Décrivez l'apparition de votre don et la façon dont vous le maîtrisez à l'heure actuelle
Le don de Selwyn est apparu il y a de cela trois ans, quelques semaines seulement après le départ de sa meilleure amie. Cet événement qui a ravagé le cœur de notre protagoniste et lui a fait connaître des afflictions qu’il n’aurait jamais crues humaines a su réveiller en Selwyn la capacité de contrôler la douleur des autres (contrôler la sienne aurait été trop demandé au destin, probablement). Il lui a fallu quelques utilisations de son don à son insu avant qu’il ne se rende compte de ses pouvoirs. Il effectuait alors un stage dans une clinique – études en médecine oblige – et, une semaine, trois patients qu’il avait traités lui avaient remarqué qu’ils se sentaient soudainement drôlement soulagé dès que vous avez, monsieur Spiegelman, pris mon pouls. L’étudiant alloua le phénomène au soulagement d’être traité des malades ; après tout, qui, lorsqu’affecté par un rhume virulent,  n’a jamais apprécié un bon minestrone chaud concocté avec amour par son parent? Après le troisième patient, le tout devenait plutôt louche et un doute s’installa dans l’esprit de Selwyn. Ce n’est que le lendemain, avec un patient atteint d’un mal de ventre effroyable selon ses dires, que le Spiegelman se concentra sur le contact entre lui et l’autre : et là, il prit conscience de la connexion qui s’établissait. Sans ressentir la douleur tout de suite (il ne l’avait pas encore absorbé puisqu’il la retenait encore à l’intérieur du patient), Selwyn percevait un dérèglement, une masse d’élancements. Il retira rapidement sa main du front du patient, presque effrayé par la découverte de ce don inattendu, mais la remit aussitôt, afin de ne point alerter le souffrant. Il voulait sentir de nouveau ce pouvoir, cette compréhension de l’autre (et il découvrit en même temps que le type, Eugene de son prénom pour les curieux, empirait oralement sa situation; il était loin de souffrir de son appendicite comme il le croyait, puisqu’il était plutôt atteint d’un petit trouble gastrique momentané). Selwyn ‘aspira’ la douleur (l’homme s’exclama alors qu’il était guéri) puis la redonna à Eugene… avec un peu trop de virulence : le malade couina en agrippant son ventre, pestant qu’il n’aurait pas dû se proclamer guéri tout de suite (J’ai sûrement attiré la foudre de Dieu en voulant défier le destin qu’il me réservait aie mais aiiiie c’est de pire en pire!). Horrifié par ses nouvelles capacités à blesser les gens, Selwyn reprit la douleur et ressentit un immense mal de tête. Dépassé par les événements, il refila son malade-plus-malade à un autre stagiaire, le temps d’une pause pipi-café-mise-au-point-sur-soi.

Aujourd’hui, Selwyn maîtrise la partie ‘soulagement’ à merveille, puisqu’il l’utilise fréquemment à la fois dans son métier d’infirmier et pour apaiser des membres de Uprising. Quant à son pouvoir en sens inverse, il ne l’utilisera que pour sauver sa peau, se refusant à blesser quiconque. De plus, il ne contrôle pas aussi bien l’augmentation de la douleur et, en situation de surprise, il pourrait involontairement créer plus de dommage que souhaité.

avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
Selwyn a été  poursuivi il y a quelques mois par une chasseuse qui tentait de l’assassiner et il n’a pas eu le choix de lui infliger de la douleur… Un peu trop de douleur. Avec l’adrénaline de la poursuite, la peur qui se logeait dans ses nerfs, Selwyn n’a pu maîtriser la quantité de souffrance envoyée, si bien que l’anti-mutant en devint folle. Elle est maintenant à l’hôpital où Selwyn travaille et il ne manque pas de lui rendre fréquemment visite afin d’apaiser sa douleur, rongé par qu’il est par le remord. Il espère bien n’avoir jamais à retenter l’exploit; il est loin d’avoir le cœur assez solide pour blesser quiconque, même si ce quiconque rêve de le voir enterré.
Comme Selwyn a aussi rejoint le groupe Uprising, nul doute qu’il sera un jour ou l’autre confronté de nouveau à des hunters… mais pour l’instant, il se contente de soigner ses semblables.

