Je claque la porte derrière moi. Si fort que je m'en écorche les oreilles. J'entends mon père à la cuisine qui demande qui s'est. Mais je ne dis rien et je monte tout de suite à ma chambre. Ma chambre qui est encore parfaitement intacte... comme je l'ai laissée quand j'avais quitté le nid familial il y a deux ans. Mes parents ne l'ont pas touchée. Y'a mes trophées de soccer sur l'étagère, les nombreux livres de photographie aussi. Y'a un tas de pellicules sur le bureau et un vieil album photo aussi. Mais je ne fais pas attention à tout cela, je me jette sur mon ancien lit. Les larmes de rage et d'incompréhension coulent depuis de nombreuses minutes sur mes joues. Je ne veux pas qu'on me voit comme ça. J'en ai assez et je ne sais plus où aller. Marius, il est encore parti, il m'a encore lâchement abandonnée. Je croyais qu'on allait enfin habiter ensemble. Il me l'avait demandé, c'était son idée et maintenant, il faisait brusquement volte-face. Je pleure, sans arriver à me contrôler, avec l'envie de frapper quand quelque chose. Mon ventre rond m'empêche de m'étendre face la première dans le matelas alors je suis obligée de m'étendre sur le dos, le regard rivé sur le plafond. Mais bien vite, la position devient insupportable. Pour mon dos qui me fait mal, pour mes pensées qui vagabondent un peu trop facilement vers des réflexions sombres qui me donnent plus encore envie de pleurer. Je me redresse et attrape le ballon de soccer de mon enfance qui traîne dans un coin. Je me mets à le lancer contre le mur pour le rattraper et ainsi de suite. Toc. Toc. Toc. Le son qu'il fait contre le bois a au moins le mérite de m'apaiser un peu. Juste un peu. Car à l'intérieur, j'ai envie de craquer. D'exploser. Mais je sais que ce n'est pas une bonne chose. Que je ne dois pas me ronger les sangs comme ça. Pour le bébé... Bientôt, la porte de la chambre s'ouvre timidement alors que j’aperçois ma mère qui jette un coup d'oeil. Quand elle me voit, elle doit se rendre compte que je suis dans un état pitoyable car je vois la pitié et la tristesse voiler son regard bien plus que réaliser que ce n'est que moi et pas un voleur. Elle entre et vient s'étendre sur le lit avec moi, m'arrêtant dans mon lancé de ballon contre le mur en m'attrapant la main doucement. Elle ne dit rien. Les mots sont inutiles, elle sait déjà ce qui se passe. Parce que c'est toujours la même histoire. C'est toujours à cause de lui. J'ai peut-être l'air d'une gamine mais la présence de ma mère réussit à m'apaiser un peu plus encore et les larmes cessent de couleur. Mes yeux s'assèchent... rougis. J'ai un rire nerveux, ironique avant de lever les yeux sur ma mère.

- J'ai vraiment été conne de croire que ce serai différent cette fois...

Elle me regarde tendrement avant de bondir hors du lit, annonçant qu'elle savait ce qui me redonnerait le sourire. Je ne sais pas si c'est possible devant les circonstances mais je ne proteste pas, faisant tourner le ballon entre mes mains le temps que ma mère s'absente quelques instants. Quand elle revient, elle a une barre de chocolat entre les mains en forme de lapin, datant sûrement du Pâques qui vient de passer. Je rigole un peu en la voyant entrer tout sourire. Je délaisse le ballon pour attraper la friandise qu'elle me tend et croque bien vite dedans. Je savais que j'avais bien fait de revenir à la maison. Comme un instinct. Je ne peux pas continuer seule. Pas alors que je suis sur le point d'accoucher. Je baisse les yeux sur mon ventre rond et le caresse un instant avant de reporter mes yeux sur ma mère qui s'est rassise sur le matelas à côté de moi et se colle.

- Tu penses que je peux revenir vivre ici ? Temporairement. Juste le temps de savoir... où je vais.

Sans surprises, elle acquiesce tout de suite, déclarant qu'il était hors de question qu'elle passe les prochaines semaines seule alors qu'elle attend un bébé. Leur petite-fille. Je la remercie et après de longues minutes à discuter de tout et de rien, elle retourne à la cuisine et me laisse seule dans ma chambre. J'attrape mon sac à dos que j'ai laissé tomber en arrivant devant la porte de la chambre et en ressort mon ordinateur portable, ainsi que mon appareil. Je finis par m'endormir quelques heures plus tard devant l'écran lumineux, à la recherche de solution contre les malformations cardiaques. C'est tout ce qui compte pour moi maintenant. Ce bébé. Et rien d'autre. La guerre qui fait rage dehors, j'espère bien aider à la gagner pour les mutants pour que mon enfant ne grandisse pas dans un monde aussi stupide que j'ai pu l'être au départ. J'ai déjà trop perdu... je ne voudrais pas la perdre elle non plus...