STORIES ARE WHERE MEMORIES GO WHEN THEY'RE FORGOTTEN

Human, dog, freak... Whatever, I don't care ~

C’est le genre humain. Souvent vouloir ce que l’on n’est pas, toujours vouloir ce que l’on n’a pas. Que ce soit utile ou futile. C’est vraiment le genre humain.
Avec un prénom comme Ezra-Yan, on aurait put croire que le gamin aurait souhaité un prénom plus, disons, normal. Mais non, il s’y était fait. De toute façon personne ne l’appelait par son prénom complet. Sauf peut être ses parents… Bon ok, juste sa mère. Puis il s’était dit qu’il y avait pire comme prénom. Comme s’appeler Victoire et ne pas briller à l’école. La seule fois où ses parents avaient dû crier Victoire, en étant content, c’est bien le jour où elle est née. Pour le reste, ça devait bien être juste pour la rappeler à l’ordre. Pauvre gamine… Non, avec son prénom au moins il était sûr qu’il n’y en aurait pas trois par classe.
Le gamin n’a jamais voulu s’appeler autrement, ou avoir les cheveux bouclés, il n’était pas trop fan de la choucroute. Comme tous gamins, Ray souhaitait juste être différent. Mais différent sur le plan dont tous les gamins rêve : avoir des supers pouvoirs. Sauf que la plupart des mouflets finissent par déchanter, en se rendant compte que, comme le père noël, ou la petite souris, et bien ça n’existe pas. Sauf le cadet Chandler.
Il connaissait un gosse du nom de Teddy. Il ne payait pas de mine le Teddy. Il avait un prénom d’ours en peluche, il n’était pas très grand, épais comme un cornichon, on aurait put croire qu’il pourrait s’envoler en éternuant. Il avait une tête de premier de la classe Teddy, celle de celui qu’on embête parce que c’est marrant. Celui qu’on raquette parce que c’est facile. Jusqu’à ce que ceux qui le martyrisent aient peur de lui. Il se trainait sa réputation Teddy, celle d’avoir une force surhumaine. Mais du haut de ses huit ans, Ray était comme St Thomas : à croire que ce qu’il voit. Alors il était allé le voir Teddy, persuadé que de toute façon, le seul véritable pouvoir c’est celui de la peur.
- « Si t’es si fort que ça, t’es cap’ de me casser l’bras. »
Et il s’est pas démonté le Teddy, parce qu’il avait ça en lui : cette haine contre tout ceux qui croyaient pouvoir s’en prendre facilement à lui. Il aurait put avoir peur, de la réputation des frères Chandler, surtout de l’aîné, d’avoir des problèmes avec leur père flic. Ou même des représailles de la part de Ray, qui faisait partit de ses bourreaux, mais non. Il lui a attrapé le bras et l’a cassé comme une brindille.  
Aucun adulte n’a jamais su que c’était Teddy le responsable, pas étonnant de se casser un bras quand on joue à escalader la clôture de l’école. Mais plus aucun gamin, en tout cas présent ce jour là, ne l’a jamais de nouveau embêté.
Ray savait depuis toujours, que ceux qui seront  plus tard appelé transmutant, existaient. L’un d’entre eux était son ami. Ce qu’il savait aussi, c’est qu’il n’avait pas la faculté de guérison. Car c’est ce qu’il voulait, être comme son copain Teddy. Le pouvoir de la peur c’était nul, tout le monde l’avait. Surtout son frère Tad.

Ce qu’il fallait savoir à propos de la fratrie Chandler, c’est que des trois, ce n’était pas le plus grand qui était le plus à craindre. C’était le cadet qui cherchait toujours des noises aux autres, et mettait en déroute ses frères. Seulement Tad n’était pas en reste, il frappait le plus fort et savait parfaitement bien manipuler son monde. Au milieu Danny se laissait porter comme une balle balloter par la mer. Masquant sans peine son intelligence, que seuls ses yeux trahissaient. Lui se méfiait de son frère et de ses mauvaises fréquentations, assumant le rôle de tampon entre son aîné et le petit dernier. Tous trois fils d’un père flic, mainte fois décoré, ils connaissaient parfaitement les ficelles du métier. Le seul tort qu’est vraiment put avoir leur paternel, étant d’avoir fait d’eux de parfait petit soldat, leur apprenant le maniement des armes et l’art du braconnage. Une façon d’arrondir les fins de mois, et d’avoir leur premier argent de poche. Mais dans une région, où on pouvait facilement retrouver un crocodile venir proposer un coup de patte pour le jardinage, ou un mocassin souhaitant jouer avec la pelle et le seau, fallait savoir se défendre. En tout cas, s’il s’avéra que même si mini Ray ne s’était pas encore découvert de mutation, il était passé maître dans l’art de jouer avec des serpents venimeux, sans se faire mordre. Mais aussi dans celui de faire disparaitre les preuves de ses bêtises. Pas vu pas prit, comme on dit. Merci papa.
Un peu comme Teddy, par un après-midi de Mai 1989. Partit jouer dans les bois et jamais rentré. Présomption d’innocence. Pas de corps, pas de preuve… La culpabilité du gamin n’a jamais été prouvé, et le corps jamais retrouvé. Il est si facile de se perdre dans ces bois et de faire une mauvaise rencontre. La seule chose de sûr, c’est que sa jeune sœur ne fit plus de séjour prolongé à l’hôpital.