utilisez-vous beaucoup votre don ?
Selwyn utilise son don presque chaque jour : en tant qu’infirmier, il est incapable de refuser d’apaiser quelqu’un qui souffre, il ne tolère pas l’idée d’être inutile. Il devrait utiliser son don avec plus de parcimonie, au vu de nombreuses migraines insoutenables qui l’assaillent de plus en plus ces jours-ci, mais c’est plus fort que lui. Il se sent extrêmement chanceux d’avoir ce don, et un don aussi bienfaisant !, et se doit de s’en servir. Il lui arrive de ne pas apaiser de patients durant la journée puisqu’il arrive à estimer la force de la douleur : ainsi, si le souffrant peut facilement la tolérer, il lui la laissera, question de s’économiser des maux de tête pour les patients qui auront réellement besoin de son don.

que pensez-vous de l’émergence du groupe de rebelles anti-hunters nommé Uprising ?
Selwyn vient de rejoindre le groupe, qu’il trouve nécessaire. Les élans de violence qui animent la région n’ont rien de bon. Si les hunters ne veulent pas entendre raison, il faut bien contenir leur rage et arrêter le génocide de mutants. Selwyn reste relativement en retrait : il ne veut tuer personne, seulement mettre hors de combat les hunters trop motivés.  Il espère que la situation se calmera, bien qu’il en doute.

PAYS : Québec DISPONIBILITÉ : 3/7 VOTRE AVIS SUR TH :  Que ce forum craint plus que ta mère, c’est pour ça que je suis venue  COMMENT AVEZ VOUS CONNU LE FORUM : Bazzart  PERSONNAGE:  Scénario parfait de Meredith que je lorgne depuis un mois   (attendez, faut que je vous raconte à quel point c’est un conte de Noël (enfin pour moi, vous, vous êtes pris avec moi maintenant, c’pas un cadeau..) : j’ai vu le pv en novembre, mais je me suis dit que j’attendrai les vacances de Noël pour y travailler… bim quelqu’un le prend mais bim ne finit pas sa présentation et bim me voilààà oui c’est bon je me la ferme maintenant juré ) VOYEZ VOUS DES CHOSES A AMÉLIORER? : Non, mon colonel. UN DERNIER MOT ? Puisse 2015 être placé sous le signe des mutants tout puissants  

1999.
« Crescentia, Selwyn! Venez manger! » les appela leur mère, Maja. « Attends, maman, Cressy doit répondre à la question pour descendre de l’arbre! » répondit Selwyn, en fixant avidement sa petite sœur. Âgé de douze ans, le gamin commençait sa poussée de croissance et il avait faim (très très faim), mais les enfants ne pouvaient quitter leur jeu tout de suite. D’ailleurs, ce n’était pas un jeu, quoi qu’en dissent leurs parents, c’était du sérieux de chez sérieux. Les gamins avaient instauré des règles deux ans auparavant et ce n’était certainement pas ce gargouillement digne d’un ogre en jeûne qui les autoriserait à les enfreindre.. Le sérieux consistait à prétendre qu’ils étaient séquestrés par des SS (ils avaient une fixation sur les SS – entité dont ils ne connaissaient pas encore les dessous – puisque leur grand-père, lorsqu’il se fâchait, blâmait toujours ces fameux SS) et, pour être libéré, l’un d’eux devait répondre correctement à une série de questions. Depuis le début de ce drôle de jeu (pardon, de sérieux), c’est-à-dire deux ans plus tôt, Cressy avait succombé treize fois à ses tortures; Selwyn, quatre fois. Leurs parents avaient vainement essayé de leur faire renommer le  sérieux - que penseraient leurs professeurs s’ils les entendaient raconter que des SS les enlevaient pour leur poser des questions…? Mais rien à y faire, les petits Spiegelman espiègles étaient têtus comme pas deux. « Allez, Cressy! Quelle est la racine carrée de 144? C’est tellement évident. » « Mais je ne sais même pas ce que ça veut dire, je ne l’ai pas appris encore! » chigna la gamine. « Tu diras ça aux SS, je suis certain qu’ils comprendront… » « Les enfants, ça refroidit! » « Bon, tu dois rester ici, mais ne t’inquiètes pas, je glisserai de la nourriture dans mes poches pour t’en ramener pour que t’ailles suffisamment d’énergie pour résister aux questions! » le rassura Selwyn, compatissant. « Mais… » « Mais Cressy, tu ne peux pas t’enfuir, ce sont les règles... » dit le gamin, une petite teinte de tristesse dans la voix. Il était réellement désolé que Cressy ne puisse le suivre;  il n’avait en rien les traits d’un grand frère tyrannique, soyez rassurés. « Ok mais prends aussi des biscuits! » Maman Spiegelman ne fut guère ravie de ne voir qu’un seul de ses bambins à table : elle se leva, déclarant que tout ce cirque était d’un ridicule et qu’elle irait chercher la benjamine. « Noon, maman, tu ne peux paaas » sanglota Selwyn, soucieux du respect des règles établies. Maja quémanda d’un regard l’aide de son mari, qui se contenta de hausser les épaules. « Bah, laissez-les, ma chérie, c’est un jeu… » « Ce n’est pas un jeu, c’est le sérieux! » se défendit Selwyn. « Tu as raison, pardon. Quelle question lui as-tu posée? » « La racine carrée de 144. » « Ah, classique! Et toi, connais-tu la racine carrée de 169? » Le gamin nia de la tête, le sourire aux lèvres. Certes, il ignorait la réponse, mais il adorait plus que tout les tests paternels. « Non? Tu m’apprendras ça pour ce soir, alors. Et quel est le plus haut sommet sur terre? » « L’Everest, trop facile! » « Attendez, j’en ai une bonne pour notre petit génie… qui inventa le vaccin contre la rage en 1885? »

