Coursier, on se dit souvent que c'est un métier pépère. Après tout, il suffit de délivrer des colis ou des messages, c'est pas non plus un travail qui nécessite un QI de génie. Ouais, dans la théorie, c'est ça, mais dans les faits, c'est un poil plus compliqué. Par exemple, certaines personnes n'apprécient pas forcément de recevoir par messager la tête de leur fils par exemple. Le soucis, c'est qu'en tant que messager, Caleb ne sait jamais ce que contiennent les boîtes qu'il apporte. Seulement quand ces connards ouvrent les boîtes, c'est toujours lui qui se payait les réactions à chaud. Et face à certains mecs, c'était pas beau à voir. Cette fois-là, ça avait pas été beau à voir par exemple. Et les coups de feu, même s'il en avait évité une bonne majorité, ce n'était pas son grand kiffe. Surtout quand ces pétasse réussissait à l'atteindre. Bon, il était sorti en un morceau, pas le cas de certains mecs qui avaient leurs bras, ou jambes à l'autre bout du pays à présent, mais ça foutait quand même la quinte d'être blessé.

Par réflexe, il se téléporta chez Blake. L'appartement était vide désormais. Désespérément vide. Il préférait quand cet endroit était en bordel et que son ami roupillait dans la chambre au lieu de ranger. Mais cette époque était finie, pas vrai ? Ses portails lui permettait d'aller partout, mais pas dans le passé. Putain. Il resta stupidement dans cet appartement, ne faisant qu'un garrot maladroit autour de sa blessure. Il n'avait même pas envie de se soigner. Il préférait rester là, à contempler les images du passé qui lui revenait. C'était vague, mais plaisant. Il se sentait enveloppé par la présence de Blake. Conneries mystiques de la réminiscence des individus dans les lieux qu'ils ont habité. Ce fut un bruit de clefs dans la serrure qui le fit sortir de sa torpeur. Il s'était probablement endormi en fait. Il disparut et atterrit dans le taudis qu'il sous-louait en ville depuis la mort de Blake. Pourquoi ne quittait-il pas cette ville ? Peut-être parce qu'il espérait trouver celui qui avait tuer son protégé. Peut-être parce qu'ici ou ailleurs, c'était pareil.

Cette interruption avait le mérite de lui faire retrouver la terre ferme. Il réalisait qu'il avait merdé et perdu pas mal de sang. Quel con. Il observa sa plaie dans la salle de bain. C'était moche. Et la balle n'avait pas l'air d'être sortie. Il tritura la blessure, réussissant tant bien que mal à en extraire le projectile. Putain. Il banda la plaie. Il avait besoin de points, et la couture n'était pas son fort. En plus la balle était entré par le flanc gauche, et question accessibilité pour se soigner, c'était la merde. Il allait devoir trouver un bon psy dans le coin. Quoi ? Les psychiatre ont une formation minimale en chirurgie, et ils ne bossent pas à l'hosto, c'est le plus pratique quand on est un paria dans son genre. Bref. Il employa son smartphone pour repérer le psychiatre le plus proche. Il se rhabilla, mangea (et oui, sinon, difficile de se téléporter si on tombe à court d'énergie). Et donc enfin, il se déplaça par la seule force de sa pensée. Ou presque pour apparaître à l'autre bout de la ville.

Il passa avec assurance la porte du cabinet. Il baratina allègrement la secrétaire qui ne semblait pas très bien réveillée, et arriva dans le bureau du psy. Il referma la porte, tombant sur l'homme à son bureau, en train de finir son café. C'était un bel homme d'ailleurs. Le genre que Caleb aurait bien foutu dans son lit s'il n'avait pas eu une blessure à l'abdomen.

« Bonjour... Je risque de bouleverser votre planning, mais j'ai urgemment besoin de votre aide. »dit-il avec un sourire moqueur. « J'ai une blessure à recoudre, et clairement pas envie qu'on signale une blessure par balle dans le district, alors, soit vous m'aidez gentiment, soit j'en viens au menaces armées tout ça. A vous de choisir. Vous avez de quoi faire des points ou je vous fournis ? »

Même si son ton pouvait semblait cordial, ses déplacements qui l'amenèrent à poser ses mains sur le dossier de la chaise vide en face du bureau témoignait d'une prédation certaine et d'une agressivité latente. Caleb avait toujours était un électron fait de pulsions plus ou moins avouables, et il avait perdu celui qui l'accrochait aux limites.