[****] 17 Février 1996 [****]

Tad leva son verre bien haut, les yeux pleins de fierté rivés sur son frère, et sur cette veste qu’il n’allait pas tarder à enlever. L’homme avait toujours vu en lui qu’il ferait une excellente recrue pour son MC, et ça ferait depuis longtemps qu’il serait des leur, si seulement Danny ne s’était pas mis en travers de son chemin. Ce frère si entêté à protéger son cadet. Mais ce que cet imbécile n’avait pas compris, c’est qu’un chien à besoin d’un maître. Et c’est ce qu’était son petit frère : un chien féroce, mais fidèle et loyal, si on lui donnait le bon os à ronger. Il avait toujours vu cette différence en lui, son esprit brut impossible à façonner, mais capable d’aller dans la direction qu’on lui indiquait. Et il l’avait amené vers les Dogs of Hell. Un groupe de bikers qui existaient depuis plus de trente ici ans à Rosewood. Et dont aucune force de l’ordre n’avait réussit à démanteler. Un réseau fortement enraciner au cœur de la Floride, et qui n’était pas près de se tarir. C’est qu’ils savaient comment passer au travers des mailles du filet depuis longtemps. Pas vu pas prit. Pas de corps, pas de preuve.
- « Au plus jeune Prospect passé membre en à peine six mois ! S’exclama-t-il. Je suis fier de toi frangin. Tu l’as mérité.
Ezra-Yan s’octroya un sourire, et choqua son shot avec le siens, avant qu’ils ne le sèche de concert. Puis son regard se posa sur son aîné. Le regard qui veut dire "arrête de me fixer bordel, et crache ta pastille". Ça l’énervait qu’il le lorgne de cette expression avec une idée derrière la tête, sans qu’aucun mot ne franchisse de suite ses lèvres. Et parfois il en fallait peu pour l’énerver. Tad le savait.
- C’est pas les premiers gonzes que tu refroidis comme ça, hein ?
- On va pas revenir là-dessus. Siffla-t-il le plus jeune, en sachant parfaitement de quoi il voulait parler. Innocent jusqu’à preuve du contraire tu connais ?
- Pas pour toi Ray… Je sais que tu l’as fait. La question c’est pourquoi ?
Le gamin soupira en levant les yeux au ciel, refrénant son envie de lui fracasser la bouteille de cointreau sur la caboche.
- Parce qui si sa jeune sœur finissait à l’hosto c’était de la faute de Teddy. J’ai juste fait ce que ses parents n’ont pas osé faire.
Tad le regarda avec des yeux ronds. Ça l’étonnait que son frère ait put à ce point faire preuve d’altruisme. Puis il se souvint de comment il se comportait avec elle, et lui balançait un coup de coude dans les côtes.
- T’étais pas amoureux d’elle, hein ? Il lui lança un sourire de benêt.
- Ta gueule. » Cracha Ray en lui rendant son coup, commençant à perdre patience.
Taisant des sentiments inavoués, dont la date de péremption se trouvait dépassé depuis les calendres grec.
Devait-il précisé la façon dont il l’avait fait ? Comment il l’avait étranglé à main nu, avant dans l’égorger pour attirer les crocos et leur avait jeté en pâture dans les marais. La façon que leur père leur avait enseignée pour faire disparaitre leurs traces. Les prédateurs n’en laisse pas. L’eau détruit tout. Etrange pour un flic de dispenser ce genre de leçon à ses enfants. Ezra-Yan ne s’était jamais posé la question, se contentant d’absorber comme une éponge.
L’ainé le regarda longuement, mais n’ajouta rien. il n’y avait rien à dire d’autre de toute façon. Puis il finit par lui tendre son nouveau blouson, et un rictus étira les lèvres de son cadet en voyant son nom.
- « The Hound… C’est une blague ?
- Pourquoi ? T’as su prouver que tu étais un fin limier, loyal, courageux, hargneux, sans peur. Tu es un chien de chasse frangin et c’est pas péjoratif. T’as impressionné Jacob comme aucun autre Prospect avant toi. T’as ça dans le sang p’tit frère. T’es là depuis six mois et t’as déjà une réputation. Soit fier de ça. T’iras loin. »
Mais à quoi ça sert d'avoir du courage et de ne pas ressentir la peur, lorsque l'on est pas capable de protéger son frère ?

[****]Novembre 1999[****]

