Le monde, je ne le côtois qu’en deux occasions. La première, lorsque je suis au travail, avec cette masse de personne qui s’en vient  ma caisse pour payer leurs achats parfois nombreux. Fort heureusement, dans ce cas là, le tapis roulant me préserve de leur proximité et je n’ai aucun contact physique. Ce n’est pas que je n’aime pas les gens mais j’ai appris à m’en méfier et lorsqu’ils sont trop près, j’ai tendance à avoir le souffle court. Cela n’arrive pourtant pas, lors de la seconde occasion, non moins intéressante. En effet, il m’arrive de côtoyer les foules, de mon plein gré. Les regroupements sont le moment pour quelques menus larcins, ceux qui me font vibrer, plus qu’ils ne sont utiles. C’est cette seconde raison, qui me fait me balader dans la plus grande rue de Radcliff. Le jour commence à décliner, si bien que ma main baladeuse sera d’autant plus discrète. Un sourire ou un bousculement fera ensuite l’affaire pour détourner l’attention et l’affaire sera dans le sac. Un fin sourire décore mes lèvres, à la simple idée de ce qui va suivre. Ce n’est pourtant rien. Une simple action que j’ai effectué maintes et maintes fois et que je ferais encore et encore. Cependant son cœur vibre, bat la chamade à la recherche d’une victime potentielle, comme la toute première fois. La prison ne m’a pas enlevé ce petit plaisir simple et c’est probablement la raison qui me fait continuer. Je me sens vivante à chaque fois que je dois simplement m’immiscer dans la poche ou le sac d’un inconnu, découvrant ensuite sa vie, sa personnalité à travers un simple portefeuille.

Mon cœur bat un peu plus fort et je sais que le moment est arrivé. Finalement, je décide de ne pas choisir ma victime à l’avance et marche, d’un pas rapide, en direction d’une masse de monde arrivant de l’autre côté. Soudain, c’est le choc. Je ne sais même pas si c’est réellement de mon initiative, mais je sens une masse de muscle sous ma paume gauche, qui se crispe par réflexe. La seconde, baladeuse, s’est déjà insinuée dans une poche arrière, à la recherche du graal. Mes doigts se referment bientôt sur un objet en cuir, que j’extirpe d’une main experte. Bien sûr, tout ceci n’a durant qu’une petite seconde, avant que je ne m’exclame. « Désolée ! » Toute à mon action, je n’ai bien sûr pas regardé son visage. Pas plus que je n’ai remarqué la perte de mon portefeuille, bien maladroitement rangé dans ma poche de veste en cuir. Quoiqu’il en soit, je m’éloigne, comme à mon habitude, d’un pas rapide, avant de prendre une rue adjacente, bien plus calme. Par habitude, j’ouvre le portefeuille, à la recherche de billets, que je range dans une poche de mon jean, avant de m’aventurer dans les méandres de l’objet. Les cartes d’identité sont ce qui me plait le plus, si bien que je la sors bientôt. Et la photo qui l’orne vient me frapper presque aussitôt. Lui… Avec un réflexe, je porte ma main à ma poche de veste, pour la découvrir vide. « Et merde ! » Je referme aussitôt le portefeuille, pour retourner dans la rue, beaucoup plus fréquentée et je me mets à courir. Je cours, jusqu’à repérer la crête dans la foule. Je me souviens de cette crète, lorsque nos regards s’étaient croisés. Je m’en souviens, parce que je l’avais trouvée amusante. Et parce qu’il avait l’air d’un imbécile avec… Bientôt, je ralentis, jusqu’à arriver presque à sa hauteur. C’est avec une témérité que je ne me reconnais pas, que j’agrippe bientôt son bras. « Rends le moi ! » Et seuls quelques mots sortent de ma bouche, alors que je n’ose même pas le regarder.