Tels parents, tels enfants. La famille Spiegelman n’écoutait pas les dessins animés classiques de Disney, mais jouait à Trivial poursuit; elle ne bâtissait pas des châteaux de sable à la plage, elle calculait la quantité exacte d’eau nécessaire au maintien des murs dont l’angle avait été savamment mesuré; les Spiegelman ignoraient les derniers succès de la chanson, mais fredonnaient la cinquième symphonie de Beethoven du premier la jusqu’au dernier do.  


2007.
« OK, stop. Pause de révision. Mon cerveau est sur le bord de l’explosion. Café? » lui demanda Meredith en se levant immédiatement, connaissant d’ores et déjà la réponse. « Oui, par pitié » supplia Selwyn à une Merry occupée à préparer leurs tasses d’énergie. Il posa ses notes de biologie sur la table basse puis se laissa tomber dans le divan moelleux. Quatre heures que les deux comparses étudiaient pour leur examen de demain – un examen d’une importance capitale pour la poursuite de leurs études en médecine. Son regard vagabonda dans le salon des Quinn, pièce de la maison qu’il connaissait trop bien pour y avoir passé de trop nombreuses heures à travailler avec Merry. Chaque fois qu’il venait chez les Quinn, le patriarche - pasteur et croyant - saluait froidement Selwyn, fier athée. Papa Quinn désapprouvait depuis toujours  l’amitié qui reliait sa fille à ce fils d’impies impurs ; mais il dut s’incliner devant la force de leur relation. Merry et Selwyn étaient inséparables, depuis leur jeunesse et seul un fou essayerait de les désunir. Selwyn arrêta son inspection de la salle sur une photo de Merry, alors âgée de quatorze ans, les pieds dans la mer glaciale du Maine. Il connaissait tous les détails de cette image pour l’avoir scrutée maintes fois : le petit poisson au pied de la gamine, la sculpture de sable en forme de sirène dans le coin en bas à gauche, un petit bout de la tête d’un nageur téméraire à deux centimètres de l’épaule droite de Merry. L’âge ingrat n’avait pas été trop injuste pour elle… à moins que Selwyn n’eût simplement aucun jugement lorsqu’il était question du cas Merry. Il ne se souvenait plus à quel moment il était tombé amoureux de son amie; graduellement, certes… ou peut-être l’avait-il toujours aimée, à son insu. Il ne lui avait jamais révélé ses vrais sentiments, attendant l’occasion parfaite qui surviendrait aux calendes grecques. Il lui avait glissé des indices, l’avait complimentée sur ses nouvelles coupes de cheveux, mais elle persistait à le voir comme le meilleur ami que je n’ai jamais eu! à son grand dam. Quelques années plus tôt, il avait essayé de se déclarer. L’occasion de rêve se présentait : ils allaient ensemble au bal de fin d’année de leur high school. Il avait tout fait dans les règles de l’art, mais c’était avec un pur inconnu qu’elle avait dansé toute la soirée pendant que le cœur brisé noyait sa peine dans le punch non alcoolisé. Tu t'en rends compte! Sans toi, je n’y serai jamais allée et je ne l’aurai jamais rencontré!  Une chance que tu as insisté pour que je vienne! Ma-la-de. Truc de fou. Scout toujours prêt à vous rendre service, mademoiselle Quinn. Selwyn esquissa un sourire en se rappelant ce moment peu glorieux de son adolescence. Et soudain, l’envie lui prit de reprendre ce bal, de lui révéler ce secret qu’il traînait depuis si longtemps.  Dès que Merry eut le pied posé dans le salon, leurs deux cafés fumants en main, Selwyn se leva : « Merry, je… » « Oui, oui, j’ai mis les deux laits pas de sucre de monsieur! » le rassura-t-elle, sabotant sa bravoure. « Oh. Cool. Merci. Mais je voulais dire que .. euh .. je… » Et dans le cadre de porte apparut Ezekiel, le grand frère adoptif qui, décidément, savait choisir ses moments. « …que Ezekiel veut probablement un café lui aussi » lâcha-t-il. Selwyn appréciait habituellement Ezekiel, mais ce moment  il l’aurait volontiers étripé. Quoique…il était dans une maison habitée de Dieu, non ? Peut-être s’agissait-il d’un signe. « Oh! Zeke, prends-le mien, je vais m’en faire un autre, j’arrive. On se fait une rapide partie de cartes après? » Merry disparut de nouveau dans la cuisine, pendant qu’Ezekiel s’installait à côté de l’étudiant. « Mauvais timing? » s’enquit le grand frère. Il savait bien sûr, il l’avait remarqué (comme la planète entière sauf la principale concernée, bien sûr) et ne manquait pas de lancer des commentaires de temps à autre. « Hm. À peine. C’est peut-être mieux comme ça. » S’assurer de garder Merry. « Vraiment désolé » dit-il en lui tapant le dos en signe d’encouragement. «Pas de trouble. » Non, aucun. Il garderait ses sentiments pour lui, ça valait mieux.


