenta de palier à ce nouveau mutisme. « Qu'est ce que tu fous ici Jay ? Tu ne m'avais pas dit que tu venais ici pour retrouver les filles ? » Comme à son habitude, Murphy s'installa chez Jaime comme il l'aurait fait chez lui ; il avait déjà trouvé le mini-frigo, sortant deux bières fraîches sans même demander. Le boxeur se contenta de secouer négativement la tête, baissant son regard triste. Au fond de lui, il refusait toujours de se rendre à l'évidence, mais il fallait bien qu'il accepte les faits. Veera ne voulait plus de lui. « Vee ne veut pas que je vois Mara. » souffla-t-il simplement, attrapant avec joie la bière que lu tendit son frère. Murphy lui lança un regard interrogatif, peu habitué à devoir forcer ainsi le mutant à parler. Il n'avait jamais été l'homme le plus bavard du monde, mais jamais il ne s'était ainsi muré dans le silence. « Comment ça ? » Un sourire triste s'étala sur les traits de Jaime ; le rire qui s'échappa de sa bouche était mi-moqueur, mi-désespéré. « Je suis trop dangereux pour la gamine. Elle ne veut pas que je la vois tant que je n'ai pas fait le nécessaire pour ne pas lui attirer d'ennuis. » Le mutant en face de lui baissa le regard ; un geste complètement inhabituel chez le jeune homme. « Quoi ? » « Ce que je suis venu te proposer ne va te plaire, dans ce cas. » « Je pensais que t'étais simplement venu retrouver ton meilleur ami, sans arrière pensée. » lança Jaime avec un sourire malin, content de retrouver le mutant, et de pouvoir le chercher. « T'es con, bien sur que je suis venu pour ça. Mais pas que. » Murphy s'arrêta, cherchant ses mots. Une réaction qui inquiéta le jeune Buchanan, qui n'avait peut-être jamais vu chez son meilleur ami. « Qu'est-ce que tu veux Murph ? » Le mutant releva le regard vers Jaime, un regard presque suppliant. « Je veux que tu viennes avec moi. Qu'on parte ensemble à la recherches des enfoirés qui ont tué Anatoly. » « Je peux p- » commença Jaime, refusant d’emblée cette proposition. Il aurait voulu bien sur, il y avait lui-même pensé des milliers de fois dans sa cellule. Mais maintenant, tout avait changé. Maintenant, il devait se montrer sage pour pouvoir retrouver sa fille. « J'ai besoin de toi Jay. Une dernière fois, comme avant. Une dernière fois, et après tu pourras te ranger et retrouver ta femme. » Le mutant secoua la tête négativement. « C'est plus comme avant Murph. Tout a changé. Je viens de passer cinq putain d'années loin de ma famille. Tout ce que je veux maintenant, c'est me poser et oublier. C'est fini, je suis désolé. » lança Jaime, peut-être un peu trop sèchement. Le regard de son meilleur ami s'assombrit, il posa sa bière sur la table à ses côtés. « Tant pis. Je le ferais tout seul. » Le mutant contourna le boxeur, s'élançant vers la sortie. « Attend Murph ! Fait pas le con, tu va te faire tuer. Murphy, s'il te plait ! » Mais c'était trop tard. Le mutant était déjà monté dans sa voiture, quittant en vitesse le parking du motel désuet. Jaime avala une gorgée, le ventre serré. Il savait que cette histoire tournerait pas.