La journée touchait à sa fin. Une longue, tiédasse et barbante journée. Seth n’avait pas eu l’occasion de faire quoi que ce soit de spécialement productif depuis le début de la matinée, et autant il aimait bien paresser de temps en temps, autant tourner en rond parce que les choses ne bougeaient pas assez vite l’agaçait prodigieusement. Il était sur plusieurs affaires en même temps, et il n’attendait plus que les réponses de ses clients et de ses contacts. Réponses qui s’étaient faites incroyablement désirées, et qui, au final, n’étaient jamais arrivées. Il avait bien fallu occuper les heures à attendre, ce qu’avait fait le Calédonien en faisant un énième tour de la ville. Il commençait à connaître par cœur tout le dédale des petites ruelles, passages invisibles et culs-de-sac pas si fermés que ça. Il avait attaqué la cartographie des égouts – indispensable en cas d’ennuis, bien que ce soit une tâche qu’il réalisait en traînant des pieds – et commençait à se tisser un réseau sympathique en plein cœur de la ville, au nez et à la barbe de la loi et des anti-mutants. Il était d’ailleurs toujours étonné et assez fier de ne s’être pas fait avoir, attribuant cette réussite bien particulière à l’incapacité des hunters à voir plus loin que leur nez et, également, à son don pour filer à l’anglaise dès que la situation devenait trop risquée, aussi bien pour sa couverture que pour ses affaires. Il n’avait pas honte de se montrer lâche parfois : le courage et l’honneur étaient des notions bien pratiques tant qu’elles ne vous faisaient pas perdre la tête, et Seth avait envie de la garder encore un moment bien vissée sur ses épaules.

Le mutant errait le long d’une grande rue passante, flânant tranquillement avant de se décider de ce qu’il allait faire de sa soirée. En passant devant une vitrine, il s’arrêta et passa la main sur le côté de son crâne, grimaçant légèrement en se disant qu’il faudrait qu’il coupe ses cheveux qui commençaient à repousser. Reprenant son chemin, il se glissa dans la foule et sortit les mains de ses poches. Il détaillait rapidement les têtes autour de lui, essayant de se décider pour une victime lorsqu’il sentit une pression contre son bras gauche. Profitant de l’élan que ce choc lui donnait, il leva la main pour la glisser prestement dans la poche de la veste de l’inconnue qui lui lança un « désolée ! » auquel il répond par un :

- Y a pas de mal.

Il continua son chemin dans la foule, avançant encore un peu avant d’ouvrir le portefeuille sur lequel ses doigts s’étaient refermés. Content de sa prise, il souriait tranquillement en ouvrant le petit objet en cuir. Son premier réflexe fut d’empocher les quelques billets qu’il y trouva, le second de chercher des papiers qui auraient pu l’intéresser. Aussi sortit-il la carte d’identité de la jeune femme de son étui. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant le visage imprimé sur la petite photo. Haussant un sourcil, Seth porta la main à la poche arrière de son pantalon et soupira en constatant que son propre portefeuille avait disparu.

- Sans déconner …

Il finit par rire un peu, amusé par la situation. Il avait déjà vu la demoiselle quelques temps auparavant. Une histoire fort drôle et surtout impromptue où leurs mains s’étaient frôlées l’espace d’un instant, le temps qu’ils réalisent tous les deux qu’ils essayaient de voler dans la même poche. Il s’était souvenu de ces yeux qui avaient croisés les siens et de ce regard au moins aussi surpris que celui qu’il avait arboré. Si le mutant avait cru au destin, il aurait volontiers cru que ces « retrouvailles » étaient prédestinées. Mais il était un peu trop terre-à-terre pour ça, aussi se contenta-t-il d’avancer tranquillement jusqu’à sentir une pression sur son bras. Il sourit de plus belle en se retournant vers la jeune femme.

- Te rendre quoi, Claire ?

Il avait bien évidemment lu son nom et toutes les informations disponibles sur la carte dans le portemonnaie qu’il avait à nouveau glissé dans sa poche, mais à l’intérieur de sa veste cette fois.

- D’ailleurs, t’as quelque chose à moi aussi, non ?

Il gardait ses yeux sombres fixés sur elle, son sourire malicieux souligné par la barbiche noire qui remontait aux coins de ses lèvres.