2011.
« Monsieur Spiegelman, un instant s’il vous plaît » le somma son professeur de neurologie basique. Le professeur McVeigh attendit que les autres étudiants de l’université soient sortis de la classe avant de proposer à Selwyn de s’asseoir. « Je dois vous avertir, Spiegelman, que nous sommes plusieurs à nous inquiéter de la détérioration rapide de vos notes. Que se passe-t-il ? Vous étes dans le top trois depuis vos débuts dans cette école, vous avez  un avenir presque assuré, vous détenez la bourse la plus prestigieuse de l’université… Maintenant, c’est à peine si vous écoutez en classe. » Selwyn haussa des épaules. Il n’avait rien à lui dire. Il ne pouvait tout de même pas lui révéler que Meredith, sa meilleure amie, a.k.a. la fille dont il était amoureux depuis trop longtemps, avait pris la poudre d’escampette pour l’Europe, sans lui dire. Sur un coup de tête. Et sans lui donner de nouvelles. Pendant des mois. Il ne pouvait pas lui expliquer à quel point il se sentait vide de l’intérieur, qu’il ne mangeait plus, que rien ne l’enthousiasmait, qu’il ne dormait plus car il se tourmentait pendant des heures avec un seul petit mot : pourquoi. Pourquoi Merry avait-elle foutu en l’air leurs plans d’avenir, d’être médecins ensemble, de repousser les limites, de s’entre-aider ? Et pourquoi ne lui avait-elle rien mais rien dit ? C’était à n’y rien comprendre. «Vous avez un immense potentiel, Monsieur Spiegelman. Vous êtes vif, allumé, travaillant. Vous pouvez devenir un grand docteur si vous vous dépêchez de revenir sur la bonne route. » Mais aucune route n’était la bonne si Meredith ne s’y trouvait pas. Selwyn annula ses plans de devenir médecin, ayant perdu toute envie de poursuivre sur ce chemin. Ayant perdu toute envie. Il se redirigea vers l’infirmerie, domaine connexe mais moins exigeant, et il se donna corps et âme à ses nouvelles études. Dans son programme, on lui donna la réputation d’asociale : il ne se mélangeait jamais aux autres, ne voyant pas l’intérêt de subir une nouvelle trahison.  Pas d’attente, pas de déception.

