« Line ?! Caitlin je t’attends depuis près d’une demi-heure !! » Pas de réponse de ma part, j’étais plongée dans mes croquis, un casque sur la tête avec la musique à fond… Bref, concentrée et totalement immergée au sein de ma bulle comme j’avais souvent l’habitude de le faire. Cette fois encore, je m’étais attirée les foudres de ma mère qui s’époumonait pour que je vienne l’accompagner faire des achats. Je détestais ce genre de sortie, mais cette fois-ci je n’allais pas y réchapper, rentrée oblige !! Cet épisode se répétait chaque année, et chaque année, ma mère devait me trainer de force et moi je suivais… prête à abréger le tout pour aller retrouver mes amis dans les recoins de Sydney. L’Australie est un très beau pays et je crois qu’un jour je le visiterai d’Est en Ouest et du Nord au Sud ! Vous avez compris l’idée ?! J’aimerai voyager dès que j’aurai l’occasion de le faire, vivre de mes propres ailes, un peu comme l’a fait ma sœur ainée en s’en allant loin d’ici. Oh ne vous méprenez pas, j’adore Sidney et ma famille aussi… Mon frère Oliver et ma sœur Letha même s’ils étaient insupportables – une fratrie classique rien d’extraordinaire en somme – et mes parents sont de bons parents, mais voilà… Je suis la petite dernière, celle qui doit toujours faire ses preuves pour être prise au sérieux… Lorsque j’ai eu seize ans, un simple exposé a changé ma vie, littéralement parlant j’entends, je ne sais pas comment c’est arrivé, ni ce qui a provoqué ma mutation ou du moins son expression, mais ce jour-là, je me suis téléportée pour la première fois !

C’était pourtant une journée comme les autres qui avait commencée. La jeune Caitlin Fawkes avait trouvé bon de se mettre ses parents à dos en séchant les cours pour la troisième fois cette semaine. Elle était bonne élève pourtant, mais en tant que cadette un peu trop infantilisée par sa famille, la belle avait besoin de reconnaissance et de prouver qu’elle aussi pouvait exister et s’affirmer en tant que personne adulte ! « M^elle Fawkes, je veux votre devoir sur mon bureau demain sans quoi je serais dans l’obligation d’invalider votre année dans le meilleur des cas… Vous avez dépassé les limites Caitlin ! C’est le dernier avertissement. » La jeune fille avait acquiescé, son but n’était pas de se faire virer non plus, juste… de se faire remarquer et elle avait réussi. Après un joli sermon et quelques cris au-dessus des autres, la jeune Caitlin s’en était allée, ne manquant pas de claquer la porte comme à l’accoutumée. Elle passerait la nuit sur ce fichu devoir, seulement un évènement peu commun avait eu lieu. Plongée dans ses recherches, Caitlin s’était surprise à rêver un instant, et soudainement elle s’était sentie happée par une force presque surnaturelle. Son estomac n’avait pas manqué de se retourner et la sensation de vertige qui l’avait prise en découvrant l’endroit où elle se trouvait n’avait pas amélioré la chose. Au sommet de l’Empire State Building en un claquement de doigts, son cœur s’était emballé, non d’excitation mais de peur et d’angoisse tant le vide la paralysait ! Elle était là perchée, à quelques trois cents mètres du sol, le vent lui glaçant le sang. Il lui avait fallu un temps pour se reprendre, et finalement elle avait posé le pied sur le sol américain, tétanisée et complètement perdue sur le comment du pourquoi elle était arrivée ici. Caitlin avait fini par comprendre, c’était insensé, c’était impossible… Elle avait tenté de revenir chez elle, se concentrant mais elle n’avait jamais réussi à le faire, ni ce jour, ni ceux qui avaient suivi !