Mes doigts se sont crispés sur son bras, avant de se desserrer aussitôt sous la douleur. Mauvaise main, pourtant, je la garde posée sur lui, comme pour me donner un peu de courage. Au final, il m’impressionne toujours autant depuis notre première rencontre. Grand, musclé, son apparence semble calculée pour ça et je dois avouer que ça fonctionne sur moi. Pourtant, je sens que je ne dois pas me démonter. Non pas parce que je veux absolument récupérer mon portefeuille, mais plutôt à cause de notre rencontre précédente. Voler dans la même poche… C’est plutôt amusant, maintenant que j’y repense, mais nos vies auraient du continuer, sans nouveaux contacts entre nous. Bien sûr, cette ville, ce n’est pas Tucson. Beaucoup plus petit. Si bien que ce n’est pas si étonnant que nos chemins se rencontrent de nouveau. Pourtant, un petit quelque chose, au fond, persiste à croire que ce n’est pas un hasard et j’imagine que c’est pour cette raison que je reste proche de lui. Sa réponse d’ailleurs, m’agace, mais ne m’étonne pas plus que ça. Pourquoi irait-il admettre qu’il m’a bel et bien volé ? De toute façon, il est probablement perdant, je n’ai jamais plus de quelques dollars parmi mes papiers. Cependant, c’est l’utilisation de mon prénom qui me fait trembler une seconde. Bien sûr qu’il a lui aussi fouillé et qu’il a regardé ma carte d’identité. Quelque chose me perturbe pourtant, je m’efforce donc d’être calme, presque souriante, malgré ma nervosité qui pourrait être aisément décelée. « Comment tu sais ? » Plus jeune, quelqu’un m’a appris que je devais toujours paraître plus idiote que je le suis réellement. Une façon de me protéger et d’apprendre des choses plus facilement. Et puis, de toute façon, je ne me sens pas réellement à l’aise à l’idée de lui répondre en utilisant son prénom à mon tour, par jeu. Cela m’entraînerait sur une pente que je ne maîtrise pas et je n’aime pas vraiment cette idée.

La main tenant toujours son portefeuille se resserre brusquement sur le cuir, alors que je le glisse dans ma poche de jean. Après tout, il a trouvé le mien dans ma poche de veste et il me semble logique de le dissimuler autre part. Mes sourcils se froncent une seconde, alors que je n’ai qu’une demi seconde pour me décider. Soit je lui réponds, continuant à être idiote, prétendant ne pas savoir de quoi il parle. Soit j’entre dans son jeu et prie pour être la meilleure et ne pas perdre. Je ne sais pas quoi lui répondre pourtant, ma voix s’élève soudain. « De quoi… tu crois ? » Et bien sûr, mes mots se sont embrouillés, ne formant qu’une phrase indistincte. Mon cerveau n’a pas du complètement faire son choix, si bien qu’un mélange de mes deux phrases potentielles vient de se faire entendre. Je me maudis aussitôt, alors que je me sens rougir. Tout ceci n’aurait pas du se passer comme ça. A vrai dire, je ne sais même plus pourquoi j’ai décidé de lui courir après. C’était idiot et l’idée n’aurait même pas du me traverser. C’est maintenant trop tard, puisque je me trouve juste là, ma main toujours sur son bras et mon regard posé sur lui. Yeux fourbes, qui m’empêchent de m’enfuir en courant. « Je veux dire… Je ne vois pas de quoi tu parles ! » Après quelques hésitations, il me semble avoir enfin pris une décision concernant ma culpabilité, ou non… Même si je sais pertinemment qu’il ne me croira pas.

Pendant que la jeune femme garde les yeux rivés sur le sol et la main sur son bras, Seth en profita pour la détailler vraiment pour la première fois. D’ordinaire, il ne faisait ce genre de chose que pour vérifier qu’une arme n’était pas éventuellement cachée sous un t-shirt ou la manche d’une veste. Il doutait que la demoiselle soit armée et dangereuse, aussi effectua-t-il cette vérification par pure curiosité esthétique. Elle était plutôt jolie, plus petite que lui et visiblement tout aussi douée pour laisser traîner ses mains là où elle ne le devrait pas. Il s’était fait avoir comme un bleu et le lui avait bien rendu, mais maintenant qu’il savait qui avait son porte-monnaie et ses papiers, il ne comptait pas repartir sans avoir récupéré ce qui était à lui ; et si la jeune voleuse continuait à le faire s’amuser comme ça, peut-être consentirait-il à lui rendre ce qu’il lui avait pris.
Sa réponse lui arracha un sourire plus grand encore. Elle voulait jouer la jeune innocente un peu idiote ? Dommage pour elle, il ne marcherait pas. Il savait parfaitement qu’elle le faisait exprès – elle avait tout sauf le profil de la donzelle sans cervelle ; Seth était complètement aveugle à un certain nombre de choses, mais à force de jouer la comédie, il avait fini par apprendre à repérer les menteurs. En l’occurrence, la dénommée Claire était trop nerveuse pour mentir correctement. Et le mutant comptait bien jouer dessus, au moins un peu.
Il haussa les épaules, l’air faussement perplexe.

- Je sais pas, j’ai dit ça au pif.