-« Et tu vas restez là, assis sur ton cul à rien faire ?! Vociférera le cadet, crachant son fiel au visage de son père, peinant à rester impassible.
C'était comme ça depuis plusieurs jours. Ezra-Yan était à l'image d'un chien fou, que personne ne pouvait arrêter. Hormis Danny, et des drogues un peu plus dur que d'habitude. Sa haine ne semblait plus connaitre de limite, et l'inaction de son géniteur ne faisait que jeter de l'huile sur le feu. Son regard se leva vers lui, peu enclin à encaisser plus d'irrespect de la part de son fils.
- Calme toi Ezra, c'était un accident.
Accident… Ce mot sonnait faux à ses oreilles, comme une mauvaise excuse, comme une facilité. Lui avait tout vu, et il n'avait rien put faire. C'était tout sauf un accident. Sa gorge hurla ce mot comme si c'était la pire des injures, abattant son poing sur la table, vomissant un flot d'insulte tel un fleuve en cru, faisant pâlir sa mère. L'homme en face de lui resta stoïque, bien que la veine qui palpitait dans son cou exposait sa colère, ainsi que son impatience.
- Ezra-Yan Devon Chandler ! Surveille ton langage ! Ça suffit maintenant !
Elle avait tenté de crier plus fort que lui, mais sa voix était étranglée par les larmes. Sa mère avait prit la parole plus par d’espoir. Elle ne supportait plus de les voir se déchirer. Et si elle avait finit par se méfier de son aîné, le cadet lui faisait de plus en plus peur. Tous les sentaient.
- Y A RIEN A SURVEILLER ! Qu'il aboya. Sa voix devait transpercer les murs jusque dans la rue. Ton fils s'est fait refroidir par un de tes bisus et tu me parle d'accident ?! Ray cracha par terre. La vérité tu la veux ? Ces sales poulets se sont pointés comme un commando pour une rixe de comptoirs, on avait pas d'arme eux si. Tad avait ses deux mains visibles, il voulait calmer le jeu, juste calmer le jeu. Seulement parler. Et parce qu'un bleu à chier dans son froc, Tad est mort. Il l'a abattu de sang froid ! Dit-il un peu plus calmement en détachant chaque mot, se penchant vers son père. Et toi tu me parle toujours de putain d'accident, et tu fais rien. Tu fais que te planquer. C'est comme si tu l'avais tué.
L'homme ne tint plus, et se levant, il retourna la table, avant de se faire attraper par Danny. Ray essuya le sang qui dégoulinait au coin de sa lèvre, puis releva le regard vers son père.
- Tu l'as sur les mains. On vous touchait pas par égard pour toi, mais ça va se payer. Sales poulets vous allez payer.»

[****]deux semaines plus tard…[****]

- « Tu dois pas faire ça Ray. Ça ne le ramènera pas.
Depuis sa dernière dispute avec son père, Ray n'avait pas remit les pieds à la maison, entamant une descente vers le septième cercle de l'enfer, dont son aîné tentait vainement de l'en sortir. Il savait parfaitement tout ce qu'il avait fait, toutes les morts qu'il avait semé. Tad avait toujours voulu l'emmené là dedans, et il avait fini par réussir. Il avait ça en lui, depuis tout petit. Il l'avait bien remarqué lorsqu'il l'avait entrainé dans la combine des combats clandestins. Cette bestialité… Et la mort de Tad n'avait pas du tout arrangé tout ça. Et ça n’allait pas l’inciter à tout abandonner, au contraire, il s’y enfonçait un peu plus encore. Marqué par une mort injuste et impuni. Son père aurait dû le savoir, que sacrifier un fils pour en sauver un autre n’était pas la meilleure des solutions.
- Si tu t’en prends à la police, tu t’en sortiras pas vivant, et tu le sais. Même papa ne pourra plus rien pour toi.
Pauvre Danny, il avait l’impression de gaspiller sa salive, et c’était très certainement le cas. Tenter de raisonner Ray c’était souvent se heurter à un mur, et essayer de l’entamer avec une batte en mousse. Il avait toujours voulu le mettre sur le droit chemin, mais ça ne lui allait pas vraiment. Et aujourd’hui encore, l’empêcher de commettre l’irréparable se trouvait être une véritable épreuve.
- Et tu veux que je fasse quoi ? Grogna son cadet, relevant le nez de son verre, qu’il contemplait d’un peu trop près.
Question d’honneur, de toute façon si ce n’était pas lui qui le faisait, quelqu’un d’autre le ferait pour lui. Et c’était son frère.
- T’es jeune. Trouve ta voie, vie ta vie et… profite de ce qu’elle t’offre. » Acheva le brun en pointant une table du menton.

Sacré Danny, à jouer les Jiminy cricket et penser qu’une fille, qui le regardait avec une insistance des plus indiscrète, pourrait le détourner de ses envies de décapiter des poulets. Et pourtant, elle était jeune, elle était jolie. Peut être un peu trop jeune même, du haut de ses seize ans. Mais elle savait ce qu’elle voulait. Plus jeune mais sans doute plus mure que lui. Certainement plus mure que lui. Et elle n’était pas la seule à savoir parfaitement ce qu’elle voulait.

[****] Avril 2000 [****]

