i. êtes-vous originaire de radcliff ?
Pas le moins du monde. Caleb est né au pays des extrémistes religieux, et même dans la capitale de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, oui, à Salt Lake City en somme. Il a toujours détesté sa ville d'origine, ses origines, et plus globalement sa prime jeunesse, donc il ne vous parlera jamais de la ville au lac salée. Il dira juste qu'il n'est pas d'ici et juste de passage. D'ailleurs, c'est la vérité, il ne fait souvent que passer de façon plus ou moins prolongée à Radcliff en squattant chez son petit protégé, même s'il doit avouer que l'appartement de celui-ci ne donne pas envie de trop rester question propreté et confort...

   ii. avez-vous déjà eu affaire à un ou plusieurs hunters ?
Haha. Oui. Il faut dire que Caleb n'est pas forcément quelqu'un de très prudent. Il utilise souvent son don lors de son boulot, et il se fiche que celui-ci soit visible par des inconnus. Alors forcément, il a été parfois emmerdé par ces connards. Mais franchement, essayez de tirer sur un mec qui crée des portails dimensionnels... Certains l'ont fait, ils ont été surpris de se retrouver avec leurs propres balles dans le cul. Enfin, Caleb ne leur fait pas la guerre, il se fiche bien de ce qui arrive aux autres mutants qu'ils trouvent, par contre, quand on le fait chier, on en sort pas indemne, c'est un fait avéré.

   iii. utilisez-vous beaucoup votre don ?
Très régulièrement. En même temps, un don comme le sien, quand on y goûte, on y prend très vite goût. Cela permet tellement de possibilités. Et puis, il faut être honnête, c'est en l'utilisant aussi intensivement qu'il a pu le développer et le rendre aussi précis et utile. Il ne pourrait plus s'en passer. Et même, son pouvoir est une composante à part entière de lui-même. Un prolongement de sa personnalité, et inversement sans doute.

   iv. pensez-vous que les mesures mise en place par le gouvernement sont suffisante ?
Le quoi ? Le gouvernement ? Pff. Quelle connerie. Depuis quand un gouvernement est capable de protéger ses citoyens ? Alors, non, Caleb ne croit pas dans les mesures du gouvernement. D'ailleurs, c'est clairement pour cela qu'il ne s'est pas laissé « dépisté » transmutant, et qu'il fuit à peu près tout ce qu'un citoyen normal se doit de faire. Sa sécurité, il se la garantit lui-même.

Quand on est l'aîné d'une famille nombreuse, on est censé donner l'exemple. C'est ce qu'on a répété à Caleb pendant toute son enfance, entre deux prières, et deux claques parce qu'il ne se comportait pas comme il fallait. Ses parents n'étaient pas vraiment des modèles de tolérance, et pas vraiment aimant envers leurs enfants, mais vous voyez, la contraception, c'est blasphémer, mieux vaut faire des gamins que l'on battra parce qu'on ne les supportera pas. Esprit de pure contradiction ou libre arbitre, Caleb ne fut jamais un exemple pour ses trois frères et quatre sœurs. Il fut toujours la brebis galeuse dans le troupeaux de blancs moutons et aucun berger ne semblait pouvoir le guider.

Dès son plus jeune âge, il faisait preuve d'une curiosité et d'une ouverture d'esprit qui n'étaient pas compatible avec ce qu'on essayait de lui enseigner. Il ne voulait pas des dogmes, il voulait des explications. Il ne voulait pas une vérité, il voulait des vérités. Son esprit était trop vif pour supporter l'immobilisme de la religion. Ses poings aussi. Il avait régulièrement des problèmes de discipline. Les années n'apaisèrent pas ses troubles, ni les coups, ni l'isolement, ni l'endoctrinement. Il restait lui. C'était là tout le problème. La seule chose qu'il partageait avec son père, c'était la passion de la chasse. A l'arc bien sûr, les armes à feu rendent cela trop simple.

Les choses auraient pu continuer ainsi, laborieusement, mais sans drame. Seulement, sa différence n'était pas juste une affaire de caractère. Il était anormal. Doublement anormal : homosexuel et transmutant. Heureusement, ses parents ne découvrirent que la première caractéristique, lorsque la police le ramena chez lui pour outrage aux bonnes mœurs à quinze ans, pris en plein acte avec un homme d'un âge bien plus mature dans l'un des parcs de la ville. Inutile de dire comme les jours qui suivirent furent difficiles. Il décida finalement de faire semblant. De se « repentir » pour avoir la paix. Mais cela entachait un peu plus l'image que ses parents, ses frères et sœurs, la communauté avaient de lui. Il était le pestiféré. Cela ne s'arrangea pas quand pour tester son pouvoir fraîchement découvert, il commença à cambrioler des maisons. Pour le plaisir. Pour le challenge. Quitte à avoir le pouvoir du Diable, autant le devenir non ? Seulement, la police finit par remonter jusqu'à lui, et sans qu'on devine son pouvoir, il fut jugé pour ses crimes. Ses parents décidèrent de l'envoyer en camp de redressement, un boot camp, plutôt que la prison. Au départ, il pensait que ses parents avaient fait un choix « cool ». Il comprit vite qu'il aurait préféré la prison. Il avait seize ans quand il y arriva.