Ses parents se fâchèrent de ce soudain changement de cap : comment leur brillant fils pouvait-il se contenter d’être infirmier quand il possédait toutes les ressources pour être un excellent médecin ? Ceux qui lui avaient laissé tant de liberté autrefois tentèrent alors de le faire changer d’idée : tu as presque terminé tes études de médecine, rien qu’un petit effort. Voyons, c’est ridicule d’abandonner maintenant !  Encore aujourd’hui, il s’agit d’un sujet délicat et il n’est pas rare que sa mère lance des petites piques assassines sur le destin raté de son garçon, grandement déçue qu’elle est de la tournure des événements.


2013.

Joyeux anniversaire Selwyn!
Je ne te souhaite que du bonheur pour cette vingt-septième année d’existence! […] Je me plais toujours autant en Europe; je reviens d’une fin de semaine à Bruxelles avec Mia! Leurs gaufres sont excellentes, il faudra que tu viennes les essayer par toi-même un jour! [...]  

Au moins, Merry s’était efforcée, pour son anniversaire. Sa lettre (qu’il n’attendait plus) était un peu plus longue que d’habitude (quel honneur!) …pour mieux lui raconter la belle vie qu’elle menait sur le vieux continent. Si la mâchoire de Selwyn se crispa en reconnaissant la délicate calligraphie de son ancienne meilleure amie, cela n’empêcha pas l’infirmier de s’empresser de lire la missive. Deux ans après son départ, Meredith déclenchait encore des réactions ambiguës chez Selwyn. Chaque fois qu’il entendait parler d’elle, il ressentait à la fois un pincement au cœur, une sourde colère, une curiosité de savoir ce qu’elle devenait, une nostalgie sans borne. Cet amalgame d’émotions n’avait rien d’agréable et Selwyn semblait être damné à les vivre fréquemment. Oh, il avait bien essayé de se remettre du départ de Merry. Lui-même ne comprenait pas comme il était humainement possible de ressentir des émotions aussi fortes deux ans après, diantre! Il avait renoncé à chasser Merry de ses souvenirs; elle revenait toujours trop brutalement, à grands coups de bons moments et d’images de son sourire chaleureux. La lettre se terminait sèchement, sans marque d’affection particulière, sans donne-moi de tes nouvelles, sans preuve de leur ancienne relation fusionnelle : Merry vivait dans une autre réalité dans laquelle lui, humble Selwyn de Radcliff-la-ville-trop-ennuyante, n’était pas le bienvenue. Ses doigts le chatouillèrent : il voulait déchirer cette lettre qui l’enrageait, mais il n’en fit rien (et il s’en réjouirait dans deux jours, lorsqu’il relirait encore et encore le billet). Son téléphone sonna, afficha Jude. Officiellement, sa copine. Officieusement, une collègue de l’hôpital pas très nette qui s’était entichée de lui et l’avait convaincu Galilée-sait-comment de lui donner une chance, tu vas voir, tu m’apprécieras peut-être! Ou peut-être que non plutôt. Il ne voulait pas d’une autre main dans la sienne que celle de Merry. C’était avec Merry qu’il voulait raconter des blagues scientifiques absurdes, s’extasier sur les récentes découvertes médicales, prendre un café et se mettre de la mousse de lait sur le nez, lui apprendre les légendes des constellations… Oh et pourquoi pourquoi raisonnait-il encore comme ça? Le spectre de Merry ne le quitterait ainsi jamais? Mensonge éhonté qu’il voulait être avec Merry ! Il souhaitait ne plus jamais jamais jamais la revoir de sa vie. D’un geste furieux, il lança la missive à l’autre bout de la cuisine, mais, puisqu’elle était trop légère pour réussir son vol plané, elle s’écrasa trois centimètres plus loin. Le courroux de Selwyn n’en fut guère apaisé et l’infirmer enfonça violemment  ses écouteurs dans ses oreilles, fit jouer le prélude cinq de Rachmaninov à fond, enfourcha sa bicyclette et pédala, loin, loin de tout ce qui pouvait lui rappeler Merry. Plus de deux ans et toujours la même rengaine, ça devenait du lourd.