i. que pensez-vous du mouvement terroriste des hunters ?
ce sont des meurtriers, de sales meurtriers dégueulasses qui ne méritent rien d'autre que de mourir atrocement. elle les déteste profondément. elle ne croit pas du tout en leur cause et les trouve horrifiant de ne mépriser autant les mutants, qui n'ont souvent rien demandé. elle se demande absolument pourquoi un tel mouvement existe, pourquoi les être humains doivent être aussi cruels. depuis qu'elle a assisté à l'exécution d'un mutant, elle n'arrive pas à croire qu'une telle brutalité puisse exister chez les autres et en ce monde. elle en est déboussolée, attristée, piquée au vif. elle veut qu'ils disparaissent, ou du moins, que leur cause disparaisse.

ii. êtes-vous effrayée par l'apparition des transmutants dans la société ?
au début, elle l'était. comme un peu tout le monde, si on ose se l'avouer. ça lui a fait peur, ou plutôt, ça l'a profondément troublée, elle qui est si logique et qui ne comprends souvent que les chiffres et les lignes de code. que quelque chose d'aussi surnaturel et rocambolesque puisse véritablement existé a été un grand choc pour elle. mais elle s'y habituée, elle a compris, elle a fait beaucoup de recherches, et à présent, elle n'est pas effrayée du tout, même qu'elle est fascinée. elle adore rencontrer les mutants et les considère comme des humains tout comme elle. ils ont leur place dans la société comme tous, et elle les défendra toujours.

iii. avez-vous déjà fréquenté des mutants ?
bien sûr. ça l'a pris quelques années avant qu'elle n'en rencontre, mais maintenant elle en fréquente très régulièrement. la plupart sont des amis, elle les adore et les protège à tout prix. elle aime discuter avec eux, voir comment ils vivent avec leur don, ça la fascine et ça l'impressionne de voir comment certains doivent continuer à vivre normalement avec des mutations très gênantes. depuis quelques semaines particulièrement, elle en fréquente beaucoup et les voit comme sa famille, qu'elle doit défendre et protéger contre les animaux qui veulent les mettre en cage.

iv. que pensez-vous de l'élection récente de thaddeus lancaster à la tête du comté ?
ce lancaster est un menteur, ça elle le sait. c'est un sale égoïste manipulateur qui ne possède aucune humanité. bref, elle le déteste profondément. même avant les événements récents, l'exécution, la manifestation des hunters, ellie voyait cet homme d'un mauvais oeil et ne lui a jamais fait confiance. les mesures prises sont absolument ridicules et elle est convaincue qu'il est nécessaire de toutes les abolir et de rayer le nom de lancaster de la liste électorale. il n'a pas sa place là où il est, ça c'est certain.

UN
“Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu ne vas même plus à l’école.” lui demanda sa tante. Ellie leva les yeux vers la femme qui la regardait avec un mélange d’ennui et d’inquiétude – comme si elle hésitait entre se ficher de ce que sa nièce allait faire ou faire une scène pour l’en empêcher. Elle avait toujours été comme ça, tante Susan. On ne savait jamais trop sur quel pied danser. Elle n’était pas dérangeante, et elle prenait soin d’elle, du moins au minimum. Mais Ellie avait besoin de liberté. Elle avait besoin de sortir au-dehors, là-bas, et de bouger sans se resteindre. Elle stagnait depuis la fin du secondaire, ayant refusé de retourner à l’école. À quoi ça aurait servi ? Elle était douée avec les ordinateurs : c’était ça, son talent, c’était ça, sa voie. Et elle était déjà vraiment, très talentueuse. Pas besoin d’un professeur aux effets soporifiques dans sa vie. Alors elle haussa les épaules, grattant un bout de vernis à ongle de son index, faisant casser l’encre noir pour aller s’écoucher sur la table de bois. Ellie balaya le petit morceau de vernis d’un geste impatient. “Je vais réparer des ordinateurs. Je suis douée là-dedans.” Elle jeta un regard très rapide à sa tante, qui l’observait toujours de la même manière. Puis, après un moment, elle soupira. “Très bien, fais ce que tu veux. Si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver.” La question était réglée. Ellie se leva d’un bond et disparut au bout du couloir, se mettant déjà en tête de faire des boîtes même avant d’avoir trouvé un appartement. Elle ne savait pas où elle s’en allait, là était la vérité. Elle était perdue dans les ruines de son adolescence, poussée à l’âge adulte par son désir d’indépendance. Ce serait difficile, pas de toute. Et honnêtement, elle n’était même pas enthousiaste à l’idée de partir. Elle ne pouvait même pas quitter Radcliff. Cette pensée à elle seule suffisait à la déprimer. Petite, elle avait rêvée aux grands immeubles de Chicago, à la folie de New York. Elle avait rêvée qu’à sa majorité, elle partirait à l’aventure, elle partirait vers les contrées lointaines que pouvait lui offrir le monde. Elle n’avait pas prévu que sa mère tomberait malade quelques mois après la mort de son père. Ce genre de nouvelles nous frappe comme une vague puissante et cinglante. Elle n’avait que neuf ans qu’elle savait qu’elle devrait s’occuper de sa mère jusqu’à sa mort. Combien de temps cela serait-il, elle ne pouvait pas le savoir, même les médecins n’en avait aucune idée. Elle devrait déjà être morte, avaient-ils dit à sa tante. Dix ans plus tard, elle était toujours à l’hôpital, s’accrochant à quelques parcelles de vie. Et Ellie était là, toujours, pour toujours.