A son « rend-le moi », il répondit donc par une nouvelle question, laissant clairement entendre qu’il savait pertinemment que c’était elle qui avait son portefeuille. Il ne savait pas encore dans quelle poche, mais s’il devait mettre ses mains dedans pour le récupérer de force, il n’hésiterait pas à le faire. Cela dit, il avait d’autres idées en tête pour l’instant.
En l’entendant mélanger ses mots, il laisse échapper un léger rire un peu moqueur, trouvant la situation assez drôle au final. Il fut tenté de lui tapoter la tête de sa main libre, mais cela aurait trop exposé la poche où il avait rangé les possessions de la jeune femme, aussi s’abstint-il et se contenta-t-il de dire :

- Ben alors, on trouve plus ses mots ?

Il la détailla à nouveau, remarquant qu’elle avait commencé à rougir mais qu’elle s’était vite reprise. Lorsqu’elle leva les yeux vers lui, il soutint son regard, profitant d’avoir une accroche visuelle. Il haussa les épaules une fois encore, l’air toujours aussi avenant, pas énervé le moins du monde.

- Ah … Alors si tu vois pas de quoi je parle, c’est pas la peine qu’on perde notre temps plus que ça, hein.

Il lui sourit et dégagea son bras.

- A plus.

Il commença à s’éloigner tranquillement, se demandant si elle allait essayer de le rattraper. Et si jamais elle restait sur place, il avait dans sa veste la carte d’identité avec son adresse, et il n’aurait aucun mal à la retrouver chez elle directement.
Si entre temps elle se débarrassait de ses affaires à lui, eh bien tant pis. Il avait de quoi se refaire faire des papiers, faux ou vrais selon sa préférence. Quant aux billets qu’il avait perdu … eh bien, il trouverait le moyen de les lui reprendre.

Au pif hein… Bien sûr que non il n’a pas dit ça au hasard. Mes papiers, il les a vu, lu probablement et s’en sert maintenant pour se moquer de moi, d’une certaine façon. S’il semble s’amuser, ce n’est pas vraiment mon cas. Probablement parce que je ne sais pas jouer à ce genre de jeu. Si je sais m’abêtir encore plus que je ne le suis réellement, je ne sais pas mentir et encore moins provoquer efficacement les gens. Du moins pas consciemment. Lui ne semble pas avoir ce genre de soucis puisque cette fois, il ne s’empêche pas un rire, aussi moqueur que désagréable. Autant dire que ça me rend un peu triste, un peu sur les nerfs aussi. Je n’aurais probablement pas du venir le chercher de cette façon, sans un plan en tête. De toute façon, je n’aurais pas pu en concevoir un suffisamment bon pour récupérer mon bien sans y perdre quelques plumes. Sa remarque me fait trembler légèrement, de colère, un peu, mais surtout d’impuissance. J’ai l’impression de n’être qu’un jouet entre ses mains et pourtant, cela ne dure que depuis quelques secondes. De quoi se sentir mal, bien sûr, du coup je préfère de loin essayer d’en sourire, même si ça ne doit pas être très réaliste. Et puis de toute façon, je ne trouve jamais mes mots quand il le faut… Mais ça, bien sûr, Seth ne peut le savoir. « Et alors ? » Et le prix de la répartie du mois est pour moi, bien sûr. Je me sens un peu ridicule mais par un miracle étrange, j’arrive à ne pas rougir et même à sourire légèrement. Pourtant, je ne le maintiens pas longtemps alors que mon regard croise finalement le sien. Ce sont des yeux pourtant incroyablement banals, mais j’ai toujours la même réaction lorsque je croise le regard d’un homme que je connais à peine. Comme si chacun d’entre eux était capable de me faire fondre d’un regard.