Dans les premiers mois, il tenta de s'enfuir pas moins de cinq fois en dépit des mauvais traitements qu'il gagnait à chaque tentative. Ce qui l'empêchait de partir loin, c'était que son corps ne supportait pas assez bien sa mutation, il finissait par s'effondrer derrière les grilles, et on le piquait là. Mais il était hors de question qu'il se plie à cette autorité injuste qui régnait là. Ils voulaient le briser ? Oh, ils allaient se lasser avant lui, il savait bien encaisser. Il n'y eut qu'une personne qui arriva quelques mois après lui qui le faisait « rentrer dans le droit chemin ». En réalité, il ne voulait plus que ses conneries atteignent tout le groupe, parce que Blake, et bien, Blake faisait parti du groupe. Il ne savait pas bien ce qui l'avait attiré chez ce garçon. Sans doute son côté chien battu perdu dans un monde de brutes. Il était plus fragile que la plupart des gars présents. Caleb avait même du mal à comprendre pourquoi on l'envoyait là plutôt que dans une cure de désintoxication. Cela aurait sûrement été moins douloureux et moins traumatisant que ce putain de camp. Certains craquaient et devenaient barges. D'autres se taillaient les veines. Et puis d'autres mourraient des suites des maltraitances subies en permanence mais sur laquelle les services sociaux fermaient les yeux. C'était un peu l'enfer sur terre. Enfin, si l'Enfer existait, et ça, le cambrioleur en doutait assurément.

Après quatre ans, Blake sortit. Il s'était mieux conduit que lui. C'était logique. Mais il avait promis au jeune homme de le retrouver dehors. Dans une ville pas très loin. Il lui fallait un peu de temps pour arriver à ses fins. Mais il avait un plan. Il se démerda pour finir à l'infirmerie, s'entaillant profondément la cuisse. Chaque jour, il rouvrait ses plaies pour qu'on ne puisse pas le faire bouger. Il avait accès à plus de nourriture, il pouvait piquer des choses avec son don sans qu'on se doute que c'était lui. Il faisait des réserves. Il savait que pour réussir sa fuite, il devait nourrir intensément son métabolisme. Cela prit un mois. Il partit de nuit, avec pour seul bagage ses papiers récupérés par effraction, une bonne réserve de barres céréalières, des thunes, et de l'eau. Il était à 40km de la première ville, en courant, c'était faisable de nuit, avant qu'on le signale. Cette fois, il avait un but : retrouver Blake. Cela le maintint éveillé, et il arriva en ville.

Il rentra dans le premier fast-food, commandant à foison. Il se nourrit sous le regard ébahi de la serveuse en voyant à quelle vitesse il engloutissait cette quantité astronomique de bouffe. Il se sentit mieux. Le café aida aussi sûrement. Ensuite, il vola la première moto venue, et prit la direction de Radcliff. Il allait plus vite que son signalement. On ne peut pas lutter face à quelqu'un comme lui. Il mit en revanche plus de temps pour trouver Caleb. Et le trouver dans un centre pour SDF, cela ne lui plut pas. Il insista pour lui filer le peu d'économie qu'il lui restait, de ce qu'il avait volé au camp. Il ne pouvait pas rester là en revanche. Il quitta à contre cœur son compagnon d'infortune. Il reviendrait. Toujours.

Il ne fallut pas longtemps à Caleb pour s'infiltrer dans le milieu illégal de l'état en question, voire des états après quelques mois. Il gagnait pas mal de fric. Il ne se posait pas de questions sur la moralité de ses actes, il survivait en étant libre, c'était tout ce qu'il comptait. Il retournait à Radclif dès qu'il pouvait. Il avait du mal à laisser Blake seul. Sans doute parce qu'il le trouvait fragile, vulnérable, naïf. Peut-être aussi parce qu'il avait peur de le voir retomber dans la drogue, en côtoyant le milieu, il se rendait compte de ses ravages et de sa tentaculaire domination.

Enfin, de toutes façons, à part Blake, il n'avait plus vraiment d'attache, alors... Il se voulait être là pour lui. Notamment quand il découvrit sur le tard sa mutation et que non, la paralysie n'était pas contagieuse. Définitivement, il ne pouvait pas laissé ce nigaud soigner tous les chats du quartier, il fallait être là pour veiller sur lui. Ce qui n'empêchait pas pour autant le brun de vaquer à ses occupations, même à l’international grâce au développement de sa mutation. Les années passèrent ainsi. La seule chose qui n'était pas éphémère dans sa vie, c'était Blake. Il n'avait jamais cherché à foutre un mot sur ce qu'il ressentait pour cet homme. C'était Blake, et c'était suffisant.