Caleb resta nonchalamment appuyé contre le dossier de la chaise. C'était plutôt coquet comme cabinet de consultation. Franchement, ça devait bien payer de fouiller dans la merde des patients. C'était quand même un boulot crade non ? Remuer tout ce qu'il y a de négatif dans la vie de quelqu'un. Tu parles d'un job, ça ressemblait plus à de la torture. Enfin, si c'était la vocation de ce type que de charrier la merde de ce monde... Il n'était pas là pour juger, il avait mieux à faire. Genre, empêcher son organisme de merder et sa vie de s'achever pathétiquement.

« C'est bien parce que personne ne soupçonnerait que vous me soigniez que je suis là. Mais vos connaissances en médecine seront suffisantes. »répondit-il avec moquerie.

Le brun suivit du regard les mouvements de l'homme, de ce regard sombre, perçant et que beaucoup considéreraient comme fou, imprévisible, menaçant. Il n'avait pas réalisé que l'homme était si grand en le voyant à son bureau. Il n'aurait sûrement pas été l'emmerder dans la rue. Ou peut-être que si justement, ce genre de mec, c'est du challenge que de se battre avec, et puis, il fallait l'avouer, depuis la mort de Blake, il préférait recevoir les coups que les donner. Peut-être qu'au fond, il n'avait plus vraiment envie de se battre pour sa survie. Il faisait juste semblant par respect pour son amant défunt. Il écouta néanmoins les requêtes de l'homme. Il avait prévu de ramener cela, ce n'était qu'une confirmation.

« J'ai pas d'allergie. Sauf peut-être à la religion, mais j'pense que vous me ferez pas un sermon en recousant mon bide. »ricanna-t-il légèrement, en ayant un léger mouvement de doigts pour ouvrir devant lui un portail à sa taille. « Ne vous en faites pas, je sais me procurer tout ce dont j'ai besoin, n'importe où, n'importe quand. Ne profitez pas de mon absence pour appeler les flics, ça me mettrait très en colère. »

A peine eut-il dit cela qu'il fit un pas en avant, disparaissant comme par magie. Il atterrit dans la pharmacie d'un hôpital. Il ne mit pas longtemps à trouver ce qu'il souhaitait. Il commençait à bien connaître ce genre d'endroits avec les années. Il prit ce dont il avait besoin, rapidement. Il rouvrit un portail et arriva à sa place initiale ou presque, il arriva dos au bureau. Il aperçut l'homme vers la porte, il haussa un sourcil, mais ne fit pas de remarque. Même s'il avait prévenu des flics, Caleb savait qu'il n'en avait rien à battre, et surtout rien à craindre, depuis le temps qu'il faisait un travail illégal sans aucun soucis. Il montra ce qu'il avait récupéré au psychiatre.

«Si le matériel ne vous plaît pas, il faudra vous plaindre au... Centre médical d'Arlington. »dit-il en lisant l'étiquette sur le produit avant de lancer la première boîte au médecin. « Vous comptez opérer où ? J'pensais à votre bureau, mais faudrait enlever vos bibelots. J'peux faire ça vite, mais vous risquez de m'engueuler, alors, j'vais plutôt vous laisser gérer ça. »

Il haussa les épaules avant de lui lancer la seconde boîte. Son agressivité avait peut-être diminué à cause de la fatigue du trajet inter-dimensionnel. Ou alors c'était que ses émotions n'étaient pas stables. Il eut un soupir, déboutonnant sa chemise pour montrer sa blessure sur son flanc gauche, un peu en dessous des côtes.

« J'pense que des points simples suffiront. Ça devrait être à votre portée, non ? »demanda-t-il presque doucement.

Il retira sa chemise, qu'il déposa sur la chaise, laissant apparaître sa musculature nerveuse, les cicatrices, et un tatouage récent dans le haut de son dos  « Blake » en lettre gothique.