Cet homme pensait se fondre dans le décor, mais il l'avait repérer depuis longtemps. Perçant dans cette toile de fond, comme une tâche propre au milieu de cette crasse humaine, qu'était la fréquentation du pub. Il fallait avouer qu'avec un nom comme The Black Pit of Hell, il ne fallait pas s'attendre à trouver autre chose que la lie de la société, se mêlant au corps des serveuses, à la puissante odeur du marc, et du tabac. Le tout dénoté d'une vapeur de transpiration, sur fond de country rock et de désir sexuel. Ray appréciait cet endroit, et pas uniquement parce qu'il tenait lieu et place de chapelle aux Dogs. Il aimait se repaitre de cette ambiance, qui ne semblait que bestiale, tel un loup siégeant au cœur de sa meute.
La silhouette gracile de la serveuse, offrant aux yeux gourmands la sympathique mention de "fuck off" brodé sur son blazer, aurait été suffisante pour combler sa seule attention. Si elle n'était pas obnubilée par cet homme. Ce type l'observait, il pouvait le sentir. Ça faisait depuis presque une semaine que Ray se sentait suivit et observé. Mais l'était-il vraiment ? Ou n'était ce que de la paranoïa, que lui déclenchait les drogues dont il abusait ? Alors ça voudrait dire que ce gars était une illusion. Une illusion des plus tangibles pourtant, celle d'un mouton déguisé en loup. Loup qui prit place à côté de lui, commandant une de ces bières infectes sans alcool. Pour un ancien alcoolique, venir se perdre dans la gueule de l'enfer, c'était directement rouvrir les bras à l'envie. L'embrasser et la consommer jusqu'à la lie. Moins coûteuse qu'une travailleuse du sexe, mais tout aussi destructrice. Mais il n'avait pas ce masque que portaient tous ceux qui l'entourait, ancré dans leur chair par des années à n'avoir accepté que la douce et brulante Brandy dans leur vie. Alors il ne pouvait être que flic.
- « Allez jouer ailleurs, avant qu'on ne vous fasse disparaitre dans la fosse à purin qui sert de grill à cet endroit. Lâcha Ezra-Yan, comme une mise en bouche, ses lippes expulsant la fumée odorante d'une plante illégale.
De l'autre côté du comptoir, son regard croisa les yeux sombres de Suzie, et d'un léger mouvement de menton, l'homme lui intima de se faire discrète.
A côté de lui l'inconnu esquissa un sourire.
- Quel altruisme de la part de quelqu'un qui cautionne le meurtre de flic. Attaqua son interlocuteur, lui décochant une œillade provocante.
Réplique à laquelle Ray rigola de bon cœur.
- Qu'est ce qui vous fait croire une ânerie pareil ? Les Dogs ne touchent pas à la maison poulaga. Trop d'problèmes. Nia-t-il largement d'un aplomb déconcertant, compte tenu de la quantité d'alcool qu'il avait déjà ingurgité.
L’agent supposé s’étonna, faussement, remerciant d’un bref signe de tête le barman.
- Vous n'avez pas récemment perdu l'un des vôtre à cause d'eux ?
Le biker se mordit langue. Enfoiré, il savait taper là où ça faisait mal.
- Les risques du métier. Les gens meurs c'est une fatalité.
A peine arrivé, ce mec commençait déjà à lui courir sur le haricot, et conserver son sang froid allait être une épreuve de force. Levant la main, il commanda une autre bière, ainsi qu'un shot, mais garda jalousement la bouteille.
- Mais n’était-ce pas votre frère ? Il est compréhensible que vous ayez voulu le venger.
Ses dents meurtrirent ses joues tellement fort, que le goût de son propre sang se mêla à celui prononcé de l'alcool.
- J'sais pas ce que vous recherchez, mais mon poing dans la gueule ça va être vite vu. Cracha-t-il en reculant son tabouret violemment.
Ezra-Yan commençait à voir où il voulait en venir, il refusait seulement de l'admettre. Aussi, il préféra mettre les bouts, avant que ça ne dégénère. Et ce n’était pas souvent qu’il faisait preuve de pensée raisonnable. Un enseignement qu’il avait retenu de son paternel : lever la main sur les forces de l’ordre n’apporte que des ennuis. Cependant, ce fut sans compter sur le fait que son interlocuteur indésirable, l'empêcha d’aller voir ailleurs s’il s’y trouvait.
- Je cherche juste à te sauver les miches, pauvre imbécile. Rétorqua l'agent en le retenant par le poignet. Tu sais ils ne font pas de détail pour les tueurs de flics. Tu peux encore t'en tirer, au lieu de finir comme ton frère.
Ray dégagea son poignet et rapprocha son visage du siens. Il aura put lui arracher le nez, ou la gorge, comme un chien enragé qu'il commençait un peu trop à asticoter. Et ce n'était pas l'envie qui lui en manquait. Il se retenait depuis bien trop longtemps. Un autre que ce type aurait déjà finit l’hosto, rien que pour avoir mentionner Tad. Une perte dont la douleur se trouvait encore vivace.
- Vous pouvez être de l'anti gang, des stups ou du FBI, j'en ai rien à cirer. Siffla-t-il assez bas, pour que la musique puisse étouffer ses paroles. Vous me demandez, sous couvert de vot' fausse inquiétude, de trahir les miens. Pour ça vous pouvez vous foutre votre insigne au cul et bouffer la merde de votre patron. J’suis pas une balance !
Fallait qu'il s'en aille vraiment, sinon il allait le tuer. Rallongeant sa liste, déjà bien assez fournis. Néanmoins il l'empêcha à nouveau de partir, cherchant à le pousser à bout. Et ça portait ses fruits. Cependant, il abattit de nouvelles cartes, changeant de stratégie.
- Je pourrais vous inculper pour avoir une relation avec mineur vous savez.
Bordel, son cœur rata un battement. Le gamin qu'il était encore ne su pas ce qui l'énerva le plus. Qu'il le menace, ou qu'il s'en prenne à Suzie. Ils s'étaient rencontrés pendant un moment de faiblesse, son frère veillait sur leur relation comme un chien de garde, rien ne s'était passé entre eux. Pour le moment.
Malgré la moutarde qui lui montait au nez, Ray nia complètement la connaître, conservant un sang froid des plus vacillant. Seulement il insista, enfonçant un peu plus le clou, forçant des portes déjà ouvertes.
- Je me suis toujours demandé, comment un sergent émérite et décoré, comme ton père, ait put accepter que deux de ses fils, finissent dans le gang le plus virulent de cette partie de la Floride. Peut être que les affaires internes seraient intéressé de jeter un œil dans ses comptes, et éplucher ses dossiers.
Le sang du biker ne fit qu'un tour. Qu'on le menace de le mettre au violon il s'en fichait, mais son père n'avait rien à voir avec leurs affaires. Il n'accepterait pas qu'il le suive. Personne ne touchait à sa famille. Ce type l'avait poussé au fond de ses retranchements, et vu les circonstances ça n'avait pas été très difficile. C'était un agent bien renseigné, il possédait déjà toutes les cartes.
- ESPECE DE FILS DE… !! »
Ses jurons furent noyés dans la cohue générale. Rien à foutre d’à quel bureau il appartenait : qui sème le vent récolte la tempête. Il allait apprendre à ne pas faire chier un Dogs sur son terrain !