Se forgeant au fil des mois passés dans la rue, la jeune fille s’était endurcie, se prenant des coups et en rendant également ! Son caractère s’était affirmé, de petite adolescente, Caitlin était passé au stade jeune adulte en peu de temps, forcée de se prendre en main. Elle avait passé des nuits à squatter des vieux entrepôts, parfois il lui arrivait de trouver une nuit en foyer, mais elle ne s’y sentait jamais à sa place, alors elle repartait toujours, enchainant les p’tits boulots pour avoir de quoi survivre sans avoir à dépendre des autres.  Cela faisait maintenant deux ans qu’elle vivait de rien, devenant un poil sauvage par la force des choses. Elle était devenue plus  mordante, plus violente dans ses mots et ses gestes, n’appréciant pas particulièrement qu’on marche sur ses plates-bandes. Elle était une fille des rues, prête à coller une droite à quiconque s’approchait d’un peu trop près de son espace vital ! C’est ce moment qu’avait choisi Ethan Bates pour entrer dans sa vie. Il l’avait apprivoisée, au fil des jours et finalement la jeune femme avait fini par accepter son aide et il l’avait sortie de la rue. Les premiers mois, la belle avait eu du mal à s’adapter, retrouver des habitudes plus classiques dirons-nous. Le sevrage n’avait pas été simple, mais avec le soutien d’Ethan elle avait tourné la page sur cet épisode calamiteux de son existence. Ils étaient restés quatre années ensemble, elle avait même changé de nom pour prendre le sien, tout un symbole pour la jeune femme qui n’était pas vraiment du genre engagement sur le long terme. Difficilement domptable pourtant, il avait appris à faire avec ses excès de colère, ses coups de gueule plus ou moins violents, réussissant bien souvent à la ramener sur terre lorsqu’elle manquait de tout exploser dans l’appartement lorsqu’une contrariété la poussait à bout et croyez-moi, un rien est susceptible de la faire exploser. La belle s’en trouva fortement blessée lorsqu’Ethan ne donna plus le moindre signe de vie. Ça n’était pourtant pas son genre de disparaitre sans laisser de trace, pas le moindre mot dans l’appartement, ses affaires étaient toujours là comme s’il s’était volatilisé. Lorsqu’elle avait réalisé qu’il ne reviendrait pas, ses vieux démons étaient revenus la hanter, comme une piqure de rappel pour lui rappeler ses années de galère, mais elle n’avait pas sombré. Plus forte que quatre années auparavant, elle avait su prendre sa vie en main comme Ethan avait commencé à lui montrer et avec l’argent qu’il lui avait laissé, la jeune Australienne avait repris des études d’architecture. Durant ces quatre années auprès d’Ethan, sa mutation s’était fait oublier, comme si son esprit en partie apaisé avait accepté de refouler cet aspect de sa personnalité dont elle avait honte. Elle avait pu contrôler cette aberration sans jamais qu’il ne s’en aperçoive, une victoire pour la belle.


« Oliver, je sais de quoi sont capables ses monstres… Crois-moi quand je te dis que je le sais, c’est que j’en suis consciente ! Je n’ai pas de preuves, mais je suis persuadée que si Ethan a disparu c’est à cause d’une de ces choses ! Mais j’ai du mal à voir ce qu’on peut faire ! » Ils s’étaient retrouvé quelques mois plus tôt, Oliver n’était plus l’ado insupportable qu’il avait pu être et s’il avait cherché un temps à comprendre le pourquoi de sa disparition, il avait facilement cru à ses histoires de fugues et pour cause, avant de disparaitre, elle avait enchainé les conneries, les prises de tête. Caitlin n’avait jamais évoqué sa mutation comme étant une explication, Oliver ne savait pas, personne ne savait et c’était très bien ainsi, d’autant qu’entre temps, lui était devenu un chasseur expérimenté. Il lui avait confié cela lorsqu’ils s’étaient revus, lui avait même proposé de rejoindre leur groupe quand il avait compris son aversion pour ces mutants, mais trop incertaine quant au contrôle qu’elle pouvait avoir sur sa propre mutation, elle avait refusé, se disant pourtant qu’elle aurait sa place parmi cette communauté. Mais c’était prendre le risque de se faire chasser à son tour et ça n’était pas envisageable pour le moment.

