J'ai bien appris. Minutieusement. Avec attention. Et ambition. J'ai étudié chaque mouvement, chaque technique. Je sais les gestes à ne pas réaliser. Je sais quelle situation pourrait me mettre à mal. Oui, j'ai appris à analyser une situation, un moment donné pour le tourner à mon avantage. Ça fait partie de moi. Aussi utile qu'un de mes bras, ou que mon regard. Ça peut me sauver, de savoir bien regarder, d'être capable de détailler les bonnes choses, au bon moment. Réfléchir vite et bien. C'est la meilleure arme dans un combat. Et encore, je me demande si on peut vraiment appeler ça un combat. Ça n'en est pas un lorsque la chose en fasse de moi n'a pas la moindre chance de s'en sortir. Puisqu'ils n'ont pas la moindre chance. Tout comme lui. Ce gamin devant moi. Gamin. Il n'en est pas un. Il a simplement l'apparence d'un jeune de quinze ans. Il n'en est pas un. Il n'a rien d'un cœur qui bat, d'un cœur qui aime, d'une âme qui vit. Il n'est rien. Moins qu'un moustique, moins qu'une souris. Juste un animal à écraser, à détruire. C'est ce que je fais. Sans le moindre regret. Sans le moindre doute. Mon flingue est pointé vers son front, mon regard froid trouve le sien. Je ne m'attarde pas sur ce que je pourrais y voir. Il n'y a rien à trouver dans ses yeux, ils sont vides, dénués de vie. Le coup part, la balle l'atteint. Fini. Terminé. Un de moins. J'inspire, je baisse le regard vers ce corps. J'entends mon frère dans mon dos. Qui me félicite. Qui me fait remarquer que je me débrouille bien mieux qu'avant. Que j'ai encore quelques faiblesses. C'est des conneries, ça. Je n'ai pas la moindre faiblesse. Aucune erreur, j'en suis sûre. Je me retourne vers mon frère en un sourire satisfait. Il peut dire ce qu'il veut, je sais que je suis meilleure que lui. C'est moi qui viens de tuer l'autre, là. C'est moi qui tiens le flingue. Alors il peut dire tout et n'importe quoi, je m'en fous. Je lui lance un regard provocateur tout en ramenant le bout de mon arme à quelques centimètres de mes lèvres et de souffler dessus. Je vois ses lèvres s'étirer, les miennes en font de même. Puis je ris.

Comment une jolie fille comme moi a pu terminer dans une histoire aussi sordide, tordue, dingue. On me pose souvent cette question. Ce monde est tordu, ces dégénérés nous pourrissent la vie. Comment je me suis mise là-dedans. Je suis née avec. C'est ça, ma réponse. Je suis née dans cette famille avec les bonnes convictions. Les... mutants ne devraient pas être. Je le sais. Pas seulement parce qu'on me l'a dit. Ils sont mauvais. Et qu'on arrête de dire qu'ils sont humains. De toute évidence, ils ne le sont pas. On chasse. Ils sont nos proies. C'est ainsi que ça fonctionne. Ma famille m'a tout appris. J'ai eu l'encouragement de mes parents, de mes frères. Mes deux frères. Tous les deux plus vieux que moi. C'est marrant de voir comment ils ont eu tendance à me protéger durant mon enfance. Comme si j'en avais besoin. Je me rappelle même d'une chanson qu'ils aimaient chantonner pour m'énerver, pour m'agacer. Une chanson relatant mon apparence très, trop féminine. Mon côté trop coquette. Je m'en fiche, de ce qu'ils pensent. J'ai tendance à m'en foutre de ce que les gens pensent. Quoique, pas tout le temps. C'est pas toujours facile, d'être la seule fille d'une fratrie. D'autant plus en étant blonde, féline et avec un visage de poupée. "Tamsin, c'est trop pour toi, ça.", que me disait parfois mon père. Trop pour moi. Ça ne l'est pas. Rien ne l'est vraiment. Mais ça, c'est difficile de leur faire comprendre. Je suis presque sûre que si je n'avais pas insisté, mon père ne m'aurait jamais laissée m'entrainer, apprendre. Il m'aurait destinée à un autre rôle. Je ne sais pas lequel. Je ne veux pas le savoir. Je préfère ce que je fais. Moi, la blonde peroxydée, le cul moulé dans mon jean, la clope au bec, avec un regard d'enfant qui découvre le monde. Je connais la couleur du sang. Je connais le sentiment qu'on ressent lorsqu'un corps tombe lourdement sur le sol, sans vie. Je connais l'odeur de la mort, je connais son visage. Comment je me suis mise là-dedans. C'est marrant, comme question. Parce que je crois que ça a toujours été ma place.