******

Il dépendait de la DEA, autrement dit une personne à laquelle il ne fallait pas trop s'en prendre. Seulement Ray n'avait eu aucun scrupule à lui refaire le portrait. Bien qu'il se soit très bien défendu. Il lui aurait arraché le visage avec les dents si on ne l'avait pas retenu. Mais cet enfoiré ne bluffait pas. Leur objectif était de faire tomber le gang, et ils semblaient prêts à tout pour ça. Comme de coller de fausses accusations sur un flic innocent.
Les affaires internes n'avaient pas trainés pour tomber sur son père. Ô bien sûr ils se faisaient aussi discrets qu'un virus insidieux, seulement Ray savait qu'il l'avait dans leur ligne de mir. Ils voulaient leur taupe, et il était tout désigné. De toute manière il savait très bien que c'est la taule qui l'attendait. Libre à lui de sauver son père au passage. Danny avait tenté de le convaincre de tout laisser tomber, par la manière douce. Eux employaient la manière forte, et il se demandait si son frère n'était pas de mèche.

Le gamin se sentait à la foi trahit et coincé. Choisir entre une cage et la mort, si le club le découvrait, il se prit à envisager de se foutre directement en l'air. Au moins ce choix là lui appartenait. Et tout le monde serait contenté. Il rejoindrait Tad, son père serait de nouveau tranquille, et ces saloperies d'agents devront se trouver quelqu'un d'autre. C'était une option des plus séduisantes.
Sa loyauté vacillait entre sa famille et le club. Club dans lequel il avait son importance, même s'il n'assurait son poste que par intérim.
Mais ce fut Suzie qui fut un élément déterminant dans son choix : elle était enceinte. Ça l'avait mis dans tous ses états, mais Danny aussi. Ils ne l'avaient fait qu'une fois, un soir où ils avaient trop bu et s'était retrouvé seul. Ni l'un l'autre ne s'en souvenait vraiment. On ne pouvait pas vraiment faire plus romantique dans le genre. C’était sans doute une erreur, mais on ne pouvait pas revenir en arrière.
Ça lui faisait vraiment bizarre, de s'imaginer père à seulement vingt deux ans. De tenir cette vie, qui sera bientôt présente. Sans vraiment se douter qu'il ne la verrait jamais…

******

Le sang maculait encore le cuir de ses bottes, du combat d'hier soir, et ses côtes le brûlaient comme s'il venait juste de se prendre les coups, quand il franchit les portes du poste de police ce matin là. Mais ce n'était en rien de comparable face à la colère qui lui rongeait les entrailles. Il aurait put le tuer ce type, rien que pour se passer les nerfs, juste par simple substitue. Parce qu'il ne pouvait pas arracher la tête de celui qui lui pourrissait la vie, et détruisait sa famille, depuis plusieures semaines. Si Danny n'avait pas été là, il les aurait tous tué.
Ezra-Yan s'était juré qu'il ne verrait plus jamais se mère pleurer, depuis la mort de Tad. Et pourtant, cet enfoiré avait finit par s'en prendre à elle aussi. Au final ils avaient tous raisons. Qu'est ce que ça lui avait rapporté de passer de l'autre côté de la barrière ? A par de l'argent facile, rien. Parce qu'il était un Dogs son frère était mort. Parce qu'il était un Dogs son père avait finit par prendre une retraite anticipé. Parce qu'il était un Dogs sa mère avait perdu sa boutique. Parce qu'il était un Dogs son frère ne trouvait pas de travail… Et eux qu'est-ce qu'il faisait pour lui ? Rien. Il avait essayé de se retirer, la fois où Danny l'avait presque convaincu, seulement ils lui avaient fait comprendre qu'il ne s'en tirerait pas comme ça. Qu'il irait nourrir les chiens qu'il élevait. Qu'est ce qu'il s'imaginait ?
Au final sa vraie famille était celle qu'il entrainait avec lui. Pas celle qu'il s'apprêtait à trahir.