Elle trouva un appartement deux jours plus tard, un petit chez-soi à une minuscule cuisine, une minuscule salle de bain et une minuscule chambre. Mais c’était mieux que rien. Un nouveau départ, peut-être. Ou simplement la continuité des choses. Ellie soupira. Elle avait dix-neuf ans.

DEUX
Elle rentrait du boulot. Ce qui était chouette dans ce boulot, c’était que chaque trajectoire était différente. Elle n’allait jamais au même endroit, ou presque. C’était toujours une nouvelle maison, un nouveau client, une nouvelle odeur, une nouvelle ambiance de travail. Les choses étaient dynamiques, elles bougeaient, sans cesse, sans s’arrêter, et ça plaisait bien à Ellie. Elle détestait la stabilitié et la routine. C’était parfait. Elle avait choisi son emploi idéal sans même y réfléchir. C’était comme ça pour Ellie. Elle décidait, elle agissait. Si ça ne faisait pas, elle changeait. Pas de temps pour se casser la tête avec quoi que ce soit. Elle rentrait donc du boulot, son sac rempli de ses outils lourd sur son épaule droite, lâchement déposé, sans aucune considération pour la santé des muscles de son dos. Elle marmonnait les paroles d’une chanson populaire, ses cheveux fraîchement coupés balayant doucement au vent. Ce serait un bon week-end, sans doute; elle avait rendez-vous avec le beau gosse du magasin de jeux vidéos dans un bon restaurant, et elle avait une saison de Friends qui l’attendait dans son DVD. Oui, certainement, rien ne pourrait rendre ce week-end désagrable.

Jusqu’à ce qu’elle entende les cris.

Ils n’étaient pas forts, et clairs, ils étaient étouffés, comme si quelqu’un criait à travers une fenêtre, comme si quelqu’un criait au travers d’une main plaquée sur sa bouche. Ellie se paralysa sur sa place, ses yeux se tournant inévitablement vers la ruelle d’où était provenu le son. Il était presque onze heures. Elle avait marché lentement, très lentement. La maison de son client était loin de chez elle. Elle avait stagnée. Et voilà qu’elle se retrouvait seule dans les rues de Radcliff, qui n’était apparemment plus une ville très sûre depuis quelques temps. Elle se maudit pendant une fraction de seconde, avant de reporter son attention sur les cris, qui continuaient sans relâche. Pendant une seconde, ils se firent plus forts, comme si on avait relâché la personne, mais ça cessa aussi rapidement que ça avait commencé. Le souffle court, Ellie hésita. Devait-elle accélérer le pas et juste s’enfuir, ou tenter d’aider la personne, peu importe qui elle était ? Elle savait que la dernière option n’était pas prudente. Radcliff était rempli de chasseurs, et de mutants se faisant chasser, et s’en mêler n’était certainement pas une bonne idée. Mais si jamais c’était tout autre chose ? Elle ne pouvait tout simplement pas rien faire, et juste partir. Elle décida donc de simplement s’approcher, de jeter un coup d’oeil, et d’ensuite juger. Elle se remercia d’avoir enfilé une paire de converses ce matin là, et s’approcha tranquillement du tournant vers la ruelle. Elle longea le mur, tentant de faire le moins de bruit possible, mais son sac contenait toutes sortes d’outils qui faisaient un espèce de cliquement à chacun de ses pas. Elle espéra qu’elle seule pouvait l’entendre, et se tordit le cou pour tenter d’aperçevoir ce qui se passait dans la ruelle.