Trop lente. Pas assez disciplinée. Trop sauvage. Désordonnée. Trop fillette. Trop fillette ? Je lui balance un regard autant interrogatif que désabusé. Fillette. Je suis tellement loin d'en être une. Je crois qu'il ne changera jamais. Il adore critiquer. Me critiquer. Chaque mouvement que je fais. Il pourrait même commenter la façon dont je respire, j'en suis sûre. D'accord, je lui rends bien. Il me donne tellement d'occasion de lui prouver que je suis meilleure que lui. Parce que c'est le cas. Je suis meilleure que lui. Je laisse mon regard s'égarer sur la simplicité et la brutalité de ses mouvements. C'est qu'il prend son entrainement au sérieux, vous voyez. Un sourire narquois prend place sur mes lèvres. Impossible de le retenir, ce sourire. " C'est douloureux de te regarder faire. " je déclare en croisant les bras. Il se débrouille comme un pied, j'y peux rien. Mon sourire ne trahit absolument rien, ne gâche pas mon commentaire. Je le laisse là où il est, je lui tourne le dos pour me rendre plus loin, faussement indifférente.
Un connard, une épine dans le pied, un putain de boulet à la cheville. Il est comme ça, Ian. Je suis sûre qu'il le sait. Je le connais par cœur. Je sais quand son visage est sur le point de se fermer. Je connais la lueur dans ses yeux lorsqu'il jure. Je pourrais décrire ce sourire qui se fait souvent une place sur sa tronche. Je ne sais même pas depuis quand il s'est incrusté dans mes souvenirs. Il a une place dans ma mémoire depuis longtemps. C'est facile de dire que je le connais depuis toujours. On le doit à nos familles, ça. Proches, ralliées par une même cause. Par un ennemi commun. C'est comme ça qu'on s'est connus. C'est plutôt amusant de pouvoir s'entrainer ensemble, se battre ensemble. Lui montrer ma nouvelle acquisition, lui montrer ma prochaine proie. Je crois qu'il apporte un côté divertissant à la chose. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est bien mieux avec lui, il ne faut pas abuser non plus.

Radcliff. C'est le nom de la ville dans laquelle je dois aller. Avec l'autre imbécile sans gêne. On nous confie l'endroit. Il paraît que la population mutante est plutôt importante, par là-bas. Il n'y a pas que Radcliff, il y a tout l'état. Moins ils seront, mieux je me porterai. Au revoir la Pologne, bonjour les États-Unis. Je suis plus douée pour dégommer des mutants que pour parler anglais. Grand départ. Dans quelques heures. Je prends mon temps, je provoque, je titille. Je sais bien que je devrais me dépêcher, mais je m'amuse comme je peux. " Je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais je suis sous la douche. " je lui fais remarquer en ce ton sarcastique que j'adopte si souvent lorsqu'il débarque dans ma salle de bain. Je n'entends pas ce qu'il me répond, sa voix est dissimulée par le bruit de l'eau qui s'écrase sur le sol. Je m'en fiche de ce qu'il a dit, je lève les yeux au ciel malgré tout. Je finis ma course devant les parents, la famille. Nos deux familles. Je vois même un de mes frères dans un coin. Je peux voir ce regard sur le visage de ma mère. Un regard autant confiant que perturbé par le départ de sa fille. Et mon père. L'expression de mon père, je la comprends sans aucune difficulté. Je n'y vais pas pour m'amuser, je n'y vais pas pour sortir, pour voyager. J'y vais dans un but bien précis. Et je sais que mon père refuse que je puisse échouer. Ou ne pas être à la hauteur de ses espérances. Je le sais et ça me convient. Puisque je ne compte pas rater ce que j'ai à faire. Je repousse gentiment Ian lorsqu'il pense bon de me rapprocher de lui. Ça ne change rien, il ne me lâche que quand il le décide. Évidemment. Il va prendre soin de moi, qu'il a dit. A d'autres. Il faudrait déjà qu'il sache prendre soin de sa main droite pour ça. Et tout le monde sait que je n'ai pas besoin de lui. Ou peut-être seulement pour tenir un dégénéré en place pendant que je me débrouillerai pour lui coller une balle entre les deux yeux. Je ne suis pas cruelle, je fais ça proprement.