Sous mes yeux, la forêt défilait alors que ma petite voiture s'enfonçait toujours un peu plus profondément dans les bois. Si plus jeune j'avais longtemps maudit la petite maison familiale, bien trop loin de tout, bien trop isolée et étouffée par les arbres centenaires des alentours de Radcliff, aujourd'hui je ne pouvais m'empêcher de me sentir protégée par cette verdure environnante. Comme enfermée dans un monde verdoyant, préservée du monde extérieur et de tous ses malheurs. A l’abri des hunters, des attentats récents et de tous les problèmes de ce monde urbain bien trop agité à mon goût. Ici tout était calme, paisible, et rien ne pouvait troubler la quiétude de la forêt endormie, assommée même par la chaleur de ce début d'été. La fenêtre ouverte à moitié, je laissais l'air encore chaud me caresser le visage alors que j’accélérais un peu plus. L'après-midi prenait doucement fin et l'air se radoucissait enfin, laissant place à une tendre fraîcheur après une journée de chaleur étouffante. J'avais quitté la bibliothèque plus tôt ce soir-là ; personne n'avait franchi le seuil depuis des heures, aussi il était inutile que l'on reste deux à s'occuper d'un si petit établissement. La vieille Patsy m'avait accordé le reste d'après-midi, non sans m'avoir gratifié d'un de ses légendaires regards d'une noirceur dont elle seule avait le secret. Après être passé faire les courses pour les jours à venir, j'avais décidé de rentrer à la maison pour retrouver Andreas. Cela m'arrivait de plus en plus fréquemment ; quitter le boulot plus tôt pour le retrouver. Si au fond de moi je me convainquais que ce n'était que pour l'occuper un peu -car après tout il passait ses journées seuls à la maison-, je savais bien au fond de moi qu'il n'y avait pas que ça. J'avais réellement hâte de le revoir. De le retrouver, de discuter de ma journée de travail avec lui, de tout mais surtout de rien. Être avec lui, seulement pour le plaisir de sa compagnie, et la pensée incroyablement attrayante d'avoir quelqu'un avec qui partager sa soirée. C'est pour ça qu'il était toujours là, après quatre mois à dormir sur mon canapé. J'aurais pu le mettre à la porte depuis longtemps ; j'aurais peut-être dû. Pourtant, j’appréciais bien trop sa présence rassurante dans la maison pour me séparer de lui. Alors je l'autorisais à rester, chaque jour un de peu plus, chaque soir lors de notre rituel quotidien. Je refusai d'admettre que je m'y étais attaché. S'attacher, ça voulait dire souffrir lors d'une séparation inévitable. Et cette séparation, avec Andy, elle était plus qu'inévitable. Je tâchai de me convaincre qu'il n'était qu'un mutant parmi tant d'autre, que je faisais seulement une bonne action en l'hébergeant quelques temps. Mais à quoi bon mentir ? Je me souciai du jeune homme, je m'en occupais soigneusement comme je l'avais fait avec Elios. Je tenais à lui. Sûrement plus que je ne voulais me l'avouer.

Je garais nonchalamment ma petite voiture dans la cours devant la maison. J'attrapais les papiers posé sur le siège passager, avant d'ouvrir le coffre pour saisir les sacs de provisions. J'ouvris la petite porte en bois de la maison avant de m’engouffrer dans l'entrée. Fermant la porte soigneusement, je me téléportai ensuite jusque dans la cuisine, où je déposai le sac en papier sur la table bancale. Si je n'utilisai jamais mon don à l'extérieur, c'était devenu une habitude protégée à l’intérieur de ma petite maison. Personne ne pouvait me surprendre ici, aussi je profitais pleinement de ce pouvoir si pratique. Je n'étais pas particulièrement fainéante ; pourtant, se téléporter gagnait un temps inimaginable. C'est d'ailleurs ainsi que je retrouvai Andreas dans le petit jardin à l'arrière de la maison. Apparaissant devant la petite porte qui donnait sur la terrasse, je l'ouvris doucement, découvrant Andreas lunette de soleil sur le nez qui prenait apparemment le soleil. Il sauta sur ses pieds lorsqu'il m'aperçut, s'approchant vivement de moi avant de se passer la main dans les cheveux. “ Evey ! Tu rentres bien tôt aujourd'hui non ? Tu aurais pu me prévenir, j'aurai fait à manger. Enfin, tu aurais probablement pas apprécié que je brûle ta cuisinière. Mais au moins, j'aurai fait une bonne action. Tiens, va t'asseoir dans la cuisine, je te rejoins bientôt. “ Je fronçais les sourcils, l'air faussement sévère, les bras croisées sur la poitrine. Je le connaissais aujourd'hui assez bien pour interpréter cette réaction ; lorsqu'il s'emballait ainsi, c'était qu'il avait fait quelque chose. Pourtant, il ne me laissa pas le temps de le réprimander, posant vivement le regard sur les papiers dans ma main. “ Qu'est-ce que c'est que ça ? Pourquoi te bornes tu à prendre ses trucs ? Ils te mèneront à ta perte. “ Ne comprenant pas, je regardais à mon tour. A travers le courrier fraîchement récupéré, un prospectus marqué d'un grand GET TESTED, impossible à rater. “ Ca ? ” lâchai-je en agrippant le bout de papier de ma main libre. Dessus, le même message présent dans toute la campagne publicitaire, promouvant la campagne de dépistage qui allait avoir lieu. “ Je sais pas, c'était dans la boite au lettre. De toute manière, je serais bien obligée ... ” soufflai-je l'air résignée. “ Ma convocation ne devrait pas tarder à arriver. ”