Ray était passé en force comme on prend une place forte, semblable à un taureau prêt à trouer son toréador. S'il avait été armé, il aurait troué son claque merde comme un gruyère, rien que pour le plaisir d'effacer son petit sourire victorieux. Et quelle victoire ? Il avait creusé le trou dans lequel il venait, lui-même, s’enterrer.
- « Je vous souhaite de crever d'un cancer de la prostate et des testicules !» Lui cracha Ray après avoir signé son accord.
Il leur donnait les Dogs, mais en échange il en prenait pour dix ans. Dix ans… Il n'avait pas trop à se plaindre, qu'il disait, s'ils alignaient toutes les charges, c'était pas sûr qu'il revoit la lumière du jour. Cinquante ans peut être. Surement plus. A lui de la jouer fine pour ne pas rallonger sa peine. Pas de corps pas de preuve comme on dit. Il ne risquait pas de lâcher dans quel placard se trouvait leurs squelettes.

[****] Juin 2002 [****]

Deux ans… C'est le temps que ça leur avait prit pour les faire tomber. Mais pas comme un château de carte. Plus comme ce jeu où il faut délicatement retirer les bons bouts de bois, pour ne pas que toute la construction ne s'écroule. Beaucoup de chose était passé sous silence. Loyauté du gang oblige, les balances c'étaient faite éliminer depuis longtemps, servant de leçons aux autres. Personne n'avait parlé. Du moins n'avait vraiment parlé. Surtout pas Ray.
Menant sa barque comme il l'entendait. Surtout pour protéger sa famille. Du moins ce qu'il en restait.
Il ne s'était pas gêné pour cacher des informations, surtout pour éviter de rallonger sa peine. S'ils les retrouvaient tous ces corps qu'il avait mutilé, par plaisir et par obligation. Etalant au grand jour la façon dont ils avaient finit leur vie. Ces morts étaient bien là où ils se trouvaient. Nourrissant les créatures des bas fonds, d'où eux même étaient sortis. Restant seulement des souvenirs dans leur esprit, et des non-dits pour leur dossier.
De toute façon, il ne devait rien en rester. Comme des Dogs of Hell. Et le procès pouvait commencer.
Show must go on, comme on dit.

******

La tronche de c'type lui revenait pas. Clairement. Ça l'faisait déjà chier d'être là, de répondre à des questions auxquelles il n'avait pas envie de répondre. Mais il était bien obligé de leur lâcher quelque chose. De leur donner un os à ronger, pour qu’ils lui lâchent la grappe.
Mais ce gonze ne lui revenait vraiment pas. Son visage avait une forme étrange, et sa peau n'était marquée que par des rides, qui devaient être dû à toute la concentration qu'il employait sur ses bouquins. Ou à juger les gens. Ce sur quoi il avait dû abimer le plus ses yeux, dont les prunelles étaient accentuées par les culs de bouteille qu'il portait, soutenu par une monture passée de mode depuis, au moins les années vingt. Quant au costume… Il avait largement sa place au musée. Dans la section mauvais goût.
Le détenu, lui, avait toute son attention concentré sur son nez. Ce nez figé dans une expression étrange. Comme s'il allait éternuer et que ça ne venait pas. A un moment il s'arrêta de respirer. Ah… !
- « Avez-vous une préférence sur votre prénom ?
En faite non, c'était juste pour prendre son élan. Déçu, il se laissait retomber dans son dossier.
- Ray ça me va. C'est une bonne contraction, pour les flemmards.»
L’autre leva un sourcil, sans plus de réactivité que s'il lui avait dit que son nez le grattait, et griffonna sur son carnet, quelque chose qu’il n’arriva pas à lire…

Le détenu détestait ce genre d’entretiens. Il en avait surtout marre de ce défilé, mais il en eut deux autres comme celui-ci. Ses premières confrontations avec un psy. Inutile à son sens. Qu'est ce qu'il croyait prouver avec ses questions débiles ? Franchement ?
A peu près tout en faite. S'il s'était attendu à ça, lorsque le verdict fut tombé. Il avait été jugé en partie irresponsable de ses actes. Atteint de paranoïa, dû aux drogues qu'il consommait depuis plusieurs années. Emprunt d'une personnalité instable, dont le sevrage forcé n'arrangerait pas. Et cet abrutit d'avocat qui allait dans leur sens… Pourquoi ne pas plaider la folie et ouvrir les bras aux pyjamas à manche dans le dos ?
Ezra-Yan en prit, comme convenu dans l’accord pour dix ans. Dix ans, dont cinq en milieu psychiatrique. Ça ce n’était pas convenu, mais ça lui évitait d’en prendre pour quinze. Que lui avait dit l’aut’ pingouin. Le gamin avait l'impression de s'être fait rouler jusqu'au bout. Au final, il était peut être bien plus influençable qu'il ne voulait bien le croire.

[****] Octobre 2002 [****]

Cette punition avait un goût amer. Aussi sèche que sa gorge, lorsqu’on les débarqua de ce fichus avion, où on les avait entassé comme du bétail. Au total ils avaient fait deux arrêts, pour embarquer d’autres gonzes. Certains transférés, d’autres comme lui, fraichement jugé. Personne ne savait où ce coucou de malheur les avait transporté. Protection des témoins, qu’on lui avait dit à Ray. C’est pour ça que son procès n’avait duré que quelques mois, là où d’autres duraient des années. On avait jugé de son sort indépendamment des Dogs, et de tous ceux qui étaient tombé avec eux. Un mal pour un bien en un sens.
Son regard se leva vers ce nouveau ciel, vers ces nouveaux murs, qu’il devra embrasser pour les prochaines années à venir. Son ouïe s’habituant déjà au cliquetis des chaines, et à la froideur des menottes, qui l’empêchaient d’étirer sa carcasse, après un vol des plus inconfortables.
Bienvenu à Clinton County.