Elle n’aima pas ce qu’elle vit.

Elle venait à peine de poser les yeux sur le jeune homme en pleurs qu’un de ses assailleurs – ils étaient trois, elle compta, sorte un revolver et ne le pointe sur lui. Le jeune homme paraissait à bout de souffle, couvert de sueur, comme s’il avait courru… comme s’il avait essayé de s’enfuir. Ellie paralysa à la vue du revolver. Les assailleurs, tous habillés de noirs, ne pouvaient être rien d’autre que des chasseurs. Et puis, de nulle part, une balle quitta le canon du revolver, et s’enfonça brutalement, sans un bruit, dans le crâne du jeune homme. Ellie ne cria même pas. Ses poumons se vidèrent de son air, et elle vira sur ses talons, s’enfuyant aussi vite qu’elle le pouvait, la gorge en feu.

TROIS
Elle avait réécrit à Sheldon Smith le lendemain matin. Elle avait reçu son email quelques jours auparavant, lui proposant un job pour aider la cause mutante de par ses talents exceptionnels. Ellie avait bien hésité, ne sachant pas trop si elle voulait embarquer dans toute cette histoire. Mais après ce qu’elle avait vu, après ça, elle ne pouvait pas dire non. Elle ne voulait pas dire non. Elle voulait se battre, pour que plus jamais des exécutions aussi brutales, aussi froides, aussi horribles, se reproduisent. Elle ne connaissait pas le jeune homme qu’elle avait aperçu. Une fois qu’elle eut accès aux dossiers que possédait Mr Smith, elle tenta de le trouver. Elle le trouva. S’informa sur lui. Sans grande surprise, il ne méritait pas ce qui lui était arrivé.

Cela faisait trois semaines qu’elle travaillait pour UPRISING. En tant qu’hackeuse professionnelle. Elle aimait bien ce titre, ça faisait officiel, ça faisait puissant. Même si elle ne faisait pas grand-chose pour l’instant, s’assurant seulement de rester intraçable et de publier les messages des militants sur le blog rebelle, elle savait que le plus gros restait à venir. Mr Smith avait le regard brillant d’idées. Elle admirait cet homme. Il travaillait sans relâche. Et il était dédié, tellement dédié. C’était un modèle de détermination, de courage. Ellie savait qu’elle ne voudrait jamais arrêter de travailler pour lui, de travailler avec lui. Elle avait développé une passion pour la cause mutante en quelques semaines seulement, une passion très prenante et puissante. Elle ne pensait presque qu’à ça, ne faisait presque que ça. Évidemment, ça avait commencé à attirer les soupçons. Évidemment, ça lui attirait des ennuis. Il y en avait un, qui lui tournait autour, comme un faucon, comme un sale vautour. Il avait des doutes sur elle, il l’avait même confronté une fois, l’accusant d’être une dégénérée. Il n’avait pas de preuves, bien sûr, mais son regard brillait de détermination. Mais elle lui avait craché à la figure d’aller voir le résultat de son test, qu’elle avait bien fait, qui était négatif. Il ne lui avait plus addressé un seul mot depuis, mais elle l’aperçevait parfois, la toisant d’un air mauvais. Ça faisait partie du jeu, lui avait dit Mr Smith. Il y avait la partie facile, celle de la défense, celle de la passion. Et il y avait la partie difficile, les souçons, la méfiance. Les règles étaient là, mais il fallait les respecter, une chose avec laquelle Ellie avait toujours eu de la difficulté. Mais pour ça, pour ça elle était prête à faire une exception. Elle faisait partie du jeu. Et elle était plus que prête à le jouer.