Pourtant face à lui, je ne peux fondre, je ne peux même pas me laisser aller juste un peu. Parce que c’est un voleur notoire et contrairement à moi, il n’a pas vraiment l’air d’un enfant de cœur, loin de là. Lorsqu’il commence à s’éloigner, qu’il se défait de ma légère étreinte et qu’il prononce ces quelques mots, j’ai l’impression très désagréable qu’il est en train de me manipuler à sa guise. Si j’en suis bien consciente, je ne peux rien faire d’autre qu’entrer dans son jeu. Simplement parce que je n’ai pas envie de refaire mes papiers et que je ne veux pas lui donner l’impression d’être faible en fuyant face à lui. « Seth ! » Ma voix a retentit un peu plus fort qu’à l’accoutumée, comme pour être bien sûre qu’il m’a entendu. Bien sûr, d’autres regards se sont tournés vers moi, me faisant trembler légèrement de nouveau. Je n’aime pas être le centre de l’attention, alors plutôt que d’attendre qu’il se décide à revenir vers moi, je le suis et agrippe de nouveau son bras, presque à la manière d’une amante cette fois. Pour être au plus proche de lui et pourquoi pas récupérer par moi-même mes affaires. « Tu as oublié de me le rendre. » J’énonce ce fait, comme si je n’avais effectivement rien volé et qu’il était l’unique responsable de notre situation. Encore une fois, je joue l’idiote, même si ce n’est pas si loin de la vérité. « Je te lâche pas. Je sais que c’est toi. » Probablement suis-je un peu ridicule, mais je préfère rester dans mon optique première. Cela m’évitera probablement quelques soucis.

Si l’on devait résumer Seth en quelques mots légèrement vulgaires, l’expression « sale petit con » conviendrait à merveille à son comportement habituel. Aujourd’hui ne faisait pas exception, et il était loin de se conduire de la meilleur des façons avec Claire. Pour lui, c’était de bonne guerre : il l’avait volée, elle l’avait volé, et si elle n’avait pas les tripes nécessaires pour lui reprendre son portefeuille, alors peut-être devrait-elle arrêter avant de tomber sur plus agressif que lui. Il ne se considérait pas comme plus désagréable que ça, et tant pis si elle le prenait mal. Cependant, le mutant était assez curieux de voir ce que la jeune femme avait vraiment dans le ventre. Aussi prit-il un malin plaisir à la provoquer plus ou moins, ou en tout cas à ne pas se gêner pour être moqueur comme il l’était souvent. C’était un trait de son caractère qui avait vite tendance à porter sur les nerfs des gens et il en jouait grandement, probablement trop.
Finalement, il se dégagea de l’étreinte plutôt délicate que la jeune femme exerçait sur son bras et s’éloigna, commençant à remonter la rue, profitant du fait que le flot des passants était un peu moins dense pour mieux avancer.
Ce fut alors qu’il entendit son nom. Un nom lancé assez fort pour attirer son attention et celle de quelques badauds autour d’eux ; une apostrophe qui fit s’arrêter net le Calédonien et lui arracha un large sourire ravi. Il s’était demandé si la jeune voleuse allait entrer dans son jeu ou si elle allait tenter une autre approche. Finalement, leur rencontre risquait de traîner un peu en longueur. Il ne restait plus qu’à voir ce qui en ressortirait.
Seth se tourna vaguement vers elle et la vit s’approcher avant de s’agripper à son bras une nouvelle fois, mais plus fermement cette fois, restant beaucoup plus proche que lui. Il haussa un sourcil en souriant toujours, amusé et surtout intéressé par ce comportement. Il gardait toujours ses mains dans son champ de vision néanmoins, ne voulant pas se retrouver délesté de l’objet qu’il lui avait « emprunté ». Il reprit sa route, plus tranquillement pour ne pas perdre Claire à son bras, et haussa les épaules à sa remarque, riant un peu.

- Peut-être. C’la dit, c’est réciproque, hmm ?

Il ne comptait pas arrêter tant qu’elle n’aurait pas clairement dit que oui, c’était elle qui tenait actuellement son portefeuille en otage. Il savait que c’était elle, elle savait qu’il savait, et il était suffisamment borné et tête de mule pour continuer à répéter les mêmes phrases encore et encore jusqu’à ce qu’elle craque. Il sourit, sa barbiche soulignant les contours de ses lèvres, rendant son expression encore plus malicieuse.

- Mais je t’en prie, reste accrochée là, c’est pas désagréable du tout.

Il avait lancé ça en se demandant comment elle réagirait, puis finit par dire :

- J’pense qu’on va tourner longtemps en rond comme ça. Alors j’te propose un truc : t’as mes billets, j’ai les tiens. On se paye un verre chacun de la part de l’autre et tu m’expliqueras depuis quand tu fais les poches des mecs que tu devrais pas voler.

Sa proposition était sérieuse : il aurait bien aimé en savoir plus sur la jeune femme – et pourquoi pas tester un peu son potentiel ou voir s’il pouvait lui proposer un job plus intéressant que celui qu’elle avait, peu importe ce que c’était.