*******
Son aversion pour le corps médical avait finit par prendre le pas sur sa haine des flics. Ezra-Yan ne comptait plus les jours et les nuits qu’il avait passé à hurler. A se tordre de douleur, attaché à un lit qui n’avait plus rien d’accueillant, après avoir été trempé par la sueur et autre fluide corporel.
La désintox n’avait jamais été quelque chose de très reluisant. Ça n’avait rien d’une partie de plaisir, d’un paradis, d’un pays enchanté emplit de licorne lâchant des pets papillons. Tous les junkies le savaient, cette descente là se trouvait bien pire que celle que leur octroyait leur drogue. Quitte à choisir entre une élévation éphémère, pure illusion de son esprit souillé, et la descente dans les tartares… Il préférait encore s’en aller tutoyer les anges encore une fois. Bien qu’il ne croyait ni à l’un ni à l’autre. L’enfer était sur terre, les Hommes en étaient les principaux gardiens, chacun étant le démon de lui-même. Le paradis résidait dans la mort. Et mourir il l’aurait souhaité.
Si les sadiques aiment engendrer la souffrance, ça ne fait pas d’eux des masos pour autant.  

Pendant une année entière il s’est rebellé. Rebellé contre les soigneurs, rebellé contre les gardiens, rebellé contre les détenus, rebellé contre le système carcérale tout entier. Tel un chien sauvage n’acceptant pas d’être dompté.
Au final il ne lui restait que l’amertume de son arrivée. Cette amertume que lui avait offerte ce maudit agent de la DEA, piquant son esprit de méfiance et de paranoïa. Lui donnant de nombreux mois de replis, sans saveur. Montrant toujours les crocs, pour ne recevoir que la solitude du mitard, la seule qu’il pouvait accepter. Elle et les fourmis qui couraient sous sa chair, sous son crane, derrière ses yeux, dévorant sa conscience. Jusqu’à ce qu’il lâche prise et accepte. Qu’il accepte cette main qu’on lui tendait, sans mordre le bras tout entier.
Il troqua la défiance pour la douceur. Se murant dans un calme qui n’augurait pas vraiment quelque chose de bon. Transformant sa haine en autre chose, glissant dans leur sens pour mieux se muer dans leur théâtre. Devenant acteur de sa propre vie. Il apprit à s’assagir, pour mieux manipuler et ne plus être manipuler. Réservant sa violence pour une vengeance plus froide.
Pas vue pas pris comme on dit. Si au sein des Dogs of Hell, il avait su se faire craindre par la violence qu’il affichait ouvertement, ici il avait apprit à l’insufflé de façon plus insidieuse. Travaillant son personnage, nourrissant sa bête intérieure, jusqu’au jour où elle pourrait enfin être relâchée.  

[****] Septembre 2007 [****]

Ses visites étaient rares, tout comme les coups de fil. Les lettres inexistantes. Il n’avait jamais été doué pour écrire, coucher ses pensées sur le papier. Ray les conservait bien dans sa tête, derrière ses paupières closes, le soir lorsqu’il y repensait. Et il y en avait une qui l’obsédait particulièrement. Elle s’appelait Suzanna. Elle illuminait sa vie, depuis qu’il l’avait rencontré, de son teint halé jusqu’à son sourire. You are my sunshine, my only sunshine… En cinq ans il avait dû la voir que deux fois. Deux fois à travers une vitre, avec pour seul contact ce geste si cliché de la main contre l’autre, séparé par la couche froide et poisseuse du verre.
Ça faisait quelque mois qu’il était sorti de la section psychiatrique, se mêlant au reste de la population de la prison, se tenant à carreau, sans faire de vague. Néanmoins, s’il y avait bien une chose dont il ne pouvait pas se sevrer cette bien d’elle. Sa meilleure addiction.
Ils avaient mentit, ils avaient triché, mais qui le saurait ? Ils n’étaient pas mariés, seulement c’est ce qu’il y avait d’inscrit sur ce papier. Elle n’avait pas non plus dix neuf ans à cette époque, seulement ça passait mieux que seize. Ça avait mis du temps, mais ils avaient finit par l’obtenir, cette visite conjugale. Semblait-il que cette administration était un peu moins rigide que les autres.

Sa peau avait la douceur et le goût du miel, ses cheveux de soie, son odeur enivrante. Ce qu'elle avait put lui manquer, ses caresses, ses étreintes, sa chaleur… La seule chose qu'ils s'étaient jusqu'à présent octroyé, mis à part quelques baisers volés, lorsque personne ne les observait. Et cette nuit dont il ne se souvenait pas. Mais celle-ci Ray ne risquait pas de l'oublier. Sa voix, son souffle sur sa peau, son corps frémissant sous le siens…
On ne leur avait offert que douze heures, mais ces douze heures avaient été suffisante. Ils avaient put parler, et échanger. Bien plus que des mots… L'homme n'aurait jamais pensé qu'il ait put de nouveau aimer. Surtout l'aimer elle, encore, après tout ce temps. Et que ce sentiment soit partagé.

