Graham, c’était un peu la solution de facilité pour Aspen, le niveau avec le tutoriel de la vie : il était exactement tout ce qu’elle savait gérer, une ambiance, un environnement, une façon de vivre et de se comporter. Graham, c’était le luxe, l’opulence, l’excentricité et l’excitation de la vie d’un jeune chasseur. Elle l’avait rencontré lors d’une de ses escapades de sales gosses avec Marius, quand elle avait tout juste vingt ans et que la perspective d’une soirée avec le gratin de la société new yorkaise l’avait séduite au point de sécher un de ses sacro saints cours de statistiques pour sauter dans un avion avec son meilleur ami. Ce soir là, elle avait parié avec Marius qu’il n’arriverait  pas à embrasser une demi douzaine de filles avant minuit. Si il y arrivait, elle accepterait de donner son numéro de teléphone au premier garçon qui le lui demanderait, après minuit. Marius avait gagné son défi haut la main, et Aspe avait eu la chance de croiser le charmant Styne une dizaine de minutes après, qui avait congédié sans aucune politesse le jeune premier qui tentait de charmer la rouquine qui ne masquait même pas son ennui. Elle avait échangé quelques banalités avec le jeune homme de bonne grâce, avant d’accepter de le revoir le lendemain. Après tout elle était célibataire, elle était dispo le lendemain puisque Marius dormirait probablement jusqu’au milieu de l’après midi, alors pourquoi pas ? Elle n’avait rien à perdre, tout à gagner à suivre ce jeune homme au sourire aussi carnassier qu’éclatant. Avec Graham, elle était allée de surprise en surprise, pour son plus grand plaisir : loin de n’être qu’un bellâtre surfriqué, il s’était révélait être d’une intelligence rare teintée d’un peu de sarcasme et d’ironie, avide de la pousser dans ses retranchements. Ils avaient gardé contact après son retour à Boston, et avec le temps, s’étaient découverts un but commun : la chasse. Graham était un des tous premiers chasseurs de son âge que la Wol’ rencontrait en dehors de Radcliff, et il ne fallut pas longtemps pour qu’ils deviennent des partenaires de chasse, rivalisant de créativité et de cruauté à chacune de leurs retrouvailles. Il ne fallut pour autant pas grand-chose pour tout faire basculer.

Depuis qu’elle avait appris pour la mutation de Lorcan, Aspen avait mis le hola sur les chasses sauvages. Elle traquait toujours bien sur, mais elle se faisait plus prudente, plus tatillone : elle avait beaucoup plus de mal à envisager ces derniers jours de s’en prendre à des transmutants inoffensifs, même si l’association de ces deux mots sonnaient encore étrangement à ses oreilles. Cela dit elle avait pris un certain recul avec ses camarades nocturnes, encore plus avec ceux qui exaltaient son instinct de traqueuse sanguinaire. Parmi eux, Graham bien sur. Le jeune homme était un chasseur génial, mais un piètre confident. Or, c’était d’une oreille attentive dont Aspen avait besoin en ce moment. Comme Priam, par exemple. Malgré tout, quand elle avait reçu l’invitation de Graham, elle n’avait pas hésité à accepter : la désinvolture du rentier lui ferait surement le plus grand bien à elle qui surnageait dans les problèmes en ce moment. Elle était passée au Starbuck du coin avant d’arriver au point de leur rencontre, pile à l’heure. Bien sur, Graham était en avance, une qualité qui plaisait à Aspen. Elle l’accueillit avec un sourire et une bise appuyée, avant de lui tendre un des gobelets fumants :

- Cadeau, pour toi. Je crois qu’ils ont massacré ton nom sur le gobelet, mais bon, je crois qu’ils n’embauchent les barristas que si ils sont illettrés.

Elle lui offrit un sourire entendu avant de se faire une place a coté de lui sur le banc de bois, sa boisson entre les mains, levant ses prunelles noisette dans celle du jeune homme :

- Alors, que me vaut le plaisir d’une telle invitation ? Tu t’ennuyais trop dans ta vie d’enfant riche ?

Elle le taquinait, bien sur, surement un peu admirative de le voir capable de se vautrer dans l’oisiveté avec si peu de remords : malgré son potentiel personnel de rentière, elle bossait quand même, et pas qu’un peu. Sa petite fierté personnelle surement.