« J’ai apporté de quoi tenir toute la soirée, j’espère que tu t’es reposé parce qu’on a deux saisons à rattraper et crois-moi je suis une machine pour ce qui est de tenir un marathon série ! » Il n’y avait pas eu la moindre réponse provenant de l’appartement, juste un silence oppressant en guise de réponse et un chaos régnant dès la porte d’entrée. « Oliver ?! » Il y avait eu un râle provenant de la salle de bain, un appel à l’aide peut-être qui lui avait glacé le sang car c’était la voix de son frère. Le spectacle était macabre, du sang, des plaies bien trop imposantes pour être naturelles. La jeune Australienne s’était effondrée près de son frère, lui apportant l’aide qu’elle pouvait. « Cait’ ils sont encore là… Tire-toi ! » Sa voix était entrecoupée de soubresaut et de gargouillis angoissants, s’il disait vrai alors il lui restait une chance de faire payer à ces choses. « Ca va aller frangin, accroche-toi ! » Une idée lui avait traversé l’esprit en le voyant, mais elle se refusait d’y penser plus longtemps car il y avait eu des bruits émanant du salon, Oliver avait raison, ses enfoirés étaient toujours présents, mais pourquoi ?! Caitlin avait tenté d’agir, mais sans entrainement, il n’y avait eu que la surprise pour seul avantage. Sur un coup de tête, elle avait tenté de tuer son agresseur, mais bien vite, elle avait été maitrisée, se prenant un coup de griffes qui ne manqua pas de lui lacérer le bras. Consciente de son infériorité face à la chose, elle avait vite renoncé, pestant contre cette faiblesse misérable pour rejoindre Oliver qui mourrait à petit feu. « T’es cinglée Cait’ ! » « Me juge pas trop vite Oli’ » Sa main sur son frère, ce qu’elle s’apprêtait à faire lui filer déjà la nausée, mais elle n’avait pas le choix pour les sortir de ce mauvais pas. Ils s’étaient retrouvés devant un bâtiment, l’hôpital de la ville en un rien de temps, cette sensation de se faire happer ne lui avait pas manqué et déjà elle voyait le regard de son frère. Il savait, il avait compris bien sûr… « Je suis désolée ! » Il n’avait rien dit, trop mal en point mais la belle avait lu dans ses yeux, cette incompréhension, cette déception. Oliver n’avait pas survécu à cette attaque, les médecins n’avaient rien pu faire pour le sauver et de ce jour, sa haine envers les mutants n’en fut que plus décuplée encore !


Elle avait fini par les rejoindre finalement, commençant alors sa formation de chasseuse quelques mois à peine après la mort de son frère, plus déterminée que jamais à prendre sa revanche sur ceux qui lui avait pris ses proches. Elle n’avait pourtant rien d’une guerrière, bien au contraire, mais elle avait une volonté de fer et une pugnacité à toute épreuve. Fière, elle encaissait les coups, la douleur et se redressait à chaque fois, même lorsqu’elle n’avait plus la moindre force, juste pour ne pas donner raison à leur formateur… Alejandro Velasquez, un type bourré de charisme qui ne les dorlotait pas franchement, les poussant toujours au bout de leur limite. Elle le détestait autant qu’il pouvait l’attirer. Comme le feu ardent, elle avait fini par succomber, se laissant tomber dans ses griffes, se dévoilant assez pour le laisser s’approcher mais gardant précieusement ses secrets les plus inavouables. Le feu et la glace, un cocktail explosif qu’elle avait mis à mal à cause de doutes qui ne faisaient que s’insinuer. Et si lui était un mutant, et si toute son habileté n’était que calomnie ! Lorsqu’elle avait eu vent d’un vaccin, Cait’ n’avait pas hésité, même au stade expérimental et en sachant les risques qu’elle encourrait, l’Australienne s’était injecté ce produit s’infligeant par la même occasion une souffrance sans nom. Son calvaire avait duré des jours interminables. Son sang s’était enflammé, des centaines de lames avaient comme lacéré sa peau et sa voix avait fini par se briser à force d’hurler, mais ça avait pris fin et Caitlin avait refait surface comme si de rien n’était à la différence près que le moindre contact lui paraissait une véritable torture ! Les entrainements étaient devenus un enfer tant sa peau semblait s’enflammer, et elle anticipait déjà le moment où Alejandro poserait la main sur elle. Sauf que la douleur n’avait pas eu lieu, juste l’apaisement d’une caresse salvatrice qui le rendait plus unique encore.