[****] Décembre 2007 [****]

Ray ne s'attendait pas à ce qu'elle revienne aussi vite. Trois mois ça pouvait paraitre long, mais compte tenu du nombre de fois ou ils s'étaient vu par le passé, trois mois pour eux c'étaient rapide. Mais ce qui changeait ce coup-ci, c'est qu'ils n'avaient plus de vitre entre eux. Juste une table, et une envie qui tournait dans l'air, celle de la prendre dans ses bras. Cependant quelque chose avait changé chez elle aussi. Son sourire, sa poitrine, et la façon de mettre ses mains sur son ventre, comme si elle voulait le protéger du monde entier.
Ses doigts fins glissèrent sur le métal froid. Et pour la première fois, les mains d'Ezra-Yan n’étaient pas fébriles à cause du manque, mais de l'appréhension. Celle de voir la première image, de la vie qui pointait sous son nombril.

[****] 2011 [****]

Depuis le jour de sa naissance, le détenu comptait les journées qui s'écoulaient. Celle de leur prochaine visite, celle où il se ferait encore reprendre à l'ordre, d'avoir prit sa fille dans ses bras.
Et depuis le jour de sa naissance, il avait trouvé les mots pour écrire. Ecrire qu'il voulait être de nouveau être auprès de sa famille, écrire qu'il en avait assez du froid du Dannemora, écrire qu'il voulait renter chez lui.
Il s'en fichait pas mal de risquer de se retrouver au milieu de ceux qu'il avait aidé à faire tomber. Qu'est ce qu'il risquait au bout de tout ce temps ?

Ça avait mit trois ans, mais au bout de trois ans, Ray pouvait enfin respirer l'air de la Floride, retrouver ses deux soleils un peu plus souvent, et enfin revoir Danny ainsi que ses parents. Ses parents qui en avaient mit du temps, mais qui étaient parvenu à se relever.
Son père avait passé sa colère dans la taxidermie, se vengeant sur les animaux qu'il empaillait, portant fièrement du cuir de croco sur les épaules. Sa mère, quant à elle, tenait les comptes. Elle avait toujours été douée pour ça.

[****] Janvier 2015 [****]

- « Elle est partie Ray…
La voix de Danny s’efforçait d’être le plus douce possible, compte tenu de la situation. Mais elle voulait surtout dire "tu ne les trouvera pas dans ton tiroirs à chaussette, ou dans le cendrier". Mais rien ne semblait arranger la situation. Son cadet n’était pas sur le point d’éclater, il avait carrément explosé, et ce qu’il craignait c’était la seconde éruption. Sa colère avait toujours été du genre incontrôlable, mais là c’était pire qu’un ouragan. Toute la maison y était passée, heureusement qu’elle n’était que de plein pied. Il avait retourné tous les meubles, éventré coussin et matelas, tout y était vraiment passé, absolument tout. Encore heureux qu’il n’était pas tombé sur une arme. Sa voix portait déjà assez dans la rue par la fenêtre qu’il avait fracassée, pour ne pas lui permettre de transformer les murs en gruyère.
Son regard bleu acier se leva vers lui, le transperçant comme si ça avait été deux poignards. Ce regard lui avait toujours collé des sueurs froides. Ce regard qu’il lui avait toujours connus. Ce regard où dansait la flamme de la bête qu’il était. S’il n’avait pas été son frère, son doute qu’il l’aurait tué sans le moindre remord.
Danny l’avait espéré, en venant le chercher à sa sortie de prison, qu’il soit différent. Souhaitant naïvement que les psy l’ait guérit. Mais il le savait que c’était impossible. Alors il avait souhaité que Suzanna ait put le faire. Elle et Cora…
Il repensa à ce moment, quand il avait enfin franchit les grilles. Jamais il ne l’avait vu sourire comme ça, être aussi impatient de pouvoir enfin les serrer dans ses bras. Sans que personne ne les engueule pour ça. D’ailleurs ça avait aussi étonné ses parents, que Ray soit père avant lui…
Mais Suzanna était partit, quelques jours avant qu’il ne sorte. Et son frère ne comprenait pas pourquoi.
- Tu crois que j’l’ai pas vu ducon ? » Cracha-t-il, ne lâchant rien de son flot d’insulte.
La vraie question c’était pourquoi ? Pourquoi du jour au lendemain elle était partie comme ça. La raison résidait dans l’état où il avait mit la baraque. La raison pour laquelle il avait fait deux et deux mois de plus. Les bleus, les plaies qu’il exposait. Bien sûr il ne cherchait jamais vraiment la bagarre, mais il savait parfaitement bien la finir. Et pas de la meilleure des façons. Si elle était partie c’est parce qu’elle avait fini par avoir peur. Peur de sa violence, peur qu’elle ne se soit accrue en prison, et qu’elle ne finisse par ressortir. Bien qu’avec elle, il était le plus doux des hommes. Même si elle voulait lui faire le cadeau de vivre enfin une vie de famille. Mais sa peur avait été plus forte que son amour pour lui. Alors elle avait prit Cora et elle était partit.
Comment Danny pouvait lui expliquer ça ? Sans que ça ne devienne pire. Ray avait tout sacrifié, et au final il perdait encore tout.
Cependant c’était bien mal le connaitre, de croire qu’il la laisserait lui échapper comme ça. Sans une explication, sans un au revoir…

You are my sunshine, my only sunshine
You make me happy when skies are gray
You'll never know dear, how much I love you
Please don't take my sunshine away…