La semaine suivante, elle était pourtant présente lorsqu’on lui avait infligé le NH25. Elle n’avait pas voulu le faire elle-même, mais avait tout de même tenu à être présente, il la remercierait un jour, malgré le calvaire qu’il subissait à l’instant présent. Car il hurlait de douleur, aussi fort et fier qu’il était, il ne pouvait en être autrement, ce feu était trop mordant, ce poison trop invasif pour rester stoïque. Il la détestait, elle le voyait dans son regard et s’il avait pu, il l’aurait tuée de ses mains. Il lui en avait voulu longtemps, une part de lui ne lui pardonnerait certainement jamais son geste. Caitlin n’avait pas cherché à s’excuser non plus, assumant parfaitement son geste. Leur relation avait fini par reprendre, toujours sur le fil car ni l’un ni l’autre n’était capable de baisser sa garde et d’admettre ses fautes. Bornée, violente, agressive, ils étaient en perpétuel combat. Incapable de se passer l’un de l’autre, mais pourtant bourré d’animosité l’un envers l’autre.


Juillet 2015, Radcliff venait de subir un changement majeur, ces aberrations prenaient le pouvoir, des attentats avaient eu lieu à la mairie, des pertes les avait affectés, mais surtout Cait’ prenait conscience que sa famille lui manquait. Depuis la perte d’Oli’, un sentiment de vide l’habitait, elle avait appris que Letha était dans le coin et ce manque fraternel refaisait surface. Elle avait donc fait quelques recherches, tentant de reprendre contact avec elle, mais elle avait été stoppée, se prenant un mur des plus violents. Elle ne comptait plus les attaques qu’elle avait menée contre les mutants, ni combien elle en avait tué sous couvert de nettoyer la ville de toute aberration génétique. Il fallait donc bien qu’un jour le bâton lui revienne en pleine face et c’était début Aout qu’elle s’était retrouvée prise au piège, elle avait pourtant assuré ses arrières comme à chaque fois, tout vérifié par deux fois avant de rentrer dans cet entrepôt désaffecté, elle était attendu de pied ferme. Un groupe l’attendait et si elle avait agi au plus vite comme Alejandro le lui avait appris, la jeune femme se retrouva bien vite submergée par le nombre. Hargneuse, elle n’avait rien lâché, encaissant les coups, les rendant avec rage. Le combat était inégal, elle le savait mais l’admettre était impensable et plutôt crever que d’accepter sa défaite. Elle avait tiré sur l’un d’eux, l’avait abattu sans le moindre remord avant de se sentir faiblir, comme dépossédée de sa vie. Et puis, il y avait eu cette douleur lancinante lorsqu’on avait posé les mains sur sa peau, encerclant son crane comme dans un étau. Puis plus rien, le vide s’était fait lorsqu’une décharge avait traversé son corps, éteignant son esprit en la faisant sombrer. Il n’y avait plus ni douleur, ni conscience, elle s’était juste effondrée sur le sol comme si on l’avait court-circuitée, le coma pour seul refuge si elle venait à survivre.